Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, à RMC le 8 novembre 2019, sur l'abandon du projet Europa City dans la ZAC du Tiangle de Gonesse.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
EuropaCity, terminé. Décision d'Emmanuel MACRON. Emmanuelle WARGON est avec nous bonjour.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire. Décision d'un monarque, voilà la réaction de ceux qui étaient les partisans de ce grand projet, vaste complexe à la fois commercial, culturel, etc, etc, à Gonesse dans le Val-d'Oise. Dix mille emplois qui étaient promis. 2027, c'était la date d'ouverture. Pourquoi le choix d'abandonner ce projet ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, gouverner c'est choisir et là, le choix que nous avons fait c'est un choix d'arrêter des modèles de développement qui sont complètement dépassés. C'est un choix de dire : « on n'est pas obligé d'aller toujours vers plus de béton et toujours vers plus de centres commerciaux. » On peut aménager différemment le Triangle de Gonesse, on peut passer à un aménagement nouveau, plus durable, plus écologique, avec plus d'agriculture. Une manière différente de retrouver un sens pour la vie sur le territoire pour les Français. Donc oui, c'est une décision forte mais c'est une décision cohérente avec le projet qu'on porte, un projet dans lequel on dit : « on peut développer différemment, un développement plus écologique et on peut vivre mieux sans avoir à sacrifier la planète ou le vivant. »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuelle WARGON, notre invitée. Je vous garde, vous serez là dans deux minutes pour développer un peu ce qui va remplacer peut-être le projet EuropaCity, puis je vous parlerai aussi, je vous le dis, des fongicides SDIH qui sont toxiques pour les cellules humaines disent deux médecins de l'INSERM. (…)
- Emmanuelle WARGON est donc avec nous, secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire. EuropaCity, c'est abandonné. Ce sont des terres agricoles, Emmanuelle WARGON ?

EMMANUELLE WARGON
Oui. Ce sont des terres agricoles dans une zone d'aménagement plus vaste du Triangle de Gonesse. Ces terres agricoles, on peut peut-être les maintenir en agriculture, faire de l'agriculture raisonnée. Vous savez qu'on a une ambition pour les cantines scolaires : plus de circuits courts, plus d'agriculture raisonnée et de bio, donc on peut faire autrement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc des terres qui pourraient servir à nourrir les enfants de l'Ile-de-France.

EMMANUELLE WARGON
Exactement. En fait, tous les dix ans en France, on perd l'équivalent d'un département français de terrains qui se bétonnent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un département français tous les dix ans ?

EMMANUELLE WARGON
C'est un mot terrible. Ça s'appelle l'artificialisation de sols. C'est à peine prononçable comme mot, mais ça veut dire que tous les dix ans à peu près, l'équivalent d'un département se bétonne. Donc face à ça, soit on regarde en se disant : « c'est bien dommage », soit on se dit que maintenant c'est le moment d'agir. Et donc cette décision sur EuropaCity, c'est le moment d'agir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, le moment d'agir. On contrôle la construction de routes, de logements, de commerces. C'est ça ?

EMMANUELLE WARGON
Là en tout cas, pour ce Triangle de Gonesse, l'idée c'est d'en faire vraiment un territoire pionnier. De montrer qu'on peut aménager autrement : plus d'agriculture, un meilleur équilibre entre logements, bureaux, activités. On n'est pas obligé d'aller vers toujours plus de centres commerciaux. La consommation, ce n'est quand même pas l'objectif ultime de la vie de chacun. C'est aussi ce message-là qu'on porte avec cette décision.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec cette décision. Alors vous avez mis en place… Le gouvernement a mis en place un groupe de travail sur l'artificialisation des sols que vous allez piloter avec Julien DENORMANDIE.

EMMANUELLE WARGON
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que vous allez intervenir sur d'autres sur d'autres dossiers, j'imagine.

EMMANUELLE WARGON
Oui. On a aussi présenté cinq friches qui sont des friches industrielles qui étaient polluées, qu'on est prêt à réaménager. Il y en a une en région parisienne d'ailleurs, à Montreuil, qui était une ancienne tannerie. Le site s'appelle le Mur des Pêches. Depuis les années 70, elle est abandonnée. C'était bourré de solvants, de produits chimiques. On a enfin le montage financier qui permet de dépolluer et de réinstaller des logements mais aussi de la nature, des espaces naturels, des jardins, de l'hôtellerie à vocation écologique et de l'insertion. Donc en fait, on peut faire de belles choses. On a présenté cinq friches emblématiques hier qui montrent que c'est possible, et l'idée maintenant c'est d'aller beaucoup plus vite et de réaménager tous ces terrains, mais les réaménager de façon durable. On peut trouver un bon modèle de développement dans lequel on vit mieux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Regardons aussi dans le domaine de la défense de l'environnement et de notre santé. Vous allez de plus en plus loin. Ces fongicides SDHI, deux médecins de l'INSERM, vous avez vu, sont affirmatifs : ces fongicides employés par les agriculteurs sont toxiques pour les cellules humaines. Ils sont employés aussi pas que par les agriculteurs, sur les terrains de sport par exemple pour tuer les champignons. Fongicides, c'est le mot. Est-ce que vous allez les interdire ?

EMMANUELLE WARGON
Alors j'ai vu cette étude de l'INSERM qui est sortie hier, mais en fait c'est une autre agence qui s'appelle l'ANSES qui prend les décisions sur les produits, et donc il faut que cette agence se saisisse. S'il y a de nouvelles données, il faut qu'elle fasse une nouvelle évaluation. Si les produits sont dangereux, il faut les interdire. Après, notre objectif c'est de réduire très fortement l'usage des pesticides, des herbicides, des fongicides. Parce que tous les jours, on a de nouvelles études et donc on a un objectif à moins 50 % en 2025.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces fongicides-là seraient très dangereux. Terrains de sport !

EMMANUELLE WARGON
Ecoutez, moi je ne suis pas scientifique donc je ne sais pas évaluer cette étude de l'INSERM. On a une agence dédiée qui est une agence indépendante, l'ANSES, et c'est cette agence qui nous dira s'il faut interdire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui s'en saisit évidemment.

EMMANUELLE WARGON
Forcément, il faut qu'elle s'en saisisse, c'est normal. Une nouvelle étude, de nouvelles données, un nouveau risque égalent une nouvelle évaluation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière chose…

EMMANUELLE WARGON
Au fond…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, allez-y Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
L'objectif, c'est vraiment de porter une transition agricole aussi. On a une agriculture qui dépend beaucoup de ces produits chimiques. Il faut qu'on l'aide à sortir progressivement de ces produits et trouver des alternatives. Il en existe. On peut avoir du désherbage mécanique, on peut avoir des modes d'application de ces produits qui réduisent beaucoup les volumes. On peut trouver des produits qui sont plus des produits de bio-contrôle, qui sont des produits qui sont beaucoup moins toxiques. Donc c'est en fait l'agriculture elle-même qui doit changer assez fortement de modèle et les agriculteurs y sont prêts. Ce sont même les premiers à le demander en fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2019