Déclaration de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie (no 3241) et le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie (no 3242) - Nouvelle lecture, Assemblée nationale le 23 juillet 2020.

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Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie (nos 3179, 3200) et du projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie (nos 3180, 3201).
 

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

- Présentation commune -

M. le président. Je suis très heureux – je le dis avec beaucoup de sincérité– de donner la parole à notre ancienne collègue, Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Je vous remercie, monsieur le président !

Mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout d'abord vous faire part de mon émotion : c'est la première fois que je m'adresse à vous de cette tribune en tant que membre du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, LT et LR.)

Le sentiment de fierté que j'ai ressenti le soir de ma nomination, il y a maintenant dix jours, a très vite laissé place au sentiment de responsabilité, car je sais l'impatience légitime de nos compatriotes, mais aussi la vôtre, sur un sujet dont nous parlons depuis des décennies : en matière de dette sociale et d'autonomie, l'ambition et les objectifs sont partagés, mais nous n'avons pas su collectivement les concrétiser au service des Françaises et des Français les plus fragiles, de leurs familles et de leurs aidants.

Je tenais à vous dire que je n'oublie rien de ces huit années passées sur ces bancs à vos côtés : ce fut un réel honneur et un plaisir de présider, depuis 2017, la belle commission des affaires sociales. Je n'oublie rien, je ne changerai pas. Comptez sur moi pour rester disponible et à votre écoute, que vous siégiez sur les bancs de la majorité ou de l'opposition. Car je crois que c'est tous ensemble, de façon pragmatique, par la recherche du compromis, que nous nous hisserons à la hauteur de ce nouveau défi pour notre système de protection sociale. Mais le moment est venu de clore ces considérations personnelles et de revenir à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Faute d'un accord avec le Sénat, nous nous retrouvons donc aujourd'hui pour examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, alors même que les deux assemblées avaient franchi une étape importante, en première lecture, en s'accordant sur la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale.

Compte tenu des responsabilités que le Président de la République et le Premier ministre m'ont confiées, vous comprendrez que je commence par aborder cet aspect du texte, tel qu'il résulte de la discussion parlementaire.

Au demeurant, l'intérêt d'une nouvelle lecture est d'évoquer la manière dont les textes ont été enrichis par le Parlement. Je ne m'attarderai donc pas sur les aspects qui ont été longuement abordés et débattus en première lecture.

L'ambition des présents projets de loi résulte, en partie, d'un amendement introduit à l'initiative de l'Assemblée nationale et proposant la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale. Jusqu'alors, nous nous étions bornés, sur ce sujet, à proposer un rapport en vue du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS –, mais cette création était attendue depuis longtemps – on en parlait depuis trois mandatures. Nous devons donc nous réjouir et être fiers de l'avoir adoptée. Ne mâchons pas nos mots : c'est un tournant historique dans l'histoire de la sécurité sociale.

En 1945, il a été décidé de créer une assurance sociale publique contre le risque de maladie et d'accident du travail ; nous faisons aujourd'hui le choix d'une nouvelle assurance publique contre ce qui est devenu un nouveau risque pour tous les Français.

Les chiffres sont sans appel. Permettez-moi de vous les remettre en tête : en 2040, près de 15 % des Français, soit 10,6 millions de personnes, auront 75 ans ou plus ; c'est deux fois plus qu'aujourd'hui ! La création de la cinquième branche de la sécurité sociale permettra en premier lieu de donner une visibilité aux parlementaires, dès le PLFSS pour l'année 2021, sur son équilibre financier.

Cette création n'est cependant pas un point d'orgue ; c'est le début d'une histoire. La mission créée par le Gouvernement et chargée d'examiner les conséquences de la création de la branche en matière de financement et de gouvernance vient de commencer ses travaux et rendra son rapport en septembre, dans la perspective du prochain PLFSS et au bénéfice de débats parlementaires éclairés.

Je salue d'ailleurs les amendements qui ont permis de clarifier les modalités des consultations prévues dans le cadre de l'élaboration de ce rapport. Il est essentiel que l'ensemble des acteurs soient consultés afin de trouver une solution de consensus et de dégager, au minimum, 1 milliard d'euros dès 2021, conformément à l'engagement du ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, devant l'Assemblée nationale.

Ces textes constituent également une opération de bonne gestion, puisqu'ils permettent à la sécurité sociale de se refinancer sans s'exposer à un risque de taux ou de liquidité sur les marchés financiers. C'était même là leur objectif principal.

Sans revenir sur les explications techniques qui ont déjà été apportées dans cet hémicycle, je voudrais préciser quelques points sur ces textes examinés aujourd'hui en nouvelle lecture.

Le premier est la règle d'or. Je comprends la volonté d'encadrer les finances sociales pour éviter que ne se creusent des déficits, qui, il faut le dire, alimenteront la dette future de nos enfants.

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Néanmoins, pour fonctionner, une règle d'or doit être crédible. Or pour être crédible, il faut un horizon d'équilibre. Aujourd'hui, l'incertitude est trop forte ; il est trop tôt.

M. Jean-Pierre Door. Non ! Il faut du courage et de la volonté !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Le deuxième point est la dette hospitalière : le Sénat l'a supprimée, réduisant de 13 milliards la marge d'investissement annoncée dans le cadre du Ségur de la santé, qui a fait de cette mesure un véritable levier pour relancer l'investissement dans le service public hospitalier. En réalité, le déficit de l'assurance maladie et celui de nos hôpitaux sont liés : les économies de l'une ne peuvent devenir les déficits des autres. C'est aussi cette préoccupation que la reprise de la dette des hôpitaux traduit aujourd'hui.

Le troisième point, enfin, concerne l'isolement de la dette liée à la crise sanitaire due au covid-19. Le ministre des solidarités et de la santé l'a clairement indiqué : le traitement de cette dette est une question complexe, encore largement débattue par les économistes, y compris par les plus grands spécialistes des finances publiques. Le Premier ministre a affirmé hier, lors de sa déclaration de politique générale, vouloir en discuter avec les partenaires sociaux. Aussi, je le répète, si rien dans les textes ne fait obstacle à l'isolement de la « dette covid », nous devons avant tout répondre à l'urgence : telle est la priorité qui a toujours guidé notre action. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)


source http://www.assemblee-nationale.fr, le 20 juillet 2020