Interview de M. Franck Riester, ministre de la culture, à France-Info le 25 septembre 2019, sur la réforme de l'audiovisuel public, notamment la création d'un holding regroupant les radios et télévisions publiques.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Bonjour Marc FAUVELLE.

MARC FAUVELLE
D'abord merci d'avoir réservé aux auditeurs et aux téléspectateurs du service public et de Franceinfo vos annonces sur l'audiovisuel public. Elles étaient attendues depuis des mois, repoussées également à plusieurs reprises. Avant de vous entendre, je voudrais accueillir Célyne BAŸT-DARCOURT, bonjour Célyne.

CELYNE BAŸT-DARCOURT
Bonjour Marc.

MARC FAUVELLE
Spécialiste médias à Franceinfo. Vous allez nous résumer en quelques mots cette réforme. La principale nouveauté, c'est tout d'abord la création d'une holding qui va regrouper l'ensemble des radios et des télévisions publiques.

CELYNE BAŸT-DARCOURT
Voilà. RADIO FRANCE, FRANCE TELEVISIONS, l'INA, l'Institut National de l'Audiovisuel et FRANCE MEDIAS MONDE qui comprend la radio RFI et la télé FRANCE 24 seront chapeautés par FRANCE MEDIAS. Cette nouvelle structure qui aura un président nommé par son conseil d'administration possédera 100 % du capital des quatre entreprises jusqu'ici indépendantes les unes des autres. Elles conserveront leurs spécificités mais leurs dirigeants seront relégués, si on peut dire, au rang de directeurs généraux et non plus PDG et chaque société devra continuer à se serrer la ceinture puisque les 190 millions d'euros d'économies exigés par l'Etat sont toujours d'actualité jusqu'en 2022. Ce qui change aussi, c'est le mode de désignation des patrons de l'audiovisuel public. Aujourd'hui ils sont choisis par les Sages du Conseil supérieur de l'audiovisuel. A partir de 2022, ils seront nommés par leur conseil d'administration. Alors problème, le mandat de la patronne de FRANCE TELE, Delphine ERNOTTE, prendra fin en août prochain donc avant la promulgation de la loi. Il a donc été décidé que le CSA désignera son successeur selon les modalités actuelles mais uniquement pour à peu près deux ans et demi et non pas cinq années.

MARC FAUVELLE
Et il y a d'autres nouveautés qui concernent cette fois la publicité notamment à la télé.

FRANCK RIESTER
Oui, vous l'aviez déjà annoncé au début du mois, Monsieur le ministre. Vous voulez faire contribuer les plateformes de streaming au financement de la création française. NETFLIX et les autres devront verser 16 % de leur chiffre d'affaires réalisé en France. Ce n'est pas simple à faire appliquer puisque ces services ne sont pas forcément transparents sur leurs comptes. S'ils refusent de payer, le CSA coupera leur accès, vous allez nous expliquer comment car ces sites n'ont pas besoin d'autorisation pour être disponibles via Internet. La réforme va aussi apporter des changements pour les téléspectateurs. Une troisième coupure pub autorisée pendant les films et téléfilms de plus de quatre-vingt-dix minutes. Les chaînes ne seront plus obligées d'attendre vingt minutes entre deux pages de publicité. La pub pourra être segmentée et géolocalisée. Ça signifie qu'on ne verra pas forcément les mêmes spots si on habite à Brest ou à Marseille ou à Paris. La télé pourra faire la promotion des oeuvres cinématographiques et puis la règle des jours interdits n'existera plus. Les chaînes pourront diffuser des films quand elles le souhaitent à raison de 244 maximum par an.

MARC FAUVELLE
Merci Célyne. Voilà quelques-uns des sujets qu'on va donc aborde avec vous, Franck RIESTER. D'abord sur cette holding qui va donc rassembler toutes les télés et les radios publiques. Est-ce que vous venez de réinventer l'ORTF ?

FRANCK RIESTER
Non. Non, bien sûr que non. Mais on peut constater qu'avec la révolution numérique il y a un changement considérable des usages de nos compatriotes. Ils regardent de plus en plus la radio, ils écoutent de plus en plus la télé, ils regardent leurs contenus audiovisuels quand ils veulent sur n'importe quel support. C'est toujours à la télévision, sur le poste de télévision, toujours sur le poste de radio, toujours à la radio dans la voiture, mais aussi sur des Smartphones, mais aussi sur des tablettes, mais aussi sur Internet et quand ils le veulent, avec une offre de télé de rattrapage ou de podcasts pour la radio très riche. Et donc ces usages changeants, il est très important, comme l'ont fait quasiment tous les groupes privés ou tous les groupes publics dans le monde, d'avoir une stratégie globale pour toucher tous ces publics dans leur diversité, en leur proposant des contenus d'audiovisuel spécifiques en fonction des supports, en fonction des moments, et pour ça il faut avoir une coordination, une stratégie globale.

MARC FAUVELLE
Je vous repose ma question : en quoi c'est différent de l'ORTF que la France a supprimé en 74 ?

FRANCK RIESTER
La différence, c'est que l'environnement numérique est totalement différent en termes de structure. La grande différence, c'est que c'était le pouvoir directement qui gérait l'information. Il y avait même d'ailleurs un ministre de l'Information à l'époque.

MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas vocation à être le nouvel Alain PEYREFITTE.

FRANCK RIESTER
Non, pas du tout, pas du tout, même si c'était un grand responsable politique. Mais les temps ont considérablement changé. La question, c'est est-ce qu'on a besoin d'audiovisuel public dans ce pays ou pas ? Ma réponse, elle est clairement oui. Parce qu'on n'a jamais eu autant besoin d'information indépendante, on n'a jamais eu autant besoin d'éducation, on n'a jamais eu besoins autant d'ambition culturelle, on n'a jamais eu besoin autant d'offres de proximité dans ce pays. Et donc c'est bien le rôle du service public, c'est bien les missions prioritaires du service public. Et donc à partir du moment où on a la conviction qu'on a besoin de service public dans notre pays, il faut lui donner la possibilité de s'organiser pour aller toucher les publics de la meilleure façon possible, pour que les publics soient satisfaits du service public même si c'est évidemment déjà le cas. On le voit à travers les audiences, on le voit à travers les enquêtes de satisfaction. Mais il faut aller beaucoup plus loin et de la possibilité à ce groupe public futur de pouvoir s'adapter, adapter son organisation, adapter son offre à l'évolution des attentes de nos compatriotes.

RENAUD DELY
Franck RIESTER, la question que se posent aussi les téléspectateurs et les auditeurs, c'est celle de l'indépendance de l'information. Où seront prises dans le cadre de cette holding les décisions éditoriales ? Est-ce que ce n'est pas une forme de recentralisation qui ressemble à une reprise en main ?

FRANCK RIESTER
Non, pas du tout. Il y aura une société mère, une société holding qui détiendra comme ç'a été très bien dit 100 % des actions des quatre sociétés qui seront membres du groupe : FRANCE TELEVISIONS, RADIO FRANCE, l'INA et FRANCE MEDIAS MONDE. Et ce sont ces sociétés-là qui garderont la ligne éditoriale…

MARC FAUVELLE
Le garant éditorial reste à l'état d'en-dessous.

FRANCK RIESTER
La décision de la programmation et les directeurs ou directrice générale de ces entreprises seront les directeurs de publication.

MARC FAUVELLE
Ça veut dire très concrètement, pardon Franck RIESTER, si Franceinfo décide d'enquêter sur une personnalité politique, elle n'aura pas à en référer…

FRANCK RIESTER
Absolument pas.

MARC FAUVELLE
A la présidente ou au président…

FRANCK RIESTER
Absolument pas puisque c'est le directeur général de ces sociétés-là comme aujourd'hui qui a la responsabilité juridique de la direction de la publication. Et donc ça restera éditorialement la responsabilité des sociétés filles. La société holding, on veut que ça soit une société légère en charge de la stratégie, en charge de l'organisation, de la cohérence des projets et des organisations. Peut-être de trouver des dispositions pour trouver des effets levier en termes d'optimisation de tout ce que sont les fonctions supports. Et le contenu, les décisions de contenus, les décisions sur les informations de cela restera bien évidemment dans les entreprises éditrices de programmes.

RENAUD DELY
Mais vous évoquez le fait à l'instant que ce futur super ou cette future super PDG de la holding aura à charge donc d'harmoniser les contenus, en tout cas…

FRANCK RIESTER
Non, pas d'harmoniser les contenus. Il aura à charge de regarder en fonction de l'évolution des attentes et des publics et de trouver les meilleurs dispositifs pour toucher ces publics dans leur diversité. Par exemple sur l'offre Internet, comprenez bien qu'aujourd'hui l'offre Internet si on permet de réfléchir à ce que sont les attentes de nos compatriotes et de leur produire un bouquet sur Internet qui corresponde bien à leurs différents usages en termes de supports, en termes de contenus, on aura là la meilleure réponse possible à ce qu'ils attendent.

RENAUD DELY
On ne s'occupera donc que des tuyaux, pas des contenus.

FRANCK RIESTER
Ils auront la question des tuyaux et ils auront la mise en oeuvre des missions de service public, d'ailleurs qui sont définies à la fois dans la loi et dans le cahier des charges. Vous savez qu'il y a un cahier des charges qui précise les missions de service pour les groupes publics ou pour les entreprises publiques. Et ensuite ces missions-là, elles sont mises en oeuvre au sein des entreprises. Mais la partie éditoriale, c'est-à-dire les décisions des programmes, la décision de ce qui est mis à l'antenne ou pas, ce qui est mis sur Internet ou pas, ça ce sera du ressort des entreprises éditrices de programme.

MARC FAUVELLE
Il y a aussi la question, pardon Franck RIESTER…

FRANCK RIESTER
Il n'y aura aucune décision de publication au niveau de la société de holding.

MARC FAUVELLE
Il y a aussi la question de l'indépendance de la personne qui sera nommée super président ou super présidente. Comment la garantir ?

FRANCK RIESTER
Alors on a vu que dans les années passées, la nomination directement par le président de la République, ça c'était quelque chose qui n'avait pas fonctionné.

MARC FAUVELLE
Sous Nicolas SARKOZY.

FRANCK RIESTER
C'est Nicolas SARKOZY qui l'avait voulu. François HOLLANDE a modifié et a dit que c'est le CSA qui nomme. Il n'y avait pas de problème d'indépendance clairement mais la question, c'est qu'on ne peut pas donner à l'arbitre, aux juges le pouvoir d'être un acteur majeur du secteur…

MARC FAUVELLE
Si ce n'est pas l'Elysée, si ce n'est pas le CSA, comment ça va se passer ?

FRANCK RIESTER
C'est un juge et arbitre, c'est un conflit d'intérêts.

MARC FAUVELLE
Oui, comment ça va se passer ?

FRANCK RIESTER
Et donc, il n'y a aucun pays dans le monde qui le fait. Et donc la plupart des pays résolvent cette question importante qui est la question de l'indépendance et du bon fonctionnement des entreprises en donnant le pouvoir de nomination à un conseil d'administration.

MARC FAUVELLE
Où l'Etat à des représentants.

FRANCK RIESTER
Où l'Etat à des représentants.

MARC FAUVELLE
Mais il sera minoritaire

FRANCK RIESTER
Par exemple sur le Conseil d'administration de la société-mère, l'Etat aura trois représentants sur douze administrateurs. Et donc on voit bien que c'est, il nous semble, la meilleure façon et c'est d'ailleurs encore une fois un grand nombre d'entreprises publiques qui sont organisées de la sorte, d'assurer l'indépendance l'audiovisuel public tout en mettant en place une gouvernance qui permette que les entreprises soient gérées comme il se doit.

MARC FAUVELLE
Franck RIESTER, vous restez avec nous. On va parler de la redevance, si vous le voulez bien, dans quelques instants puisqu'elle va baisser pour la première fois depuis une quinzaine d'années. (…)
- Franck RIESTER, la redevance audiovisuelle va passer à 138 euros par an l'an prochain pour les Français contre 139 cette année au moment même où vous demandez déjà de grosses économies à tout le secteur audiovisuel public. Ça veut dire qu'il va falloir aller encore plus loin dans les économies que vous réclamez ?

FRANCK RIESTER
Non, pas du tout. Pas du tout. Il y a une trajectoire financière qui a été déterminée de 2018 à 2022, où il y a un effort effectivement demandé à l'audiovisuel public. Vous savez qu'on est dans une période de rétablissement des comptes publics et de baisse de la fiscalité. Et donc des efforts sont demandés à toutes les entreprises publiques, à toutes les administrations et cet effort, il est prévu jusqu'à 2022 et il nous paraît soutenable. Le point, c'est que la contribution à l'audiovisuel public, la redevance a un rendement dynamique. Ce qui fait qu'à 139 euros dans les prévisions qui sont les nôtres…

MARC FAUVELLE
Pardon, c'est quoi un rendement dynamique ?

FRANCK RIESTER
C'est-à-dire qu'il y a une dynamique des ressources générées par cette contribution à l'audiovisuel public. Parce que vous avez 139 euros par contribuable qui à la télévision mais si vous avez plus de contribuables qui payent, vous avez des ressources qui sont plus importantes d'une année sur l'autre.

MARC FAUVELLE
Là si on baisse d'un euro, il y a mécaniquement une baisse des ressources attribuées à l'audiovisuel.

FRANCK RIESTER
Ecoutez-moi, écoutez-moi !

MARC FAUVELLE
Je vous écoute.

FRANCK RIESTER
Donc l'année prochaine, les prévisions de ce rendement, de cette redevance, donc la somme totale collectée est supérieure à ce qu'est la trajectoire financière déterminée pour l'année prochaine. Et donc il y a deux solutions : soit ça rentre dans les caisses de l'Etat, ce surplus de contribution à l'audiovisuel public, soit on le rend aux Français. Donc on a pris la décision de le rendre aux Français. Mais ça veut dire que dans l'avenir, on pourra aussi adapter dans l'autre sens la contribution à l'audiovisuel public pour satisfaire les besoins de financement public qui ont été déterminés dans un plan pluriannuel. Parce que ce qu'on veut faire, c'est d'abord donner de la visibilité financière aux entreprises audiovisuelles publiques même s'il y a un effort qui est demandé. Parce que n'est pire que cette volatilité des financements de l'audiovisuel public comme je le vois depuis tant d'années. Donc on a mis un plan pluriannuel de financement public et on va s'y tenir. Et pour le financer, il y a une contribution spécifique affectée qui est la contribution à l'audiovisuel public.

MARC FAUVELLE
Ne cassez pas les micros, svp, c'est de l'argent public.

FRANCK RIESTER
Vous avez raison, j'ai appuyé trop fort.

MARC FAUVELLE
Merci.

FRANCK RIESTER
Contribution à l'audiovisuel public qui est directement affectée. Affectée à l'audiovisuel public mais s'il y a un rendement, c'est-à-dire si la totalité de ce qu'on a en collecte est supérieure, à ce moment-là on préfère le rendre aux Français plutôt que de le garder dans le budget de l'Etat.

RENAUD DELY
Très concrètement Franck RIESTER, quand vous annoncez une visibilité à long terme et une pérennité de ces ressources, ça veut dire qu'il y a aujourd'hui à RADIO FRANCE une baisse de vingt millions des dotations de l'Etat.

FRANCK RIESTER
Sur la période 2018-2022, oui.

RENAUD DELY
D'ici 2022, il n'y aura pas d'efforts supplémentaires demandés par l'Etat à RADIO FRANCE ?

FRANCK RIESTER
Non, il n'y aura pas d'efforts supplémentaires demandés à RADIO FRANCE et l'Etat va prendre en charge la fin, vous le savez, des travaux de la Maison de la Radio. Et c'est hors cette trajectoire budgétaire. C'est un engagement fort qu'on a pris et qu'on va tenir. Et donc cette communication de moins un euro de contribution à l'audiovisuel public n'entraînera pas, je le redis, d'évolution de la trajectoire financière qui est prévue d'ici à 2022.

MARC FAUVELLE
D'un mot encore sur la redevance, est-ce qu'elle a vocation à baisser encore pour les Français dans la suite du quinquennat ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez s'il s'avère que les ressources collectées sont supérieures à ce qui est nécessaire dans cette trajectoire financière dont je viens de vous parler, oui.

MARC FAUVELLE
Parmi les pistes d'économies qui ont été annoncées ces derniers mois, il y a la suppression des chaînes France 4 et France Ô qui ont vocation à basculer sur le numérique. Ça se fera quand ?

FRANCK RIESTER
Oui, ces chaînes vont cesser d'émettre en linéaire courant 2020, plutôt deuxième partie de l'année 2020. Et elles ont vocation certes à être sur Internet mais aussi les contenus d'Outre-mer, on peut dire, et les contenus jeunesse et notamment l'animation, a vocation à monter en puissance aussi sur les chaînes linéaires, avec une offre forte sur Internet mais aussi une offre linéaire où il y aura plus de contenus et d'offres de contenus audiovisuels de l'Outre-mer et de programmes jeunesse.

RENAUD DELY
Ça signifie que le canal 14 de la TNT va se libérer. A qui faut-il l'attribuer ?

FRANCK RIESTER
Ça, c'est le rôle du CSA d'attribuer les chaînes.

RENAUD DELY
Est-ce qu'il faut en profiter pour regrouper les chaînes d'information ?

FRANCK RIESTER
C'est de la responsabilité du CSA. Il y a des réflexions qui sont conduites par certains de dire : c'est intéressant de regrouper par thématique, par exemple l'information toutes les chaînes d'information. Mais ça, c'est de la responsabilité du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui va devenir l'ARCOM, puisque vous savez que dans le projet de loi audiovisuelle, il y a une partie sur l'audiovisuel public mais il y a une partie aussi sur la régulation, sur l'arbitre du terrain de jeu de l'audiovisuel si je puis dire. Et on va fusionner le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Hadopi qui est l'Autorité de régulation qui permet de lutter contre le piratage, pour bâtir une autorité de régulation de tout ce qui concerne les communications audiovisuelles et numériques.

MARC FAUVELLE
La question de la publicité, Franck RIESTER, qui est toujours un sujet très sensible pour les auditeurs et pour les téléspectateurs. Est-ce que vous jugez qu'à RADIO FRANCE, elle a atteint un niveau maximum aujourd'hui ?

FRANCK RIESTER
En termes de ressources financières…

MARC FAUVELLE
Je parle en termes de volume horaire.

FRANCK RIESTER
C'est à regarder. Je pense que l'équilibre actuel est le bon mais je ne suis pas bloqué d'une façon idéologique sur ces questions-là. Ce qui est certain, c'est qu'on a pris la décision de ne pas modifier cet équilibre qu'il y a dans l'audiovisuel public entre la nécessité d'avoir moins de publicité que sur les chaînes privées et, en même temps, de permettre malgré tout pour un certain nombre de programmes, pour un certain nombre de périodes dans la journée, d'avoir des ressources publicitaires qui permettent de conforter les financements de l'audiovisuel public. Concernant la télévision par exemple, mais aussi la radio, on a pris la décision, et c'est vrai pour les autres entreprises privées, de donner la possibilité de faire de la publicité segmentée, la publicité adressée y compris géolocalisée comme ç'a été très bien dit tout à l'heure. Ça va permettre comme le font les chaînes… Comme le font, pardon, les plateformes, les acteurs de l'internet, GOOGLE, de pouvoir mieux cibler la publicité en fonction des publics. Et ça, c'est de nature à iso volume de publicité, d'avoir des ressources financières supplémentaires.

MARC FAUVELLE
A volume égal.

RENAUD DELY
Et la troisième coupure publicitaire dans les films, ça, elle entrera en vigueur dès le mois de janvier.

FRANCK RIESTER
Alors elle sera possible dès le mois de janvier, effectivement, à travers un…

MARC FAUVELLE
Là en vous écoutant, les patrons de TF1 et M6 doivent être en train d'ouvrir le champagne.

FRANCK RIESTER
Attendez, pardon, pardon…

RENAUD DELY
Ce n'est pas un décret ? C'est une décision qui est prise par décret ?

FRANCK RIESTER
Non, non, pardon, pardon. Le projet de loi… C'est dans le projet de loi, donc ce n'est pas avant 2021, et c'est très clair sur cette troisième coupure : c'est uniquement pour les films longs. Aujourd'hui les chaînes de télévision…

RENAUD DELY
C'est-à-dire plus de quatre-vingt-dix minutes.

FRANCK RIESTER
Non, non, de plus de deux heures. Et donc ça veut dire des films qui sont longs. Un film de deux heures et demie, de trois heures qui aujourd'hui ne sont pas pour beaucoup d'entre eux mis à l'antenne parce qu'il y a un manque à gagner trop important pour les chaînes en termes de publicité. Et l'idée, c'est qu'il y ait plus de cinéma à la télévision. C'est pour ça qu'on supprime les jours interdits. C'est-à-dire que jusqu'à aujourd'hui, par exemple le samedi soir on ne peut pas regarder un film à la télévision. Eh bien demain on pourra, comme on peut sur Internet. Et deuxièmement, on veut que ces films y compris les films longs puissent être mis à l'antenne et c'est pour ça qu'on permet à la publicité, enfin aux antennes, aux chaînes de pouvoir mettre une troisième coupure. Mais là, vous savez, il faut aussi que ça soit acceptable par les publics donc c'est ce que je dis aux chaînes : faites-le si vous pensez que c'est utile mais attention, la qualité de visionnage des films est très importante.

MARC FAUVELLE
Il y a la question de la télé, il y a également la question du streaming vidéo et notamment le cas NETFLIX. Si vous le voulez bien, on va en parler dans quelques instants Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Oui. (…)

MARC FAUVELLE
Franck RIESTER, votre loi veut obliger les plateformes de vidéo à la demande comme NETFLIX ou encore AMAZON à financer davantage la production française à hauteur de 16 % de leur chiffre d'affaires. Comment est-ce que vous allez imposer ça à ces géants américains ?

FRANCK RIESTER
Ça sera même plus que 16 % parce que ça, c'est le minimum pour tous les diffuseurs, que ça soit des diffuseurs…

MARC FAUVELLE
C'est combien aujourd'hui pour NETFLIX ? Vous avez le chiffre ?

FRANCK RIESTER
Il n'y en a pas.

MARC FAUVELLE
Il n'y en a pas ? C'est zéro pour cent ?

FRANCK RIESTER
Oui, il n'y a pas d'obligation parce que ce sont des nouveaux acteurs…

MARC FAUVELLE
(inaudible)

FRANCK RIESTER
C'est, on estime, autour de… C'est moins de dix.

MARC FAUVELLE
D'accord. Donc vous allez leur demander beaucoup plus ?

FRANCK RIESTER
Ça sera plus de 16, ça sera plus de 16.

MARC FAUVELLE
Comment vous comptez faire ça ?

FRANCK RIESTER
Alors je vous explique. D'abord, c'est une chance pour nos compatriotes d'avoir une offre audiovisuelle de plus en plus importante. Et ces plateformes en streaming offrent un service important et donc l'idée, ce n'est pas de dire « c'est mal, on n'en veut pas et on ne fait pas avec ». Non, au contraire, on pense que c'est une bonne chose. C'est une bonne chose parce que ça renforce l'offre et c'est une bonne chose parce que grâce à ce système qu'on va mettre en place, ces plateformes vont investir davantage dans les contenus audiovisuels européens et français. Comment on va faire ? On modifie la loi. On s'est donné la possibilité de le faire grâce à une directive européenne qui a été votée. D'ailleurs plusieurs directives européennes qu'on va transposer, c'est-à-dire qu'on va mettre dans le droit français la directive dit Service médias audiovisuels, la directive SMA, la directive droits d'auteur et ces deux directives vont nous permettre de nous donner des leviers pour faire en sorte que ces nouveaux acteurs de l'Internet rentrent dans le système français qui, depuis des années, a permis d'avoir une offre diverse, de qualité pour le public français.

MARC FAUVELLE
Si elles ne le font pas, Franck RIESTER, est-ce que vous êtes prêt à leur couper le signal ?

FRANCK RIESTER
Et donc ils vont avoir des obligations d'exposer les contenus européens. Ils vont avoir l'obligation de financer des contenus européens et ils vont avoir l'obligation que dans ces contenus qu'ils financent, il y ait une part pour le cinéma, une part pour l'audiovisuel et une part importante pour la production indépendante qui est une force de notre système français. Et l'idée, c'est qu'on ait des leviers et c'est ce qu'on met dans la loi, qui contraignent ces entreprises à le faire si on n'arrive pas à le faire par la négociation, mais on veut d'abord le faire par la négociation.

RENAUD DELY
Et si elles ne se plient pas à ces leviers que vous mettez dans la loi, est-ce que vous pouvez couper le robinet qui diffuse NETFLIX ?

FRANCK RIESTER
Alors on a… D'abord le levier qui devrait être confié à l'ARCOM, au futur Conseil supérieur de l'audiovisuel qui pourra prononcer un certain nombre de sanctions, on a dans la loi européenne la possibilité de travailler avec les autres régulateurs d'autres pays, les CSA dans d'autres pays, notamment là où sont installées ces plateformes. Vous savez que NETFLIX est installé aux Pays-Bas. Et donc avec l'ERGA, c'est le régulateur européen, on pourra discuter avec le régulateur des Pays-Bas…

RENAUD DELY
Mais vous ne pouvez pas empêcher la diffusion de NETFLIX.

FRANCK RIESTER
Si, si des Pays-Bas, de pouvoir inciter la plateforme à se conformer à la loi. Ensuite il y a des dispositifs qui sont des dispositifs légaux qui permettront éventuellement au Conseil d'Etat de pouvoir imposer, sous contrainte financière lourde, à ce que l'entreprise applique la loi. Et on est convaincu qu'on n'arrivera pas à un moment où on serait obligé de prendre des dispositions judiciaires qui obligeraient à couper le signal. On est convaincu que d'abord, par la négociation, par la force de conviction, on arrivera à ce que ces plateformes, parce que j'ai rencontré Reed HASTINGS, le patron de NETFLIX il y a quelques mois et il est complètement convaincu qu'il a besoin d'investir dans les contenus européens et notamment les contenus français. Donc on veut les convaincre que c'est pertinent y compris pour eux. Ensuite on a des leviers dans la loi qui nous permettent d'inciter un peu plus que simplement la force de conviction classique à ce qu'ils fassent, à respecter…

RENAUD DELY
Mais cette menace d'une sanction…

FRANCK RIESTER
Des sanctions financières, des sanctions pécuniaires. Vous savez pour une entreprise, les sanctions pécuniaires ça incite souvent davantage que d'avoir une menace de coupure. Donc on pense qu'entre les différents outils, les leviers que nous avons entre l'Autorité de régulation, le CSA futur ARCOM, le régulateur européen et les éléments plus juridiques notamment qui pourraient être mis en oeuvre par le Conseil d'Etat, on a la conviction que NETFLIX suivra ce qu'on lui propose de faire, c'est-à-dire s'inscrire d'une façon pérenne dans un pays qui lui dit « merci » de venir, parce qu'on est convaincu que c'est un service nouveau qui vient. Mais à partir du moment où vous êtes dans un pays, il faut respecter sa vision de la création, sa vision du financement par les diffuseurs des contenus qu'il diffuse et dans un pays où le droit d'auteur est quelque chose auquel on tient tout particulièrement.

MARC FAUVELLE
Un mot, Franck RIESTER, sur le cas d'Eric ZEMMOUR, condamné en début de semaine pour provocation à la haine raciale, ce n'est pas sa première condamnation, et dont on vient d'apprendre qu'il était embauché pour une émission quotidienne sur la chaîne d'information CNews. Eric ZEMMOUR qui était également en début de semaine à Perpignan où il est venu soutenir celui qu'il appelle son ami Louis ALIOT du Rassemblement national qui part à la bataille pour les municipales à Perpignan. Est-ce que l'arrivée d'Eric ZEMMOUR sur cette chaîne vous choque ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, Eric ZEMMOUR est dans le paysage audiovisuel et médiatique depuis de nombreuses années et c'est à chaque rédaction de prendre ses responsabilités en termes déontologiques et en termes éventuellement légaux mais ce n'est pas le cas en l'occurrence. Mais c'est donc à chaque rédaction de prendre ses responsabilités, à commencer par la rédaction de Cnews.

RENAUD DELY
Et vous, vous avez une opinion sur le fait que quelqu'un qui a été condamné donc pour incitation à la haine raciale soit embauché ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, moi je ne l'aurais sûrement pas fait.

MARC FAUVELLE
Vous le regarderez ?

FRANCK RIESTER
… Même si je ne le souhaite pas, on donne beaucoup la parole à monsieur ZEMMOUR même quand ce sont des rédactions qui ne l'accueillent pas, donc je pense que la meilleure réaction c'est de ne pas relayer les paroles de celles et ceux qui ont tendance à inciter à la haine.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Franck RIESTER.

RENAUD DELY
Merci.

FRANCK RIESTER
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2019