Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
Le président MACRON va recevoir aujourd'hui à l'Elysée les élus des Hauts-de-France, enfin ceux qui ont accepté de venir, parce qu'il y a des absents, notamment les élus de la France Insoumise, du Rassemblement national ou encore Martine AUBRY. On croyait que le grand débat était terminé, or on voit qu'Emmanuel MACRON, lui, joue les prolongations, il sera la semaine prochaine en Bretagne, en Corse. Finalement, à quoi ça sert, pourquoi lui continue-t-il à faire des grands débats, puisque les Français, eux, ne débattent plus ?
SEBASTIEN LECORNU
La question est assez amusante puisque le grand débat est évidemment terminé, au sens où nos concitoyens ne peuvent plus faire de contributions sur la plateforme, n'organisent plus de réunions d'initiative locale, mais le chef de l'Etat s'était engagé à traiter, rencontrer l'ensemble des régions de France, et donc, par définition…
JEFF WITTENBERG
Mais pour débattre.
SEBASTIEN LECORNU
On prend le temps de terminer, et de finir, et je vais vous dire une chose, nous allons continuer de toute façon ces réunions de travail avec les maires, puisque le président l'avait annoncé lors du Congrès des maires, lorsqu'il avait réuni, 2000 collègues qui étaient réunis à l'Elysée pour l'occasion, où il avait annoncé ces réunions de travail, un peu originales, un peu spécifiques sous la Ve République, parce qu'il faut remonter jusqu'au Général DE GAULLE pour avoir ces séances de travail très directes, sans filtre, entre le chef de l'Etat et les maires de France, et donc je vous le dis, à la fin même du grand débat national, même sans grand débat national, on va continuer ces rencontres avec les maires.
JEFF WITTENBERG
Originales, je reprends votre mot, hier il a répondu à des enfants qui lui ont parlé par exemple de harcèlement scolaire, avec des expériences vécues, est-ce que c'est son rôle de chef de l'Etat de répondre à ce genre de problème, est-ce que ce n'est pas plutôt le rôle du directeur de l'école, du chef d'établissement, est-ce qu'il ne fait pas, soyons francs, dans cette affaire, beaucoup de communication aussi ?
SEBASTIEN LECORNU
Ça non, ça je refuse tous les procès d'attention qui ont été faites hier…
JEFF WITTENBERG
Mais sur ce point précis.
SEBASTIEN LECORNU
Sur ce point précis, je vais vous dire une chose, je trouve ça curieux cette société dans laquelle on dénigre la parole de l'enfant, donc quand le chef de l'Etat parle pendant 8 à 9 heures avec des maires on trouve ça « normal » et on salue la prouesse, et lorsque le président de la République passe 1 heure 30 ou 2 heures avec de jeunes enfants, de jeunes Français…
JEFF WITTENBERG
Non, je vous demandais si c'était son rôle.
SEBASTIEN LECORNU
Oui, eh bien je vous réponds, je pense que derrière, que le chef de l'Etat lui-même donne de la place et consacre la parole de l'enfant dans notre société, moi je trouve que c'est une bonne chose. Hier c'était un exercice…
JEFF WITTENBERG
Et il peut répondre à des problèmes spécifiques de harcèlement scolaire ?
SEBASTIEN LECORNU
Je crois que les questions de harcèlement sont des questions qui sont très très difficiles et très dures. Hier, la première question d'un des jeunes enfants était très émouvante, il avait 5 ans, et au contraire je trouve qu'on vient aussi montrer tout ce que l'Etat et les collectivités territoriales peuvent faire sur ce fléau-là, moi je trouve que ça va dans le bon sens. Une fois de plus ne dénigrons pas cette parole, parce qu'elle est fondamentale.
JEFF WITTENBERG
Ce n'était pas le cas en l'occurrence.
SEBASTIEN LECORNU
Je sais bien, mais je le dis parce qu'il peut y avoir un petit mépris, quand même, de ce point de vue, et je pense qu'il faut qu'on fasse attention.
JEFF WITTENBERG
Non, pas du tout en l'occurrence. A l'occasion de ses réponses, en tout cas, le président a dit qu'il souhaitait que le mouvement des gilets jaunes s'arrête, puisqu'on lui a aussi posé des questions là-dessus, on entendait dans le journal qu'il y aura demain, donc, la 20e journée de manifestations. Qu'est-ce que vous espérez, que ce mouvement s'essouffle, puisque, samedi après samedi, malgré les interdictions de manifester, il y a toujours des milliers de Français qui descendent dans la rue pour dire leur colère ?
SEBASTIEN LECORNU
Je crois qu'il y a deux choses, d'ailleurs le président de la République a été assez précis hier, il y a celles et ceux qui manifestent et qui déclarent leur manifestation, et ça, pardon, mais c'est leur droit le plus strict, et je ne suis pas là pour souhaiter que ça s'arrête ou que ça ne s'arrête pas…
JEFF WITTENBERG
Lui oui, par contre…
SEBASTIEN LECORNU
Non, non, hier il a été très précis.
JEFF WITTENBERG
Lui a dit, il souhaite que ça s'arrête.
SEBASTIEN LECORNU
Non, non, il a dit surtout qu'il souhaite que le bazar s'arrête, et d'ailleurs on peut aller plus loin que bazar, ceux qui cassent, ceux qui pillent, ceux qui créent des graves troubles à l'ordre public, ou qui veulent même tuer ou saccager, on a vu ces images il y a plus de 15 jours…
JEFF WITTENBERG
Les autres manifestations peuvent continuer indéfiniment donc ?
SEBASTIEN LECORNU
Le gouvernement, l'exécutif, n'est pas là pour dire si untel ou untel doit arrêter de manifester, dès lors que sa manifestation est déclarée. Après, pour avoir organisé ce grand débat national pendant plus de 2 mois avec Emmanuelle WARGON, pour commencer à préparer un certain nombre de réponses politiques fortes, que le président de la République détaillera aux alentours, bien sûr, du 15 avril, et encore même dans les semaines qui viendront ensuite, il y aura une réponse politique. Donc, manifester c'est bien, mais proposer c'est mieux, et c'est vrai que j'écoute avec beaucoup d'attention celles et ceux qui manifestent le samedi, dans le cadre des manifestations déclarées par définition, j'entends beaucoup de propos contre, j'entends beaucoup de choses qu'on pointe du doigt, je n'entends pas beaucoup de solution ou de propositions concrètes, désormais on est dans le temps de la solution et de la proposition concrète.
JEFF WITTENBERG
Et quand vous entendez Richard FERRAND, c'est un de vos amis…
SEBASTIEN LECORNU
Oui… c'est un de mes amis.
JEFF WITTENBERG
Le président de l'Assemblée nationale, qui dit, je le cite, « que quelle que soit la réponse, elle sera par avance jugée insuffisante », c'est un petit peu décourageant, ce n'est pas nous qui le disons, c'est lui.
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais clairement, les gens qui manifestent parfois le samedi, de toutes les façons nous ne sommes pas là que pour les contenter, le débat est national, national c'est la nation toute entière, on a voulu donner la parole à l'ensemble de la nation française, et désormais il faut avoir une réponse nationale, une réponse pour l'ensemble de la nation.
JEFF WITTENBERG
Qui commencera quand donc, le 8 avril, restitution ?
SEBASTIEN LECORNU
Attendez, c'est très important parce que, si le prisme d'analyse, y compris médiatique, c'est uniquement de savoir ce que 4 ou 5000 personnes pensent chaque samedi, très franchement ce n'est pas ça la démocratie…
JEFF WITTENBERG
Ils sont plus que 4 ou 5000, Monsieur LECORNU !
SEBASTIEN LECORNU
Même s'ils étaient d'ailleurs 10 ou 15.000, ou 30.000, ou 100.000, ou 200.000, la réalité démocratique c'est l'ensemble du pays, avec notamment en plus un cycle électoral qui s'ouvre.
JEFF WITTENBERG
Soutenus par 49 % des Français encore, selon un sondage publié…
SEBASTIEN LECORNU
Mieux que des sondages, il y aura les élections européennes bientôt, mieux que des sondages il y aura des élections municipales bientôt, moi je suis un vrai républicain, un vrai démocrate. Le président de la République il a été élu, le Parlement a été élu, on a imaginé ce débat national, qui est une nouveauté, qui montre bien que ce n'est pas parce qu'on a été élu qu'on a un blanc-seing pendant 5 ans, donc on est là pour apporter des réponses, pour ajuster, à mon avis, les choses, ça c'est une certitude, rien ne sera comme avant, on n'est pas là pour continuer comme si de rien n'était, c'est une absolue évidence, mais là aussi…
JEFF WITTENBERG
Soyons concrets.
SEBASTIEN LECORNU
Sur le concret, allez-y…
JEFF WITTENBERG
Parlons de mesures concrètes. Vous représentez les collectivités territoriales, il y a une mesure qui semble sortir, émaner, de la part des élus notamment, c'est la complexité des fonctions. Est-ce que vous allez, puisque c'est un projet qui est sur la table, fusionner les conseillers régionaux et départementaux, avant 2021, en une sorte de conseiller unique, qui sera le conseiller territorial ?
SEBASTIEN LECORNU
Ça fait partie clairement des propositions qui sortent du grand débat national, d'ailleurs pas que pour les élus, comme vous venez de le dire, tout simplement parce que nos concitoyens sont en attente de proximité. Regardez les grandes régions telles qu'elles ont été faites sous le quinquennat précédent, par définition on donne l'impression d'être éloigné. Quand vous êtes habitant…
JEFF WITTENBERG
Donc, il faut réformer ?
SEBASTIEN LECORNU
Je suis en train de vous répondre. Quand vous êtes habitant dans l'agglomération de Troyes, votre bassin naturel c'est Paris, ce n'est pas Strasbourg. Donc, est-ce qu'il faut revoir le périmètre des grandes régions ? Ça nous semble difficile. Est-ce qu'on peut imaginer un conseiller territorial nouvelle version, pas dans les modalités telles que Nicolas SARKOZY les avait imaginées à l'époque, mais adaptées à ces grandes régions ? Clairement c'est sur la table, et donc moi je veux désormais lancer des concertations et des consultations, avec les associations d'élus, avec les élus, également avec nos concitoyens, parce que ce besoin de proximité il a été clairement et très fortement exprimé dans le cadre du grand débat national.
JEFF WITTENBERG
Mais ça veut dire que des milliers d'élus locaux vont devoir se saborder puisque qui dit fusion de deux fonctions en une, dit forcément des gens qui vont disparaître, il n'y aura pas de réticences là-dessus ?
SEBASTIEN LECORNU
Je suis élu local, et, croyez-moi, ce besoin de proximité je le ressens, on n'est pas là pour défendre une catégorie, une caste ou des avantages, il faut avant tout répondre à ce que nos concitoyens nous demandent, et la proximité ce n'est pas que les collectivités territoriales. On voit comment on a coupé progressivement les préfectures et les sous-préfectures de la population, on voit comment le numérique et la dématérialisation, créent parfois beaucoup de stress et beaucoup d'angoisse dans les territoires ruraux, donc il y a un champ de réponse globale qui doit être apportée sur ces questions.
JEFF WITTENBERG
Il nous reste moins d'1 minute. Un mot du remaniement. Dix ministres, pas un de moins, ont quitté le gouvernement depuis mai 2017, c'est inédit, sous François HOLLANDE, à la même époque, il y a avait eu un départ, sous Nicolas SARKOZY, votre ancien ami, il n'y en avait que trois…
SEBASTIEN LECORNU
C'est toujours mon ami Nicolas SARKOZY.
JEFF WITTENBERG
Toujours votre ami, vous venez de cette famille politique. Comment expliquez-vous cette fuite, en quelque sorte, qui est, je le répète, inédite ?
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais il y a des choix individuels qui ont été faits, je ne reviens pas sur les choix de Gérard COLLOMB ou de Nicolas HULOT, pour prendre peut-être les deux cas les plus emblématiques. Benjamin GRIVEAUX, comme Nathalie LOISEAU…
JEFF WITTENBERG
Il y a toujours de bonnes raisons, mais ça ne révèle pas un problème dans cette équipe ?
SEBASTIEN LECORNU
Le départ de Nathalie LOISEAU c'est au contraire la volonté d'aller porter un projet européen pour défendre les idées de sa famille politique, une famille politique qui n'a pas de sortant au Parlement européen et donc qui doit justement créer les conditions de l'explication et de la pédagogie de notre projet pour l'Europe, très franchement, moi je souhaite bon courage à Nathalie LOISEAU, que je vais soutenir dans le cadre de cette élection européenne.
JEFF WITTENBERG
Vous êtes candidat au poste de porte-parole ?
SEBASTIEN LECORNU
Ah non, vous savez, moi je suis très vieux jeu, donc je considère que dans la Constitution c'est le Premier ministre qui fait des propositions et ce n'est pas les ministres qui viennent sur un plateau de télévision pour…
JEFF WITTENBERG
Ça ne vous intéresse pas ?
SEBASTIEN LECORNU
Je suis bien là où je suis, pour tout vous dire, mais il y a une réalité, c'est que je trouve ça toujours un peu bizarre quand des ministres viennent faire acte de candidature, ou repousser une candidature, sur un plateau de télévision, les institutions c'est fait pour être respectées.
JEFF WITTENBERG
Merci pour cette précision.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 avril 2019