Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la France à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale pour son application à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises (nos 1021, 1366).
Présentation
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes. Le projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation propose l'adhésion de la France à la convention dite « Lugano II », concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en vue de son application à certaines de nos collectivités d'outre-mer.
Je voudrais préciser les enjeux, importants, de ce texte. Depuis les premières réglementations de 1968, l'ordre juridique européen a connu plusieurs évolutions dans le champ de la coopération judiciaire et de la reconnaissance des décisions juridiques entre États membres. La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 organisait déjà la compétence dans l'ordre international des juridictions des États membres de la Communauté européenne, et facilitait la reconnaissance et l'exécution simplifiées des décisions rendues dans d'autres États membres.
L'efficacité de cette convention a conduit à élargir en 1988 la coopération aux États membres de l'AELE – Association européenne de libre-échange –, grâce à une convention parallèle, dite « convention de Lugano I », conclue le 16 septembre 1988 à Lugano, en Suisse.
En 1997, le traité d'Amsterdam a permis de faire de cette coopération judiciaire civile une politique communautaire, et a conduit à transformer la convention de Bruxelles en règlement, dit « règlement Bruxelles I », du 22 décembre 2000 – lui-même objet d'une refonte en 2012.
La convention relative à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dite « convention de Lugano II » – qui nous occupe aujourd'hui –, résulte de l'adaptation de la convention de Lugano I, afin de tenir compte de l'adoption du règlement Bruxelles I. Elle a été signée par la Communauté européenne le 30 octobre 2007, puis ratifiée par l'Union européenne le 18 mai 2009 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2010.
Son champ d'application couvre les litiges en matière civile et commerciale, à l'exclusion des matières fiscales, douanières ou administratives, et prévoit des règles de compétence en matière judiciaire identiques à celles prévues par le règlement Bruxelles I. En revanche, elle contient des dispositions précisant les conditions d'application du principe de reconnaissance mutuelle et d'exequatur simplifié, ce dernier constituant la principale innovation de la convention.
Pour ceux qui ne seraient familiers de ce concept, l'exequatur simplifié permet aux décisions exécutoires rendues par un État lié à la convention d'être mises à exécution dans un autre État partie après y avoir été rendues exécutoires sur requête de toute partie intéressée.
En termes simples, cela signifie qu'une décision d'un État est exécutée dans un autre État dès que n'importe quelle partie le demande. Les pays et territoires d'outre-mer – PTOM, dans le langage bruxellois –, ne sont cependant pas inclus dans ce dispositif de coopération judiciaire. Le règlement Bruxelles I en particulier ne concerne que le territoire métropolitain et les collectivités d'outre-mer ayant le statut de région ultrapériphérique – les RUP –, soit, pour la France, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, La Réunion, la Guyane et Mayotte.
En conséquence, pour ce qui est des règles de coopération judiciaire civile, les territoires dont nous parlons aujourd'hui appliquent toujours la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, alors que celle-ci a été remplacée, pour les États membres, par la convention de Lugano puis de Lugano II.
C'est dans ce contexte que la France souhaite adhérer à la convention de Lugano II. Cette convention pourra s'appliquer à l'ensemble de son territoire – soit non seulement les territoires cités précédemment, mais également la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et les Terres australes et antarctiques françaises. L'objectif de cette adhésion est donc d'harmoniser les règles applicables en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance et d'exécution des décisions de justice sur l'ensemble du territoire français, métropolitain et ultramarin. Cette adhésion facilitera la reconnaissance mutuelle et l'exécution des décisions rendues par les tribunaux nationaux dans ces collectivités d'outre-mer et permettra aux personnes qui y sont domiciliées, quelle que soit leur nationalité, de recourir à la juridiction compétente de la collectivité, ou d'être traduite devant celle-ci.
En outre, cette adhésion offrira une plus grande sécurité et prévisibilité juridiques en cas de litiges civils et commerciaux transfrontaliers entre les États membres de l'Union, les territoires ultramarins et les États membres de l'AELE. Elle permettra, partant, d'encourager leurs relations commerciales. L'adhésion de la France à cette convention contribue ainsi à consolider l'espace de liberté, de sécurité et de justice au fondement du projet européen. Elle permet de l'étendre à des territoires – certes éloignés – où ces dispositions sont très attendues.
Telles sont les principales dispositions de cette convention. Je suis sûre que nous aurons à son propos, dans les minutes qui viennent, un débat fort intéressant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
(…)
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. J'aimerais revenir sur un sujet évoqué par plusieurs orateurs : le statut des régions ultrapériphériques.
Je tiens à rappeler que les PTOM ne sont pas des pays tiers, mais bien des pays associés à l'Union européenne, par le truchement de l'un de ses États membres. Leurs citoyens sont reconnus comme des citoyens de plein droit de l'Union européenne.
S'agissant des RUP, leur statut a été consolidé par le traité de Lisbonne, conclu en 2009. On en dénombre neuf, dont six sont français : la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin. Avec Les Açores, Madère et Les Canaries, ils sont associés à l'un des trois États membres concernés.
L'Union européenne n'abandonne absolument pas les régions ultrapériphériques, notamment en matière financière. Je tiens à préciser ici que 3,4 milliards d'euros de fonds européens ont été dédiés, sur la période 2014-2020, aux six territoires français considérés comme des RUP, ce qui démontre bien que l'Union européenne cherche à soutenir le développement de ces régions très éloignées de nos côtes. Il me semblait important de fournir cette précision.
Par ailleurs, en prévision du prochain budget pour la période allant de 2021 à 2027, mes homologues espagnol et portugais et moi-même menons un dialogue très intense et précis avec la Commission européenne, afin de manifester notre soutien au développement économique, juridique et culturel des RUP et pour que les populations qui y vivent bénéficient de notre solidarité. (M. Frédéric Petit applaudit.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 25 septembre 2019