Texte intégral
GERARD LECLERC
Bonjour Cédric O.
CEDRIC O
Bonjour.
GERARD LECLERC
Le président MACRON s'adresse ce soir de façon solennelle aux Français, à 20h00. Pourquoi maintenant ? Que faut-il en attendre ?
CEDRIC O
Je ne crois pas qu'il faille attendre d'annonce particulière ou en tout cas de grande annonce, notamment pas d'annonce de passage en phase 3, ce n'est pas à lui de le faire, c'est plutôt aux médecins, en tout cas au suivi scientifique tel qu'on le fait depuis le début. Je pense que dans ces moments, qui sont des moments d'inquiétude et de crise, il est important à la fois de montrer de l'unité et du rassemblement, et c'est le rôle du chef de l'Etat de le faire, et puis de continuer à faire toute la transparence sur ce que nous faisons, les mesures que nous mettons en place, expliquer ce qui se passe, expliquer ce qui se passe de manière internationale, la mobilisation de l'Europe, le comportement des autres pays, et puis continuer à apaiser, à montrer que le gouvernement est pleinement mobilisé, que les services de santé sont au travail, et que nous faisons tout pour gérer et maîtriser cette crise.
GERARD LECLERC
Va-t-il annoncé par exemple le report des municipales ?
CEDRIC O
Je ne vais pas faire de prospective sur ce que va dire le président, cela m'étonnerait beaucoup. Nous avons à plusieurs reprises, expliqué que pour des raisons scientifiques, il n'y a aucune raison de reporter les municipales, même s'il faut prendre quelques mesures de précautions dans la distribution de gel hydro-alcoolique, dans le fait qu'il n'y ait pas trop de monde dans les bureaux de vote en même temps, des choses comme ça, mais cela n'aurait pas de sens scientifique et sanitaire de reporter les municipales. Donc je ne pense pas que ce soit le cas.
GERARD LECLERC
Donald TRUMP, lui, eh bien a surpris tout le monde en suspendant tous les vols en provenance d'Europe, sauf du Royaume-Uni, et puis ça ne s'applique pas non plus aux citoyens américains. Vous en pensez quoi ?
CEDRIC O
Il m'est un peu difficile de commenter les décisions des uns et des autres. Les Etats-Unis sont souverains, c'est vrai qu'il y a des éléments un peu étonnants dans la décision de Donald TRUMP, dans notamment le fait ça ne concerne pas les citoyens américains ni la Grande-Bretagne. La seule chose que je peux vous dire, c'est que s'agissant des décisions françaises, puisque que je vois qu'il y a un débat sur fermeture des frontières ou pas...
GERARD LECLERC
Ah oui, beaucoup de gens disent : pourquoi la France ne ferme pas ses frontières ?
CEDRIC O
Nous, ce que nous faisons, c'est que nous prenons systématiquement des décisions qui sont fondées sur le consensus et les conseils des médecins et des Autorités sanitaires, pour faire en sorte de lisser et de retarder le plus possible la propagation du virus. Je pense que c'est la bonne décision, après, chaque pays est maître de ses décisions.
GERARD LECLERC
Alors, le gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures pour soutenir les secteurs en difficulté. Est-ce qu'il faut des mesures supplémentaires et particulières pour notamment ce qui vous intéresse vous, c'est-à-dire les start-up, la haute technologie, souvent ce sont des jeunes entreprises qui sont peut-être plus fragiles que d'autres ?
CEDRIC O
Alors, effectivement Bruno LE MAIRE et Muriel PENICAUD ont annoncé des mesures extrêmement importantes pour permettre aux entreprises de passer plus facilement cette crise. C'est vrai sur le report d'échéances fiscales et sociales, c'est vrai sur le chômage partiel. Et ce que nous faisons, c'est que nous adaptons ces mesures au secteur des start-up, de deux manières. La première, c'est que ces start-up ont certaines spécificités, je vous prends un exemple très concret : nombre d'entre elles n'ont pas eu le temps, parce qu'elles ont crû très vite, de mettre en place un Comité d'entreprise, or l'avis du Comité d'entreprise est indispensable pour avoir recours au chômage partiel. Donc évidemment, on ne va pas les empêcher d'avoir recours au chômage partiel, ce serait contre-productif, donc on adaptera ces règles à la situation des start-up. La deuxième chose c'est que ce sont des entreprises qui, par nature, sont très très loin du discours politique et de l'administration, donc on met en place dès demain après-midi, des sessions de formation et des sessions de questions-réponses en ligne, et physiques d'ailleurs aussi, à STATION F, pour qu'elles puissent poser toutes leurs questions sur le chômage partiel, sur l'action de la BPI, et qu'on puisse apporter toutes les réponses, parce qu'il y a beaucoup de questions qui peuvent se poser.
GERARD LECLERC
Alors, la crise du coronavirus, avec toutes les restrictions de déplacements, avec l'interdiction de réunions, des absentéismes sans doute, c'est peut-être une occasion de développer le télétravail. Est-ce qu'effectivement c'est une bonne option ? Comment s'y préparer ? Comment favoriser ce télétravail ?
CEDRIC O
Alors, ce qui est vrai c'est que dans ce moment de crise et où beaucoup de gens sont confinés, la technologie peut être une partie de la solution. Vous avez parlé du télétravail, c'est vrai aussi de la téléconsultation, et je pense qu'il faut saluer d'abord l'annonce d'un certain nombre d'entreprises de la technologie, qui ont annoncé mettre leurs solutions gratuitement à disposition des médecins pour, par exemple, Doctolib ou l'entreprise QARE, ou à destination des entreprises, pour l'entreprise KLAXOON, qui mettent leurs solutions de télétravail à destination des entreprises, de manière gratuite, pendant les mois de la crise. Je pense que c'est effectivement un moment où le télétravail et l'utilisation de ces outils, qui sont déjà là mais qui étaient assez peu utilisés, vont pouvoir se développer, d'ailleurs peut-être ensuite continuer à être utilisés après. Il y a énormément de solutions sur la table. Nous, nous avons fait un appel aux entreprises de la technologie pour qu'elles mettent à disposition ces services, avec des tarifs préférentiels, ou de manière gratuite. Nous allons recenser l'ensemble des réponses, nous avons plus de 100 réponses à ce stade, nous allons recenser l'ensemble de ces réponses, et les mettre sur le site du ministère de l'Economie à partir de la semaine prochaine, ce qui permettra aux entreprises, aux administrations, aux associations, d'avoir un premier portefeuille de solutions à tarifs préférentiels ou gratuits, qu'elles peuvent utiliser très rapidement pour gérer cette période de crise.
GERARD LECLERC
Alors, le développement du e-commerce, là aussi c'est très bien et c'est ça se produit, ça se développe, mais il y a tous les risques d'arnaques, de publicités mensongères. Est-ce que vous vous en préoccuper et comment faire en sorte que justement ça ne se développe pas ?
CEDRIC O
Alors, c'est un sujet de grande préoccupation. J'ai réuni hier l'ensemble des sites de e-commerce, pour plusieurs raisons. D'abord, on voit parfois des médicaments miracles apparaître sur Internet, et être vendus sur Internet. Au pire ils sont inefficaces, parfois ça peut même être terrible, parce qu'ils peuvent être périmés ou être victimes de malfaçons.
GERARD LECLERC
Oui, on l'a vu avec des masques notamment, des choses comme ça.
CEDRIC O
Exactement. Mais surtout, le pire, c'est si vous prenez du médicament, qui est un faux médicament et qui vous rend malade et qui vous emmène à l'hôpital dans un moment où l'hôpital n'en a pas besoin. Et donc nous avons agi à la fois avec la Direction générale de la répression des fraudes, et les plateformes, pour détecter et retirer ces fausses annonces et ces arnaques, extrêmement vite, mais les Français peuvent également, dès qu'ils voient ce type d'annonce, le signaler sur le site « SignalConso », mis en place par le gouvernement, de telle manière que la Répression des fraudes puisse agir extrêmement vite.
GERARD LECLERC
Et puis il y a tout ce qui est les fake news sur Internet, sur les réseaux sociaux. Là aussi c'est extrêmement dangereux. Est-ce qu'on peut faire quelque chose ou est-ce qu'on peut difficilement agir sur ces GAFA américaines ?
CEDRIC O
Alors, là encore c'est vrai que c'est un sujet de préoccupation, parce que ces moments de crise et d'inquiétude, sont des moments de propagation de fausses rumeurs, qui peuvent causer des problèmes, emmener les gens à prendre des faux médicaments ou créer des phénomènes de psychose localisés, qui rendent la situation difficile et qui empirent la situation. Et donc, ce que nous faisons, c'est que nous travaillons avec les réseaux sociaux, avec les moteurs de recherche, pour repérer très tôt ces fausses informations...
GERARD LECLERC
Et ça marche ?
CEDRIC O
... répondre, et éventuellement le cas échéant, quand c'est dangereux, retirer. A ce stade, les grandes plateformes se sont beaucoup engagées, et je pense qu'on a nos débats avec eux, mais en la matière il faut les remercier. On est très vigilant. Pour le moment, nous ne voyons pas de phénomène massif de diffusion de fausses informations, il faut rester extrêmement vigilant, mais on l'a vu dans d'autres crises, à ce stade, le niveau de mobilisation, à la fois des administrations, mais aussi des grandes plateformes, est à mon sens suffisant pour empêcher ces grandes propagations d'informations, en tout cas pour le moment nous sommes vigilants mais les choses sont contenues.
GERARD LECLERC
Les élections municipales, vous êtes un des fondateurs d'En Marche, or, ça ne se présente pas bien pour les municipales, notamment dans les grandes villes, Paris, Marseille, Bordeaux. Clairement, est-ce que vous craignez une bérézina ?
CEDRIC O
Je pense que le terme de bérézina est abusif.
GERARD LECLERC
Excessif. Alors disons une défaite.
CEDRIC O
Non, écoutez, je pense que ces moments des municipales sont des moments d'enracinement pour la République En Marche.
GERARD LECLERC
Eh bien oui, mais c'est mal parti justement. CEDRIC O Oh, écoutez, Stanislas GUERINI a mis un objectif qui est d'avoir 10 000 conseillers municipaux...
GERARD LECLERC
Oui, mais si c'est dans des petites villes, c'est bien, mais enfin, c'est...
CEDRIC O
Mais vous savez, Les Républicains, qui sont quand même un vieux parti, qui est très implanté, ont aujourd'hui 12 000 candidats municipaux dans toute... 12 000 conseillers municipaux dans toute la France. Donc, si En Marche, créé il y a 3 ans, à des élections de mi-mandat, dont on sait qu'elles sont systématiquement difficiles, à 10 000 conseillers municipaux, c'est une réussite.
GERARD LECLERC
C'est un discours de battu que vous me faites là. C'est-à-dire que clairement vous avez renoncé à avoir des villes, quoi.
CEDRIC O
Pas du tout. On aura des villes.
GERARD LECLERC
Vous aurez des conseillers municipaux...
CEDRIC O
On aura des villes, on aura des conseillers municipaux, et je pense que les choses ne seront pas de la manière dont vous les décrivez. Mais je pense qu'il faut avoir en tête la spécificité de ces élections municipales, avec des maires qui sont les élus les plus appréciés des Français, qui sont des élections avec des corps électoraux assez limités, et donc nous, nous sommes un parti national qui est né il y a 3 ans. Notre objectif c'est de nous enraciner dans les territoires et je pense que c'est ce que nous ferons.
GERARD LECLERC
Est-ce que vous n'êtes pas quand également victime, d'une part d'une stratégie illisible, d'un côté vous soutenez des maires de droite, de l'autre de façon moins nombreuse, mais des maires de gauche, il y a des dissidents, il y a des divisions entre vous et le MoDem, etc. C'est le bazar, non ?
CEDRIC O
Non, je pense que nous avons été fidèles à ce que nous avons toujours dit, c'est-à-dire que nous étions d'accord pour nous mettre d'accord avec des gens qui pouvaient être et de droite et de gauche, dans des proportions qui sont un petit peu plus à droite, mais qui ne sont pas si déséquilibrées que vous le dites, et de faire en sorte que nous nous rassemblions sur des projets, avec soit nos candidats, soit le support de maires qui sont de droite et de gauche, c'est ce que nous avons fait, et je pense que c'était la bonne stratégie. Par ailleurs, s'agissant du MoDem, nous sommes à 95 % d'accord avec eux. Après, de temps en temps on peut avoir des petites divergences locales, je ne pense pas que ce soit rédhibitoire.
GERARD LECLERC
Alors, il y a le cas particulier de Paris, avec Agnès BUZYN qui semble faire des appels du pied aux candidats des listes de Rachida DATI pour le deuxième tour. Ça va faire exploser la République En Marche, ça, non ?
CEDRIC O
Agnès BUZYN a été extrêmement claire : elle ne fera pas d'accord au deuxième tour, ni avec Rachida DATI, ni avec Anne HIDALGO. Ensuite, si dans l'entre-deux tours, certains maires, certains candidats, veulent discuter avec la République En Marche, dans des arrondissements, la porte est ouverte. Evidemment, le rassemblement prioritaire c'est avec Cédric VILLANI, qui malgré les différences que nous avons avec lui, vient de la même maison...
GERARD LECLERC
Mais ça ne suffira pas pour...
CEDRIC O
... et ensuite si certains, elle a été très claire, si certains veulent discuter avec nous, nous sommes tout à fait ouverts. Sur la candidature d'Agnès BUZYN.
GERARD LECLERC
On termine peut-être avec une... On revient à une question qui vous intéresse, assez rapidement malheureusement, celui de la reconnaissance faciale. Vous avez appelé à des expérimentations limitées, c'est-à-dire que la France s'oriente elle aussi vers la reconnaissance faciale, ce qui a été quasiment généralisé en Chine, ce qui pose des problèmes démocratiques ?
CEDRIC O
Nous n'irons jamais vers le modèle chinois, ça c'est très clair. La reconnaissance faciale peut apporter un certain nombre de bénéfices, à la fois dans l'ordre public, mais également dans la gestion par exemple de maladies, et donc ce que nous disons, c'est que nous voulons un débat public, mais comme il y a beaucoup de questions qui se posent sur l'efficacité et sur l'encadrement de ces expérimentations, nous souhaitons passer par une phase d'expérimentation, qui sera publique, avec des protocoles publics, sous la surveillance...
GERARD LECLERC
Dans certaines villes, dans...
CEDRIC O
Sous la surveillance de la société civile et des chercheurs, et expérimentation ne veut pas dire généralisation. Il y a des expérimentations que nous ne généraliserons pas, il y en a que peut-être nous généraliserons avec des contre-pouvoirs et des garanties, il y en a que nous pourrons utiliser. Mais l'idée c'est de dire : nous avons besoin d'un débat public, parce que les Français doivent pouvoir se prononcer sur ce qu'ils veulent, ce qu'ils ne veulent pas, ce qu'ils veulent mieux contrôler, mais que, avant, pour avoir une base scientifique à ce débat public, nous avons quelques expérimentations à mener.
GERARD LECLERC
Merci Cédric O.
CEDRIC O
Merci beaucoup.
GERARD LECLERC
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mars 2020