Texte intégral
PIERRE DE VILNO
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
PIERRE DE VILNO
Vous n'avez pas trop chaud ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, ici, non, mais je pense qu'effectivement, on traverse à nouveau un épisode de canicule qui va être plus court que le précédent, mais qui va être très intense, en particulier demain, en Ile-de-France, où on va certainement battre des records de températures.
PIERRE DE VILNO
Vous parlez de l'Ile-de-France, 80 départements sont en vigilance orange canicule à l'heure qu'il est, et le défi de la ministre de la Transition écologique, que vous êtes, Elisabeth BORNE, c'est de ménager la chèvre et le chou, en l'occurrence, prendre des mesures sur l'économie de l'eau également.
ELISABETH BORNE
Alors, on a par ailleurs, effectivement, une sécheresse très importante, puisqu'on a 73 départements qui ont déjà pris des mesures de restriction de l'usage de l'eau, c'est évidemment un sujet qui est très compliqué pour beaucoup d'acteurs, je pense en particulier aux…
PIERRE DE VILNO
Eclairez-nous, comment est-ce qu'on fait pour restreindre l'eau, alors que, justement, le comportement par des températures extrêmes voudrait qu'on prenne, oui, deux, trois, quatre douches par jour ?
ELISABETH BORNE
Alors, a priori, c'est d'abord arrêter des usages, on va dire plus simples, notamment éviter de remplir les piscines, et il y a beaucoup de départements où c'est interdit de remplir les piscines, de laver les voitures par exemple, et puis, effectivement, avec cette sécheresse qui s'installe et avec Emmanuelle WARGON, on a réuni hier un comité de suivi hydrologique, on a pu faire le point des mesures qui sont des déjà prises. Ça arrive aussi à des mesures de restriction de l'irrigation, et évidemment, c'est très compliqué pour les agriculteurs, et puis aussi, de la vigilance sur les secteurs industriels qui ont besoin d'eau, sur lesquels, là, aussi, on regarde vraiment très attentivement au jour le jour quel est l'état de la ressource en eau, et quelles sont les mesures qui doivent être prises.
PIERRE DE VILNO
Oui, parce qu'Emmanuelle WARGON a appelé au civisme, j'imagine que vous relayez cet appel. Et elle a dit que ce n'était pas que pendant la période caniculaire, c'est-à-dire qu'il y avait un vrai déficit en eau sur les nappes phréatiques et qu'il fallait suivre ce dossier comme vous le dites au jour le jour !
ELISABETH BORNE
On a, effectivement, depuis le mois de septembre de l'an dernier, un déficit de pluie, et donc effectivement, on espère que les choses vont revenir notamment à l'automne, mais il faut être conscient que les réserves en eau, ce n'est pas simplement, effectivement, comme vous le dites, pendant les périodes de canicule, c'est des usages qu'il va falloir… eh bien, il faut garder de la ressource pour les mois qui viennent, et donc c'est dans ce sens-là qu'on a pu échanger avec tous les acteurs hier, sur la façon dont on va économiser cette ressource pour ne pas être dans une situation encore plus difficile dans les prochains mois.
PIERRE DE VILNO
On peut avoir quelques éléments de cette façon d'économiser les ressources ou est-ce que c'est trop complexe ?
ELISABETH BORNE
Eh bien, je vous dis : il y a déjà les usages, on va dire, plus de confort sur lesquels…
PIERRE DE VILNO
Laver les voitures, remplir les piscines…
ELISABETH BORNE
Voilà, ensuite…
PIERRE DE VILNO
Mais pour les agriculteurs, c'est là que ça commence à devenir inquiétant, on parle de sécheresse, d'ailleurs, on ne parle pas de sécheresse, c'est évident, Didier GUILLAUME, qui était à votre place hier, dans ce studio, est allé voir les agriculteurs, et la situation est extrêmement critique, comment est-ce que vous pouvez dire aujourd'hui aux agriculteurs : eh bien, il va falloir restreindre un peu l'utilisation de l'eau ?
ELISABETH BORNE
Alors, enfin, on n'est pas forcément exactement sur les mêmes sujets, vous savez, les agriculteurs, là, ils souffrent…
PIERRE DE VILNO
Non, mais il faut qu'on soit clair ce matin, c'est pour ça…
ELISABETH BORNE
Oui, oui, on va essayer d'être clair. Ils souffrent d'un manque d'alimentation notamment pour le bétail, c'est pour ça qu'on a autorisé à faucher des jachères, effectivement, ensuite, la question, c'est celle des cultures qui n'ont pas encore été moissonnées, c'est notamment le cas du maïs, sur lequel, effectivement, on a un certain nombre de cultures qui sont irriguées sur lesquelles, on a pris, dans un certain nombre de départements, des mesures de restriction d'irrigation.
PIERRE DE VILNO
Sur un autre sujet, François de RUGY est apparu au 20h de France 2 hier soir, il s'estime blanchi, il va rembourser les trois dîners qui n'entrent pas dans le cadre de ses anciennes fonctions d'après les enquêtes qui ont été faites, est-ce que vous avez pris sa place trop vite ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, en tout cas, je pense que le point qui est important, c'est que les enquêtes qui avaient été demandées par le gouvernement, par l'Assemblée ont été rendues, elles ont permis d'apporter les éclaircissements qui étaient attendus par tous. Effectivement, de montrer que, contrairement à ce qui avait été suggéré ou sous entendu, les travaux ont été faits en respectant la commande publique, et que neuf dîners qui avaient été… les douze dîners qui avaient été pointés étaient en fait des dîners dans un cadre tout à fait professionnel, François de RUGY s'étant engagé effectivement à rembourser les trois autres.
PIERRE DE VILNO
Oui, mais est-ce que vous n'êtes pas arrivée un peu trop vite, et on aurait pu attendre justement les conclusions de ces enquêtes pour qu'il demeure ministre de la Transition écologique ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, c'est son choix, c'est son choix d'avoir démissionné pour pouvoir se défendre, pour retrouver de la sérénité pour lui-même, pour sa famille, qui a aussi été très fortement mise en cause par cette espèce de vague médiatique…
PIERRE DE VILNO
C'était un bashing ?
ELISABETH BORNE
En tout cas, vous voyez, je pense que les résultats de ces enquêtes nous montrent que c'est assez choquant, ces emballements médiatiques où on vous assène des vérités qui ne vous permettent pas, où vous n'avez même pas le temps de dire les vôtres, de poser des faits, ce que font les enquêtes qui ont été rendues, je pense que ça pose vraiment question en termes de méthodes, vous voyez ce temps qui ne laisse pas…
PIERRE DE VILNO
Il y a un problème avec Médiapart ?
ELISABETH BORNE
Je ne vais pas me prononcer sur Médiapart, je dis que…
PIERRE DE VILNO
Pourquoi ?
ELISABETH BORNE
Non, mais… enfin, c'est de façon générale, cette façon effectivement de sortir des informations en ne laissant pas le temps d'établir des faits pose vraiment question.
PIERRE DE VILNO
Votre arrivée à ce ministère, je me permets de vous interroger directement, Elisabeth BORNE, parce que depuis votre arrivée à ce ministère, vous n'êtes pas encore passée par chez nous, vous avez été accueillie, on va dire différemment, vous êtes professionnelle, vous avez été directrice de cabinet de Ségolène ROYAL quand elle était à l'Ecologie, vous connaissez les dossiers, et pourtant, certains vous voient comme ministre pas écologique. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi, je ne sais pas qui est habilité à décerner…
PIERRE DE VILNO
Les Verts, les Verts notamment qui ont dit que vous remettez les camions sur les autoroutes alors qu'on pourrait faire du ferroutage, que vous avez échoué sur la réforme ferroviaire, qu'est-ce que vous leur répondez ?
ELISABETH BORNE
Ah, mais c'est leur point de vue, vous savez, moi, depuis que je suis arrivée à la tête de ce ministère, je pense que, en termes de transport, en termes de transport, les trois quarts de nos investissements vont au ferroviaire, depuis le départ, moi, je me préoccupe de donner des alternatives à la voiture à tous des Français. Sur le fret ferroviaire, on a soutenu et donné de la visibilité sur tout le quinquennat aux aides aux transports combinés, aux autoroutes ferroviaires, donc ces jugements qui sont fondés sur des contrevérités, enfin, voyez, moi, je les prends avec sérénité, les faits sont là…
PIERRE DE VILNO
Avec colère aussi, parce que vous…
ELISABETH BORNE
Avec…
PIERRE DE VILNO
Mais vous avez le droit, c'est humain…
ELISABETH BORNE
Oui, non, non, mais attendez, enfin, voyez, d'avoir des jugements fondés sur des contrevérités, eh bien, je pense que ça pose un peu question, moi, le transport, le fret ferroviaire, évidemment, je le soutiens, on a eu un débat sur un train notamment…
PIERRE DE VILNO
Le Perpignan-Rungis…
ELISABETH BORNE
Entre Perpignan et Rungis, vous savez, si je ne m'étais pas battue, ce train, il s'arrêtait purement et simplement. Et là, moi, j'ai mis tout le monde autour de la table, chacun devant ses responsabilités, et le train, il reprendra dès la saison haute avec une solution transitoire avec les wagons existants, et on va travailler avec tous les acteurs pour pérenniser cette solution ferroviaire.
PIERRE DE VILNO
Vous avez été un peu prise de court sur le dernier décret sur la prime à la conversion, les Français n'ont plus qu'une semaine maintenant à partir d'aujourd'hui pour en bénéficier pour rouler dans un véhicule propre, comment est-ce que vous réagissez à ça ?
ELISABETH BORNE
Alors, il faut quand même revenir, là aussi, aux faits, cette prime à la conversion, c'est un très grand succès, très au-delà de ce qu'on avait imaginé, puisqu'on pensait donner…
PIERRE DE VILNO
220.000 dossiers dès 2019…
ELISABETH BORNE
Oui, vous savez, on avait, au départ, prévu 500.000 primes dans le quinquennat, il y a eu un tel succès avec 300.000 en 2018 qu'on a réévalué l'objectif à un million de primes, et quand on a un tel succès comme celui qu'on a eu notamment depuis le début de l'année, où en six mois, on a eu 250.000 dossiers, donc on s'achemine vers 500.000 sur l'année, eh bien, je pense qu'on peut effectivement, qu'on est légitime à adapter les critères pour être encore plus dans l'objectif de cette prime. L'objectif, il est clair, il est de sortir les véhicules les plus polluants de la circulation et de permettre à tous les Français, y compris les Français les plus modestes, d'acheter un véhicule qui pollue moins, qui consomme moins, qui coûte moins cher, et le dispositif…
PIERRE DE VILNO
Eh bien, non…
ELISABETH BORNE
Pardon ?
PIERRE DE VILNO
Eh bien, non, qui ne coûte pas moins cher, parce que la prime à la conversion, anciennement, celle qui va s'arrêter, là, au mois de juillet, elle permettait notamment d'acheter des véhicules d'occasion, des véhicules diesel, et la nouvelle prime à la conversion, c'est pratiquement uniquement des voitures hybrides et électriques et neuves ?
ELISABETH BORNE
Ah non, mais pas du tout. Elle permet d'acheter des véhicules Crit'Air 1, donc notamment des véhicules essence d'occasion, et je peux vous assurer que, moi, j'ai regardé attentivement les primes qui avaient été données depuis le début du dispositif. Avec ces primes, avec ces Crit'Air 1, vous avez des véhicules qui ne sont pas plus chers que ceux… enfin, on avait grosso modo moitié-moitié de Crit'Air 1 et de Crit'Air 2, les Crit'Air1, les véhicules d'occasion essence, ne sont pas plus chers que les véhicules Crit'Air 2 qui ont été acquis, et vraiment, moi, je peux vous assurer que ma préoccupation c'est qu'on laisse personne sur le bord de la route, que tout le monde puisse passer à un véhicule plus propre, on est aussi en train de travailler sur un dispositif qu'on pourra proposer aux Français qui n'ont pas accès au crédit et qui nous disent : vous êtes bien sympathique, mais là, vous me donnez 5.000 euros pour un véhicule électrique ou 3.000 euros…
PIERRE DE VILNO
Qui sont – il faut le rappeler – qui sont très, très chers, les véhicules électriques, encore aujourd'hui…
ELISABETH BORNE
Oui, oui, absolument, mais, vous voyez, ou 3000 euros pour un véhicule essence d'occasion, mais le véhicule coûte 5.000, comment je fais, on veut travailler, on est en train de le faire, et moi je suis déterminée à ce qu'on trouve une solution pour avoir un dispositif clé en main par exemple avec un microcrédit pour que tout le monde puisse passer à un véhicule plus propre.
PIERRE DE VILNO
Et à l'inverse, vous allez ajuster le bonus-malus avec le malus pour les voitures de luxe qui va encore s'étendre au-delà des 10.000 euros.
ELISABETH BORNE
Le malus, c'est surtout qu'on revoie les seuils, vous savez, on est de plus en plus exigeant, et je trouve que c'est normal…
PIERRE DE VILNO
Sur le grammage…
ELISABETH BORNE
Et dans le même temps, et dans le même temps, de toute façon, les constructeurs ont aussi des obligations au niveau européen qui les amènent aussi à avoir des véhicules, à une gamme de véhicules de plus en plus propres.
PIERRE DE VILNO
Le CETA a été approuvé hier par l'Assemblée nationale, Elisabeth BORNE, mais 61 Marcheurs n'ont pas joué le jeu : 9 contre, 52 abstention, comment est-ce que vous expliquez ça ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, bon, je pense que ce traité donc… le projet de loi a été voté hier, il a été voté à une très large, à 80 % au sein de La République En Marche…
PIERRE DE VILNO
Oui, mais là, il y a une faille quand même…
ELISABETH BORNE
Avec une partie d'abstentions. Bon, c'est un sujet sur lequel il peut y avoir des sensibilités différentes, sur lequel, je pense que c'est important qu'il y ait eu un débat, parce que je voudrais quand même le souligner, jusqu'à présent, ces traités, ils étaient négociés par des gens qu'on ne connaît pas, il n'y avait aucun débat…
PIERRE DE VILNO
C'est qui les gens qu'on ne connaît pas ?
ELISABETH BORNE
Non, mais vous savez, par des négociateurs européens sans qu'il n'y ait aucun débat démocratique, là, on peut le dire que le débat démocratique, il a lieu, il a lieu à l'Assemblée, et donc c'est une bonne chose, donc il a effectivement été voté par notre majorité, je note quand même quelque chose d'un peu paradoxal, vous savez, ce traité, sa négociation a été lancée sous Nicolas SARKOZY il a été signé sous François HOLLANDE, où est la cohérence quand aucun socialiste ne vote ce traité et quasiment aucun républicain ne vote ce traité alors même que quand nous sommes arrivés, nous avons trouvé un traité…
PIERRE DE VILNO
Et là, on vous reproche justement qu'il y a 60 Marcheurs qui n'ont pas joué le jeu…
ELISABETH BORNE
C'est un peu paradoxal, vous savez, on a trouvé un traité qui était, quasi-ficelé…
PIERRE DE VILNO
C'est l'hôpital qui se fiche de la charité…
ELISABETH BORNE
Sur lequel on a voulu changer le contenu, non seulement la méthode, je vous le disais, plus de transparence, plus de démocratie, mais aussi le contenu, on s'est battu pour avoir un veto climatique, et on l'a obtenu. La cohérence, dans ce cas-là…
PIERRE DE VILNO
C'est ce que j'allais vous demander, est-ce que cet accord, contrairement à ce que disent beaucoup de gens, est-ce que cet accord respectera le climat, la biodiversité, les agriculteurs ?
ELISABETH BORNE
Mais je vous le redis, ceux qui l'avaient négocié dans les précédents quinquennats n'avaient rien prévu…
PIERRE DE VILNO
Non, non, mais, ce qu'il y a dans le texte…
ELISABETH BORNE
Nous, on a introduit un veto climatique dont le mécanisme est en cours de mise au point, et c'est ce que porte la France, dans ces traités internationaux, un veto climatique, des vetos sanitaires, le respect de l'accord…
PIERRE DE VILNO
Qui seront respectés ?
ELISABETH BORNE
Le respect de l'accord de Paris…
PIERRE DE VILNO
Avec des garde-fous ?
ELISABETH BORNE
Mais évidemment, alors, ensuite, moi, j'entends dire : ces règles, elles ne sont pas respectées, il n'y a pas de contrôle, mais alors, on peut dire ça de tout aussi, on ne fait plus aucun accord, puisque de toute façon, il ne sera pas respecté, moi, je vous dis : on s'est battu pour ce veto climatique, et évidemment, on continuera à se battre pour que les règles soient respectées.
PIERRE DE VILNO
Un tout petit mot de Greta THUNBERG, vous l'avez écoutée, est-ce que c'est une vraie lanceuse d'alerte pour vous, est-ce que c'est du buzz médiatique ?
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est très important qu'on ait quelqu'un comme Greta qui exprime cette sensibilité de la jeunesse, qu'on a vue aussi en France, qu'on a vue dans toute l'Europe, qui nous dit : attention, la planète que vous préparez, c'est pour nous, et je trouve normal que la jeunesse s'exprime sur l'avenir, nous alerte sur la nécessité de changer nos comportements, parce que cette planète, c'est la nôtre, et ça sera aussi la leur. Donc je pense, très important, et je pense, là aussi, un peu condescendants ceux qui ont voulu boycotter effectivement le discours de Greta THUNBERG.
PIERRE DE VILNO
Merci beaucoup Elisabeth BORNE, d'avoir été avec nous en direct sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 29 juillet 2019