Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Avec Léa SALAME, nous recevons ce matin, dans le premier « Grand entretien », la porte-parole du gouvernement. Bonjour Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Et merci d'être avec nous au lendemain du premier tour de ces élections municipales, beaucoup de médecins ont jugé incompréhensible la décision de maintenir cette élection, est-ce que vous regrettez ce matin d'avoir organisé ce premier tour ?
SIBETH NDIAYE
Non, pas du tout, nous ne le regrettons absolument pas, d'abord parce que c'est un moment démocratique qui s'est bien passé, et lorsqu'on voit la manière dont les consignes sanitaires dans les bureaux de vote, j'ai moi-même voté à Paris, ont été observées, on peut être fier à la fois de la présence de tous les assesseurs, les présidents des bureaux de vote, mais aussi de la qualité de l'organisation de ce scrutin, je veux rappeler également que les mesures que nous avons prises, le fait de maintenir ce scrutin, ont été prises toujours, toujours avec l'approbation du conseil scientifique qui se réunit autour du président de la République et qui conseille aujourd'hui le gouvernement, et que nous n'avons évidemment pris aucune décision qui puisse mettre en danger la vie des Français.
LEA SALAME
Sibeth NDIAYE, beaucoup de gens s'interrogent sur ce conseil scientifique, les Verts notamment vous demandent de rendre publics les avis du conseil, est-ce que vous le ferez ?
SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr, nous n'avons jamais hésité à avoir de la transparence depuis le début de cette crise, je crois aussi, si je me souviens bien, que le professeur DELFRAISSY, qui anime ce comité scientifique, était aux côtés du Premier ministre, du ministre de l'Intérieur, il y a quelques jours encore, pour expliquer en quoi l'utilisation des mesures barrières permettait de réaliser ce scrutin en toute confiance et en toute sécurité.
LEA SALAME
Et que disent les scientifiques ce matin, quelles sont les dernières informations que vous pouvez nous donner pour le second tour, est-ce que vous êtes aussi confiante que vous l'êtes sur le premier, est-ce que ce second tour va être maintenu ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez, je ne peux pas vous répondre à cette question, car je ne suis pas médecin, je ne suis pas épidémiologie, je ne suis pas modélisatrice, ce qui compte, c'est que, systématiquement, les décisions que nous prenons, ce sont des décisions qui sont étayées scientifiquement, comme le Premier ministre a eu l'occasion de le dire, nous consulterons à nouveau le conseil scientifique, évidemment, également, les différents partis politiques de France pour voir comment nous devons organiser les élections et le second tour. Je crois aussi qu'il est important de dire que la situation de l'épidémie se dégrade, que les choses s'accélèrent, je crois que vous receviez le professeur SALOMON tout à l'heure…
NICOLAS DEMORAND
Jérôme SALOMON, oui…
SIBETH NDIAYE
Et l'on voit bien que, malheureusement, au fond, la conscience, la prise de conscience dans la société française de la difficulté du danger face auquel nous sommes, parce qu'il est invisible, n'est pas encore au rendez-vous, et si nous devions prendre des mesures supplémentaires pour que cela imprime davantage dans le comportement de nos concitoyens je crois que nous n'hésiterons pas à le faire.
NICOLAS DEMORAND
Vous allez le faire ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez, on vous l'a toujours dit, les décisions que nous prenons, elles doivent être étayées scientifiquement, donc nous consulterons ceux qui jusqu'à maintenant nous ont conseillés et qui eux-mêmes travaillent par une forme de consensus, c'est ce qu'on fait en sciences, on peut ne pas être d'accord auprès d'un groupe de scientifiques, on discute, on en tire une solution qui a l'aval de la communauté, et à partir de là, ils nous conseillent, et nous prenons les décisions qui s'imposent.
NICOLAS DEMORAND
Marine LE PEN a répété hier soir ce qu'elle demande depuis trois semaines maintenant, à savoir la fermeture des frontières, faut-il selon vous le faire ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien, écoutez, le président de la République lui-même, il y a quelques jours, a indiqué, a demandé auprès de l'Union européenne que nous puissions regarder comment est-ce qu'aux frontières de l'espace Schengen ou de l'Union européenne, nous puissions avoir un contrôle de nos frontières, il ne faut pas oublier que l'Union européenne est un espace dans lequel nous circulons aujourd'hui librement, si nous devons apporter des restrictions, ces restrictions, elles doivent être concertées, c'est d'ailleurs ce que nous avons fait avec l'Allemagne, puisque désormais, pour faire en sorte que seuls les déplacements indispensables des frontaliers, du transport de marchandises, soient effectués entre la France et l'Allemagne, nous avons des points de contrôle terrestre qui ont lieu de part et d'autre de la frontière franco-allemande.
LEA SALAME
Est-ce qu'on n'a pas tardé à mettre en place ces points de contrôle terrestre et ces points de contrôle à la frontière, au début de la crise, il y a deux ou trois semaines, vous rejetiez cette idée-là avec virulence ?
SIBETH NDIAYE
Mais je ne crois pas du tout, ce que nous faisons, nous le faisons en fonction de l'évolution de nos connaissances, vous savez, un virus ne s'arrête pas aux frontières, parce qu'il n'est pas conscient de ces frontières-là, un virus il est transporté avec les êtres humains, et ce qui aujourd'hui nous pose problème, beaucoup plus profondément que le sujet de la fermeture des frontières, c'est le fait qu'au square en bas de chez moi, on ait des dizaines d'enfants qui jouent sur les mêmes toboggans, qui touchent les mêmes ballons, avec les parents serrés comme des saucisses sur les bancs du square. C'est ça la difficulté…
LEA SALAME
Mais justement, sur le square, Sibeth NDIAYE, qu'est-ce qu'il faut faire, quelles sont les instructions que vous donnez, c'est la question que je posais à Jérôme SALOMON, que se posent beaucoup de Français qui…
NICOLAS DEMORAND
De parents, oui…
LEA SALAME
De parents qui ont leurs enfants, certains vous disent : ils sont comme des lions en cage si on ne les sort pas donc, ils les sortent, ils les emmènent au square, est-ce que c'est grave, est-ce que c'est dangereux, qu'est-ce qu'on fait avec les enfants notamment en zone urbaine ?
SIBETH NDIAYE
Il faut bien comprendre au fond ce que nous recherchons, nous cherchons à limiter les contacts entre les individus, parce que nous savons que chaque personne qui est infectée, y compris sans savoir, peut en moyenne diffuser le virus à trois autres personnes, donc on ne va pas dire aux gens de ne pas sortir leurs enfants, j'en ai trois, ils sont plutôt petits, et je vois bien comment ça peut vite être un casse-tête à la maison, mais on peut faire de la trottinette sur les trottoirs, on peut faire du vélo, on peut, quand on est dans la ruralité, se promener dans la campagne, on n'est pas obligé d'avoir des sports collectifs et de jouer au ballon avec les enfants du voisin, c'est ce que nous disons, il faut limiter les contacts sociaux, mais oui, on peut sortir, parce qu'on est bien conscient, évidemment, que c'est difficile de conserver les enfants à la maison.
LEA SALAME
Dernière question sur le coronavirus à proprement dit, vous le dites et Jérôme SALOMON l'a constaté, les mesures de confinement ne sont pas suffisamment respectées par les Français, alors il y a des rumeurs qui circulent, est-ce que vous pouvez nous dire si ce sont des rumeurs ou des informations, on parle notamment de l'armée qui serait mise en place, bon, à qui on demanderait de venir surveiller les mesures, de faire respecter les mesures de confinement, l'armée en Ile-de-France, est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est faux ?
SIBETH NDIAYE
Alors, vous savez, il y a beaucoup de rumeurs qui circulent, j'ai vu celle-ci en particulier sur le fameux décret confinement qui interviendrait, d'ailleurs, on nous le prédisait dès hier soir sur un certain nombre de boucles WhatsApp, vous avez constaté qu'il n'en était rien, il faut prendre les choses à la fois....
NICOLAS DEMORAND
Il n'en est rien à 07h, mais est-ce que c'est une fake news ou est-ce que c'est une hypothèse, le décret confinement ?
SIBETH NDIAYE
Alors, cette histoire de décret était une fake news, je peux vous le dire. Il n'en demeure pas moins que nous examinerons toutes les mesures qui peuvent être utiles pour faire en sorte de modifier en profondeur les comportements. Moi, je regarde ce qui se passe en Italie qui a été frappée de plein fouet, je constate que les gens font leur marché, mais en respectant des bouts de scotch sur le sol qui mettent un mètre de distance entre les individus, nous devons collectivement et individuellement avoir la force de respecter ces gestes barrière qui sauvent des vies…
NICOLAS DEMORAND
Donc on pourrait passer à quelque chose de plus serré, si j'ose dire, demain ou après-demain ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez…
NICOLAS DEMORAND
C'est sur la table ?
SIBETH NDIAYE
Ça n'est pas à moi de le dire. C'est au Premier ministre et au président de la République, en fonction des avis scientifiques que nous aurons, on regarde avec beaucoup d'attention l'évolution de la courbe, nous savons aujourd'hui qu'il y a de plus en plus de personnes qui arrivent dans les hôpitaux, y compris des personnes jeunes, des personnes qui sont dans un état grave, et je lance véritablement un appel à la conscience civique individuelle : protégez-vous, protégez les autres, restez chez vous.
NICOLAS DEMORAND
L'armée, fake news alors ou pas ? Le déploiement de l'armée ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien, écoutez, je n'ai pas connaissance d'un déploiement de cette nature, mais vous le savez, dans les rues de beaucoup de villes de France, il y a l'opération Sentinelle qui est déployée depuis des années maintenant, et qui sert aussi à nous protéger.
LEA SALAME
Sibeth NDIAYE, vous avez maintenu ces élections hier, on peut en conséquence vous demander de tirer un premier enseignement des résultats du premier tour, toutes les analyses disent qu'il y a eu un vote sanction à l'égard du gouvernement, est-ce que vous le reconnaissez ce matin de la majorité, vote sanction à l'égard de la majorité ?
SIBETH NDIAYE
Alors, je ne suis pas tout à fait certaine qu'on puisse le dire, puisqu'on peut voir qu'il y a des ministres qui ont été élus, des ministres du gouvernement qui ont été élus au premier tour, je pense à Franck RIESTER, je pense à Gérald DARMANIN, je pense à Sébastien LECORNU. Je vois que le Premier ministre également est en bonne position au Havre…
LEA SALAME
Le Premier ministre est en tête, autour de 43 %, mais le candidat communiste fait un très bon score, et le Premier ministre a moins de réserves de voix pour le second tour que le candidat de gauche.
SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez, nous le verrons, une campagne, elle n'est pas gagnée ni perdue tant qu'elle n'a pas été menée, évidemment, nous étions extrêmement lucides vis-à-vis de ces élections, nous n'avons jamais prétendu que ce serait le grand chelem de la majorité, c'est un moment pour nous de développement de notre implantation locale, il y a évidemment des endroits où il y a des déceptions, puisque nous comptions sur des candidats…
LEA SALAME
Lesquels ?
SIBETH NDIAYE
Nous comptions sur des candidats où il y avait de très belles campagnes qui étaient menées, je pense par exemple à Metz avec Richard LIOGER, mais on voit aussi une majorité qui s'ancre avec des maires issus de la gauche, je pense à Dunkerque, à Wattrelos, à Nevers, où nous avons des maires qui sont réélus, alors que nous les soutenions et qui venaient de la gauche, je pense aussi à Valenciennes, à Vesoul, à Marcq-en-Barœul où des maires issus de la droite, et que nous soutenions, ont été aussi réélus. Ce que je constate surtout, c'est qu'il y a beaucoup une prime aux sortants, pour employer cette expression consacrée…
LEA SALAME
Sibeth NDIAYE, dernière question sur les municipales, dans plusieurs villes où Emmanuel MACRON avait fait ses plus gros scores à la présidentielle et aux législatives, Paris, l'ouest de la France, Nantes, Rennes, même Lyon, place forte du Macronisme, vos candidats arrivent en troisième ou en quatrième position, comment vous expliquez cela ?
SIBETH NDIAYE
On a, là, des élections qui sont locales avec la nécessité d'avoir une implantation locale de longue date, et donc là où on a essayé de faire émerger des candidats, ça n'a pas toujours été très fructueux, et c'est la preuve qu'il faut du temps pour pouvoir s'implanter localement, nous l'avions toujours dit, j'espère que nous aurons, à l'issue de ce scrutin, de nombreux conseillers municipaux néanmoins.
NICOLAS DEMORAND
Sibeth NDIAYE, porte-parole du gouvernement, merci d'avoir été en ligne avec nous sur Inter ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2020