Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2020 (projet n° 624, rapport n° 634).
(…)
M. le président. Ne soyez pas si pressé ! Laissez le Gouvernement s'exprimer !
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'indiquait le ministre de l'économie, des finances et de la relance il y a un instant, les deux premiers projets de loi de finances rectificative comportaient des mesures pour répondre à l'urgence, préparer et accompagner les entreprises à surmonter des difficultés extrêmement fortes et conjoncturelles, qui auront des conséquences dans le temps.
Avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, nous commençons à dévoiler les divers éléments de financement des plans de relance et de soutien à un certain nombre de secteurs, avant que le projet de loi de finances pour 2021 nous permette de formaliser et d'assurer le financement de toutes les mesures de relance.
Je l'ai dit, les deux premiers budgets rectificatifs avaient pour objet de répondre à l'urgence. Le présent texte complète les dispositifs, mais porte un regard particulier sur celles et ceux qui sont les plus fragilisés par la crise – c'est dans cette optique que nous avons élaboré ce texte –, c'est-à-dire les jeunes, les collectivités territoriales, l'outre-mer, qu'il s'agisse de nos compatriotes ultramarins ou des collectivités ultramarines.
Nous souhaitons compléter un certain nombre des réponses apportées par les deux premiers budgets rectificatifs. Je pense notamment au fonds de solidarité, étendu dans le cadre du plan Tourisme, qui a profité à plus de 1,7 million d'entreprises pour un total de plus de 3,5 millions de versements, soit près de 4 milliards d'euros engagés pour accompagner les TPE et les PME. Aujourd'hui, nous allons plus loin en injectant 500 millions d'euros supplémentaires à cette fin.
Nous prévoyons également 3 milliards d'euros de crédits additionnels pour financer le chômage partiel et accompagner les entreprises qui ont encore besoin de ce dispositif. Il faut avoir en tête que nous mettons en place, parallèlement à cette mesure, un dispositif d'activité partielle de longue durée.
Nous voulons également aller plus loin en matière de soutien aux entreprises. Bruno Le Maire l'a dit, nous avons préparé un plan d'exonération des cotisations sociales au bénéfice des entreprises, qui est à la fois exceptionnel et inédit tant par son ampleur – environ 4 milliards d'euros – que par ses modalités.
En effet, nous proposons que soient totalement exonérées de cotisations les entreprises de moins de dix salariés ayant fait l'objet d'une décision de fermeture administrative pour une période de trois mois, de même que les PME de moins de 250 salariés appartenant aux secteurs les plus touchés par la crise économique, ceux du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, de la culture, de l'événementiel, du sport ou du commerce de détail non alimentaire, pendant quatre mois.
Avec l'article 18, nous veillons aussi, vous pouvez le constater, à accompagner les entreprises les plus dépendantes de celles qui sont ainsi exonérées de cotisations. Les entreprises ayant des activités connexes de ces secteurs pourront bénéficier d'exonérations, dès lors qu'elles auront perdu, sur la même période, une part importante de leur chiffre d'affaires.
Le travail conduit avec l'Assemblée nationale nous a permis d'élargir ce dispositif aux travailleurs indépendants, ainsi qu'aux non-salariés agricoles, qui pourront désormais bénéficier d'une remise partielle de leurs dettes de cotisations et contributions sociales dues au titre de l'année 2020, lorsqu'ils ont connu une perte d'au moins 50 % de leur chiffre d'affaires. Ce travail parlementaire nous a aussi permis de faciliter les plans d'apurement : les travailleurs indépendants pourront désormais les enclencher sur proposition des organismes de recouvrement.
Au-delà de ces initiatives à caractère sectoriel, je tiens à souligner que nous souhaitons créer un filet de protection pour l'ensemble des entreprises.
Ainsi, les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ont perdu plus de la moitié de leur chiffre d'affaires sur la période pourront bénéficier au cas par cas de remises de cotisations pouvant aller jusqu'à 50 % du total des cotisations dues. Comme l'a indiqué le ministre de l'économie, des finances et de la relance il y a un instant, nous prévoyons la possibilité d'un étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois des cotisations de toutes les entreprises qui rencontreraient des difficultés et qui auraient besoin de ces mesures de trésorerie.
À ce titre, nous ouvrons 900 millions d'euros de crédits supplémentaires, afin de préserver l'équilibre de la sécurité sociale. Nous avons en effet fait le choix, conformément aux engagements que nous avions pris à l'époque avec Gérald Darmanin, de compenser toute nouvelle dépense que nous mettrions à l'actif de la sécurité sociale.
Le deuxième point sur lequel je souhaite m'arrêter concerne le soutien que nous voulons apporter aux territoires. Nous avons entendu les difficultés rencontrées par les collectivités locales, comme celles que connaissent l'État ou les organismes de sécurité sociale. Nous sommes convaincus de la nécessité de les accompagner et de garantir leurs ressources.
Ainsi, les communes et les intercommunalités, particulièrement mobilisées pendant cette crise, qui subissent une forte altération de leurs ressources, verront ces ressources garanties. Je fais ici référence au versement mobilité, aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à l'octroi de mer, ou encore à la taxe de séjour.
À l'article 5 du projet de loi de finances rectificative, nous prévoyons de créer un prélèvement sur recettes de l'État à destination du bloc communal pour près d'un milliard d'euros, de manière à garantir aux EPCI et aux communes un niveau de ressources pour 2020 égal à la moyenne des recettes fiscales et domaniales constatée entre 2017 et 2019.
Pour les groupements de collectivités territoriales chargés de la mobilité, nous assurerons une compensation – selon les mêmes modalités – des pertes de ressources liées au versement mobilité qu'ils auront subies en 2020.
Après discussions avec l'Assemblée des départements de France (ADF), l'article 7 consacre un mécanisme d'avances remboursables, en section de fonctionnement, pour les départements et autres collectivités bénéficiaires des DMTO. Par ailleurs, le débat à l'Assemblée nationale nous a permis de modifier la durée de remboursement des avances de DMTO en la portant à trois ans pour un montant prévisionnel qui s'élève à 2,7 milliards d'euros.
Je précise que, en ce qui concerne tant la garantie des ressources du bloc local estimées sur la moyenne des recettes fiscales et domaniales des années 2017 à 2019 que les avances remboursables des départements en matière de DMTO, les prévisions nous permettront, sur la base des douzièmes versés, lorsque nous aurons constaté la réalité des recettes perçues à l'issue de l'exercice, d'affiner le dispositif. Évidemment, nous ne pouvons que souhaiter, les uns et les autres, que moins d'argent soit nécessaire, mais s'il fallait en débloquer davantage, nous le ferons pour tenir notre engagement.
J'évoquerai encore deux points concernant les collectivités.
Tout d'abord, nous prévoyons de consacrer un milliard d'euros de crédits supplémentaires dans ce texte pour soutenir l'investissement local et permettre aux collectivités de continuer à jouer leur rôle en faveur de l'emploi, de l'attractivité et de la cohésion de notre pays.
Ensuite, il existe des mesures plus sectorielles, dont un soutien aux collectivités d'outre-mer auxquelles nous portons une attention particulière. Nous abordons donc la question de l'octroi de mer dans ce texte, mais aussi celle de dispositifs spécifiques, comme les taxes spéciales sur les carburants dont bénéficient certaines collectivités. Ce sont 60 millions d'euros qui seront consacrés à garantir les ressources de ces collectivités.
Nous avons aussi proposé à l'Assemblée nationale – elle l'a accepté – un fonds de soutien particulier à hauteur de 8 millions d'euros pour les collectivités qui profitent d'un système de financement additionnel. Je pense notamment à la Corse.
Enfin, nous offrons aux collectivités de nouvelles possibilités d'intervention : les collectivités du bloc local pourront, si elles le souhaitent, décider d'un abattement de deux tiers de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises de leur territoire, sachant que l'État financera 50 % du dispositif, contrairement à la doctrine habituelle de non-compensation des décisions volontaires prises par les collectivités, et ce, évidemment, à titre exceptionnel.
Comme l'a dit le ministre de l'économie, des finances et de la relance, ce texte prévoit nombre de dispositions permettant d'améliorer le soutien à l'économie et aux entreprises.
Nous avons veillé à la fois à compléter et prolonger des dispositifs efficaces – je pense au fonds de solidarité, aux prêts garantis par l'État, aux différents dispositifs d'intervention – et inscrit 400 millions d'euros de crédits supplémentaires pour le développement de l'apprentissage dans le secteur privé, selon les modalités qu'a rappelées Bruno Le Maire il y a quelques minutes. Mes collègues Élisabeth Borne, Amélie de Montchalin et moi-même travaillons pour ouvrir ce dispositif d'aide à l'apprentissage aux employeurs de la fonction publique territoriale.
Nous prévoyons également 150 millions d'euros d'aides à destination des jeunes et des étudiants les plus précaires, ce qui correspond aux engagements pris par le Président de la République. De même, nous ouvrons 50 millions d'euros de crédits pour participer aux dépenses engagées par les départements, qui ont accepté de prendre en charge des jeunes majeurs confiés à l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, jusqu'à la fin de l'année, quand bien même ceux-ci auraient atteint leur majorité au cours de l'année.
Les efforts que nous consentons et les dispositions que nous vous proposons sont importants. Ils permettront d'accompagner l'économie et nos concitoyens.
Je le répète, nous avons retenu un certain nombre de suggestions faites lors des débats à l'Assemblée nationale, qui nous ont amenés à renforcer les dispositifs que nous proposions pour un coût supplémentaire de 2 milliards d'euros.
Au cours de l'examen de ce texte, nous aurons l'occasion de revenir sur certaines dispositions et annonces faites par le Président de la République le 14 juillet ou par le Premier ministre, hier, lors de sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale ou, ce matin, devant le Sénat, de manière à pouvoir les compléter.
L'ensemble des mesures que Bruno Le Maire et moi-même avons l'honneur de vous présenter ont évidemment un coût, mesdames, messieurs les sénateurs. L'État engage 460 milliards d'euros, dont plus de 300 milliards d'euros de garanties.
Le projet de loi de finances rectificative se traduit par une dégradation sans équivalent de la situation des finances publiques, puisque le niveau du déficit public est estimé, à cette date, à 11,5 %, ce qui représente pour l'État un déficit à hauteur de 220 milliards d'euros pour l'année 2020.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Rien que ça !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. La dette atteindra, elle aussi, un niveau historique : 120 % du PIB, contre 98 % dans les prévisions de la loi de finances initiale pour 2020. C'est très certainement le prix à payer pour assurer la survie de notre économie et la soutenir, permettre à nos compatriotes de faire face, garantir leurs revenus et les protéger de la meilleure des manières.
C'est aussi un appel à la responsabilité, car nous savons que si, aujourd'hui, nous pouvons assurer le financement des différentes dispositions que je viens d'évoquer du fait de la qualité de la signature de la France sur les marchés financiers, la préparation des échéances budgétaires à venir et la manière dont nous allons penser le plan de relance seront décisives. C'est en veillant à ce que les dépenses engagées aient un réel effet sur l'économie, mais aussi un caractère conjoncturel, car elles ne doivent pas devenir pérennes, que nous parviendrons à une forme de consolidation de la qualité de notre signature, gage de la crédibilité de notre pays sur les marchés internationaux et face à ceux-ci.
Je ne doute pas que, dans les heures et les jours qui viennent, nous parvenions à améliorer encore le texte…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ne vous inquiétez pas, nous allons l'améliorer ! (Sourires.)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. … et que les débats qui s'ouvrent soient riches.
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je veux d'abord remercier tous les intervenants de leurs propos et de leurs propositions. Je ne doute pas que, lors de l'examen des amendements, nous essaierons d'apporter des réponses et de trouver des consensus chaque fois que c'est possible.
Je veux m'arrêter sur quelques points qui ont fait l'objet de questions récurrentes.
Premièrement, pour ce qui concerne l'articulation entre le PLFR 3, le plan de relance et le projet de loi de finances pour 2021, nous avons fait le choix, eu égard au calendrier, de ne pas présenter de PLFR 4. L'examen du troisième PLFR va nous occuper jusqu'à la fin du mois de juillet. Le PLF sera ensuite présenté au conseil des ministres à la fin du mois de septembre prochain, avec des mesures de financement.
Cela ne signifie pas que nous n'avons pas d'autres outils ou d'autres véhicules pour assurer le financement de mesures en 2020. En effet, nous avons la possibilité de redéployer un certain nombre de crédits. Surtout, nous disposons d'un projet de loi de finances rectificative de fin d'exercice, que nous utilisons traditionnellement pour adapter la fin de gestion. Cette dernière sera aussi l'occasion d'augmenter autant que nécessaire les crédits dont nous avons besoin.
Nous veillons à ce que toutes les mesures qui ont été annoncées soient financées. Vous pardonnerez, j'en suis convaincu, mesdames, messieurs les sénateurs, le caractère non pas acrobatique, mais parfois un peu compliqué de ce financement. Nous nous adaptons à la crise, à ses conséquences et nous veillons à ce que les dispositifs qui ont été mis en place soient alimentés, pour qu'ils puissent être financés tout au long de la crise. Nous évoquerons également avec vous, pendant ce débat, le financement des mesures annoncées par le Premier ministre et le Président de la République, sachant que certaines d'entre elles feront l'objet de financements soit dans le cadre de la fin de gestion, soit au moyen de redéploiements.
Je tiens à préciser, notamment pour rassurer celles et ceux qui s'inquiéteraient d'une impossibilité de financer les mesures de relance sur la fin de l'exercice 2020, que les premières mesures mises en oeuvre – je pense, par exemple, à la prime pour l'apprentissage – sont contenues dans ce PLFR et pourront donc être financées, mais aussi que nous savons pertinemment que les investissements qui seraient décidés aujourd'hui ne donneront pas lieu à décaissement avant le début de l'année 2021. De cette manière, nous savons que nous pouvons sécuriser les financements des différentes actions.
Deuxièmement, je tiens à revenir sur un certain nombre d'interrogations qui ont pu être exprimées.
M. Dallier, comme lors de l'examen du PLFR 2, a évoqué l'équilibre du Fonds national d'aide au logement. Ainsi que je l'ai indiqué, notre perspective est celle de la réforme des APL. Lorsque nous mettrons en oeuvre cette réforme, nous tiendrons compte des conséquences budgétaires qui ont été évoquées à l'occasion de la discussion du PLFR 2 pour honorer les engagements pris et prendre en considération le retard. Le PLFR de fin de gestion nous permettra de procéder à ces corrections. Nous ne le faisons pas à ce stade, considérant qu'il est trop tôt pour prendre de telles dispositions, mais nous travaillons toujours à la mise en oeuvre de la réforme des APL.
Je veux également aborder la question des collectivités locales. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de chacun des articles les concernant, mais je veux souligner le caractère totalement inédit des mesures que nous proposons. À aucun moment de l'histoire récente, les conséquences d'une crise n'ont été compensées auprès des collectivités sous forme de garantie de ressources. La dernière crise systémique que nous ayons connue, celle de 2008-2009, s'était traduite, pour les collectivités, par la possibilité d'anticiper le versement d'une annuité de FCTVA en recettes d'investissement. À aucun moment n'avait été évoquée une compensation des pertes de recettes, qu'elles soient fiscales ou domaniales.
La garantie de recettes sur un niveau moyen calculé sur trois ans que nous mettons en oeuvre est donc inédite. Si nous avons retenu cette période de trois ans, c'est à la fois dans un souci de lissage, pour tenir compte de variations qui peuvent être exceptionnelles dans certaines collectivités, mais aussi parce que c'est la durée habituelle pour l'évaluation des transferts de charges, notamment dans le cadre de l'intercommunalité.
Je veux dire à M. le sénateur Menonville que le versement de 1 000 euros minimum ne répond pas à une logique d'aide forfaitaire aux collectivités, puisque nous prenons en charge la différence entre les recettes perçues en 2020 et la moyenne des recettes des trois dernières années. En revanche, l'Assemblée nationale a adopté, avec le soutien du Gouvernement, une mesure selon laquelle ce versement sera au minimum de 1 000 euros pour les collectivités bénéficiaires. Cependant, les collectivités dont les recettes, en 2020, seront égales ou supérieures à la moyenne de celles des trois années précédentes ne seront pas éligibles à un versement. Nous ne pouvons pas admettre la comparaison avec le fonds de solidarité et une forme de versement forfaitaire.
J'entends les demandes de modification des dates butoirs pour les délibérations des collectivités tant pour la CFE que pour certaines exonérations sur des recettes domaniales. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais je le dis d'emblée : nous sommes allés au bout des délais que nous pouvons imposer à la direction générale des finances publiques (DGFiP). En raison de la crise, nous sommes aujourd'hui déjà très en retard par rapport aux délais habituels. Reporter les dates butoirs de délibération mettrait les services des finances publiques dans l'impossibilité de respecter un certain nombre d'étapes à venir. Je pense notamment aux conséquences qu'un report pourrait avoir d'ici à quelques mois sur la production des états 1259, qui sont attendus par les collectivités.
C'est la raison pour laquelle nous communiquons actuellement – nous savons gré au Parlement de nous le pardonner – auprès des élus pour les inciter à délibérer, y compris de manière anticipée par rapport à l'adoption des dispositions par le Parlement. Ce n'est pas une formule totalement classique, j'en conviens bien volontiers, mais c'est la seule que nous ayons trouvée pour permettre aux collectivités de procéder aux délibérations, puis de régulariser celles-ci.
Nombre d'entre vous ont évoqué les départements, considérant qu'il aurait peut-être été préférable que ceux-ci soient accompagnés au moyen non d'une avance remboursable, mais d'une subvention. Nous avons discuté de la formule de l'avance remboursable avec le bureau de l'ADF, avec lequel nous travaillons à la fois sur des sujets extrêmement récurrents, comme le financement des minima sociaux, et sur une forme de clause de retour à bonne fortune. En effet, nous avons aussi en tête que, lors de la dernière crise systémique de 2008-2009, les DMTO avaient diminué de 10 à 11 % la première année et de 25 % la deuxième année, mais qu'ils avaient augmenté de 30 % dès 2010 et de nouveau de 25 % en 2011. Autrement dit, l'inversion des cycles en matière de DMTO peut être extrêmement rapide, ce qui nous amène à considérer que les avances, telles que nous les avons pensées, sont tout à fait opportunes et pertinentes pour répondre aux difficultés des départements.
Je terminerai en évoquant des points plus généraux.
Nous sommes effectivement dans une situation extrêmement particulière, avec une dette qui va atteindre 120 % du PIB et un déficit qui s'élève à 220 milliards d'euros, soit 11 % de celui-ci.
M. le sénateur Delahaye nous dit que nous aurions dû proposer des gels ou des baisses de dépenses. Je note cependant que, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, les propositions en ce sens ne sont pas légion, pour ne pas dire qu'elles sont inexistantes, ce qui est bien normal : il faudrait alors préciser quelles sont les dépenses que l'on diminue…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut supprimer les ARS !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous avons fait le choix du financement de la dette résultant de la covid par un endettement.
M. le sénateur Joly a plaidé pour le rétablissement d'un certain nombre d'impôts ou pour l'augmentation de la contribution des plus riches, en nous faisant le reproche – il n'y a pas d'autre terme, mais les reproches sont normaux quand l'on débat – d'avoir privilégié le choix du financement des mesures d'urgence et de relance par la dette.
Dès ce stade, nous engageons, indépendamment du plan de relance, plus de 130 milliards d'euros de crédits et nous allons engager une centaine de milliards d'euros pour la relance, dont il faut convenir qu'une partie sera mobilisée par Bpifrance et la Caisse des dépôts et qu'une partie pourra aussi être prise en charge dans le cadre du plan européen. Cela signifie que, si nous avions recours à la fiscalité pour financer ces mesures d'urgence et d'accompagnement, ce n'est pas un choc, mais un tsunami fiscal que subiraient les Français et les entreprises ! Si je suis votre logique, monsieur le sénateur, il faudrait trouver une centaine de milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires, ce qui conduirait à l'asphyxie, à la thrombose du système économique.
Les chocs économiques et fiscaux qu'ont connus les Français à la fois en 2012-2013 et en 2010 nous incitent plutôt à faire le pari de la croissance et au minimum du maintien, voire de la baisse du poids des prélèvements obligatoires sur la production, pour favoriser le retour de la croissance, sur la base des perspectives relativement positives pour l'année prochaine qu'ont tracées l'Insee ou le FMI. Cela nous paraît la meilleure façon de faire, y compris en travaillant sur la question du cantonnement.
C'est ce qui nous amène d'ailleurs – je le dis en écho à ce qu'a dit M. le sénateur Dallier – à considérer qu'un milliard reste un milliard et que, bien qu'extrêmement particulière, la situation, qui nécessite des crédits et un engagement massif pour répondre à la dette, ne doit pas nous détourner de la nécessité d'une forme de rigueur – c'est à dessein que je ne parle pas d'austérité, notre pays ne l'ayant jamais connue. En effet, il convient de veiller à ce que, au-delà des crédits ponctuels engagés pour faire face à la crise, nous soyons les plus proches possible de la trajectoire triennale qui a été fixée et des engagements que nous avons pris. C'est l'une des conditions de la solidité et de la crédibilité de la signature de notre pays sur les marchés financiers.
On peut nous reprocher d'être à leur merci, mais il faut aussi reconnaître que c'est sur les marchés financiers que nous trouvons les financements nécessaires pour répondre à la crise, mais aussi, plus généralement et plus traditionnellement, pour assurer le financement de l'État. Alors que nous empruntons encore aujourd'hui dans des conditions tout à fait favorables, l'une des lignes de conduite que nous devons observer consiste à garantir la crédibilité de cette signature, pour que les choses soient tenables. C'est ce qui nous amène, sur des crédits qui peuvent avoir un caractère récurrent, à nous en tenir à une certaine rigueur. C'est ce qui m'amène désormais, dans les relations que je peux avoir avec mes collègues pour la préparation du PLF pour 2021, à faire preuve de cette même attention à ce que la trajectoire pluriannuelle soit la mieux respectée possible.
Monsieur le sénateur Patient, je veux vous remercier de vos propos et vous dire l'attention du Gouvernement à la situation de la Guyane et, au-delà, de l'outre-mer. Vous avez très justement noté que, à l'Assemblée nationale, j'ai eu l'occasion de défendre des amendements visant à ce que les dispositifs principaux de lutte contre la crise, comme le fonds de solidarité, les prêts garantis, ou encore le dispositif plein et maximal de chômage partiel, soient prolongés, en Guyane, non pas jusqu'à une date butoir arrêtée par la loi, mais jusqu'au dernier jour du dernier mois au cours duquel nous aurons constaté l'état d'urgence, de manière que la durée de ces dispositifs soit adaptée à la situation de ce territoire. Cela dit, je sais que d'autres engagements sont attendus.
Monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez estimé que les indicateurs sociaux donnaient le signe qu'il faut agir. Je ne doute donc pas que je pourrai compter sur votre soutien sur un certain nombre de dispositifs. Je pense notamment aux dispositions du projet de loi de finances rectificative qui tendent à soutenir soit l'embauche des plus jeunes, soit l'accompagnement des jeunes précaires, en particulier des étudiants. Je vous rejoins sur la nécessité de faire attention à ces indicateurs. Les dispositions que nous prenons visent à apporter une réponse.
Pour terminer, je fais mien le constat par lequel M. le sénateur Collin a ouvert son propos : la bataille reste à gagner. C'est une évidence. Nous espérons aussi que le plan de relance que nous aurons l'occasion de présenter dès la rentrée, avant même que le projet de loi de finances soit soumis au conseil des ministres, nous fournira des armes supplémentaires pour gagner cette bataille. (MM. Julien Bargeton et Yvon Collin applaudissent.)
M. le président. La discussion générale est close.
Source http://www.senat.fr, le 20 juillet 2020