Texte intégral
YVES CALVI
Alba VENTURA, vous recevez ce matin le tout nouveau secrétaire d'Etat aux Transports Jean-Baptiste DJEBBARI.
ALBA VENTURA
Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour Alba VENTURA.
ALBA VENTURA
Pas le temps de souffler. Ça fait trois jours que vous êtes ministre, enfin plus précisément secrétaire d'Etat aux Transports, et vous affrontez votre première crise dans l'aérien. Je précise que vous êtes ancien pilote de ligne. La société AIGLE AZUR, deuxième compagnie française, a été placée en redressement judiciaire. Il n'y a plus d'argent dans cette boîte pour faire tourner la machine. On comprend l'inquiétude des mille cent cinquante salariés. La compagnie a annulé tous ses vols à partir de ce soir. D'abord une question pratique : les passagers qui sont partis, ils ne vont pas pouvoir rentrer, ils sont bloqués. Où ? Combien sont-ils ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord vous avez raison de rappeler les grandes difficultés financières d'AIGLE AZUR. L'Etat agit de quatre façons. D'abord l'Etat a gelé un certain nombre de dettes sociales et fiscales de manière à préserver l'activité le plus longtemps possible pour permettre notamment le rapatriement des passagers et la continuation de l'activité dans l'attente d'un projet de reprise. Ensuite l'Etat, et c'est son rôle quand même principal, s'assure de la sécurité des vols. Il faut que les vols qui sont réalisés puissent être faits en toute sécurité. L'Etat accompagne ou tente de susciter des projets de reprise, et ça on en parlera peut-être un tout petit peu plus tard. Et effectivement, il y a un système d'entraide internationale dès lors qu'une compagnie est en cessation de vol qui fait que les compagnies aériennes peuvent affréter des vols.
ALBA VENTURA
Combien de personnes sont bloquées aujourd'hui ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est plusieurs milliers de personnes qui sont bloquées.
ALBA VENTURA
Deux mille, trois mille ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On n'a pas exactement les chiffres. C'est une situation qui est très évolutive et je vous garantis que depuis hier soir, on suit un peu l'actualité minute par minute. En tout cas, nous discutons avec des compagnies aériennes françaises, avec le groupe AIR FRANCE pour mettre en place les solutions les plus appropriées et qu'aucun passager qui se trouve aujourd'hui hors du territoire français ne se retrouve sans solution. Sans solution pour revenir.
ALBA VENTURA
Dans quels pays sont bloquées ces personnes ? En Algérie, au Mali ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Voilà. Essentiellement les pays du Maghreb, l'Algérie, le Mali et…
ALBA VENTURA
Cette compagnie est spécialiste des liaisons avec l'Algérie notamment.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Elle s'est créée comme ça en 2001 sur le marché algérien, sur le marché du Maghreb et c'est une compagnie qui a développé en quelque sorte une offre populaire pour que les Français d'Algérie, les Algériens viennent en France. Et c'est une compagnie qui a très bien marché jusqu'à il y a deux, trois ans où la compagnie a pris des orientations stratégiques un peu différentes en voulant se diversifier sur le marché brésilien, sur le marché chinois, avec des résultats qui sont aujourd'hui non satisfaisants.
ALBA VENTURA
Là, vous êtes en contact avec d'autres compagnies pour pouvoir rapatrier ces gens-là qui sont bloqués dans différents pays.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors non seulement en contact avec d'autres compagnie mais aussi en contact avec d'autres opérateurs aériens pour voir dans quelle mesure la reprise de l'activité peut s'opérer. Donc soit à une reprise de l'ensemble de l'activité avec un projet de restructuration, soit une reprise un peu plus lointaine avec, on va dire, une reconsolidation du secteur – enfin, c'est un peu technique - mais en scindant les activités long-courrier et moyen-courrier de manière à s'assurer que le maximum d'activité et donc d'emplois est préservé parce que c'est bien de ça que nous parlons. Nous parlons évidemment de mille deux cents emplois.
ALBA VENTURA
Mille deux cents emplois. Cette compagnie, pardon de le dire comme ça, elle a fait n'importe quoi en termes de gestion ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Cette compagnie, elle a pris des orientations stratégiques qui effectivement ne se sont pas avérées payantes entre guillemets. En voulant se diversifier sur le long-courrier, et le long-courrier ça met toujours un peu de temps à devenir rentable entre guillemets, entre deux et trois ans, en ayant une garantie qui est insuffisante. Et puis en faisant le choix de se diversifier sur des lignes qui étaient déjà opérées par d'autres. Je prends en exemple : la compagnie a voulu opérer entre Lyon et Nantes alors qu'elle avait en face d'elle AIR FRANCE et EASYJET. Mais on voit bien qu'avec un avion, elle ne pouvait pas durablement tenir.
ALBA VENTURA
Jean-Baptiste DJEBBARI, c'est à l'Etat de sauver les compagnies privées ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est à l'Etat, en tout cas, de s'assurer que les plans de reprise sont accompagnés, essayer de les susciter et puis ça l'Etat de s'assurer que la sécurité des vols est absolument assurée au bénéfice des passagers. C'est l'essentiel. Et oui, c'est à l'Etat d'accompagner vraiment et de faire en sorte que les passagers qui sont aujourd'hui en difficulté aient une solution et le rôle de l'Etat français, c'est évidemment d'être auprès des citoyens.
ALBA VENTURA
Vous avez les réponses d'AIR FRANCE ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous avons discuté. Je crois qu'il y a une réunion ce matin qui va analyser, évaluer un certain nombre de solutions que pourrait proposer AIR FRANCE et nous continuons minute par minute à discuter avec eux évidemment.
ALBA VENTURA
Jean-Baptiste DJEBBARI, il y a un autre dossier important qui vous attend, c'est la SNCF et notamment la succession de son patron Guillaume PEPY. Votre nom avait circulé d'ailleurs à un moment pour prendre la succession. Vous êtes rapporteur de la réforme de la SNCF. Quel est le profil idéal ? Est-ce que ça doit être quelqu'un d'interne, quelqu'un qui connaît bien la maison ? Patrick JEANTET de RESEAU FERRE DE FRANCE avait dit ici qu'il était candidat. Est-ce que ça doit être quelqu'un d'externe pour redynamiser ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En fait la SNCF, elle est quand même aujourd'hui face à de nombreux défis. Vous savez qu'elle est à la fois en voie d'assainissement financier puisque nous avons repris trente-cinq milliards de dette à la SNCF, qu'il y a l'ouverture à la concurrence et que la SNCF peut évidemment très bien y réussir mais que ça nécessite quelques adaptations.
ALBA VENTURA
Alors qui ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors qui ? Les profils sont… D'abord il y a beaucoup de candidats et c'est très bien.
ALBA VENTURA
Non mais vous, votre candidat préféré c'est qui ? Est-ce que ça peut être une femme ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça peut tout à fait être une femme, ça peut tout à fait être un président et un directeur général.
ALBA VENTURA
Un tandem.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Un tandem. Ça peut tout à fait d'être un homme aussi. Il y a beaucoup de candidats, beaucoup de profils intéressants en interne et en externe et la décision de nomination est maintenant l'histoire de quelques jours.
ALBA VENTURA
Quelques jours ? C'est là avant le week-end ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce n'est pas à ma main directement mais c'est évidemment dans quelques jours.
ALBA VENTURA
Lundi ? Dans quelques jours. Vous allez aujourd'hui faire un premier déplacement avec Guillaume PEPY justement.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument.
ALBA VENTURA
Vous allez à Clermont-Ferrand. Cette ligne du Clermont-Paris où c'est sans arrêt la pagaille. Qu'est-ce que vous allez leur dire aux usagers ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord c'est très similaire à la ligne Paris-Limoges et vous savez que je suis élu à Limoges…
ALBA VENTURA
Exactement. Député de Haute-Vienne.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc c'est un sujet que je connais très bien. Il y a deux sujets principaux sur ces lignes. Le sujet du matériel roulant : c'est un matériel qui a quarante ans, qui est vieux, qui n'est pas satisfaisant, qui n'est pas connecté et qui doit être absolument remplacé. Et là, l'Etat prendra des engagements très fermes, nous allons financer dans la loi Mobilités le renouvellement de l'ensemble des matériels roulants. C'est sept cents millions d'euros pour la ligne sur Toulouse et la ligne vers Clermont. Et puis deuxièmement, il y a la régénération des voies. Vous savez que ces voies sont très abîmées, ce qui entraîne des retards, des difficultés de circulation et donc l'Etat met deux milliards de régénération sur les prochaines années de manière à remettre la voie au niveau. Ça permettra de gagner du temps et ça permettra aux passagers d'avoir un meilleur confort à bord.
ALBA VENTURA
On attend un rapport d'ailleurs sur les petites lignes ferroviaires, le rapport Philizot.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument.
ALBA VENTURA
Il est enterré là jusqu'aux municipales ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il n'est pas du tout enterré. La première partie du rapport va être publiée fin septembre ou début octobre. Ce rapport vise effectivement, vous avez raison, à faire la vérité sur les coûts ligne par ligne en France et donc c'est un travail très exhaustif, et après de travailler avec les régions les solutions qui sont adaptées au cas par cas, puisqu'évidemment le territoire français est très hétérogène et donc chaque solution se regarde de près.
ALBA VENTURA
Alors Jean-Baptiste DJEBBARI, vous avez beaucoup, beaucoup, beaucoup de dossiers sur votre bureau. Vous affrontez votre première grève à la RATP la semaine prochaine.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Le 13.
ALBA VENTURA
Grève unitaire le 13 septembre. Des agents qui veulent maintenir leur régime spécial de retraite.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui. Alors c'est vrai qu'à la SNCF et à la RATP, il y a des régimes spéciaux qui sont installés depuis un certain nombre d'années et, voilà, nous devons absolument continuer à discuter avec eux, trouver les solutions idoines. Vous savez, la réforme des retraites elle se construira avec les agents de la RATP et donc nous aurons ces discussions avec eux dans les jours qui viennent.
ALBA VENTURA
Journée noire dans les transports. C'est ce qui est prévu.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui. En tout cas nous sommes attentifs, mobilisés et dans le dialogue.
ALBA VENTURA
Alors il y a les transporteurs routiers aussi qui menacent de manifester puisque leur abattement fiscal sur le gazole va être raboté de deux centimes. Pour eux, c'est une hausse de deux centimes. Vous craignez des manifestations, des blocages ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En fait, il y a plusieurs sujets pour les transporteurs routiers qui subissent en quelque sorte plusieurs mesures en même temps. Effectivement il y a ce déremboursement de la taxe sur le gazole pour le dire rapidement. Il y a le sujet des contrats courts. Il y a le sujet d'une taxe spécifique etc dont il est prévu qu'elle soit supprimée. Et donc c'est un peu cette accumulation de dispositifs qui font qu'aujourd'hui ils sont en grogne et, de la même façon, nous allons percevoir à continuer à discuter pour paramétrer…
ALBA VENTURA
Pour désamorcer ou d'ores et déjà la menace est sérieuse pour vous ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce n'est pas une question de désamorcer, c'est de manière à faire en sorte que le transport routier à la fois contribue quelque part aux dommages à l'environnement qu'il cause : c'est normal, c'est la transition écologique, et en même temps que ça ne fragilise pas un pan entier du secteur qui sont quand même beaucoup dans le transport routier de petites boîtes partout dans le territoire de huit, neuf personnes et qui donc sont assez fragiles sur le plan économique.
ALBA VENTURA
Alors je me souviens avant que vous deveniez ministre de votre idée de renationaliser les autoroutes à terme. Ça en est où cette idée ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a trois sujets sur les autoroutes et la gestion des routes. C'est qu'aujourd'hui on doit… D'abord les concessions autoroutières arrivent à échéance entre 2031 et 2036, donc il y a pour l'Etat la nécessité de dire ce qu'il va faire à l'horizon de la fin des concessions. On doit absolument mieux gérer le réseau routier. Alors le réseau concédé, les autoroutes, et puis aussi les grandes routes nationales qui aujourd'hui sont parfois moins bien entretenues. Donc il y a ce sujet-là de mieux gérer les routes. Et puis il y a un sujet de décentralisation : comment demain on fait en sorte que, notamment les régions qui sont en charge de la mobilité, trouvent pleinement leur place dans tout ce dispositif ? Donc c'est un beau sujet et nous allons continuer à le travailler.
ALBA VENTURA
C'est un sujet avec lequel votre ministre de tutelle Elisabeth BORNE n'était pas tellement d'accord.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, ce n'est pas…
ALBA VENTURA
Vos relations, elles sont meilleures aujourd'hui avec votre ministre de tutelle ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nos relations ont toujours été très bonnes, à la fois quand j'étais député et elle ministre en charge des Transports. J'ai lu ça mais je vous assure que…
ALBA VENTURA
Vous le découvrez ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je vous assure que c'est une fake news absolue. Je m'entends très bien avec Elisabeth BORNE.
ALBA VENTURA
Vous avez participé - très court si vous plaît, Jean-Baptiste DJEBBARI - à votre premier séminaire gouvernemental. Qu'est-ce que vous vous êtes dit avec les ministres ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est très impressionnant. Moi je suis très honoré de la confiance du président et du Premier ministre et nous avons parlé…
ALBA VENTURA
Ils vous ont souhaité bonne chance ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Voilà. Et ils nous ont parlé essentiellement… Nous avons parlé essentiellement de l'acte 2 donc la réforme des retraites, la transition écologique, les priorités et comment…
ALBA VENTURA
Vous roulez en hybride ou vous roulez en voiture électrique ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi je roulais beaucoup en trottinette donc maintenant ça va être un peu plus compliqué, donc je vais faire un peu de marche, un peu de vélo, enfin ce que je pourrais quoi.
ALBA VENTURA
Merci beaucoup Jean-Baptiste DJEBBARI.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2019