Interview de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, à France Inter le 3 février 2020, sur la proposition d'étendre à 12 jours le congé pour la perte d'un enfant et l'épidémie de Coronavirus.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Adrien Taquet - Secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Adrien TAQUET, Secrétaire d'Etat chargé de la protection de l'enfance auprès de la Ministre de la Santé est avec nous ce matin. Bonjour.

ADRIEN TAQUET
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous étiez hier à l'Ecole nationale d'officiers de sapeurs-pompiers à Aix-en-Provence…

ADRIEN TAQUET
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a reçu des Français venus de Chine. Deuxième avion qui a atterri à Istres.

ADRIEN TAQUET
Des Français et des étrangers aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des Français et des étrangers. Pas de nouveaux cas de coronavirus ?

ADRIEN TAQUET
A ce stade, non. Alors d'une part les personnes qui étaient arrivées vendredi, 180 personnes, ont subi une nouvelle batterie de tests qui s'est révélée négative.

JEAN-JACQUES BOURDIN
A Carry-le-Rouet.

ADRIEN TAQUET
C'est une bonne chose. Et puis il y avait vingt personnes qui présentaient quelques symptômes, montées dans l'avion, mais des symptômes qui n'étaient pas directement liés au coronavirus donc des rhumes, etc, mais il fallait quand même vérifier à leur arrivée sur le sol.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais tout va bien.

ADRIEN TAQUET
A ce stade, tout va bien. Il y a eu des tests qui ont été effectués, ils ont rejoint les centres hier soir. Voilà. Ils vont eux comme les autres être suivis pendant quatorze jours désormais.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Toujours six cas en France, c'est bien cela.

ADRIEN TAQUET
Oui. A ma connaissance, six cas en France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Effectivement, cinq à Paris et un à Bordeaux.

ADRIEN TAQUET
Voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Six cas en France mais enfin, tout est prêt évidemment si jamais, si jamais… Il ne faut pas s'inquiéter, je le dis toujours. Parce que j'entends ici ou là les uns et les autres…

ADRIEN TAQUET
Je vous remercie de le dire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne faut pas s'inquiéter. Toutes les mesures sont prises, j'imagine.

ADRIEN TAQUET
Toutes les mesures sont prises. C'est la raison aussi pour laquelle je me suis rendu hier à Istres et à Aix-en-Provence où à l'Ecole nationale des officiers de sapeurs-pompiers tout a été aménagé à la fois un peu en termes de confort pour nos compatriotes qui vont rester là quatorze jours mais aussi au point de vue sanitaire évidemment. Et franchement, moi j'ai envie de vous le dire, quand on voit ce que j'ai vu dans cette école, ce que j'ai vu sur la base d'Istres qui a accueilli les passagers qui rentraient de Chine, il y a de quoi être rassuré puis il y a de quoi être fier. Parce que je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de pays dans le monde qui soient en mesure dans des temps aussi courts de mobiliser autant de professionnels de santé, la police, la gendarmerie, les militaires, la Croix Rouge. Se coordonner de cette façon-là pour accueillir et pour suivre d'un point de vue sanitaire nos compatriotes. Franchement, il y a de quoi être fier de nos professionnels de santé et au-delà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Alors il y a de quoi être fier des professionnels de santé mais il n'y a pas de quoi être fier toujours des députés et notamment, je vais y revenir…

ADRIEN TAQUET
Oui, oui, vous avez raison d'en parler.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir.

ADRIEN TAQUET
Je suis là pour ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous êtes pour là.

ADRIEN TAQUET
Aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aussi, sur les congés après la disparition d'un enfant, les congés pour un salarié. On va en parler dans deux minutes, Adrien TAQUET. (…)
- Adrien TAQUET donc avec nous, Secrétaire d'Etat chargé des Droits de l'enfant. Adrien TAQUET, jeudi à l'Assemblée nationale, une proposition de loi qui visait à porter de cinq à douze jours le congé d'un salarié venant de perdre un enfant est rejetée par les députés. A une extrême justesse mais rejetée par les députés et par les députés de La République en Marche particulièrement. Adrien TAQUET, le président de la République est intervenu samedi pour dire en gros : « Ce n'est pas possible, ce n'est pas acceptable. » Que va-t-il se passer maintenant ?

ADRIEN TAQUET
Ecoutez, on a été un certain nombre effectivement à un peu tirer la sonnette d'alarme. Des parlementaires d'ailleurs, des ministres, le président de la République. Le président de la République nous invite tous à maintenant faire, je pense, un élan supplémentaire pour faire mieux encore que ce qui était proposé. Moi je trouve que c'est l'occasion d'aller encore probablement plus loin que ce que ce texte initialement prévoyait. Il y a plusieurs choses. Il y a question du congé. Ça s'est beaucoup cristallisé là-dessus et effectivement, moi je pense que les cinq jours actuels ne sont pas suffisants. Moi j'ai même des interrogations sur les douze jours. Est-ce qu'il ne faut pas aller plus loin ? Etant entendu, Jean-Jacques BOURDIN, on est bien d'accord, cinq, douze jours, un mois, trois mois, face à des drames comme ça, ce n'est pas cela qui permet de se reconstruire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Adrien TAQUET, je voudrais qu'on soit précis…

ADRIEN TAQUET
Et puis il y a tout…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, attendez. Je vais vous interroger…

ADRIEN TAQUET
Parce qu'au-delà du congé, il y a beaucoup d'autres choses…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris mais je vais vous interroger. Mais Adrien TAQUET, aujourd'hui on est à cinq jours. La proposition de loi va venir devant le Sénat. Est-ce que le gouvernement soutient les douze jours ?

ADRIEN TAQUET
Alors le gouvernement veut écouter les associations. Moi je vais les recevoir dès demain : Eva pour la vie, SOS Préma, Empreintes, ces associations qui accompagnent depuis des années les personnes, les parents qui sont confrontés au deuil. Ecouter, voir sur la question du congé quel est leur sentiment. Sur d'autres aspects : est-ce que le soutien psychologique que l'on apporte aux parents…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous pose la question du congé. Est-ce que vous êtes favorable à douze jours ?

ADRIEN TAQUET
Ecoutez, moi je vous dis…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Que dit le gouvernement ?

ADRIEN TAQUET
Moi je vous dis que nous devons aller au-delà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc douze jours, c'est déjà acquis.

ADRIEN TAQUET
Douze jours…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera acquis, ce sera voté.

ADRIEN TAQUET
Ecoutez, moi je ne veux pas… On va discuter avec les gens, je ne veux pas prendre des positions avant d'avoir discuté avec les gens mais je vous dis que je pense qu'il faut que le sujet soit totalement ouvert et qu'on ne s'enferme pas aujourd'hui dans les douze jours. Voilà. C'est clair comme réponse, non ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non.

ADRIEN TAQUET
Non ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Adrien TAQUET, non.

ADRIEN TAQUET
Ah, ce n'est pas clair ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous pose la question. Le texte va revenir, va venir au Sénat, on est bien d'accord.

ADRIEN TAQUET
Vous voulez que je vous dise ? C'est son cheminement normal. Moi ce que j'ai envie, c'est qu'il arrive vite dans le quotidien, dans la vie des gens. Et s'il y a moyen et que ça soit fait plus rapidement, il y aura peut-être une autre façon de faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Mais douze jours, au moins douze jours.

ADRIEN TAQUET
Oui. Moi je pense qu'il faut aller au moins jusqu'à douze jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Au moins douze jours.

ADRIEN TAQUET
Moi je pense qu'il faut même peut-être… Vous savez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ? Il faut même quoi alors ?

ADRIEN TAQUET
Je vais vous donner…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non mais attendez…

ADRIEN TAQUET
Je vais vous répondre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc douze jours.

ADRIEN TAQUET
Je vais vous répondre, je vais vous répondre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien allez-y.

ADRIEN TAQUET
Cette majorité-là que l'on vilipende depuis quelques jours…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A juste raison.

ADRIEN TAQUET
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?

ADRIEN TAQUET
C'est plus... C'est plus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, c'est plus compliqué que ça. Mais n'empêche que…

ADRIEN TAQUET
Ce n'est pas le sujet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord, ce n'est pas le sujet.

ADRIEN TAQUET
Elle a voté l'année dernière. Vous savez ce qu'elle a voté l'année dernière ? L'extension d'un congé paternité en cas d'hospitalisation des enfants à leur naissance. Par exemple en cas de prématurité, extension. Aujourd'hui le conjoint peut prendre douze jours. Trente jours, pardon ! Trente jours, vous voyez. Trente jours supplémentaires de congé paternité. C'est une avancée formidable qui était très attendue, voilà. Moi je trouve que c'est un bon référentiel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trente jours donc. On perd un enfant, trente jours de congé.

ADRIEN TAQUET
Je ne suis pas en train de vous faire le débat avant le débat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non.

ADRIEN TAQUET
Je suis en train de vous dire… Non, mais vous essayez de m'enfermer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je ne vous enferme pas, Adrien TAQUET. J'aimerais… J'essaye d'avoir votre opinion.

ADRIEN TAQUET
Eh bien mon opinion…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous en tant que Secrétaire d'Etat si vous étiez député, vous voteriez trente jours.

ADRIEN TAQUET
Eh bien moi je vous dis, eh bien moi en tant que Secrétaire d'Etat ancien député, ce que je vous dis c'est que ne faisons pas la même erreur qu'il y a quelques jours à nous enfermer sur des durées et sur exclusivement par ailleurs ce sujet. Moi je pense qu'il faut reposer le sujet sur la table, ne pas s'enfermer sur les douze jours, se dire qu'on peut peut-être aller plus loin et, par ailleurs, qu'il faut peut-être que la solidarité nationale prenne sa part, en plus des entreprises qui ont dit qu'elles voulaient prendre la leur. Très bien, et j'en suis ravi. Et peut-être… Allons peut-être au-delà des douze jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trente jours.

ADRIEN TAQUET
Allons au-delà des douze jours. Non mais on n'est pas là…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Au-delà, on est d'accord.

ADRIEN TAQUET
Non mais on n'est pas au bingo ! On n'est pas au bingo, Jean-Jacques BOURDIN ! Moi je vous dis…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc douze jours, vous appuyez, et si on peut au-delà c'est bien.

ADRIEN TAQUET
Mais je pense qu'il faut aller au-delà, voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Au-delà de douze jours.

ADRIEN TAQUET
Et je pense qu'il faut aller au-delà des douze jours et je pense qu'il faut aller au-delà des seuls congés parce que ce n'est pas le seul sujet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

ADRIEN TAQUET
Il faut améliorer l'accompagnement psychologique des parents. Il faut mieux prendre en charge les frais funéraires. Je suis désolé, c'est très dru mais c'est ça la question. Il y a des dispositifs qui existent avec la Caisse d'allocations familiales. Ça ne marche que pour 80 % des gens. C'est trois cents euros dans un département, deux mille euros dans un autre département. Bon, il faut améliorer ça, voilà. Tous ces sujets-là, il faudrait… Je veux dire, on a une occasion vraiment de bâtir un dispositif global qui permet, autant que faire se peut face à des drames comme ça, d'accompagner les parents. Voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez aller plus vite que le Sénat.

ADRIEN TAQUET
En tout cas, on va travailler là. Dès demain, on va recevoir les associations. Avec Muriel PENICAUD, on en train de préparer une concertation avec les entreprises. On travaille avec les parlementaires de la majorité aussi, et ça j'insiste là-dessus, qui travaillaient sur le sujet et qui travaillaient déjà sur le sujet. La question des frais funéraires, une députée de la majorité, Sereine MAUBORGNE, travaillait déjà depuis plusieurs semaines sur le sujet. Donc voilà, on avance. Moi j'ai envie qu'on avance vite, oui, si c'est ça votre question.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Prise en charge des enfants maltraités. L'Etat passe contrat avec trente départements, Adrien TAQUET.

ADRIEN TAQUET
Oui, absolument. Ça, c'est le fruit du travail qu'on avait initié l'année dernière, une grande concertation, et là je vais annoncer tout à l'heure effectivement les trente départements avec lesquels nous allons contractualiser. C'est une partie de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance pour améliorer notre système de protection de l'enfance, l'aide sociale à l'enfance dont on n'a pas mal parlé ces derniers temps, voilà, avec deux axes prioritaires. La prévention, il faut réinvestir sur la protection maternelle et infantile, la PMI, sublime institution. Et puis mieux prendre en charge les enfants situation de handicap qui sont à l'aide sociale à l'enfance. Vous savez, il y a 30 % des gamins qui sont à l'aide sociale à l'enfance qui sont en situation de handicap. On ne sait pas les prendre en charge dans notre pays. Ils sont au croisement de deux politiques publiques, ils tombent dans le trou entre les deux. Il faut qu'on résolve ça, il faut qu'on trouve des solutions innovantes pour mieux les accompagner.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Adrien TAQUET.

ADRIEN TAQUET
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 février 2020