Entretien de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État aux affaires européennes, dans "Les Echos" du 20 novembre 2019, sur les procédures de paiement des fonds européens au profit des porteurs de projets.

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Q - Vous allez proposer au congrès des maires une simplification des procédures de paiement des fonds européens au profit des porteurs de projets. Pourquoi cette initiative ?

R - Une de mes ambitions depuis mon arrivée au ministère est de faire vivre l'Europe au quotidien. C'est une chose de négocier des budgets à Bruxelles, encore faut-il que, tout au bout de la chaîne, les citoyens aient accès à cet argent. Or, en me rendant ces derniers mois dans de nombreux coins de France, j'ai constaté une situation préoccupante. Les acteurs locaux font face à des blocages administratifs souvent absurdes qui génèrent de l'incompréhension et de la frustration. La source de cette complexité est surtout nationale : c'est l'empilement des dispositifs, la stratification des procédures qui complexifient les démarches et font perdre un temps fou. Nous avons changé à de nombreuses reprises les dispositifs et les niveaux de responsabilités entre l'Etat et les régions sans jamais les élaguer. Certains projets sont refusés parce que quelques centimes n'ont pas été renseignés dans le logiciel, on demande à d'autres des dizaines de pièces administratives superflues. Nous sommes face à un paradoxe avec, d'un côté, la démonstration au sommet de l'Etat d'une ambition européenne très forte et, de l'autre, des sondages qui révèlent la fragilité des convictions européennes des Français et, au milieu, des élus locaux motivés, en particulier les maires, mais qui baissent les bras parce que c'est devenu trop compliqué d'obtenir des fonds européens.

Q - Où se situent les blocages ?

R - Il y a des réussites. Prenons le projet d'installation d'une maison France Services, destinée à offrir un bouquet de services publics à Saint-Martin-de-Londres, dans l'Hérault. Elle permet à un territoire entier de retrouver une vie économique. À Thionville, un projet de "tiers lieu" où l'on fait de l'action numérique doit aider des chômeurs à retrouver un emploi. Mais pour combien de projets qui ne se font pas ! Les fonds européens sont pourtant parfaitement adaptés à cette démarche de "cousu main" dans les territoires ruraux prônée par le Premier ministre. Encore faut-il pouvoir dépenser ces fonds. Or aujourd'hui, c'est la triple peine : des projets qui ne se font pas, des élus qui perdent l'envie d'être des relais efficaces du projet européen et enfin un manque à gagner puisque ce sont les impôts des Français qui ne reviennent pas en France.

Q - Que proposez-vous ?

R - Nous devons regarder dans le détail les méandres des dossiers, regarder là où ça coince, comprendre pourquoi c'est plus compliqué en France qu'ailleurs. Et faire un choc de simplification. Nous allons mener dès le mois de décembre une consultation auprès des porteurs de projet qui mettront en lumière les principaux blocages. Des inspections des ministères concernés délivreront ensuite un diagnostic et une dizaine de mesures de simplification par fonds seront retenues, l'objectif étant d'être opérationnels début 2021. Nous pourrons ainsi, je l'espère, utiliser à 100% les enveloppes qu'on a obtenues de l'Union européenne pour la période 2014-2020.


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2019