Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à CNews le 18 mars 2019, sur la manifestation violente des "Gilets jaunes" le 16 mars à Paris et la transition écologique.

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Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Média : CNews

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Emmanuelle WARGON. Bonjour.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Samedi, le gouvernement ne s'est donc pas montré à la hauteur, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Premier ministre qui le reconnaît, c‘est un aveu de sa part.

EMMANUELLE WARGON
On a une situation dans laquelle on a déploré beaucoup de violences, beaucoup de dégradations sur les Champs-Elysées, face à cette situation, on se dit : il faut revoir encore la stratégie de maintien de l'ordre jusqu'à ce qu'on arrive à canaliser et arrêter ces violences.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est ce qu'on nous a dit semaine après semaine, et ça n'a rien empêché. On disait : fermeté, et pourtant, ça a continué. Mais cette fois, les leaders des gilets jaunes vous avaient prévenu, ils avaient annoncé les menaces, ils avaient dit : ultimatum, le 16 mars, attaquer Paris, marcher sur Paris. Pourquoi on ne les a pas crus ?

EMMANUELLE WARGON
D'abord, le principal outil juridique, c'est la loi anticasseurs, elle vient d'être adoptée au Sénat, mais elle n'est pas encore entrée en vigueur, du coup, nous avons besoin de ce nouveau texte pour aller plus vite et pour encore améliorer la doctrine du maintien de l'ordre. Après, on savait qu'on aurait plus de monde, mais c'était vraiment difficile d'anticiper la nature des violences qu'on a eu à déplorer, des incendies de bâtiments, des familles qui ont dû être sorties de ces bâtiments en urgence, au risque d'y laisser la vie.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce que vous comprenez l'indignation et l'exaspération des Français et de l'opinion, pas seulement de l'opposition, parce qu'on dit que l'Etat a démontré une double incapacité, il n'a pas su prévenir, et il n'a pas su riposter graduellement ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, je comprends très bien l'émotion, et je la partage évidemment quand on voit les images des Champs-Elysées, après, la doctrine du maintien de l'ordre, c'est une doctrine compliquée dans laquelle nous devons éviter les violences où en fait la police doit garder son calme face à cette violence de plus en plus forte qui se manifeste, pour éviter les débordements, mais après, je voudrais dire qu'on ne peut pas laisser 1.500 personnes, 1.500 casseurs ou 8.000 ou 10.000 manifestants confisquer un exercice de démocratie inédit dans lequel on a 1,5 million de personnes qui ont participé…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est le cas, c'est en train de devenir le cas, mais quand…

EMMANUELLE WARGON
C'est le cas si on le veut, si on l'accepte, mais nous ne l'acceptons pas.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Premier ministre dit : il y a eu des dysfonctionnements, c'est une critique sévère de toute la chaîne et la hiérarchie de l'ordre public, qu'est-ce qu'il peut y avoir comme décision tout à l'heure, à 11h30, du président de la République ?

EMMANUELLE WARGON
C'est normal que le Premier ministre dise : il faut qu'on améliore encore le dispositif, le président de la République le souhaite, il y a une réunion de crise à l'Elysée ce matin…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais, sacré désaveu de ceux qui sont en fonction ?

EMMANUELLE WARGON
Ce n'est pas un désaveu, c'est le constat qu'on est face à des manifestants de plus en plus radicalisés, des manifestants qui souhaitent le pire, des manifestants qui souhaitent aller à l'irréparable…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est quoi l'irréparable ? On peut dire les mots…

EMMANUELLE WARGON
Encore plus de violences, et des violences encore plus graves, encore plus funestes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand on les appelle assassins ou criminels potentiels…

EMMANUELLE WARGON
Vous trouvez normal de brûler un kiosque…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oh, moi, je ne trouve pas normal…

EMMANUELLE WARGON
Vous trouvez normal de brûler une agence bancaire avec des familles qui vivent au-dessus, bien sûr que ce sont des assassins en puissance.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
En puissance. Et dans l'ensemble, est-ce que vous pensez que les réactions sont à la hauteur de ce qu'il faut faire, et est-ce que vous savez qui sont ces casseurs, ce sont des ultra-droite, ultragauche, ultra jaunes, c'est-à-dire des jeunes radicalisés ?

EMMANUELLE WARGON
Mais ça fait des semaines qu'on dit qu'à l'intérieur du mouvement des gilets jaunes, qui sont simplement des citoyens qui veulent que leur voix soit entendue, on trouve des gens qui n'ont plus rien à voir avec ce mouvement, des casseurs, des ultras, quel que soit le côté dont ils viennent, dont le but est simplement la déstabilisation politique par la violence, on le voit…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ce sont des phases de… comment vous les appelez, de guérilla, déjà, d'insurrection, et si on les laisse faire, ça irait plus loin ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois qu'on n'a pas l'intention de les laisser faire, d'où la réunion de ce matin.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le président de la République, dans la cellule de crise samedi soir, quand il est revenu de la montagne a dit et a réclamé des mesures fortes, des mesures fortes, jusqu'ici, ça veut dire qu'elles n'étaient pas fortes, et il a dit lui-même : nous n'y sommes pas, mais c'est qui le pouvoir, c'est vous le pouvoir, c'est vous, le gouvernement, si elles ne sont pas fortes, c'est reconnaître, je ne sais, pas une faute collective personnelle de gouvernance ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois que c'est reconnaître que les samedis précédents, le mouvement s'était plus ou moins calmé, il y avait moins de manifestants, moins de violences, et que face à la résurgence d'une violence d'individus déterminés à tout pour renverser la démocratie, on est en pré-insurrection dans cette zone-là, il faut agir encore plus, la loi arrive, la loi anticasseurs arrive, le président la soumet au Conseil constitutionnel, dès que le Conseil constitutionnel aura donné son avis, elle pourra rentrer en vigueur…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous demandez au Conseil constitutionnel…

EMMANUELLE WARGON
Est-ce qu'il faut encore changer la doctrine ? Peut-être, il faut qu'on soit réactif, et qu'on puisse s'adapter aux circonstances.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va voir ce que l'on peut imaginer de ces mesures. Mais les chefs d'entreprise, les commerçants, les salariés se plaignent, ils disent : cette fois, ça suffit, c'est Benjamin GRIVEAUX qui dit : la France n'en peut plus, c'est vrai. Anne HIDALGO, au nom de Paris, réclame la fin du cauchemar, comment répondre à ces masques noirs et à ces ultra jaunes qui promettent de revenir de plus en plus fort, il y en a un qui s‘appelle Maxime NICOLLE, qui a recommencé cette nuit sur ses réseaux et sa vidéo, revenir plus fort comme ça jusqu'à l'été.

EMMANUELLE WARGON
Il y a trois réponses, Jean-Pierre Elkabbach, il y a une réponse sécuritaire, vous l'avez dit, le président de la République le dit, le Premier ministre aussi, il faut qu'on augmente encore notre capacité à répondre de manière sécuritaire, pour ne pas laisser la rue aux mains de quelques-uns. La deuxième réponse, c'est une réponse pour les commerces, le manque à gagner économique, bien sûr que ça pose des difficultés d'attractivité de la France, évidemment, le ministre de l'Economie et des finances reçoit les acteurs économiques aujourd'hui pour voir quelles réponses apporter…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et demain, il est convoqué les sénateurs…

EMMANUELLE WARGON
Et puis, surtout, pardon, je finis juste, surtout une réponse de fond, parce qu'au-delà de cette agitation, si je peux dire, ou de cette violence de quelques-uns, il y a une question de fond posée sur quel est le modèle économique et social que nous voulons, quelle est la manière de vivre en France que nous voulons, et c'est toute la consultation, tout le débat que nous avons lancés auxquels nous apporterons des réponses, et c'est celle-là la plus importante…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les réponses, elles sont prévues pour la mi-avril, est-ce qu'il ne faut pas accélérer les réponses dans ce climat, ne pas laisser encore traîner, parce qu'on va voir ce qui va se produire à propos…

EMMANUELLE WARGON
Mais on ne peut pas être pris en otage par 1.500 jusqu'au-boutistes qui de toute façon ne se satisferont jamais d'aucune réponse politique qui ressemble à un compromis démocratique, nous avons près d'un million et demi de personnes qui ont participé au grand débat. Leurs propositions, leurs déclarations, les comptes-rendus de réunions, tout ça, ça doit être analysé et restitué, et nous le ferons dans le calme, nous le ferons méthodologiquement, méthodiquement, et nous apporterons la restitution de ce grand débat avant les décisions dans le calendrier prévu. On ne peut pas se laisser voler ce moment de démocratie…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans le calendrier prévu, est-ce qu'il ne peut pas accélérer, parce qu'il y a les réalités, et s'adapter aux réalités, c'est peut-être changer, peut-être modestement, et de quelque temps, le résultat de cette grande consultation…

EMMANUELLE WARGON
Moi, je suis un peu comme vous, j'ai envie de voir les résultats le plus vite possible. Mais nous avons une responsabilité d'honnêteté et d'exhaustivité, et les équipes qui traitent les données, sachant que le grand débat se termine le 15 mars, que nous avons encore eu ce week-end et le week-end prochain des conférences avec des citoyens tirés au sort, nous avons besoin de temps, d'un petit peu de temps pour traiter cette matière, si je vous mettais sur la table aujourd'hui la restitution du grand débat, vous seriez le premier à me dire : mais ce n'est pas sérieux, vous n'avez pas eu le temps de lire tout ça, comment avez-vous analysé les contributions qui sont arrivées il y a deux jours, on a juste besoin de faire le travail proprement…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec des équipes qui y travaillent depuis le début…

EMMANUELLE WARGON
Depuis le début, mais ça vient de s'arrêter…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais revenons à ce qu'attend l'opinion, et je ne parle pas de l'opposition, l'opinion, le Premier ministre va donc, à 11h30, voir le président de la République accompagné des ministres de l'Intérieur, sans doute de la Justice, etc., pour des mesures fortes, qu'est-ce que l'on peut imaginer, l'interdiction de Paris et du coeur des villes, que ce soit de Toulouse, Lyon, Saint-Etienne, Puy-en-Velay, est-ce que l'on peut imaginer l'état d'urgence avec interdiction de manifester, comme dit ce matin l'avocat Jean-Pierre MIGNARD ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois que je vais vous décevoir sur ce point, Jean-Pierre ELKABBACH, parce que je ne suis pas chargée du maintien de l'ordre, et par ailleurs, cette réunion n'a pas encore eu lieu, elle est ce matin, je pense qu'on aura des annonces dans la journée, et c'est bien ça qu'on recherche, on recherche la capacité de maintenir la possibilité de manifester pacifiquement, et en même temps, l'arrêt des violences, c'est ça qui est difficile, et c'est ça, j'espère, que nous allons réussir à réaliser…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et quand on dit changer la doctrine d'action, c'est-à-dire que les forces de sécurité soient plus nombreuses et qu'elles aillent au contact physique, si c'est ça, est-ce qu'il n'y a pas de risque de blesser, de victimes, mais en même temps, c'est peut-être une nécessité ?

EMMANUELLE WARGON
Mais c'est ça toute la question, la question, c'est un usage proportionné des capacités de défense, des moyens d'intervention, sans aller à l'irréparable, sans aller au drame.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on n'est pas loin de l'irréparable si ça continue ?

EMMANUELLE WARGON
Pour l'instant, on n'y est pas.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Défenseur des droits, Jacques TOUBON, s'est manifesté au milieu de la semaine dernière, il demandait l'arrêt de l'usage des LBD, les lanceurs de balles de défense, après ce samedi de feu et de rage destructrice, qu'est-ce que vous dites à Jacques TOUBON ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, ce que je dis, c'est ce week-end, on a eu d'usage des LBD et qu'on ne peut pas dire que ça ait tellement amélioré la situation, donc on voit bien que ce n'est pas ça la question, les LBD, la question, c'est les moyens proportionnés de maintien de l'ordre, et c'est ça qui est difficile, donc si la doctrine d'emploi était tellement facile, très bien…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous lui demandez de s'intéresser à la brutalité des gilets jaunes radicalisés, des masques noirs…

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, la violence, elle est du côté des manifestants.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et si on dit qu'ils s'attaquent aux institutions, au patrimoine de la République, qu'est-ce qu'on fait quand on veut punir les ennemis de la République ?

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, on a eu 200 gardes à vue, 100 qui sont encore en cours, on déferrera toutes les personnes qui ont commis des actes illégaux devant la justice. Il y a une volonté très ferme de la Garde des sceaux, et c'est bien comme ça.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bon, la réponse, vous l'avez dit, qui est attendue du président de la République, elle est économique, sociale et politique, vous, vous avez dit que…

EMMANUELLE WARGON
Et environnementale…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et environnementale, je voulais aller dans la dénomination de votre ministère, vous êtes secrétaire d'Etat etc.… et solidaire, solidaire de qui, de quoi de quels intérêts ?

EMMANUELLE WARGON
Solidaire des plus fragiles, pas solidaire des intérêts, le ministère s'appelle Transition écologique et solidaire, c'était le choix de Nicolas HULOT pour dire : la transition écologique, en fait, c'est un changement de modèle, c'est un changement de modèle de production, il faut produire différemment, de consommation, de répartition des richesses. Et ce changement de modèle, il ne doit pas se faire au détriment des plus pauvres, et c'est ça l'ambition, et je crois que maintenant, c'est l'ambition de tout le gouvernement.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Celui qui a animé avec vous, Sébastien LECORNU, et organisé ces « rencontres » pour le président de la République, Sébastien LECORNU disait qu'il promettait des surprises, à quoi ressemble une surprise, est-ce que c'est un calmant, est-ce que c'est un choc, est-ce que c'est, comme dit Muriel PENICAUD, dans certains cas, un big-bang, à quoi faut-il s'attendre le 15 avril ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, la réponse ne sera pas univoque au grand débat parce que ça n'est pas possible, la réponse elle sera d'abord une vision partagée, enrichie, quelle est la France que nous voulons, dans quel monde nous voulons vivre, vers quel avenir on se projette, et c'est avenir, il doit tenir mieux compte des…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aïe, aïe, aïe, vous croyez que ça va suffire ?

EMMANUELLE WARGON
Non, mais il faut juste que vous me laissiez finir…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Une vision d'ensemble pour la société…

EMMANUELLE WARGON
Oui, mais c'est important parce qu'il faut partager…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
D‘accord, c'est-à-dire qu'on sache où on va, mais on donne du concret, vous, par exemple, qui avez tout écouté pendant tous ces débats, des heures et des heures, est-ce que vous pouvez dire trois ou quatre mesures auxquelles vous tiendriez ou auxquelles vous tenez ?

EMMANUELLE WARGON
Juste, la réponse, une vision, ça ne suffit pas, des mesures concrètes, on en a besoin, et aussi des sujets sur lesquels il faut qu'on rouvre un travail collectif pour arriver jusqu'à un consensus et un compromis, par exemple, et ça a été beaucoup cité, la présence des services publics sur le territoire, comment est-ce qu'on vit aussi bien dans des endroits qui ne sont pas des métropoles, qui sont excentrés des grandes villes…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça se traduit comment concrètement ?

EMMANUELLE WARGON
Peut-être plus de maisons de services publics, peut-être une nouvelle doctrine de positionnement des services publics de l'Etat, probablement une nouvelle décentralisation dans laquelle on trouve une répartition des compétences différentes. Peut-être plus de différenciation sur les territoires, accepter, comme on le fait avec l'Alsace, que les normes, les lois, l'application de ces lois puisse être un peu différente d'un territoire à un autre, donc repenser la France des territoires par exemple. On a aussi beaucoup de sujets sur la transition écologique, par exemple, permettre aux consommateurs de faire des choix plus éclairés avec un développement des circuits courts en alimentation, un développement du bio, peut-être un étiquetage de l'empreinte carbone des produits pour savoir quand vous achetez un produit dans un supermarché d'où il vient et quel est son impact sur la planète, des choses très concrètes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, oui, et vous ne parlez pas de ce qui était la priorité au début, le pouvoir d'achat, c'est-à-dire une meilleure économie avec la lutte contre le chômage et plus d'emplois ?

EMMANUELLE WARGON
La lutte contre le chômage, elle était peu présente dans le débat initial, elle revient, ça a été dit dans pas mal de réunions locales, mais c'est sûr que c'est le travail qui est important, la capacité pour ceux qui n'en ont pas d'en avoir un, et la capacité pour ceux qui ont un de vivre dignement de ce travail…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'il fou, Emmanuelle WARGON, de demander à Bruxelles de sortir la transition écologique des 3 % de Maastricht ?

EMMANUELLE WARGON
La transition écologique, c'est un investissement pour le très long terme, et c'est important qu'on puisse financer cet investissement pour le très long terme, c'est plus d'énergies renouvelables, c'est un modèle agricole qui change, donc on a besoin d'argent, après, on est à 100 % de dette en France par rapport au produit intérieur brut, par rapport à la richesse, donc au-delà des normes de Maastricht, on a une question de savoir quelle est la dette qui est soutenable pour la France, d'où la question d'un budget européen dédié à la transition écologique…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On n'en est pas là…

EMMANUELLE WARGON
On n'en est pas là, mais ça sera proposé par la majorité dans les élections européennes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez dit vous-même, il faut de l'argent, et vous en aurez…

EMMANUELLE WARGON
Oui, il faut de l'argent…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous le demanderez, parce qu'il y a un grand projet ambitieux qui répond à la Marche du siècle, à la Marche verte, qu'on a vue avec succès samedi, mais il faut de l'argent d'où, quel argent ?

EMMANUELLE WARGON
Mais d'abord, cette marche, il faut le dire quand même, parce que tout le monde était focalisé sur les Champs-Elysées, pendant ce temps-là, 50.000 personnes à Paris, plus de 100.000 personnes en France ont manifesté calmement pour l'urgence climatique.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ils vont recommencer…

EMMANUELLE WARGON
Et ils vont recommencer, et c'est bien. Et pour répondre à votre question, oui, il faut de l'argent, de l'argent public français, de l'argent public européen, et aussi de l'argent privé, parce que ce sont les investisseurs aussi qui en orientant l'argent vers l'économie, vers une économie plus verte, qui feront la différence.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais ce qui a frappé, c'est que dans presque toutes les discussions, on entend peu parler de l'Europe. Il n'y a pas eu beaucoup de questions sur les migrants actuels ou à venir, pas sur l'islamisme politique avec peut-être le retour des enfants djihadistes, jamais sur le terrorisme, jamais sur la laïcité ?

EMMANUELLE WARGON
C'était peu dans le grand débat, après, ça ne veut pas dire que ce n'est pas dans les préoccupations des Français, mais ça s'est assez peu exprimé dans le débat.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez grandi dans la politique, vous êtes, on dit, une novice en politique, haute fonctionnaire, qu'est-ce que vous avez appris dans tous ces débats, et c'est ma dernière remarque et question ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, j'ai été très frappée par l'énorme défiance des Français vers la classe dirigeante, pas adressée à moi en tant que personne, mais plutôt adressée à moi en tant que représentante d'un système…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Autrement dit, les représentants de l'Etat, les gouvernants, les opposants…

EMMANUELLE WARGON
Les membres du gouvernement…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Doivent être tout le temps exemplaires…

EMMANUELLE WARGON
Les membres du gouvernement…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est ce que vous dites, il faut qu'ils soient exemplaires…

EMMANUELLE WARGON
Les membres du gouvernement, les membres du Parlement, les hauts fonctionnaires ont d'une certaine manière perdu la confiance des Français dans leur capacité à croire que toute cette équipe cherche à trouver des solutions pour la France, ça, ça passe par beaucoup plus de contacts, et c'était important ces deux mois de contacts, de réunions partout en France, beaucoup plus de transparence, une capacité à renouer ce fil, c'est vraiment important, et ça, ça m'a frappée, je pense que je ne l'avais pas ressenti avant d'entrer au gouvernement à ce point-là.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci Emmanuelle WARGON. A bientôt.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mars 2019