Texte intégral
Q - Bonjour et bienvenue à vous, Jean-Baptiste Lemoyne,
R – Bonjour.
Q - On a entendu dans le reportage cette inquiétude, une des questions, c'est : quand les touristes étrangers vont-ils revenir en France ? Ce matin, l'information vient de tomber, on apprend que le gouvernement italien va rouvrir ses frontières aux touristes européens à partir du 3 juin et qu'il va annuler la quarantaine obligatoire pour les visiteurs étrangers dans la péninsule. Nous, en France, nous sommes où de cette réflexion ?
R - C'est une réflexion qui doit être concertée aussi au niveau européen. C'est d'ailleurs ce que le commissaire Thierry Breton a dit mercredi dernier. Donc, les contacts sont nourris avec les homologues. Ce qui est sûr, c'est que l'on ne joue pas avec la santé des Français et donc, c'est la situation sanitaire qui va commander les décisions que nous pourrons prendre, petit à petit. Mais je ne vais pas vous le cacher, j'ai un devoir de vérité, dans les semaines à venir circuler en Europe va demeurer encore très complexe, très délicat. C'est pourquoi nous mettons le paquet pour que cette saison estivale puisse se faire, tout simplement, je dirais, sous les trois couleurs et que les Français puissent redécouvrir la France. On va lancer avec Atout France une campagne, "cet été, je visite la France", afin qu'effectivement cette relance passe par le moteur du tourisme domestique.
Q - Quand même, vous dites : il faut de la concertation. Mais en fait ce que l'on est en train de voir c'est qu'il n'y a pas de concertation en Europe : on a la quarantaine en Espagne, on a l'Italie qui dit quand elle va ouvrir ses frontières, nous, de ce que j'entends dans vos propos, on ne s'engage pas. On n'est pas très concertés en réalité ?
R - Peut mieux faire, je vous le concède. C'est pourquoi nous nous réunirons mercredi, les ministres du tourisme de l'Union européenne pour, justement, évoquer tous ces sujets, qu'on puisse tout mettre sur la table. Je sens bien que nos voisins italiens ont envie de faire redémarrer l'économie touristique avec le moteur européen. Mais, pardon, nous sommes encore à un moment où tous les soirs on égraine encore un certain nombre, plusieurs dizaines de morts, où, tous les soirs, on applaudit nos soignants. Et je crois qu'il ne faut pas oublier cela, on est encore dans le temps de la lutte pour faire reculer le virus, pour faire reculer l'épidémie. Et le virus, lui, ne prend pas de vacances.
Q - Donc, pour nous, la décision ce sera quand ? Elle se joue quand ? Est-ce que c'est le 2 juin, justement, que l'on en saura plus ?
R - Il y a des décisions qui vont être prises autour du 25-28 mai en vue de voir quelles sont modalités des activités touristiques que l'on rouvre plus largement à partir du 2 juin. Et, ensuite, nous aurons un autre rendez-vous, quinze, vingt jours plus tard, entre le 15 et le 20 juin, qui permettra encore de faire une nouvelle adaptation.
À chaque fois, on va avoir le recul sur la façon dont se passent ces phases de déconfinement parce que rien ne serait pire, pour les acteurs du tourisme notamment, qu'une rechute, qu'une deuxième vague. Parce que, quand vous vous organisez pour redémarrer, - j'entendais la dame du camping dans le Var, et cela fait plaisir d'ailleurs de voir comment, on entendait le sourire dans sa voix, elle a envie d'accueillir, de donner de belles expériences à ses clients -, eh bien, ces gens-là, s'ils se préparent pour, après, se retrouver le bec dans l'eau parce que finalement on est obligé de reculer, eh bien, ils auront à nouveau engagé des frais, ils n'ont pas besoin de cela en ce moment.
Donc, cela explique notre prudence, cela explique la précaution, mais c'est pour le bien de tout le monde, touristes comme professionnels.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, justement, cette dame, on l'a entendu, elle déplaçait ses tables etc., il y a une inquiétude chez les professionnels du tourisme, ce sont les règles de distanciation. Comment cela va-t-il se passer, par exemple, au restaurant ?
R - Les professionnels de l'hôtellerie restauration ont travaillé d'arrache-pied, et je salue vraiment ce travail très sérieux, ils ont fait un protocole sanitaire avec dix entrées thématiques, comment on doit adapter le travail en cuisine, comment on adapte le travail en salle, il faut se laver les mains toutes les trente minutes.
Et donc, pour répondre à votre question, ils préconisent que les tables soient espacées d'un mètre au moins et cela va conduire à adapter les jauges. Hier, j'étais à Orléans auprès de deux jeunes restaurateurs, ils ont lancé leur affaire en novembre dernier, c'est vous dire qu'ils ont eu quatre mois avant le confinement, c'est court, mais déjà, ils sont en train de réfléchir, ils ont dit - ils ont vingt couverts - : "eh bien, nous, on va être obligés d'en enlever cinq, déjà, donc cela fait moins 25% de jauge, mais on est en train de travailler avec la mairie pour voir si on ne peut pas occuper plus d'espace en terrasse et ainsi se récupérer.".
Donc, moi, je crois beaucoup tout simplement au sens du concret, au sens du terrain et à ce travail avec les élus main dans la main, qui ont envie de redonner du souffle à des piliers importants de leur économie : le tourisme, par exemple, pour une région comme la Corse, c'est 30% de son économie.
Q - Alors, justement, cette semaine le gouvernement annonçait un plan avec dix-huit milliards avec des mesures fortes comme la prolongation du fonds de solidarité ou du chômage partiel, mais il y a quand même toujours cette inquiétude des professionnels, ils disent : un tiers de ce plan, cela va être des prêts et donc il faudra rembourser alors que les mois à venir en fait la crise est devant nous. Est-ce qu'ils n'ont pas raison, Jean-Baptiste Lemoyne ?
R - Soyons clairs. Sur dix-huit milliards, il y a neuf milliards d'euros de cash, direct, aide directe : on branche le tuyau, ça va dans l'entreprise. Donc, c'est l'activité partielle, concrètement c'est la nationalisation des salaires, donc on ne peut pas dire que ce soit un petit effort. Le fonds de solidarité et l'activité partielle qui se poursuivent jusqu'à la fin de l'année, c'est dérogatoire, aucun autre secteur n'a cela, parce que l'on est conscient que le secteur a été touché de plein fouet.
Et puis, après, en matière de financement, de prêt, moi, j'ai veillé, cela a été un de mes combats, que les outils que l'on met en place soient adaptés aux spécificités du tourisme. Je m'explique : par exemple, on met en place avec la Banque publique d'investissement un prêt Tourisme avec un différé de deux ans avant tout remboursement, et ça c'est super important parce que les prêts traditionnels des banques c'est un différé d'un an. Eh bien, là, deux ans, cela permet d'enjamber deux saisons, celle de cet été, celle de l'été 2021. Cela permet, tout simplement, de souffler, de ne pas avoir ce mur de la dette pendant deux ans. C'est vous dire que l'on prend en compte aussi la situation du secteur.
Q - Dernière question, Jean-Baptiste Lemoyne, et j'aimerais bien, si vous le pouvez, une réponse très courte. Carole Delgas, la présidente de la région Occitanie, demande aux Autoroutes la gratuité des péages cet été. Qu'est-ce que vous en pensez, de cette idée ?
R - Chacun avance des idées. Moi, celle sur laquelle je travaille pour aider les Français à partir en vacance, et j'y travaille avec le président des Régions de France, Renaud Muselier, c'est un dispositif un peu exceptionnel de chèques-vacance tourisme 2020. Et donc, les régions, l'Etat pourraient mettre au pot et aider ainsi, comme cela, aux départs. Toutes les idées sont bonnes à regarder, mais c'est celle que moi je privilégie à ce stade.
Q - On saura quand les chèques vacance tourisme ? Pour combien de Français ? Quelles mesures ?
R - Nous sommes en train de paramétrer tout cela. Réponse dans quinze jours, début juin.
Q - Merci d'avoir été sur France-Inter.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2020