Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à LCI le 19 mars 2019, sur le maintien de l'ordre face aux manifestations violentes des "Gilets jaunes" et la politique économique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous, mon invité ce matin est le ministre de l'Action et des Comptes publics, bonjour Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, comment faire en sorte que les violences que nous avons connues notamment à Paris samedi dernier ne se reproduisent plus ? Voici la réponse du Premier ministre hier soir.

EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE (FRANCE 2 HIER SOIR)
Le sujet que nous avons constaté c'est un dysfonctionnement dans l'exécution d'une stratégie qui avait été fixée par le gouvernement, j'ai donc pris la décision, avec le président de la République, de procéder au changement du préfet de police.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le limogeage du préfet de police de Paris, ce n'est pas un peu facile, Gérald DARMANIN, ce n'est pas le fusible un peu facile ? J'imagine qu'il avait des instructions du ministre de l'Intérieur et du gouvernement.

GERALD DARMANIN
Eh bien le préfet de police de Paris il est en responsabilité de ce qui se passe à Paris, il a l'ordre public. Monsieur DELPUECH est un grand préfet, qui a bien servi la République, il y avait une certaine façon de faire l'ordre public à Paris, d'ailleurs façon qui a peut-être failli samedi dernier…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il n'a pas respecté les instructions, c'est ça ?

GERALD DARMANIN
Moi je n'en sais rien, je ne suis pas ministre de l'Intérieur ni Premier ministre, le Premier ministre a dit qu'il y avait des ordres qui n'avaient pas été mis en place tel que le gouvernement les avait donnés, je crois évidemment le Premier ministre. Mais, ce que je voudrais dire c'est que les samedis précédents, les 17 samedis précédents, il y avait une façon de maintenir l'ordre public, manifestement samedi dernier il y a eu un échec, il est tout à fait normal qu'il y ait un changement de haut fonctionnaire, ça ne retire rien aux qualités de ce haut fonctionnaire, je connais le préfet LALLEMENT, je sais qu'il a bien servi à Bordeaux, il aura l'occasion de montrer son attachement à la République et à l'ordre public à Paris.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que Christophe CASTANER, le ministre de l'Intérieur, est fragilisé ?

GERALD DARMANIN
Le ministre de l'Intérieur, aujourd'hui il est à son travail, je l'ai vu hier sur LCI, il connaissait ses dossiers, il était volontaire, je crois qu'il a eu des mots très forts, et très durs, comme le Premier ministre d'ailleurs, pour condamner ces violences, et le Premier ministre, hier, a annoncé un certain nombre de mesures extrêmement fortes, attachées au fait que nous allons avoir désormais une loi qui nous permettra d'intervenir, parce que…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
La loi anticasseurs qui est actuellement au Conseil constitutionnel.

GERALD DARMANIN
Exactement. Monsieur CASTANER a été beaucoup attaqué, notamment par une partie des parlementaires, ou de l'opinion publique, pour dire que c'était une loi liberticide, on voit bien que la suppression de la liberté elle doit venir aux ennemis de la liberté en l'occurrence, manifestement, et que si nous avions cette loi, si le ministre de l'Intérieur avait eu cette loi, il n'y aurait peut-être pas eu ces violences samedi dernier. Donc c'est un point important, à la fois les mesures qu'a annoncé le Premier ministre, très fortes, pour éviter cet acte XIX des gilets jaunes, dont personne ne veut, personne ne veut, parce que c'est tout à fait inacceptable, inacceptable pour la population parisienne, inacceptable pour l'image de la France, quelle image donnons-nous aux investisseurs étrangers par exemple…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous ressentez ça déjà, le fait que…

GERALD DARMANIN
Et inacceptable pour les policiers et les gendarmes.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous ressentez déjà à l'étranger que cette image de la France, notamment des investisseurs, est en train de se dégrader fortement ou pas ?

GERALD DARMANIN
Moi je constate que lorsque je reçois des chefs d'entreprise, et singulièrement des investisseurs étrangers, ils nous posent deux types de questions, la stabilité du continent européen, avec les questions du Brexit, de l'Italie, les difficultés que nous pouvons avoir bien sûr, et puis les images qui font le tour du monde, du Fouquet's vandalisé. Vous savez, quand on attaque le Fouquet's, on attaque peut-être un symbole de la richesse à Paris, peut-être que c'est ce qu'ont voulu montrer ces casseurs, mais on attaque surtout l'image de notre pays, de Paris, et avec des touristes qui viennent en moins, c'est beaucoup d'emplois en moins, c'est aussi des investisseurs qui se disent « houlà là, qu'est-ce qui se passe en France et à Paris ? »

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qu'est-ce que vous leur dites aux investisseurs quand ils vous disent « qu'est-ce qui se passe en France et à Paris », vous leur dites quoi ?

GERALD DARMANIN
Eh bien nous leur disons que nous faisons des réformes, que nous ne sommes pas aujourd'hui dans la même configuration, avec Emmanuel MACRON, que sous le quinquennat précédent, que nous baissons les impôts, que nous avons réformé la SNCF…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais sur les violences, vous leur dites quoi, quand ils voient tous les samedis ce qui se passe, comme les Français, qui sont effarés, vous leur dites quoi aux investisseurs ?

GERALD DARMANIN
Eh bien nous leur disons que oui, nous mettrons fin à ces violences, et vous aurez constaté d'ailleurs que, pendant les semaines qui ont suivi le grand débat, il n'y a pas eu ces violences. Samedi dernier, manifestement, le gouvernement l'a dit lui-même, Monsieur NUNEZ l'a dit, il y a eu un échec, il y a eu un échec d'ordre public et un échec, que le gouvernement prend évidemment pour lui, il n'a pas su garantir le maintien de l'ordre, et notamment sur les Champs-Elysées, 90 commerces vandalisés, une femme et des femmes qui ont failli mourir brûlés dans un immeuble, c'est totalement…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Sauvés par les pompiers.

GERALD DARMANIN
Totalement inacceptable. Des policiers et des gendarmes, dont je voudrais saluer le sang-froid, voilà plusieurs samedis de suite, et singulièrement samedi dernier, où ils connaissent des humiliations, ils se font taper dessus, insulter, on voit la façon dont, désormais les vidéos le montrent, avec des matraques, avec des cagoules, avec des pavés, on leur tape dessus alors que ce sont des pères et des mères de famille qui veulent simplement protéger la République et nos concitoyens, je pense que s'il n'y a pas eu de morts du côté des policiers, mais surtout des manifestants, c'est grâce au grand professionnalisme de la police et de la gendarmerie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
L'Etat est-il impuissant, c'est parfois le sentiment que les Français peuvent avoir, est-ce que c'est vrai ?

GERALD DARMANIN
L'Etat n'est pas impuissant, l'Etat se dote, en ce moment, des armes qui permettent effectivement que force reste à la loi, comme l'adage républicain le dit, et nous avons peut-être été un peu trop attentifs, et peut-être un peu trop naïfs, sur le fait que seul le débat allait suffire à aller calmer une partie de population très restreinte, mais qui manifestement n'a pas envie de débattre, et face aux casseurs, face aux tueurs de la République, face à ceux qui veulent violer le droit commun, nous ne pouvons pas continuer à débattre, nous ne pouvons pas continuer sur des plateaux de télévision à discuter avec des représentants, dits des gilets jaunes, qui appellent à l'insurrection populaire…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On ne peut leur parler aux gilets jaunes, à ces gilets jaunes là il ne faut plus leur parler ?

GERALD DARMANIN
Ecoutez, Monsieur CHIRAC, lorsque j'ai eu un éveil politique à 18 ans lorsque j'ai voté à la présidentielle, refusait de débattre avec Monsieur LE PEN, en disant que face à l'extrême droite il n'y avait pas de débat possible, chacun se rappelle de cette phrase. Désormais, face à ceux qui ne condamnent pas très clairement des violences, il n'y a pas de débat possible, il n'y a pas de débat possible, le seul débat désormais c'est la condamnation, et ces personnes doivent être derrière les barreaux.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous appelez les ministres, les élus de La République en marche, à ne plus dialoguer avec des représentants des gilets jaunes sur les plateaux ?

GERALD DARMANIN
Chacun fait ce qu'il souhaite. J'ai constaté que Madame Olivia GREGOIRE a dit ce matin qu'elle avait justement refusé désormais de discuter avec des gens qui ne condamnaient pas clairement ces violences.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Députée LAREM.

GERALD DARMANIN
Mais c'est évident qu'on ne peut pas discuter avec des gens qui ne condamnent pas des violences, qui laissent, qui brûlent des kiosques. Et s'il y avait eu la personne qui touche à peine 1000 euros par mois pour vendre des journaux, courageusement se lève le matin, sans doute habite en banlieue, a des enfants, et j'avais vu ce Monsieur dans ce kiosque, qui avait dit « si j'avais fait ma comptabilité je serais brûlé vif à l'intérieur de ce kiosque », est-ce qu'on peut continuer à discuter avec ces gens comme ça ? Est-ce qu'on peut continuer à discuter avec des gens comme ça ?

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Votre réponse est non ?

GERALD DARMANIN
Non, et ils doivent être derrière les barreaux.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Autre question, vous l'avez évoqué, les conséquences économiques, notamment sur les commerçants, les petites et moyennes entreprises, qu'est-ce que l'Etat peut ou doit faire pour eux ?

GERALD DARMANIN
Nous prenons des mesures extrêmement vives, avec Bruno LE MAIRE, nous étalons évidemment les charges, nous accompagnerons les 90 commerces vandalisés, et puis les commerces qui ont été vandalisés précédemment.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils demandent l'exonération totale de leurs impôts et taxes sur le premier trimestre s'ils ont moins de 30 % de chiffre d'affaires.

GERALD DARMANIN
Mais je sais que Bruno LE MAIRE reçoit aujourd'hui et demain les représentants, la Fédération des assurances. Aujourd'hui la Fédération des assurances a à peu près évalué à 200 millions d'euros les dégâts pour ces personnes, et je sais qu'il les reçoit, qu'il les accompagne, et il verra ce qu'il faudra prendre au mieux, c'est évidemment eux qu'il faut accompagner, chacun de ces commerces, chacun de ces commerçants, et l'Etat doit être à leurs côtés.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Quelles vont être les conséquences sur la croissance de l'économie française, de ces manifestations à répétition, de ces violences, et de l'image sur la France, vous en parliez ?

GERALD DARMANIN
Alors on dit que c'est autour de 0,2 point de croissance, c'est-à-dire à peu près 4 milliards d'euros, c'est d'autant plus déplorable, excusez-moi cette expression, que la croissance française reste très forte. Nous ferons 1,4 % cette année…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mieux que l'Allemagne !

GERALD DARMANIN
Enfin mieux que quasiment tous les pays européens…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça change.

GERALD DARMANIN
Je rappelle que l'Allemagne avait eu beaucoup d'avance dans les années précédentes, donc ne faisons pas cocorico trop rapidement, on a beaucoup à apprendre des Allemands, et j'aimerais être le ministre du Budget allemand qui aujourd'hui a des excédents à distribuer, moi j'ai plutôt des déficits à gérer, mais mieux que l'Allemagne, vous avez raison, je pense que ça montre la qualité de la politique économique que nous menons, courageuse, mieux qu'en Italie, on sera quasiment à 0 %, mieux, si je le crois bien, en Angleterre et en Espagne, et donc c'est dommage. 1,4 % de croissance, on aurait peut-être 0,2, 0,3 de plus, 1,6, 1,7, si jamais il n'y avait pas eu le mouvement des gilets jaunes. Aujourd'hui le mouvement des gilets jaunes il a détruit plus d'emplois, et il a détruit plus de richesses que la plupart de ce que nous avons connu depuis les dix dernières années, des manifestations, des contestations, des crises économiques, c'est quand même un scandale absolu. Aujourd'hui les gens qui ont pris le gilet jaune et qui ont manifesté, qui aujourd'hui dévastent une partie de Paris, de Bordeaux, de Toulouse, ont plus détruit de richesses et d'emplois que les dix dernières années…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous arrivez à chiffre le nombre d'emplois détruits ?

GERALD DARMANIN
Le ministre de l'Intérieur hier a dit, sur votre plateau me semble-t-il, qu'il y avait plus d'emplois détruits qu'il n'y avait eu de manifestants, c'est une certitude.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc ça veut dire…

GERALD DARMANIN
Plusieurs dizaines de milliers d'emplois qui n'ont pas trouvé, manifestement, la création qui aurait dû être la leur, vu la croissance économique que nous aurions dû avoir.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, est-ce qu'on sort du grand débat avec des mesures fortes ? Pas sûr. Ecoutez ce que le président, Emmanuel MACRON, il disait hier soir aux intellectuels qu'il avait réuni.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Au fond, dans ce grand débat, il y a évidemment des choses qui en sortiront, il y a une impatience, d'ailleurs, qui est en train aujourd'hui de pointer son nez en disant on attend les mesures, mais je dirais que ce n'est pas ce qui m'intéresse moi le plus.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah bon, Gérald DARMANIN, il n'y aura des mesures fortes pour sortir du grand débat ?

GERALD DARMANIN
Bon, d'abord le président de la République, en décembre dernier, je voudrais rappeler, a mis 10 milliards d'euros sur la table, on parlait de croissance, c'est 0,5 point de croissance…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'était pour solde de tout compte ?

GERALD DARMANIN
Non, mais enfin ne faisons pas comme si nous avions tous 10 milliards tous les mois, qu'on pourrait distribuer, et qu'il n'y avait de réalité budgétaire, qu'il n'y avait pas de réalité d'un pays qui est très endetté, dont je rappelle que 100% quasiment de notre dette, la moitié appartient en plus à des prêteurs étrangers, donc on a mis fin à la taxe carbone, nous avons défiscalisé les heures supplémentaires, nous avons baissé le taux de la CSG et nous avons fait la prime d'activité pour quasiment 3 milliards d'euros.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comment vous allez financer tout ça d'ailleurs, parenthèse ?

GERALD DARMANIN
Ah voyez, ça c'est formidable, c'est le débat français, on me dit ce n'est pas assez, et puis après, 20 secondes après, on me dit comment vous allez financer tout ça ?

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non, non, je n'ai pas dit que ce n'est pas assez, on va parler des mesures, mais…

GERALD DARMANIN
Nous l'avons financé, nous avons décalé la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les grandes les grandes entreprises. Je propose en ce moment des économies à l'ensemble des ministères, et j'y associe les parlementaires, nous avons la possibilité effectivement de présenter un déficit qui va continuer à baisser, nous essayons d'être raisonnables, malgré les difficultés économiques et sociales.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc, est-ce qu'il y aura des mesures à la fin du grand débat ou pas, parce qu'on a vu que le président hésite là ?

GERALD DARMANIN
Je ne suis pas le président de la République, je crois que le président de la République, en revanche, il a raison de dire que l'argent ne fait pas le bonheur, tout, évidemment il y a des crises identitaires assez fortes, il y a aussi des choses à comprendre, notamment dans la ruralité. Je me rends en Haute-Vienne, en Corrèze et en Creuse cette semaine, longuement, parce que je crois que les élus, et les populations qui sont en ruralité, ont le sentiment parfois justifié, parfois ressenti, mais souvent justifié, d'un abandon, nous devons repenser les services publics, on doit repenser la décentralisation, sans doute, peut-être que le pays est un peu trop centralisé…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc une nouvelle étape de décentralisation peut-être ?

GERALD DARMANIN
En tout cas c'est une possibilité, ce n'est pas qu'une question d'argent, c'est une question d'organisation. Je crois que nous avons une grande déperdition de moyens, que nous ne laissons pas assez la liberté dans les territoires, la liberté individuelle, la liberté des élus locaux, à qui il faut faire confiance davantage. Je crois que le rétablissement de l'ordre public, la maîtrise de notre immigration, le respect de la laïcité, sont des valeurs qui touchent aussi profondément le mal-être français, moi j'en suis absolument persuadé, et puis…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc il n'y aura pas que des mesures économiques, c'est que vous dites ?

GERALD DARMANIN
Et puis il y a des mesures économique et fiscales, après il y a un débat, il y a même un débat au sein de la majorité. Moi ma position est assez claire, aucune augmentation d'impôts pour personne.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, c'est bien que vous disiez ça Gérald DARMANIN, parce qu'il y a 10 jours La République en marche a présenté ses propositions, Stanislas GUERINI. Regardez, vous allez voir que, on a pris les principales propositions, il y a trois propositions de hausses d'impôts, quelque part, il y a d'abord la hausse de l'impôt sur la fortune immobilière, la hausse ou la refonte des droits de succession, la taxation des Français expatriés, on parlera ensuite de l'indexation des petites retraites. Vous êtes d'accord pour ces trois propositions hausses d'impôts ?

GERALD DARMANIN
Moi je ne suis pas pour les hausses d'impôts, j'ai eu l'occasion de le dire à mon ami Stanislas GUERINI. Il y a un débat, une partie de La République en marche présente des propositions, c'est normal, elles sont à écouter, elles peuvent individuellement se comprendre, mais je suis opposé à toute augmentation…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Même la hausse du taux marginal de l'impôt sur le revenu ?

GERALD DARMANIN
Mais qu'est-ce qui se passe lorsque vous augmentez la hausse de l'impôt sur le revenu ? Bon, on peut toujours en discuter, mais aujourd'hui les Français, ceux qui gagnent le plus d'argent, ils sont imposés quasiment à 50% de leur impôt sur le revenu, mais les gens très riches, les gens très très riches, ils ne se font pas payer un salaire. Voyez, le scandale peut-être des gens les plus riches, ceux qui sont dénoncés peut-être pas la Vox populi…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils facturent ou ils ont des honoraires par exemple.

GERALD DARMANIN
Ils se versent des dividendes par exemple, ou ils organisent les choses un peu différemment, donc il faut faire attention de ne pas pénaliser le cadre supérieur de chez RENAULT, qui peut être gagne très bien sa vie, et s'il gagne très bien sa vie c'est peut-être qu'il a fait un certain nombre de choses dans sa vie pour bien gagner sa vie, ou le commerçant, moi je connais des commerçants à Tourcoing qui se lèvent très tôt le matin, qui se couchent très tard le soir, qui travaillent quasiment sans dimanche, qui gagnent de l'argent, qui aimeraient bien transmettre leur patrimoine à leurs enfants, et on va désormais les retaxer une nouvelle fois ? Je ne suis pas sûr que la solution française, ça fait 40 ans qu'on utilise la même…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est intéressant parce que…

GERALD DARMANIN
Juste quelques instants ; que ce soit de nouveau encore plus d'impôts. Moi je pense qu'il faut essayer de baisser les dépenses. Alors, c'est plus dur, c'est plus difficile, évidemment c'est peut-être un petit peu moins rapide, mais je crois qu'il faut surtout regarder comment on baisse les dépenses. Nous sommes le pays d'Europe où nous taxons le plus, nous sommes aussi le pays d'Europe où nous dépensons le plus.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai.

GERALD DARMANIN
Les droits de succession, je ne sais pas si vous le savez, avec la Corée du Sud et le Japon nous sommes le troisième pays qui a les droits de succession les plus élevées du monde, au bout d'un moment vous désespérez Billancourt. Au bout d'un moment, si la taxation est si forte, évidemment vous découragez les gens à rester dans notre pays, c'est d'ailleurs pour ça qu'on a en partie supprimé l'ISF, mais en plus vous découragez les gens à travailler, et moi ce que je souhaite c'est que les gens puissent travailler, redonner la valeur travail au travail qu'ils font, effectivement, et je crois que c'était plutôt ce que souhaitait le président de la République.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc c'est intéressant parce que ce matin le ministre du Budget nous dit non à une hausse d'impôts, y compris la hausse de l'impôt sur le revenu, alors que certains au sein du gouvernement disent « Gérald DARMANIN, lui, il est pour la hausse de l'IR. » C'est faux ?

GERALD DARMANIN
Moi je ne sais pas si j'ai des porte-parole, je serais bien content de les rencontrer, ce qui est certain, je vous donne mon avis personnel, à la fin le président de la République, le Parlement, choisira, et nous appliquerons la politique définie par la majorité bien sûr, mon opinion personnelle, le citoyen Gérald DARMANIN, qui par ailleurs est ministre des Comptes, dit nous sommes le champion d'Europe d'impôts, on va peut-être arrêter là, on va peut-être plutôt regarder comment on les baisse, c'est ce qu'on essaye de faire depuis le début du mandat, nous baissons l'impôt sur les sociétés, nous baissons la taxe d'habitation, nous baissons les impôts comme aucun gouvernement ne l'a fait ces vingt dernières années, nous sommes le gouvernement qui baissons le plus les impôts, et nous sommes le gouvernement qui avons le plus de dépenses dans toute l'Union européenne, peut-être qu'il faut revenir à des choses raisonnables. Vous parliez de l'Allemagne, regardons ce qu'ont fait les Allemands.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Quand est-ce que vous baissez les dépenses de l'Etat, quand est-ce que vous réformez l'Etat ?

GERALD DARMANIN
Mais nous le faisons, nous sommes…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah, pas très vite !

GERALD DARMANIN
Mais non, ça fait 2 ans…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On est encore à 57 % de prélèvements et donc de poids de l'Etat dans l'économie.

GERALD DARMANIN
Monsieur JAKUBYSZYN, je viens de temps en temps sur votre plateau, et la dernière fois vous m'avez interrogé sur les contrats aidés, pourquoi on supprimait les contrats aidés, pourquoi nous faisions une réforme des APL, pourquoi nous faisions une réforme de l'audiovisuel public…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas forcément ce qu'on pense quand on vous pose des questions, c'est une manière d'aller au bout de votre politique.

GERALD DARMANIN
J'entends bien, mais permettez d'avoir ma propre discussion avec vous pour mieux souligner mon argument, qui consiste à dire que depuis 2 ans la SNCF, la réforme de la SNCF, tout le monde l'a oublié, la réforme du travail, très important, la réforme du logement, la réforme de l'audiovisuel public, demain la réforme de la fonction publique, demain la réforme de l'assurance chômage, après-demain la réforme des retraites, ce sont des réformes de baisse de la dépense publique aussi.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors justement, la réforme des retraites, écoutez ce que Agnès BUZYN nous a dit au « Grand jury » dimanche, on l'écoute.

AGNES BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITES ET DE LA SANTE
Un jour je pense que nous serons obligés de travailler plus longtemps, sinon le système par répartition ne pourra pas tenir. Je rappelle que le ratio, c'est-à-dire le nombre d'actifs qui payent les retraites, par rapport au nombre de retraités, ne cesse de diminuer, donc quand il y aura 1 actif pour 2 retraités les cotisations ne suffiront plus.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il va falloir la défendre parce qu'elle va à l'encontre de l'engagement du président de la République de ne pas augmenter l'âge de départ à la retraite. Agnès BUZYN, est-ce qu'elle a raison de dire, en plus de la réforme des retraites, réforme peut-être par points, un système unique, est-ce qu'en plus il faudra allonger l'âge de départ à la retraite ?

GERALD DARMANIN
Mais la proposition d'Agnès BUZYN est très courageuse, elle est très courageuse, et elle s'étudie, elle se regarde. En tout cas ce qui est sûr c'est qu'on ne pourra pas réindexer les retraites, et on peut réindexer les retraites, à condition de trouver des économies ailleurs, on ne pourra pas faire les dépenses que vous évoquez depuis tout à l'heure, et sans doute les Français en attendent, sur les services publics dans les territoires, sans toucher à ce qui est l'essentiel de notre dépense publique, qui est la dépense sociale, qui est composé en très grande partie des retraites, et un peu de l'assurance chômage. Donc, vous ne pouvez pas faire de réforme économique, sociale, du pays, sans faire de réforme des retraites. Alors le président de la République a évoqué, avec Jean-Paul DELEVOYE, qui travaille beaucoup, une réforme par points, elle est très intéressante, elle ne vaut que si le régime des retraites est équilibré, et si par ailleurs, effectivement, nous ne rajoutons pas des dépenses, comme la réindexation que semble vouloir une partie des retraités, sans doute à raison. Eh bien, effectivement, ce dit Madame BUZYN c'est ce qu'ont fait les gouvernements précédents, mais c'est ce qu'ont fait les gouvernements de toute l'Europe. On vit plus longtemps, on doit travailler un peu plus longtemps, c'est-à-dire qu'on demande aux actifs, et non pas aux retraités, de travailler un peu plus longtemps pour financer notre régime des retraites. Alors, ce que propose Madame BUZYN est effectivement très courageux, c'est la ministre en charge de la réforme des retraites, je pense qu'on aura l'occasion d'en discuter bientôt.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça fait deux ministres de poids qui, en 3 jours, effectivement, ouvrent cette piste de l'allongement de la durée du travail et de l'allongement du départ à la retraite. Merci beaucoup Gérald DARMANIN d'avoir été notre invité.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mars 2019