Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée ce matin Sibeth NDIAYE, porte-parole du gouvernement. Bonjour.
SIBETH NDIAYE
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que le président de la République va mettre un terme aux fonctions de Ségolène ROYAL ?
SIBETH NDIAYE
C'est effectivement à l'ordre du jour ce matin du Conseil des ministres dans la partie relative aux nominations. Vous le savez il y a quelques semaines, nous avons fait des observations via les secrétaires généraux des ministères du Quai d'Orsay et de la Transition écologique à Madame ROYAL en tant qu'ambassadrice de la République française pour les pôles. Elle n'a pas souhaité apporter de réponse à ces observations et donc nous en tirons les conséquences.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc plus d'ambassadrice des pôles, plus de Ségolène ROYAL ambassadrice des pôles.
SIBETH NDIAYE
Elle ne sera plus, elle, ambassadrice des pôles. Evidemment il y aura une nomination qui sera faite pour occuper ce poste qui, je crois, est un poste vraiment important parce qu'on sait l'importance qu'ont les pôles et la fonte des glaces dans le phénomène du réchauffement climatique. Donc c'est un sujet sérieux dont il faut s'occuper avec sérieux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La réforme des retraites. Deux projets de loi présentés en Conseil des ministres aussi tout à l'heure. Vous aurez du pain sur la planche. Loi ordinaire et loi organique. La loi ordinaire, les principes du système ; dans la loi organique, tout le reste. Alors la valeur du point ne pourra pas baisser. Ça, c'est l'article 55 du projet de loi.
SIBETH NDIAYE
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Indexée sur les salaires et plus sur l'inflation. On est bien d'accord.
SIBETH NDIAYE
Et ça c'est un énorme progrès parce que, vous savez, en 1993 il y a eu une réforme qui est passée au fond assez inaperçu dans ce qu'elle avait de plus important et qui a fait en sorte que les pensions, les pensions de retraite soient désormais indexées sur l'inflation. Et en France, je sais que c'est compliqué à comprendre pour nos concitoyens parce qu'on n'a pas forcément ce sentiment à titre individuel, mais les salaires progressent deux fois plus vite que l'inflation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Assemblée nationale, début des débats le 17 février.
SIBETH NDIAYE
Oui, tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord.
SIBETH NDIAYE
Et les commissions qui préparent le débat en séance plénière, c'est à partir du 3 février.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vote définitif avant l'été, on est bien d'accord.
SIBETH NDIAYE
C'est ce que nous souhaitons, tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entrée en vigueur pour la première génération née en 2004, 2022.
SIBETH NDIAYE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. J'ai bien lu. 1er janvier 2022, minimum de la pension de retraite, mille euros.
SIBETH NDIAYE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
1er janvier 2022.
SIBETH NDIAYE
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ensuite ça va s'améliorer.
SIBETH NDIAYE
Exactement. Puisque dans la discussion que nous avons avec les organisations syndicales, on est rentré dans cette discussion en disant : ce sera à 85% du SMIC net pour les gens qui ont une carrière complète. Et on a dit : on peut en discuter, et donc ça fait partie des discussions qui sont menées actuellement par le secrétaire d'Etat en charge des Retraites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'objectif, c'est d'aligner le minimum de la pension de retraite sur le SMIC ?
SIBETH NDIAYE
Alors c'est une demande effectivement des organisations syndicales réformistes, en particulier la CFDT.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, la CFDT.
SIBETH NDIAYE
Moi je considère que le revenu de remplacement en quelque sorte que représente la retraite, il ne peut pas être au même niveau que le salaire que vous avez perçu au cours de votre vie de travail, et donc moi, je n'y suis pas favorable. En revanche, je pense qu'il y a quelque chose qu'il faut vraiment regarder. C'est pour les personnes qui ont eu ce qu'on appelle des carrières hachées avec beaucoup de trous, parce qu'ils ont dû s'arrêter, parce qu'il y a eu des périodes de chômage, de maternité, il faut qu'on essaie de regarder comment est-ce qu'on peut améliorer les choses parce qu'ils n'auront pas forcément des carrières complètes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que les choses soient claires, il va falloir travailler un peu plus longtemps.
SIBETH NDIAYE
On a toujours été très transparent sur ça. C'est, au fond, un impératif démographique parce qu'avant, vous aviez plus de gens pour cotiser. Il y avait quatre personnes en gros, quatre actifs qui pouvaient cotiser pour un retraité, pour payer la pension d'un retraité. En ce moment, c'est très exactement 1,7 ; on tend vers 1,5. On voit bien que si on ne veut pas trop augmenter les cotisations des actifs, pas baisser les pensions des retraités, il faut allonger le temps qu'on passe à travailler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A quoi sert l'âge d'équilibre ou l'âge pivot ?
SIBETH NDIAYE
Ça sert en fait à avoir en quelque sorte une référence. Une référence pour un système, pour que tout le monde sache de manière citoyenne que c'est mieux de partir à un âge qui sera à déterminer par les la gouvernance future du système, et c'est aussi une référence individuelle pour qu'on sache à quel âge on a une pension complète. Mais ce que je veux dire et qui est très important, nous nous avions situé cet âge à 64 ans initialement quand on a commencé la discussion. Aujourd'hui, vous avez des Français et des Françaises, cent vingt mille par an chaque année, qui vont jusqu'à 67 ans. De 64 à 67 ans. Et ces Français-là, ils pourront voir diminuer le nombre d'années pendant lesquelles ils travailleront avec le nouveau système.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il y en a d'autres qui verront aussi le nombre d'années augmenter.
SIBETH NDIAYE
Oui, tout à fait. Et on l'assume parfaitement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord. Il n'y a pas que cela.
SIBETH NDIAYE
Non, bien sûr. Mais si on augmente le nombre d'années où on cotise, en fait on a une meilleure pension aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Y aura-t-il oui ou non une mesure d'âge ? Oui, il y aura une mesure d'âge ; on est bien d'accord.
SIBETH NDIAYE
Alors, il faut distinguer deux choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
SIBETH NDIAYE
Il faut être très clair. Il faut distinguer deux choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
SIBETH NDIAYE
Il y a le système futur universel. Quand il sera entièrement mis en place, il y aura dedans un âge d'équilibre et c'est marqué dans le projet de loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une mesure d'âge.
SIBETH NDIAYE
Une mesure d'âge. Mais c'est en fait les modalités de fonctionnement même du système qui appellent qu'il y ait un âge d'équilibre comme il existe aujourd'hui, un âge légal. Maintenant, on sait aujourd'hui qu'il y a un déficit dans le système de retraite actuel, que ce déficit va en s'aggravant d'ici 2027. Nous, on avait proposé une solution pour dire comment on résorbe ce déficit ; c'était le fameux âge d'équilibre mis en place à partir de 2022
JEAN-JACQUES BOURDIN
On retarde le départ.
SIBETH NDIAYE
On retardait les départs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour toucher une pension pleine.
SIBETH NDIAYE
Exactement. Et donc nous, on a considéré que c'était la meilleure solution. Les syndicats réformistes nous ont dit : "On pense que ce n'est pas la meilleure solution, on peut en trouver une autre." Donc le compromis qu'on a trouvé avec eux, c'est de leur donner l'opportunité d'en trouver un autre et on reprendra ce compromis à notre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'où la conférence sur le financement.
SIBETH NDIAYE
D'où la conférence sur le financement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. On ne connaît pas la valeur du point. Ce sont des questions qu'on se pose. La valeur du point.
SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr. Et c'est des questions qui sont légitimes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui la fixera ?
SIBETH NDIAYE
Alors c'est les syndicats au sein de la gouvernance avec le patronat, et ensuite ce sera validé par un vote au Parlement. C'est ce qui est posé aujourd'hui. Donc cette valeur du point, nous on a fait une proposition initiale qui était qu'un point vaut dix euros. Je ne suis pas sûre que ça signifie grand-chose pour les gens parce que tout ça s'étale sur une vie, c'est revalorisé de l'évolution des salaires. Mais en tout cas, ceux qui le fixeront définitivement, ceux qui décideront, ce seront les gens de la gouvernance : les syndicats, le patronat et ensuite avec une validation par le Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc conférence sur le financement. Elle débutera jeudi prochain je crois savoir.
SIBETH NDIAYE
Oui, le 30 janvier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que tous les syndicats viendront ? Est-ce que vous avez les réponses des syndicats opposés à la réforme des retraites ?
SIBETH NDIAYE
Alors le Premier ministre a annoncé dans une interview qui est parue ce matin la date à laquelle il y aurait cette conférence de financement. Et donc maintenant, on sait que les syndicats réformistes qui l'ont réclamée en particulier la CFDT mais aussi l'UNSA, la CFTC, seront participants à cette conférence. Ils ont d'ores et déjà dit qu'ils avaient beaucoup de propositions à faire. Maintenant, moi je souhaite que le plus grand nombre soit là parce que l'équilibre financier d'un système des retraites, c'est ce qui assure qu'il sera pérenne, qu'il restera par répartition et je pense que c'est une discussion très large qu'on doit avoir dans la démocratie sociale pour notre pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce qu'on ne connaît toujours pas le coût de cette réforme ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien en fait, ce que je peux vous dire d'ores et déjà, c'est qu'on consacre aujourd'hui 14% de notre richesse qu'on produit chaque année aux retraites, au paiement des retraites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trois cents milliards, trois cents et quelques milliards.
SIBETH NDIAYE
Exactement, trois cent vingt milliards. Et on continuera à consacrer la même proportion de notre richesse nationale aux retraites. Comme chaque année on augmente notre richesse nationale, parce qu'on a de la croissance, eh bien on consacrera chaque année en volume un peu plus d'argent à la réforme des retraites. Ça permet d'assurer le paiement de plus de pensions puisqu'il y a plus de retraités, et d'assurer un très bon niveau de pension.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au coeur des débats futurs, la prise en compte de la pénibilité.
SIBETH NDIAYE
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que tout finalement va fonctionner selon la pénibilité, selon le travail de chacun. Est-ce qu'il est prévu un congé reconversion à mi-carrière pour les métiers pénibles ?
SIBETH NDIAYE
C'est la proposition que nous, on a mis sur la table parce qu'on considère en fait que plutôt que de laisser les gens s'user dans des métiers qui sont difficiles et arriver tout cassés à la fin de leur carrière, il vaut mieux proposer à mi-carrière… Est-ce que c'est quinze ans, est-ce que c'est vingt ans, on ne sait pas, il faut en discuter…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une reconversion.
SIBETH NDIAYE
Une reconversion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec formation.
SIBETH NDIAYE
Qui vous est payée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui est payée. Payée à quelle hauteur ?
SIBETH NDIAYE
Qui est payée. Alors pour l'instant, on a posé sur la table le fait qu'on vous paye pendant six mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Salaire que l'on touche avant de se reconvertir.
SIBETH NDIAYE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On touche son salaire pendant six mois.
SIBETH NDIAYE
Exactement. Il faut que ce soit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et on est formé pour la reconversion.
SIBETH NDIAYE
Il faut que ce soit dans un métier pénible évidemment. On ne va pas proposer ça à des gens qui n'ont pas de métier pénible. C'est la proposition qu'on a mis sur la table. Maintenant, on a la discussion avec les organisations syndicales en ce moment. Je ne sais pas ce qu'il en sortira. Il y a aussi un deuxième dispositif dont je voudrais parler c'est la retraite progressive. Parce qu'on sait aussi qu'il y a des métiers… Moi, j'ai le souvenir d'une conversation avec une infirmière à Tourcoing, une infirmière de bloc, qui me disait : "Moi, rester parfois cinq heures dans une opération debout, je ne peux plus à l'âge que j'ai parce que c'est trop difficile. Mais si on me permettait de ne pas le faire tous les jours, donc d'être à temps partiel à la fin de ma carrière, c'est une opportunité que je saisirais." On est en train d'y réfléchir avec les syndicats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a une idée défendue par les syndicats réformistes : définir la pénibilité au niveau des branches professionnelles. Une idée que vous reprenez ?
SIBETH NDIAYE
C'est une idée qu'on examine avec beaucoup d'attention justement, parce que ça permet de dire : au fond quand vous êtes déménageur, il n'y a pas de déménageur qui ne porte pas de charges lourdes. Donc plutôt que d'essayer de calculer dans votre journée de déménageur combien de temps vous avez porté une charge lourde, ce qu'on a fait jusqu'à maintenant c'est qu'on a dit : si un médecin détermine le fait qu'à cause de votre métier vous avez une inaptitude d'au moins 10%, on vous fait partir plus tôt. Et donc nous ce qu'on voudrait c'est aller un peu plus loin et pouvoir faire en sorte qu'on augmente la prévention de la pénibilité. Parce qu'il vaut mieux avoir… Vous êtes dans un entrepôt – AMAZON par exemple pour ne pas le citer -, vous avez des charges lourdes à transporter, c'est mieux d'avoir les bons instruments pour le faire. Utiliser des ventouses, utiliser des chariots pour pouvoir le faire. Et donc il vaut mieux prévenir que guérir, c'est un principe intangible, et donc on va essayer de mettre de l'argent à travers un nouveau système pour permettre de prévenir la pénibilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi, Sibeth NDIAYE, avez-vous perdu la bataille d'opinion sur la réforme des retraites ?
SIBETH NDIAYE
Alors là, ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous pose la question.
SIBETH NDIAYE
C'est une bonne question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
SIBETH NDIAYE
Je pense que la réforme des retraites, la retraite en général, c'est la dernière partie de votre vie. C'est à la fois un moment de bonheur parce que vous vous dites "je suis libéré du travail" mais en même temps c'est aussi un moment d'angoisse. Et on sait qu'il y a beaucoup de crises cardiaques, de maladies qui surviennent notamment chez les hommes quand on arrête l'activité parce qu'en quelque sorte, il y a un petit vide qui se crée, et je crois très profondément que c'est une source d'inquiétude. Honnêtement aujourd'hui, si on demande à un Français dans la rue dans le système actuel, hors réforme des retraites, à quel âge il part à la retraite et dans quelles conditions, il y a assez peu de gens qui le savent parce que le système est très complexe. Ça génère de l'anxiété.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le nouveau système paraît aussi très complexe, pardon, Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
On essaye de simplifier les choses, mais vous ne partez pas de quarante-deux régimes pour en arriver à un d'un coup de baguette magique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
61% des Français veulent qu'Emmanuel MACRON le retire, ce projet. Ça traduit quoi ?
SIBETH NDIAYE
Je pense que ça traduit une forme d'exaspération et une forme de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'exaspération de quoi ? De qui ?
SIBETH NDIAYE
D'exaspération d'abord qu'on en parle énormément, qu'il y ait beaucoup de manifestations, qu'il y ait parfois de la violence assez radicale dans certaines manifestations. Je pense que ça traduit de la lassitude et que les Français ont envie de passer à autre chose. Ils ont envie de passer à autre chose mais moi j'ai envie de leur adresser un message. Cette réforme, si on la fait avec les difficultés que ça représente, c'est parce qu'on est profondément convaincu qu'elle est massivement redistributive et que les gens qui aujourd'hui sont les oubliés de la solidarité nationale, ceux qui sont à temps partiel, ceux qui ont des petites carrières, ce seront les grands gagnants de cette réforme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais, Sibeth NDIAYE, j'ai envie de vous renvoyer la question. Mais si elle était si bonne, cette réforme des retraites, pourquoi est-ce que les Français la rejetterait ? Franchement.
SIBETH NDIAYE
Mais parce qu'il y a une difficulté de compréhension. Mais aujourd'hui, est-ce que les gens sont parfaitement... A la réforme précédente, quand il y a eu la réforme précédente de Marisol TOURAINE, dans le quinquennat précédent, les gens ils ont manifesté, ils n'étaient pas du tout contents de la réforme qui était proposée, et aujourd'hui c'est le système qui est produit par cette réforme qui est ardemment défendu, en particulier par des organisations syndicales qui étaient contre à l'époque.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que dans le fond, les opposants politiques qui sont très actifs contre le projet de réforme, contestent la légitimité d'Emmanuel MACRON ?
SIBETH NDIAYE
Je pense qu'il y a toujours eu, au fond, l'idée qu'Emmanuel MACRON était quelqu'un qui avait braqué…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que c'était un imposteur ?
SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr, qui avait braqué l'élection présidentielle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je regardais ce que disent les Français, un imposteur, mais pas que cela, vous avez vu que les Français sont assez sévères : autoritaire, arrogant, inquiétant.
SIBETH NDIAYE
Mais en même temps, ils nous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai trouvé ça dans un sondage Elabe.
SIBETH NDIAYE
Ils nous créditent aussi d'avoir su réformer le pays, su le transformer. Parce qu'il y a aussi des gens qui réclament de ne rien faire au nom de la peur de faire. Moi je crois très profondément qu'on a un pays qui est prêt à être réformé, pour peu qu'on explique les choses. Parfois c'est difficile, parfois c'est ardu, mais moi je reste convaincue qu'on garde la confiance des Français si on est capable d'expliquer nos transformations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, réponse d'Emmanuel MACRON, c'était dans l'avion, au retour d'Israël, c'était donc il y a quelques heures, ce sont nos confrères de Radio J qui ont recueilli les propos du président de la République. Nous écoutons un extrait.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE – DOC. RADIO J
... Et aujourd'hui s'est installée dans notre société, et de manière séditieuse par des discours politiques, extraordinairement coupables, l'idée que nous ne serions plus dans une démocratie, qu'il y a une forme de dictature qui s'est installée ; Mais allez en dictature ! Une dictature, c'est un régime où une personne ou un clan décide des lois. Une dictature c'est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France c'est cela, essayez la dictature et vous verrez. La dictature, elle justifie la haine. La dictature, elle justifie la violence pour en sortir. Mais il y a en démocratie un principe fondamental : le respect de l'autre, l'interdiction de la violence, la haine à combattre. Tous ceux qui aujourd'hui dans notre démocratie se taisent sur ce sujet, sont les complices aujourd'hui et pour demain, de l'affaiblissement de notre démocratie et de notre République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A qui s'adresse le président de la République, Sibeth NDIAYE ?
SIBETH NDIAYE
Je pense que le président de la République tient un propos général à l'égard de tous les responsables politiques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ?
SIBETH NDIAYE
Et au fond à l'égard de notre société toute entière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ?
SIBETH NDIAYE
On est dans un pays, où vous avez des gens qui ont des discours dans lesquels, au fond, ils considèrent que l'on est en dictature.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qui sont ces gens ? Nommez-les !
SIBETH NDIAYE
Moi, je ne veux pas jeter l'anathème sur untel ou untel, parce que je pense que ce n'est pas parce qu'on désigne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a des mouvements politiques, il y a des partis politiques ?
SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr, je pense qu'il y a…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez à qui ?
SIBETH NDIAYE
Dans certains syndicats, je pense en particulier à des syndicats qui sont plutôt classés à l'extrême gauche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquels ?
SIBETH NDIAYE
J'écoutais ce matin par exemple un responsable syndical de SUD, qui au fond justifie une forme de violence dans les manifestations, ou dans les actions. J'ai entendu aussi des responsables locaux de la CGT, le justifier de la même manière, et moi je pense que c'est très dangereux. Parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et parmi les politiques ?
SIBETH NDIAYE
Je pense que notamment à la France insoumise vous avez des gens qui accréditent au fond l'idée qu'il y aurait un régime, les mots ont un sens, un régime qui imposerait sa loi au reste de la population. Mais enfin en France, il y a des élections, on peut être sanctionné dans ces élections, et on a gagné cette élection présidentielle, avec un programme, on a derrière gagné une élection législative, avec un programme, et entre temps, vous savez quoi ? Il y a même eu des élections européennes. Donc je peux vous dire qu'on est un pays dont la démocratie est extrêmement, extrêmement solide, il y a une totale liberté d'expression, il y a une totale liberté de manifestation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous croyez que ces politiques que vous venez de citer, la France Insoumise ou Rassemblement national, ont la volonté de pousser Emmanuel MACRON à quitter le pouvoir ? Jusque-là ?
SIBETH NDIAYE
Alors, je ne l'espère pas. Honnêtement, je ne l'espère pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne l'espérez pas, mais vous ne l'excluez pas.
SIBETH NDIAYE
Eh bien, écoutez, il est légitime en démocratie, que des gens aient envie de prendre la place à travers une élection, de celui qui est en place c'est normal, c'est le rôle des oppositions, somme toute. Il y a une manière de le faire, il y a une manière de le dire, et aujourd'hui je crois qu'on est au fond sur la ligne de crête, du moment où on peut basculer du mauvais côté de la pièce.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Taxe GAFA, j'avais besoin d'une précision. Discussion à l'OCDE si j'ai bien compris.
SIBETH NDIAYE
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'OCDE qui fixera cette taxe, le montant de cette taxe. Bien. Mais pour l'instant, la taxe française est maintenue.
SIBETH NDIAYE
Alors, elle est évidemment maintenue. Ce que nous avons eu comme accord avec les Américains, c'est qu'on suspend les prélèvements de cette taxe, jusqu'à la fin de l'année, le temps de laisser la discussion à l'OCDE, avoir cours. Mais à la fin de cette année, soit il y a un accord avec l'OCDE, et auquel cas il y a une taxe mondiale, soit il n'y a pas d'accord avec l'OCDE, et il y aura une taxe française.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il va y avoir un prochain prélèvement.
SIBETH NDIAYE
Il y aura un prélèvement qui sera effectué à la fin de l'année 2020, soit sur la base de la taxe française, soit sur la base de la taxe internationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question sur les municipales. Alors, j'ai été étonné de voir, de lire Edouard PHILIPPE répondre à la question posée par nos confrères de La Croix, concernant les municipales au Havre. Il élude la question dans La Croix ce matin, c'est assez amusant, il ne dit pas non. Ça vous a surpris ? Franchement. Il ne dit pas non.
SIBETH NDIAYE
Moi j'entends souvent le Premier ministre quand il parle du Havre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qu'est-ce qu'il dit ?
SIBETH NDIAYE
C'est quelqu'un qui est assez sérieux, et qui n'est pas très émotif au quotidien, mais on sent que quand il parle du Havre, il y a quelque chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a une passion.
SIBETH NDIAYE
Il y a une passion, il y a quelque chose de très particulier, qui vibre. Il vous parle, enfin voilà, il parle avec un amour immodéré de sa ville où il a ses racines. Et donc je ne serai pas étonnée d'un choix éventuel qu'il pourrait faire, d'attachement vis-à-vis de cette ville. Après…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'est pas candidat. Ça ne vous étonnerait pas qu'il le soit.
SIBETH NDIAYE
Après, c'est une décision qui lui appartient évidemment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est sûr.
SIBETH NDIAYE
Et ce n'est pas la porte-parole du gouvernement qui va l'expliciter à sa place. Il a donné une règle à l'ensemble des ministres, lui inclus, pour dire qu'avant le 31 janvier 2020, nous devions donner notre position sur une éventuelle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes le 24.
SIBETH NDIAYE
Eh bien voilà, il nous reste 6 jours. On a le temps.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il reste 6 jours, 7 jours. Ça ne vous étonnerait pas qu'il soit candidat au Havre ?
SIBETH NDIAYE
Ça ne m'étonnerait pas. Mais après, vous savez, c'est lui qui décide, mais ce que je veux souligner aussi, c'est que c'est un homme qui a un très très grand attachement à cette très belle ville.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez perdre Paris, Sibeth NDIAYE…
SIBETH NDIAYE
Ah ben vous avez une boule de cristal Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je n'ai pas de boule de cristal, non, ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'un de mes invités qui le disait dans la semaine, qui était là à votre place.
SIBETH NDIAYE
Alors, j'imagine que c'était quelqu'un qui est un compétiteur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DENORMANDIE. Julien DENORMANDIE "on va perdre Paris si on continue".
SIBETH NDIAYE
Ah... Ah eh bien oui, il y a une conditionnalité, évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais... eh bien oui, alors, qu'est-ce qu'il faut faire ? Vous demandez ce matin à Cédric VILLANI de renoncer ?
SIBETH NDIAYE
Moi je pense que quand on a des forces progressistes qui sont en présence, je crois c'est le cas de Cédric VILLANI, en tout cas je l'espère toujours, c'est évidemment le cas de Benjamin GRIVEAUX, il faut qu'on soit capable d'unité et de rassemblement. Il y a un processus démocratique interne qui a eu lieu, il a désigné Benjamin GRIVEAUX. Evidemment je souhaite que Cédric VILLANI puisse le rejoindre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes honnête, franchement ? Je sais que vous êtes honnête Sibeth NDIAYE, vous dites ce que vous pensez, est-ce que vous pensez que c'est possible un accord entre Benjamin GRIVEAUX et Cédric VILLANI, franchement ?
SIBETH NDIAYE
En politique, si vous n'avez pas d'espoir et d'engagement pour réaliser cet espoir, vous n'en faites pas de la politique. Donc moi, jusqu'à la dernière minute, j'essaierai de convaincre Cédric VILLANI de rejoindre son parti d'origine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question, mais là on s'évade, nous allons partir pour Washington. Donald TRUMP, qui va participer à la marche anti-avortement aujourd'hui. Ça vous inquiète ça, à Washington ?
SIBETH NDIAYE
C'est évidemment son droit le plus strict, parce que chacun a le droit d'avoir ses opinions politiques. Les États-Unis sont pour le coup aussi une très belle et très grande démocratie, très solide. Évidemment, je regrette qu'à travers le monde, des idées qui visent à restreindre les droits des femmes, puissent exister, se développer, et donc évidemment c'est un regret que j'ai, mais d'un point de vue politique, parce que pour le coup on peut avoir des désaccords politiques, même si les États-Unis sont notre allié indéfectible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 janvier 2020