Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour François de RUGY.
FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour.
PATRICK ROGER
On va s'intéresser à ce qui se passe sur les côtes atlantiques avec cette course contre la montre qui a débuté contre la pollution, la marée noire de ce navire italien. Où on en est précisément ce matin ?
FRANÇOIS DE RUGY
Alors, nous sommes dans la phase de mobilisation de moyens très très importants qui vont être déployés pour tenter de pomper ces nappes, parce qu'il y a aujourd'hui plusieurs nappes de fioul, bien sûr par ailleurs nous continuons à surveiller l'évolution de la situation, et donc ce matin les avions de la Marine nationale vont continuer à survoler la zone pour établir s'il y a de nouvelles fuites de pétrole, puisque c'est du pétrole qui remonte depuis l'épave du Grande America qui, je le rappelle, est à 4600 mètres de fond, c'est pour cela que pour l'instant on n'a pas pu encore aller inspecter l'épave, et dès que la météo le permettra, et nous pensons qu'il y a une fenêtre météo, aujourd'hui ou demain, eh bien les opérations de pompage commenceront, et il y a cinq bateaux qui sont mobilisés, ou qui sont en train d'arriver sur la zone du naufrage.
PATRICK ROGER
Dimanche, donc, opérations de pompage, a priori, c'est ça ?
FRANÇOIS DE RUGY
Ça peut commencer aujourd'hui si la météo se calme, parce que le pompage n'est possible que si le vent faiblit et s'il n'y a plus des creux de 4 à 6 mètres comme c'est le cas actuellement. Il faut être bien conscient que cet incendie, qui a donné lieu ensuite au naufrage, tout ça s'est produit dans une tempête, dans une tempête dans le golfe de Gascogne, au mois de mars, et donc ce sont des conditions météo qui sont très très difficiles pour faire du pompage de pétrole. Le pompage de pétrole, à la surface de la mer, ça se fait plutôt par mer calme.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il y a des circonstances aggravantes qui ont entraîné cet accident et ce naufrage ?
FRANÇOIS DE RUGY
L'incendie, nous n'en connaissons pas les causes, il y a une enquête judiciaire qui est actuellement menée, d'ailleurs l'équipage est toujours à Brest, c'est un équipage italien et philippin, italien, roumain et philippin, et cet équipage est actuellement entendu par la justice, par la gendarmerie française, pour le compte du Procureur de la République qui a lancé une enquête.
PATRICK ROGER
Est-ce que les gens sur les côtes, sur le littoral, doivent être inquiets, parce que, à chaque fois, l'Amoco Cadiz, l'Erika, Le Prestige, on avait tendance un peu à minimiser, vous vous souvenez, en fait notamment au moment de l'Erika, et puis après les pollutions ont été quand même assez terribles et les côtes souillées, là, dans ce cas précis, François de RUGY ?
FRANÇOIS DE RUGY
Moi j'ai souhaité justement qu'on ne minimise pas et que l'on fasse la transparence totale, c'est pour ça que dès que nous avons eu connaissance qu'il y avait une nappe de fioul lourd, donc je rappelle ce fioul ce n'est pas un pétrolier qui a coulé, c'est un cargo, mais comme tout bateau il a un carburant, et malheureusement le carburant majoritairement utilisé aujourd'hui c'est encore le fioul lourd, c'est lui qui s'échappe progressivement, sans doute, des soutes du cargo, et j'ai souhaité qu'on fasse la transparence totale, on n'est pas dans le syndrome du nuage de Tchernobyl qui devait, comme par miracle, ne pas survoler la France, évitait la France, moi je dis la vérité aux Français, avec les informations que nous avons. Il y a une nappe de pétrole en mer, elle est à plus de 300 kilomètres des côtes françaises, mais le vent, actuellement, la pousse vers les côtes françaises…
PATRICK ROGER
Gironde et Charente-Maritime, plutôt ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est la zone, mais là aussi il faut être prudent, parce que c'est la zone telle qu'on peut l'imaginer compte tenu du vent dominant d'Ouest actuellement, mais ensuite, si les vents tournent, s'il y a un courant qui prend le relais, on ne peut pas savoir exactement. On fera la transparence tout au long du processus, pour informer, d'abord bien sûr les autorités à terre, notamment les collectivités locales, mais aussi, bien sûr, les Français dans leur ensemble, et sachant que nous faisons tout pour pomper cette nappe, donc pour évidemment limiter l'impact possible qui serait plutôt d'ailleurs, sans doute, de type galettes, boulettes de fioul, qui finiraient par arriver sur nos côtes.
PATRICK ROGER
François de RUGY, vous avez évoqué tout à l'heure, en fait les circonstances, on ne connaît pas tout, il y a une enquête en cours, mais est-ce que l'Europe ne devrait pas encore renforcer davantage les contrôles, la sécurité de ce transport maritime à l'international, tout près en fait de nos côtes, qui sont parfois de véritables autoroutes ?
FRANÇOIS DE RUGY
Il y a énormément de circulation maritime au large de nos côtes, parfois assez près d'ailleurs, en Bretagne. Vous savez, pendant que, d'ailleurs, j'étais à Brest hier pour voir, rencontrer ceux qui vont faire les opérations de pompage, eh bien il y avait un bateau de pêche que l'on avait repris en remorque au large des côtes britanniques, un bateau de pêche français, et la remorque s'est cassée, là aussi dans le mauvais temps. Donc, en permanence, le long de nos côtes, il y a des incidents maritimes, il y a un niveau de sécurité qui est de plus en plus élevé, d'abord parce que les routes maritimes ont été séparées, les flux montants et descendants, comme on dit, dans la Manche, sont très clairement séparés, sont très surveillés, dès que des navires sont à l'arrêt, ou ont des problèmes de manoeuvres, ils sont sommés de se remettre dans le rail, comme on dit. Par ailleurs, les leçons de l'Erika, du Prestige, ont été tirées, là nous en profitons, il y a des moyens de l'Agence européenne de sécurité maritime, deux navires, un qui était basé à Brest et qui est donc parti hier après-midi, un autre basé à Vigo en Espagne, qui est parti également hier après-midi, donc nous profitons…
PATRICK ROGER
… laxisme de l'Europe quoi, en fait !
FRANÇOIS DE RUGY
Sans doute qu'il faudra tirer les leçons de ce qui s'est passé, et voir s'il ne faut pas renforcer les contrôles dans les ports, parce que si les normes sont maintenant élevées, eh bien il y a toujours la question du contrôle.
PATRICK ROGER
Ah oui, le contrôle dans les ports. C'est vrai que c'est assez paradoxal parce que, aujourd'hui, les lycéens protestent, manifestent, pour la protection de la planète, pour sauver en fait le climat, et on voit cet accident qui souille notre environnement, et tout ça, ça pose la question globale de la mondialisation et du transport des marchandises. Mais alors, comment lutter contre ça, parce que c'est un énorme paradoxe ?
FRANÇOIS DE RUGY
D'abord ça pose la question des carburants que nous utilisons dans les navires, et ça a été posé, d'ailleurs, comme question…
PATRICK ROGER
Ah ben oui, parce qu'on pénalise les automobilistes, mais là ils vont se dire « vous avez vu ce qui se passe en mer ! »
FRANÇOIS DE RUGY
Voilà, et donc, vous savez, enfin peut-être que beaucoup d'auditeurs ne le savent pas, mais nous avons engagé, au niveau international, avec l'Organisation maritime internationale, une transformation du transport maritime qui va conduire les cargos à ne plus utiliser ce fioul lourd justement, déjà dans la Manche, il est interdit, parce qu'il émet des polluants, et donc dans les eaux territoriales françaises il est interdit, et d'ailleurs les navires ont souvent une bicarburation entre le gasoil et le fioul lourd, le gasoil pollue moins quand il est à la surface de l'eau parce qu'il se disperse beaucoup plus vite. Et surtout, on va passer au gaz naturel, qui donc évitera ce genre de pollution et de menace.
PATRICK ROGER
Ça c'est pour…
FRANÇOIS DE RUGY
Après, la question du transport maritime international, vous avez raison de la poser, dans ce cargo il y avait par exemple des voitures et des camions, on va dire de seconde main, en tout cas d'occasion, qui allaient être livrés au Maroc, et dont on sait qu'ils sont revendus sur le marché africain, la question se pose de savoir est-ce qu'on autorise toujours ce commerce international, y compris de biens dont nous nous ne voulons plus en Europe, parce que ce sont des voitures ou des camions qui, sans doute ne passent plus…
PATRICK ROGER
Qui vont polluer ailleurs donc !
FRANÇOIS DE RUGY
Voilà, et donc ça ce sont des sujets concrets de mesures, mais est-ce qu'on est prêt à prendre des mesures plus contraignantes sur le commerce international.
PATRICK ROGER
Non, mais une taxation, puisqu'aujourd'hui on parle beaucoup de taxes en permanence, non, des taxes ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais enfin là, en l'occurrence, ce n'est pas une question de taxe, c'est une question de savoir si oui ou non on autorise certains transports internationaux.
PATRICK ROGER
Oui, mais si on taxe davantage l'ensemble des marchandises qui sont transportées à l'international, il y en aura peut-être un petit peu moins, non ?
FRANÇOIS DE RUGY
On peut en tout cas penser que, en effet, on pourrait réguler un peu plus le commerce mondial, en tout cas moi je fais partie de ceux qui sont favorables à la régulation du commerce mondial, et par exemple, il y a un sujet concret, est-ce que oui ou non on met une taxe carbone aux frontières. Moi j'ai rencontré un industriel cette semaine, un sidérurgiste, donc qui fait de l'acier, en France, et il dit si vous voulez qu'on continue à faire de l'acier en France, nous on est d'accord pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, on est conscient qu'on est des gros émetteurs, on est des gros pollueurs, on peut investir pour réduire, mais il faut, à ce moment-là, que l'acier importé, d'Asie notamment, eh bien il ait les mêmes normes, et que s'il n'a pas les mêmes normes il soit taxé aux frontières européennes.
PATRICK ROGER
Taxe carbone aux frontières européennes, ça c'est une idée…
FRANÇOIS DE RUGY
Ça c'est un sujet concret à mettre dans la campagne pour les élections européennes…
PATRICK ROGER
Et dans le grand débat…
FRANÇOIS DE RUGY
Et dans le programme pour la Commission européenne des 5 ans qui viennent.
PATRICK ROGER
A propos de grand débat il y a Michel-Edouard LECLERC qui fait une proposition ce matin dans le journal Le Parisien, il dit « il faudrait supprimer la TVA sur le bio. » Qu'est-ce que vous pensez de cette idée ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, j'ai vu cette proposition, moi je suis plutôt favorable à ce qu'on ait une TVA qui soit en effet modulée selon l'impact écologique des produits, le bio, bien sûr, pour l'alimentation, mais aussi on peut penser à d'autres produits qui sont plus ou moins, justement, polluants dans leur processus de fabrication, et donc pourquoi pas. Après il faut parler vrai aux Français, parce que Monsieur LECLERC il est bien gentil, mais enfin on sait quand même par ailleurs qu'il écrase souvent, avec ses centrales d'achat, les producteurs français, y compris les producteurs bio, et donc si demain les producteurs bio, d'ailleurs subissent le même écrasement que les producteurs traditionnels, ça va être difficile.
PATRICK ROGER
Mais vous êtes plutôt favorable…
FRANÇOIS DE RUGY
Moduler la TVA, oui, mais il faut être…
PATRICK ROGER
Il va falloir le dire à Bercy !
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, et il faut tenir un langage de vérité, parce que sinon on parle en l'air. Si on est uniquement dans, il faut lutter contre la pollution, il faut être gentil, il ne faut pas être méchant, ça, ça ne nous fait pas avancer. Si on dit qu'on baisse la TVA sur les produits bio, est-ce que ça veut dire qu'on est prêt à l'augmenter sur les produits qui eux sont plus polluants ? C'est ça le débat qu'il faudra voir, concrètement, sur la TVA.
PATRICK ROGER
Eh bien il y aura peut-être ce débat abordé lors des débats qui sont prévus dans les lycées cet après-midi, Jean-Michel BLANQUER a organisé ça. Ce n'est pas quand même, un peu, de l'improvisation ? Ça sent le cafouillage, parce qu'il y a une manifestation des lycéens on organise des débats 16h00/ 18h00, ça se prépare ce genre de chose.
FRANÇOIS DE RUGY
Si on n'avait rien fait on aurait dit aussi qu'on était indifférent, qu'on ne voulait pas entendre la voix des lycéens sur le climat, moi je l'entends cette voix, par ailleurs j'ai des enfants, donc je sais aussi ce que c'est, j'ai rencontré avec le président de la République, il y a quelques semaines, Greta THUNBERG, et quelques lycéennes et étudiantes européennes, qui sont mobilisées dans d'autres pays, et c'est une bonne chose qu'il y ait une mobilisation internationale, parce qu'on voit bien que cet enjeu du climat, la baisse des émissions de gaz à effet de serre, c'est vraiment partout, c'est chez nous, il faut le faire, il faut prendre notre part, mais on voit bien que sur la production d'électricité, par exemple, la France a plutôt une production qui émet peu de CO2, alors que nos voisins, Allemands, Polonais, ou d'autres, en ont beaucoup plus, et je ne parle pas des Etats-Unis d'Amérique, qui sont les champions mondiaux des émissions de gaz à effet de serre, et qui malheureusement ont un président qui ne veut rien faire.
PATRICK ROGER
Vous allez rencontrer des lycéens cet après-midi ou pas ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, je vais me rendre dans un lycée de la banlieue parisienne aujourd'hui même.
PATRICK ROGER
Pas à Nantes ?
FRANÇOIS DE RUGY
J'aurais pu, mais…
PATRICK ROGER
Vous aimez toujours Nantes ?
FRANÇOIS DE RUGY
Bien sûr, je ne fais pas de favoritisme…
PATRICK ROGER
On continue de parler de vous.
FRANÇOIS DE RUGY
Voyez, avec ma ville de coeur.
PATRICK ROGER
Les municipales à Nantes, non ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non, j'ai déjà dit, je suis sur une mission lourde qui est celle d'être ministre de la Transition écologique et solidaire, je considère que le président de la République m'a confié cette mission, pour encore 3 ans, jusqu'au bout du mandat, et donc je ne veux pas abandonner cette mission pour une campagne électorale.
PATRICK ROGER
Merci François de RUGY, ministre de la Transition écologique et solidaire, et donc pas candidat, pour l'instant en tout cas, à la mairie de Nantes, il l'a réaffirmé ce matin au micro de Sud Radio, merci d'être venu ce matin sur Sud Radio.
FRANÇOIS DE RUGY
Merci. Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2019