Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Muriel PENICAUD, bonjour.
MURIEL PENICAUD
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Comme d'habitude des questions précises et des réponses franches, Muriel PENICAUD. Alors, prolongation du confinement qui sera probablement annoncée lundi soir par Emmanuel MACRON. Vous vous y attendez, Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD J
e crois que les Français s'y attendent, mais ce n'est pas la peine de faire les annonces avant les annonces, et c'est le président de la République qui en parlera lundi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, et nous verrons jusqu'à quand, fin avril ou un peu plus tard au mois de mai, nous verrons. Conséquence, l'économie va souffrir Muriel PENICAUD, elle souffre l'économie française, elle souffre déjà terriblement, elle va souffrir plus encore.
MURIEL PENICAUD
Oui, l'économie souffre, et donc c'est pour cela que nous avons pris des mesures massives pour protéger les entreprises des défaillances, les salariés du risque de licenciement, et je crois que c'est très important de ne laisser personne au bord du chemin dans cette période. Il va avoir tout un temps ensuite de remise en route de l'économie. Il y a une bonne partie de l'économie qui aujourd'hui est à l'arrêt, au ralenti et donc ça va être le défi d'après. Mais il se prépare dès maintenant en protégeant les entreprises et les salariés et notamment le chômage partiel et le Fonds de solidarité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr. Nous allons entrer dans tout le détail. J'ai des quantités de questions à vous poser, nous allons voir si vous allez laisser quelqu'un au bord du chemin. J'espère que vous ne laisserez personne, effectivement au bord du chemin, vous allez essayer de le faire…
MURIEL PENICAUD
C'est notre objectif, il faut être solidaire avec tout le monde en ce moment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris. Est-ce qu'une prolongation du confinement de plusieurs semaines serait supportable pour l'économie française ? Franchement.
MURIEL PENICAUD
La question ne se pose pas en ces termes-là. Il y a une priorité absolue que tout le monde partage, c'est la situation sanitaire, donc y compris ceux qui travaillent aujourd'hui, ceux de la deuxième ligne qui travaillent pour que la vie continue, pour tous les Français. Evidemment il y a des conditions au travail et notamment sur la santé et la protection, ça sera vrai encore plus quand on repartira. Donc on ne repartira pas tout de suite, de la même façon, mais la santé d'abord, si j'ose dire, et le reste on aménage tous les dispositifs pour encore une fois protéger les salariés, protéger les emplois et protéger les entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Alors, avant de parler effectivement, il est un peu tôt pour parler de déconfinement et pour parler des conditions du déconfinement, nous en parlerons tout à l'heure, mais Muriel PENICAUD je vais être très concret : le chômage partiel, on va commencer avec le chômage partiel, vous avez donné des chiffres, j'imagine que ce matin vous avez les mêmes chiffres, combien d'entreprises et d'associations ont elles demandé ce chômage partiel ?
MURIEL PENICAUD
Alors, j'ai des chiffres nouveaux de ce matin, ce sont 6,9 millions de salariés qui sont protégés par le chômage partiel, sur les 20 millions du secteur privé, donc c'est une proportion extrêmement importante, et ça concerne 628 000 entreprises. Donc ça continue à monter, ce qui est important c'est de voir que c'est beaucoup les Petites et moyennes entreprises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
40 000 de plus qu'hier.
MURIEL PENICAUD
400 000. Ah oui, d'entreprises, et 600 000 salariés…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et 400 000 chômeurs partiels de plus.
MURIEL PENICAUD
Oui, parce que je crois que c'est un dispositif qu'on a voulu puissant, massif, qui est inédit dans en France, on n'a jamais fait ce dispositif à cette échelle-là, on l'a renforcé pour l'élargir à des salariés qui n'y avaient pas droit, pour mieux rembourser les entreprises notamment les petites, et aujourd'hui il y a 6 entreprises sur 10 qui le demandent, c'est des TPE, des PME, des petites entreprises, et ça c'est important parce que le tissu économique du pays sur le territoire, ce sont toutes ces petites et moyennes entreprises, c'est elles les premières utilisatrices du chômage partiel, pour protéger leurs salariés. Je rappelle que quand on est au chômage partiel, on n'est pas au chômage, on a son contrat de travail qui est suspendu, le salaire est payé par l'Etat, mais on garde son contrat de travail, on n'est pas licencié, et donc ça veut dire que l'entreprise elle repart demain avec ses compétences et le salarié il repart demain avec son contrat de travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Muriel PENICAUD, le coût pour l'Etat et pour l'UNEDIC ?
MURIEL PENICAUD
Le coût pour l'Etat et pour l'UNEDIC, c'est 2/3 l'Etat et 1/3 l'UNEDIC. Il sera très important, je pense qu'il sera de plus de 20 milliards d'euros, mais il faut bien voir c'est un investissement. Là les salariés ont, selon leur niveau de salaire, 100 % de leur salaire, qui est garanti au SMIC ou en dessous, 84 % au-dessus. Mais tous ceux qui sont dans cette situation, si aujourd'hui on avait des vagues de licenciements, si on avait des millions de personnes qui seraient au chômage, on pourrait être dans cette situation aujourd'hui. Eh bien il y aurait évidemment une casse sociale terrible, mais il aurait aussi de toute façon l'explosion des coûts de l'assurance chômage, et en moyenne au chômage on a 72 % de son ancien salaire. Donc il faut voir ça aussi comme un investissement, pour que les entreprises puissent repartir demain, en gardant leurs compétences. Une PME qui a perdu ses compétences, qui a licencié, eh bien elle ne repart plus. Et puis pour les salariés surtout, eh bien, de se sentir protégé, de savoir qu'on garde son emploi, c'est un investissement qui vaut la peine, et qui sera payant dans la durée, puisqu'il va permettre sur le plan social et sur le plan économique, de repartir plus vite, alors que si on avait laissé faire des vagues de licenciements, comme font certains pays, vous avez vu les Etats-Unis, en 2 semaines, 10 millions de personnes ont perdu leur emploi. Eh bien nous, c'est ce qu'on ne veut pas, on veut que l'emploi puisse être préservé et les compétences aussi. Ça va nous aider à repartir plus vite, plus fort. Donc c'est un investissement qu'on fait dans les salaires et dans les entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, je vais revenir sur les licenciements et l'objectif pas de licenciement, c'est ce que le gouvernement dit. Je vais y revenir, mais je voudrais parler, puisqu'on parle de chômage partiel, des salariés et des entreprises. D'abord, qui va décider de la fin du chômage partiel ? J'imagine que c'est le gouvernement, vous allez un jour ou l'autre mettre fin à ce chômage partiel, vous mettrez fin à ce chômage partiel quand le déconfinement sera terminé ?
MURIEL PENICAUD
Alors, évidemment le chômage partiel ne va pas durer indéfiniment, quand l'économie reprend ce n'est pas à l'Etat de payer les salaires, tout le monde le comprend, du secteur privé. En revanche ce sera certainement progressif, parce que moi je discute tous les jours avec les entreprises, les partenaires sociaux et sur le terrain, je peux vous dire que dans beaucoup d'entreprises on va reprendre l'activité un peu, et puis progressivement plus important. Par exemple, tous les restaurants qui sont fermés, quand ils vont rouvrir, ou bien l'industrie automobile qui est en grande partie à l'arrêt, quand ça va repartir, parce que l'activité ne repart pas forcément tout de suite, donc on pourra faire du chômage partiel pour moins de personnes, pendant que ça remonte, et donc ça va accompagner la reprise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va rouvrir les entreprises peu à peu. Vous parliez des restaurateurs…
MURIEL PENICAUD
Alors certaines, enfin, les restaurateurs il y aura une date, parce que là c'est une fermeture décidée par le gouvernement, pour des raisons que tout le monde comprend, parce que les restaurants, c'est formidable, mais on se rencontre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'y reviendrai tout à l'heure.
MURIEL PENICAUD
Mais par contre où il y a des secteurs qui sont aujourd'hui, qui sont à l'arrêt ou au ralenti, et qui vont pouvoir progressivement, avec les conditions de santé et de sécurité pour les salariés, avec la reprise, qui vont pouvoir augmenter leur activité. Et c'est pour cela qu'on aura des périodes de transition sur le chômage partiel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, le chômage partiel, je reprends : 70 % du salaire brut, 84 % du salaire net. On est bien d'accord, pour les salariés. Alors l'entreprise avance…
MURIEL PENICAUD
84 % au-dessus du smic, c'est 100 % si on est au smic ou en dessous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement.
MURIEL PENICAUD
C'est là où on a changé, puisqu'avant, par exemple ceux qui étaient à temps partiel n'avaient pas 100 % de leur rémunération. Maintenant si on est à mi-temps eh bien on a 100 % de son salaire qui est garanti…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, l'effort est considérable, mais Muriel PENICAUD les entreprises ont avancé, évidemment, payé leurs salariés, une partie. Quand est-ce que les entreprises vont recevoir l'argent de l'Etat ?
MURIEL PENICAUD
Alors, la loi prévoit 2 mois et en fait nous avons mis, avec tous les services du ministère du Travail et l'agence de paiement, un dispositif hyper accéléré, ce qui fait qu'on rembourse des salaires entre 7 et 10 jours après la demande des entreprises, quand elles ont fourni les éléments.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous vous engagez, 7 à 10 jours.
MURIEL PENICAUD
Donc c'est très très rapide maintenant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous engagez, ça y est.
MURIEL PENICAUD
Oui oui, c'est le cas actuellement, et je m'y engage à continuer, absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. En ce qui concerne les salariés, quand on est au chômage partiel, pas de droit à la retraite, on est d'accord ?
MURIEL PENICAUD
Alors, quand on est au chômage partiel, le contrat est suspendu, donc il y a un certain nombre de conditions liées au contrat, qui ne continuent pas. Après, on parle de quelques semaines, donc ça ne va pas changer fondamentalement les droits sur toute une vie, mais le plus important c'est déjà de garder son salaire et je dirais les droits qui vont avec. Alors après, est-ce qu'il faudra aménager, si ça dure plus longtemps, ça il sera temps de voir. Pour l'instant, vous savez, on est sur la gestion de l'urgence. La gestion de l'urgence ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on traite, étape par étape, tout ce qu'il faut pour protéger, en fait pour mettre les Français à l'abri des risques maximal. On ne peut pas éviter le risque, mais on peut quand même le limiter en mettant en place tous ces dispositifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Muriel PENICAUD, le gouvernement a dit : on ne veut pas de licenciement pendant cette période. C'est pour ça que nous mettons en place tout un système de protection. Est-ce que vous avez réfléchi, est-ce que vous avez pensé à interdire le licenciement pendant cette période ?
MURIEL PENICAUD
L'histoire a prouvé que ça ne marche pas du tout, quand on fait des interdictions de licenciement, parce que du coup ça devient vite un refus d'embaucher. Donc moi j'ai dit partout aux employeurs, ne licenciez pas, utilisez le chômage partiel si vous êtes en difficulté, si votre activité est arrêtée ou fortement réduite. Le message a été entendu et je m'en réjouis, parce que ce qui se passe c'est qu'avant, par exemple en 2009, quand on a eu la crise de 2009, on a eu beaucoup de licenciements en France, on a eu 700 000 personnes qui ont perdu leur emploi. Pourquoi ? Parce qu'à l'époque, le système du chômage partiel était moins ambitieux, moins protecteur, et donc la PME qui n'arrivait plus à fonctionner, qui n'avait puis de marché, eh bien elle payait une grosse partie, et donc elle n'était pas en mesure de le faire, donc du coup elle était obligée de licencier. Là, il n'y a aucune entreprise qui est obligée de licencier, par défaut de capacité financière, puisqu'elles ont accès au chômage partiel. Donc c'est la protection la plus efficace, c'était de pouvoir rembourser à l'entreprise les salaires jusqu'à 4 fois et demie le smic, ce qui n'existait pas il y a 10 ans et on voit la différence. C'est pour ça qu'on a le système le plus protecteur d'Europe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais Muriel PENICAUD, vous vous tournerez vers DISNEY qui est prêt à licencier 1 000 salariés qui sont en CDD, et peut-être les rappeler à l'ordre.
MURIEL PENICAUD
Alors, on regarde tous les dossiers. Vous savez, il y a déjà des entreprises qu'on rappelle à l'ordre. Comment j'ai mis en place ce système ? On ne pouvait pas faire tous les contrôles à l'avance, parce que sinon on aurait retardé le système, et il y aurait plein de gens qui auraient perdu leur emploi dans l'intervalle. Donc on a fait du contrôle, on fait du contrôle a posteriori, et on a fait confiance a priori. Et je peux vous dire, pour les grandes entreprises, on les regarde très attentivement, il y en a beaucoup à qui on a dit : non, ça n'est pas possible, il faut revoir la copie. Et la copie a été revue. Il faut que tout le monde soit responsable et civique, et les grandes entreprises en particulier et en première. D'ailleurs, c'est intéressant de voir que certaines ont déjà, qui en avaient les moyens, certaines n'en ont pas les moyens, mais certaines ont déjà annoncé qu'elles n'utiliseraient pas le chômage partiel, par exemple TOTAL, ou L'OREAL, ou HERMES, ou CHANEL. Et puis certaines comme SCHNEIDER ELECTRIC, ont annoncé qu'elles utiliseraient le chômage partiel, mais elles ne demanderaient pas le remboursement de l'Etat. Donc je crois que les grandes entreprises, pour celles qui en ont les moyens, qui ont des reins solides, c'est bien aussi de faire preuve de civisme, tout ça c'est de l'argent public et donc il faut l'utiliser que si on en a vraiment besoin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il serait amoral que certaines grandes entreprises aient recours au chômage partiel ?
MURIEL PENICAUD
Alors, amoral non, puisqu'il y a certaines entreprises qui seront en grande difficulté, mais disons qu'on les challenge et on vérifie que c'est pour des activités qui ne peuvent plus avoir lieu, et qu'il n'y a pas d'autre solution. Donc on est plus exigeant je dirais avec les grandes entreprises, qu'avec les petites entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Regardons les TPE, parce que c'est ce qui m'intéresse au premier chef. Vous avez, ce n'est pas vous, c'est Bruno LE MAIRE qui a promis peut-être de prendre en charge, l'Etat prendra en charge les loyers de petits commerçants. Vous confirmez ? Vous confirmez ?
MURIEL PENICAUD
Alors, en fait, parmi les différentes mesures qui ont été annoncées pour aider les petites entreprises, il y a déjà une mesure qui est déjà prise sur les bailleurs publics. Donc là il y a des reports de loyers. Donc la question se pose pour les bailleurs privés. Le problème c'est que le bailleur privé, ça peut être retraité qui a besoin du loyer pour vivre. Donc c'est compliqué de lui demander de reporter ou d'annuler un loyer, alors que lui-même peut en avoir vraiment besoin. C'est pour ça qu'il y a un travail qui est en cours au ministère de l'Economie pour voir ce qu'on peut faire sur les loyers des bailleurs privés, comment on peut aider les petites entreprises, puisqu'effectivement, on a fait le report des charges, le report d'impôts…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc l'Etat pourrait prendre en charge ces loyers.
MURIEL PENICAUD
Le ministère de l'Economie étudie si c'est faisable, à quelles conditions, à quels cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon. Vous n'allez pas plus loin… Vous allez moins loin que Bruno LE MAIRE. Bon. Nous allons parler des TPE toujours…
MURIEL PENICAUD
Non, mais il précisera les modalités quand elles seront prêtes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Les aides, les aides on les connaît, jusqu'à peut-être 5 000 € pour certaines entreprises, il y a 1 500 € pour des TPE, je ne vais pas entrer dans les aides sur les entreprises, parce que je voudrais m'attarder après sur les salariés, mais auparavant je voudrais parler des assurances. Moi je suis restaurateur, j'imagine, je suis assuré, dans mon contrat ma perte d'exploitation est garantie en cas de fermeture administrative, pas d'exclusion pour pandémie, les assureurs refusent de payer, ils refusent de payer, et pourtant le 14 mars il y a eu un arrêté du ministre de la Santé ordonnant la fermeture des commerces accueillant du public. Alors, c'est une fermeture administrative pourtant, pourquoi est-ce que les assureurs refusent de payer ?
MURIEL PENICAUD
Alors, il y a différents cas, différents types de contrats d'assurance. Ce qui est certain c'est que le gouvernement a interpellé les assureurs pour qu'ils contribuent à l'effort national. Par exemple sur le fond de solidarité que vous évoquiez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais, ils sont versé 200 millions d'euros, d'accord.
MURIEL PENICAUD
… permet à un indépendant d'avoir 1 500 €. … Mais ça ne suffit pas, je peux vous dire que tous les lundis matin, il y a une réunion téléphonique bien sûr, avec Bruno LE MAIRE, Gérald DARMANIN, moi les 3 ou 4 autres ministres, et on fait le point avec toutes les professions. Il y a les 90 professions qui sont là, principales, dont les assureurs bien sûr. Donc il y a un travail continu pour aller plus loin et regarder les différents cas, types d'assurance. C'est aujourd'hui un sujet qui est en partie bouclé, en partie qui reste à améliorer, parce que je sais qu'il y a beaucoup d'entreprises qui sont en difficultés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Muriel PENICAUD, est-ce que les assureurs font peser sur l'Etat le sauvetage des commerces ?
MURIEL PENICAUD
Oui, non, ce n'est pas blanc noir comme ça. Je vais prendre un exemple…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas blanc noir non plus, mais enfin…
MURIEL PENICAUD
Par exemple, en ce moment il n'y a pas beaucoup de difficultés automobiles, vous voyez ce que je veux dire, il n'y a pas beaucoup d'accidents parce qu'il n'y a pas de circulation, eh bien il y a un des assureurs, la MAIF pour ne pas le nommer, qui a dit : je du coup je redonne une ristourne, parce que je n'ai plus de dommages à payer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les autres devraient faire de même ?
MURIEL PENICAUD
Donc, je pense que le sujet n'est pas fini avec les assureurs, tout ça avec juste quelques semaines, il faut bien se dire qu'on a l'impression déjà que ça fait des mois, parce que c'est dur d'être chez soi, c'est dur aussi d'aller au travail avec une peur, donc c'est dur pour tout le monde, on a l'impression que ça dure depuis des mois, mais en fait c'est que quelques semaines, et donc le travail n'est pas fini avec les assureurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Je suis parent, je garde mon enfant, je suis contrainte ou contraint de me mettre en arrêt. Est-ce que je garde 90 % de mon salaire ? Oui ou non ?
MURIEL PENICAUD
Oui, vous gardez 90 % de votre salaire, il y en a 50 % payés par l'Assurance maladie, 40 % par l'employeur. Alors une je sais qu'il y a eu on nous a remonté qu'il y a eu quelques ratés sur certaines personnes, soit parce que l'employeur n'avait pas l'information, soit parce que, je ne rentre pas dans les chicanes des textes, mais il y avait une zone qui n'était pas hyper précise, donc je reprends un décret complémentaire, là, dans les 3 jours qui viennent, pour bien fixer ça, et évidemment les parents devront avoir leurs indemnités journalières, a posteriori s'ils ne les ont pas eues.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La prime de 1 000 €. Qui touchera la prime de 1 000 € ?
MURIEL PENICAUD
Alors, la prime de 1 000 € c'est l'entreprise qui décide si elle verse une prime, c'est elle qui la paie, l'Etat ne paie pas la prime, en revanche nous faisons une exonération de charges sociales et d'impôts pour le salarié, comme pour l'employeur, s'il y a cette prime qui est versée, jusqu'à 1 000 €, ou 2 000 € s'il y a un accord d'intéressement dans l'entreprise pour encourager le dialogue social, et je dirais un plus grâce au dialogue social. Et donc cette prime ça sera les entreprises qui le souhaitent, elles ont jusqu'au 31 août pour la verser, on ne peut pas savoir aujourd'hui qui va la verser mais c'était une demande quand même dans certains secteurs, assez importante, en disant : on veut pouvoir avoir un moyen pour notamment saluer les efforts que font ceux qu'on appelle la deuxième ligne, les chauffeurs livreurs, les caissières, les auxiliaires de vie, tous ceux qui vont travailler tous les jours, pour que la vie de nous tous continue, qui ont un rôle important auprès des soignants, et il faut pouvoir les récompenser si on le souhaite dans l'entreprise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, Muriel PENICAUD, et celles et ceux qui sont autoentrepreneurs ou indépendants, est-ce qu'ils pourront toucher une prime ?
MURIEL PENICAUD
Le problème c'est que c'est eux-mêmes leur propre employeur, si c'est auto-entrepreneur, donc eux ils auront le fonds de solidarité pour avoir de quoi passer ce cap difficile, mais ils peuvent, se verser une prime à soi-même ça n'a pas beaucoup de sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je vous dis ça, parce que…
MURIEL PENICAUD
La question ne se pose pas en ces termes-là, par contre on envisage d'aller au-delà d'améliorer les conditions pour aller au-delà des 1 500 € d'indemnités pour eux, parce que pour certains c'est très difficile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? C'est-à-dire ? On pourrait porter, pourrait porter, cette aide de 1 500 on pourrait la passer à combien ?
MURIEL PENICAUD
Aujourd'hui il y a 1 500 qui sont acquis de droit évidemment si vous avez une perte de chiffre d'affaires, 50 % notre chiffre d'affaires équivalente, et puis il peut y avoir 2 000 € en plus, mais ces critères-là et ce montant-là est à l'étude pour voir si on peut l'améliorer pour les indépendants. Encore une fois, vous savez, on a fait en 3 semaines des choses qu'on n'a jamais fait dans notre pays, à très grande vitesse, et c'est très important parce qu'il fallait prendre de court je dirais un peu le risque économique et social, et du coup forcément il y a des quelques ajustements pragmatiques, on a les remontées du terrain en permanence, moi j'ai une réunion avec les partenaires sociaux tous les 2 jours, on a les remontées, et au fur et à mesure on corrige s'il a besoin de corriger tel ou tel dispositif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on pourrait mettre en place ce que l'Espagne a fait, une sorte de revenu minimum pour les plus modestes ?
MURIEL PENICAUD
Alors, aujourd'hui on a déjà le RSA qui est une sorte de revenu minimum. Ceci dit on est en train aussi de travailler, on travaille aussi bien sûr sur l'aspect de protection des plus vulnérables, notamment les banques alimentaires, il y a beaucoup de sujets qui sont déjà réglés ou à l'ordre du jour, parce que les plus vulnérables d'entre nous, ceux qui ont le moins de revenus, doivent pouvoir… doivent pouvoir là aussi être protégés dans cette période. Je rappelle qu'on a même avancé de 2 jours le versement des minimas sociaux, et qu'on s'est est assuré que le 3 avril tout le monde qui a droit à des minimas sociaux, pouvaient y accéder. Vous savez, il y a 7 millions de Français qui directement, parce qu'ils reçoivent un minima social, ou indirectement parce qu'ils sont dans une famille pauvre, bénéficient. De ces aides, là aussi c'est très important dans la période. Encore une fois on va s'en sortir que si on est tous solidaires et si on prend soin de tout le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, j'étais démissionnaire, j'avais une promesse d'embauche et puis le confinement est arrivé. Est-ce que je serai embauché ?
MURIEL PENICAUD
Oui, alors c'était un des trous dans la raquette, qui nous est remonté du terrain. Pour ceux qui avaient démissionné peu de temps avant le confinement, avant le 17 mars, et puis qui avaient une promesse d'embauche en CDI, en CDD de longue durée, eh bien ils se sont retrouvés souvent entre deux chaises et franchement pénalisés, et donc avec Pôle emploi et l'UNEDIC j'ai décidé que nous les prendrions en compte au titre de chômage. En principe ils n'ont pas le droit au chômage parce qu'ils ont démissionné, eh bien on les prendra à l'assurance chômage, le temps qu'ils retrouvent un emploi, puisque là ils se sont retrouvés sans rien, du jour au lendemain, avec pas le nouveau contrat et ayant déjà démissionné. Donc ça, ça y est.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et je pense aussi, parce que j'ai eu aussi de très nombreux appels, d'hommes et de femmes, par exemple des porteurs de Presse qui n'ont pas droit au chômage partiel, qui sont dans des situations très délicates.
MURIEL PENICAUD
Vous avez raison. Il y a beaucoup de catégories, beaucoup de gens qui n'avaient pas le droit au chômage partiel, donc on a rajouté dans les ordonnances que j'ai portées la semaine dernière les emplois à domicile, les assistantes maternelles, demain ce sera un décret sur les VRP, sur ceux qui sont au forfait/jour, ceux qui sont dans certains métiers où le calcul d'heures n'est pas fait de la même façon, par exemple dans les transports, et du coup qui n'y avaient pas droit. En fait il y avait beaucoup de gens qui étaient exclus dans le dispositif précédent, et on est en train de couvrir un peu toutes ces failles du système, pour que tous ceux qui travaillent puissent avoir le droit au chômage partiel, si leur activité s'arrête.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tous ceux qui travaillent auront droit au chômage partiel si leur activité s'arrête. On est bien d'accord Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Alors, c'est de tous ceux qui… Oui, alors avec les mêmes conditions de chômage partiel, si l'activité s'arrête vraiment, ou si elle est réduite de façon massive, il faut que l'employeur fasse la demande, puisque c'est lui qui déclenche le système. Ce n'est pas une demande individuelle, c'est le salarié n'a rien à faire, c'est l'employeur qui doit faire l'avance et qui se fait rembourser à l'Etat, c'est lui qui déclare son besoin de chômage partiel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup Muriel PENICAUD, ministre du Travail, qui était avec nous sur RMC et BFM TV ce matin. Merci.
MURIEL PENICAUD
Bon courage à tous. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 avril 2020