Déclarations de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État économie et finances, et M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, sur le projet de loi de finances pour 2020, à l'Assemblée nationale le 12 novembre 2019.

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Circonstance : Examen du projet de loi de finances pour 2020, à l'Assemblée nationale le 12 novembre 2019

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).

(...)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Comme vous le savez, le Gouvernement s'est engagé dans la transformation de notre modèle économique et social. Cette transformation repose sur deux piliers : les réformes structurelles que nous avons engagées depuis deux ans et demi et les investissements qui les accompagnent, et qui répondent aux défis majeurs de la France.

C'est le sens du Grand plan d'investissement qui se déploie depuis début 2018 et pour tout le quinquennat. Celui-ci comporte quatre piliers qui sont les quatre priorités de notre politique économique : la transition écologique, dotée de 21 milliards d'euros pour la rénovation des bâtiments, la mobilité durable, les énergies renouvelables ; le développement des compétences, pour 15 milliards ; la modernisation de l'État et des services publics ; enfin l'innovation, dont le troisième volet du PIA, doté de 10 milliards, constitue l'essentiel.

Le PIA 3 est structuré de l'amont, l'enseignement et la recherche, vers l'aval, l'innovation et le développement des entreprises, autour de deux leviers de transformation de notre économie et de notre société : les transitions numérique et écologique.

Qu'allons-nous financer en 2020 avec le PIA ? Au 30 juin 2019, les engagements constatés au titre du PIA 3 représentent un montant d'investissement de près de 1,7 milliard d'euros pour 820 projets actifs. Il sera aussi actif en 2020, notamment dans l'enseignement supérieur et recherche. Le PIA 3 soutient l'excellence académique : 36 projets seront ainsi financés pendant dix ans à hauteur de 326 millions d'euros pour transformer le premier cycle universitaire – action « Nouveaux cursus à l'université ».

Le PIA finance également l'excellence de la recherche française dans les secteurs les plus stratégiques : par exemple, le plan en faveur de l'intelligence artificielle annoncé en mars 2018, doté de 1,5 milliard d'euros, bénéficie de plus de 500 millions du PIA.

De nouveaux dispositifs ont été lancés en 2019 tels que l'appel à projets Cultiver et protéger autrement, visant le développement de solutions agronomiques permettant de ne pas recourir aux pesticides.

En matière d'innovation des entreprises, le PIA soutient le plan Deeptech avec les concours d'innovation, qui ont permis en 2018 de sélectionner 154 lauréats pour un montant de 90 millions d'euros. Deux nouvelles vagues seront organisées en 2020. Le PIA finance également le plan Industrie du futur, en finançant l'accompagnement de 10 000 PME et ETI, entreprises de taille intermédiaire, dans leur transition numérique. C'est un élément essentiel du rattrapage industriel dont nous avons besoin. Le PIA sera également mobilisé pour le financement du projet européen de batteries électriques, un des premiers blocs d'un projet ambitieux de politique industrielle.

Ainsi que l'a annoncé le Premier ministre le 13 septembre dernier, l'action Territoires d'innovation, dotée de 150 millions d'euros de subvention et de 300 millions d'euros de fonds propres, va financer vingt-quatre territoires dont les projets relèvent des priorités du Gouvernement, en faveur des territoires d'industrie, des coeurs de ville ou du soutien à une agriculture durable et compétitive.

Comment le PIA est-il évalué et contrôlé ? Il est précieux que le Parlement puisse exercer un suivi régulier de l'utilisation des crédits de paiement et en débatte chaque année. Je note que des efforts de reporting et d'évaluation ont été faits sur le PIA : le Parlement dispose de documents budgétaires, projet annuel de performance et rapport annuel de performance, mais aussi d'un jaune budgétaire dédié, et, fait très rare, d'un reporting trimestriel sur l'état d'avancement du programme depuis son lancement en 2010.

En termes d'évaluation, je précise également qu'à la demande du Premier ministre, le comité de surveillance des investissements d'avenir a engagé fin 2018 une évaluation du premier volet du PIA. Il s'agit d'évaluer les impacts et l'efficacité du dispositif près de dix ans après son lancement, et d'en tirer des leçons pour l'avenir. Le rapport sera rendu au Premier ministre avant la fin de l'année. Nous articulerons ces préconisations avec les exercices en cours sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche et sur le pacte productif.

Je voudrais ajouter quelques mots rapides en réponse à vos questions sur le PIA – elles n'ont pas été si nombreuses.

Madame Dalloz, vous mentionnez l'appel à projets Sports de très haute performance : je précise qu'il s'agit de financer des projets de recherche ou de plateformes technologiques d'excellence, et non des structures administratives.

Madame Degois, vous avez mentionné l'importance de recourir à des technologies de recherche qui n'utilisent pas l'expérimentation animale. Je rappelle que la recherche que nous soutenons utilise désormais beaucoup de modèles cellulaires et qu'au travers du fonds d'innovation industrielle, nous accompagnons des projets relatifs à l'intelligence artificielle dans le diagnostic médical ou à la bio-production, qui vont dans le sens que vous souhaitez.

S'agissant des scale-ups, nous partageons le constat que la France perd de la valeur ajoutée quand de jeunes start-ups au fort potentiel de croissance sont rachetées. C'est pour cela que nous avons pris des initiatives, dans le cadre du rapport Tibi, en créant un marché liquide dédié au financement d'entreprises cotées à forte intensité technologique et en amenant en France des équipes de gestion compétentes ; en incitant les entreprises à ne pas s'introduire trop tôt en bourse, parce qu'elles perdent des opportunités ; enfin en les accompagnant au travers du PIA, à hauteur de 700 millions d'euros – 500 millions pour le segment post-introduction en bourse et 200 pour soutenir les dernières levées de fond auprès du privé.

Nous serons enfin au rendez-vous du très haut débit, conformément à l'engagement du Gouvernement, sans nécessairement recourir aux crédits du PIA. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de vos interventions et salue la qualité du travail des rapporteurs spéciaux. Je vais m'efforcer d'apporter des compléments, en me pliant à l'indispensable exercice de synthèse et de concision qu'impose le temps de parole qui m'est imparti. L'examen des amendements me permettra aussi de répondre à certaines interventions.

La mission « Conseil et contrôle de l'État » retient cette année encore toute votre attention pour deux raisons. En premier lieu, le Gouvernement fait le choix d'accroître substantiellement les crédits alloués aux juridictions administratives puisque ceux-ci augmentent de 4,63 % en 2020 par rapport à 2019. Quatre-vingt-treize emplois seront créés en 2020 dont cinquante-neuf pour la seule Cour nationale du droit d'asile. A l'instar du président Chassaigne et de Xavier Paluszkiewicz, vous avez été nombreux à souligner la charge de travail qui pèse sur elle. La CNDA bénéficie d'une hausse de 3,7 millions d'euros de ses moyens de fonctionnement. Une nouvelle chambre devrait être créée en 2020, après les cinq nouvelles créées en 2019, portant ainsi le nombre total de chambres à vingt-trois.

Le délai de traitement des affaires par la CNDA a été divisé par plus de deux depuis dix ans – il était de treize mois en 2010. Il me semble en effet, et c'est là un point de désaccord avec le président Chassaigne, que traiter les recours introduits par les demandeurs d'asile dans des délais raisonnables constitue une garantie efficace de leurs droits et un gage de bonne administration de la justice.

Pour répondre ce qui est de la situation des personnels, je veux là aussi indiquer au président Chassaigne qu'un concours d'attaché d'administration spécifique a été ouvert en 2019 et qu'un nouveau le sera en 2020, afin de renforcer le nombre de fonctionnaires titulaires parmi les rapporteurs de la Cour. Environ une centaine de rapporteurs ont d'ailleurs bénéficié de décharges leur permettant de se préparer au concours interne et externe de recrutement d'attachés d'administration.

Philippe Vigier et Daniel Labaronne m'ont interrogé sur le respect de nos objectifs en matière de délais de jugement dans le contentieux de l'asile. Outre le renforcement des capacités de jugement de la CNDA, il faut sans doute réfléchir à de nouvelles simplifications de nos procédures, dans le respect des droits des justiciables : c'est notamment l'un des aspects mais pas le seul de la réflexion que le Premier ministre a demandé au Conseil d'État de mener sur les procédures en matière de droit des étrangers, et qui devra donner lieu à des propositions avant mars 2020. Cette démarche de simplification doit être à l'oeuvre dans l'ensemble de la justice administrative. C'est également l'objectif poursuivi par le décret du 7 février 2019 modifiant le code de la justice administrative. Il faut se laisser un peu de temps pour en évaluer les effets.

S'agissant du CESE, l'augmentation de ses crédits de plus de 4 millions ne doit pas occulter l'important effort de rationalisation de son fonctionnement qu'il a consenti depuis plusieurs années, et que le président Vigier a d'ailleurs salué. Monsieur Labaronne, cette hausse de crédits doit permettre d'organiser, dans de bonnes conditions, deux conventions qui seront identifiées en cours d'année. Je tiens à signaler que le CESE finance avec son propre budget 20 % de cette opération, démontrant ainsi sa capacité à s'adapter aux nouvelles missions qui lui ont été confiées à la suite du grand débat national.

Pour sa part, le budget des juridictions financières reste stable – il n'augmente que de 0,20 % – mais il convient de noter que son plafond d'emploi est relevé de 6 ETP. Cette augmentation est certes inférieure à celle qui était initialement prévue, monsieur Labaronne, mais elle n'est pas négligeable dans un contexte de maîtrise des finances publiques.

M. Maxime Minot. Vous mettrez ça sur la dette !

M. Marc Fesneau, ministre. S'agissant du Haut Conseil des finances publiques, je partage l'avis de Mme Magnier : il s'agit d'une institution indispensable, non pas pour maintenir un ordre que certains qualifient d'austéritaire, mais pour garantir la sincérité et la crédibilité des prévisions économiques du Gouvernement.

Quant à la mission « Pouvoirs publics », elle se caractérise par la stabilité de ses crédits, qui ne croissent que de 0,31 %. Je concentrerai mon propos sur le budget de la Présidence de la République, dont la dotation croît de 2,25 %. Mme Pires Beaune et M. Minot ont soulevé la question de la transparence. Les débats que nous avons, comme ceux que vous tenez en commission, me semblent démontrer que la transparence est bel et bien au rendez-vous. J'y reviendrai en conclusion.

Pour ce qui est des budgets, je regrette que l'on puisse se laisser aller à certains mots regrettables. Madame Pires Beaune, vous avez parlé de « brader la démocratie ». Je ne suis pas certain que de tels propos ne bradent pas eux-mêmes notre démocratie, ni que l'on rende service à la démocratie lorsqu'on jette l'opprobre, sans discernement et non sans quelque caricature, sur le budget de l'Élysée.

Mme Christine Pires Beaune. J'ai le droit de le faire !

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Pires Beaune, vous avez aussi signalé que le président Hollande avait laissé un excédent, mais c'est bien le seul dont nous ayons hérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SOC. – Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.)

M. Jean-Louis Bricout. Arrêtez !

M. David Habib. Et vous, vous avez mis un million de Français dans la rue !

M. Maxime Minot. François Bayrou avait appelé à voter François Hollande !

M. Marc Fesneau, ministre. En revanche, il est vrai que l'effort de sincérisation budgétaire et de transparence n'est pas nouveau. Nous pouvons nous féliciter collectivement que depuis 2007-2008, sous le président Sarkozy puis sous le président Hollande et maintenant sous le président Macron, un effort de sincérisation budgétaire soit poursuivi.

Sur le fond, certaines évolutions de la dotation de l'Élysée sont liées à des investissements en matière de télécommunication, de sécurité et de numérique. Les dépenses de fonctionnement atteindront 15,8 millions d'euros en 2020, soit 800 000 euros de plus sur deux ans, mais cette hausse s'explique par un rebasage des crédits de fonctionnement de la police et de la gendarmerie qui représente 900 000 euros : sans cette mesure de périmètre, les dépenses de fonctionnement auraient donc diminué.

Comme l'a rappelé la rapporteure spéciale Patricia Lemoine, la Présidence de la République a engagé un effort de rationalisation de ses dépenses. La Cour des comptes a d'ailleurs relevé cette maîtrise des dépenses de fonctionnement, avec la conclusion de nouveaux marchés et l'amélioration des procédures internes de commande publique.

Venons-en à mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Sur l'ensemble du périmètre des services du Premier ministre, la programmation est quasi stable et témoigne de la contribution de ces services à l'effort de maîtrise des finances publiques. Un effort substantiel est toutefois consenti en faveur du programme 308 « Protection des droits et libertés » dont le budget augmente de 4,6 %. Cette hausse doit permettre aux autorités administratives indépendantes d'exercer correctement leurs nouvelles missions. Sachez par ailleurs, madame El Haïry, que l'installation dans le site de Fontenoy-Ségur a permis de réaliser d'importants gains de mutualisation, de quelque 7 millions d'euros.

Je répondrai à la rapporteure spéciale Marie-Christine Dalloz sur le service d'information du Gouvernement et sur les crédits des personnels de sécurité à l'occasion de l'examen des amendements. Enfin, les crédits accordés à la direction de l'information légale et administrative ne me semblent pas appeler d'observation particulière.

Je vous demande donc d'adopter les crédits de ces trois missions et du budget annexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)

Mme la présidente. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que leur durée, comme celle des réponses, est fixée à deux minutes.

La parole est à Mme Typhanie Degois.

Mme Typhanie Degois. J'interrogerai le Gouvernement sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2020 traduit une dégradation de l'application des lois en France. En effet, le taux d'application des lois de plus de six mois promulguées depuis le début de la législature s'élevait à 94 % en 2018. Depuis, au-delà des chiffres, le secrétariat général du Gouvernement relève plusieurs limites : il indique ainsi ne pouvoir fournir que des données a posteriori, et observe que « chaque ministère reste seul compétent pour évaluer la charge de la conception et de l'organisation du travail ».

Une telle absence de prévisibilité soulève deux interrogations. Tout d'abord, comment justifier la hausse de 4,46 % des autorisations d'engagement du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » sans disposer de données prévisionnelles ? Ensuite, quelle tendance suit l'adoption des lois en 2019, et quelles sont les projections pour 2020 ? Monsieur le ministre, quelles actions le Gouvernement compte-t-il engager pour réviser la gouvernance du programme 129, notamment l'action 01, et ainsi remédier aux insuffisances pointées par le secrétariat général ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Par nature, l'indicateur du taux d'application des lois ne peut donner lieu à des prévisions. En effet, nous ne pouvons anticiper ni le nombre de lois qui seront votées, ni le nombre de mesures d'application qu'elles nécessiteront – d'autant que parfois, le travail parlementaire conduit à en ajouter. Ces dernières années, le taux d'application des lois de plus de six mois promulguées depuis le début de la législature a oscillé entre 94 % et 95 %. À titre de comparaison, il n'était que de 59,4 % en 2014. Le délai moyen de prise des textes réglementaires continue de décroître, et s'élève désormais à quatre mois et dix-sept jours. Le Gouvernement produit donc un effort sans précédent pour rendre applicables les lois que vous votez, y compris s'agissant des mesures introduites par voie d'amendement parlementaire, pour lesquelles l'administration ne peut anticiper la rédaction des décrets, comme elle le fait pour les mesures figurant dans les projets de loi initiaux.

Pour atteindre ces taux élevés, une méthodologie précise a été définie, s'appuyant sur les circulaires du 29 février 2008 et du 7 juillet 2011. Un tableau est préparé par le secrétariat général du Gouvernement afin d'identifier, pour chaque loi et chaque mesure d'application, le ministère porteur et, en son sein, la direction compétente. Un échéancier prévisionnel d'adoption de tous les textes attendus est défini lors d'une réunion interministérielle dès la publication de la loi, et son respect est vérifié lors de réunions régulières. Le tableau de programmation des décrets ainsi arrêté est transmis par le Premier Ministre au Conseil d'État et aux assemblées parlementaires. Il est également publié en ligne sur le site Légifrance.

En application de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre est titulaire du pouvoir réglementaire. Il est donc naturel qu'il assure un suivi fin de ce travail, alors même que le nombre de décrets est considérable : en moyenne, environ 1 600 décrets sont pris chaque année, dont 40 % de décrets en Conseil d'État et 60 % de décrets simples. En revanche, il n'est pas possible que Matignon coordonne la mise en publication des 8 000 arrêtés réglementaires, soit deux à quatre dizaines par jour. Cette mission incombe à chaque ministre, un ministre étant par nature responsable d'assurer un suivi continu des arrêtés qu'il doit prendre.

S'agissant enfin des crédits du programme 129, l'augmentation des autorisations d'engagement à laquelle vous faites référence, madame Degois, vise à permettre le réengagement du bail de la tour Mercure qui loge l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 22 novembre 2019