Interview de M. Jean Castex, Premier ministre, à France Info le 12 octobre 2020, notamment sur le "cap" des 100 jours à Matignon, les crises économique et sanitaire et l'attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne.

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Média : France Info

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Monsieur le Premier ministre.

JEAN CASTEX
Bonjour Madame BRAKHLIA.

SALHIA BRAKHLIA
Voilà 100 jours que vous êtes à Matignon, et vous avez deux incendies à éteindre, la crise sanitaire d'un côté, avec l'épidémie qui reprend, et la crise économique de l'autre, il en sera largement question jusqu'à 09h10, pendant ces 40 minutes.

MARC FAUVELLE
Et avant de parler de ces deux urgences, d'abord, l'actualité, Monsieur le Premier ministre, cette attaque ce week-end contre un commissariat de Champigny-sur-Marne, près de Paris, des dizaines de personnes armées, pour certaines, de barres de fer, qui tentent de pénétrer dans les locaux, des tirs de mortiers d'artifices, il y a quelques jours, ce sont d'autres policiers, cette fois, à Herblay, qui ont été sauvagement agressés. Est-ce que le gouvernement est impuissant face à ce genre d'attaques ?

JEAN CASTEX
Non, et ça me donne l'occasion de vous dire, Madame, que, au-delà de la lutte contre la crise sanitaire et contre la crise économique, la lutte contre l'insécurité fait aussi partie des priorités de mon gouvernement. Vous avez tout à fait raison, quand on voit un commissariat comme récemment à Champigny-sur-Marne, quand on voit deux policiers comme dans le Val d'Oise, la semaine dernière, sauvagement agressés, on se dit que c'est l'État et la République qui sont pris pour cibles. Et c'est inadmissible…

MARC FAUVELLE
Qu'est-ce que vous, vous pouvez faire, dans ces cas-là, à part mettre des policiers en plus pour protéger des policiers ?

JEAN CASTEX
Nous serons intraitables. Je voudrais d'abord dire le soutien sans faille que nous apportons aux forces de sécurité, quelles qu'elles soient. Et ce ne sont pas que des mots, Monsieur, puisqu'effectivement, nous allons dans ce quinquennat avoir recruté 10 000 policiers supplémentaires, ça n'était pas arrivé depuis des décennies, et effectivement, nous allons renforcer grâce, à ces moyens, la lutte notamment contre les trafics ; je pense que dans ce qui se passe à Champigny ou ailleurs, il y a le fait qu'on dérange tous ces trafics, par les moyens que nous employons cela ne leur plaît pas, ils réagissent, mais ils auront affaire à nous, on ne se laissera pas faire. J'ajoute, vous le savez, autre moyen très concret que nous allons dégager, nous souhaitons renforcer la réponse pénale, le budget 2021, dont l'examen commence cette semaine à l'Assemblée nationale, verra le budget de la Justice augmenter de 8%, c'est inédit depuis des années et des années, des magistrats, des greffiers, des moyens en plus pour que la justice aille plus vite et qu'elle réponde rapidement.

MARC FAUVELLE
Dans le cas de Champigny, la justice n'y changerait rien, on n'a arrêté personne.

JEAN CASTEX
Ça va venir.

MARC FAUVELLE
Ça va venir.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que les policiers auraient dû répliquer à Champigny-sur-Marne, ils ne l'ont pas fait ?

JEAN CASTEX
Les policiers à Champigny-sur-Marne, de ce que je connais des faits, ont fait preuve d'un immense sang-froid, ils ont parfaitement agi, et je les soutiens totalement, comme le ministre de l'Intérieur qui s'est rendu sur place hier soir.

SALHIA BRAKHLIA
Le président de la République va rencontrer jeudi les syndicats de police, Gérald DARMANIN, ce sera demain.

JEAN CASTEX
Demain.

SALHIA BRAKHLIA
Et vous ?

JEAN CASTEX
Moi, je suis un appui en permanence, moi, je leur donnerai les moyens nécessaires à leur action.

SALHIA BRAKHLIA
Mais est-ce que vous allez les rencontrer ?

JEAN CASTEX
Je suis allé à la rencontre des policiers à plusieurs reprises, chère Madame, depuis ma prise de fonction, encore, encore vendredi dernier, j'étais à Toulouse pour déployer un nouvel outil, le contrat de sécurité intégré à l'échelle de grandes métropoles ou des grandes villes, j'ai apporté 110 policiers supplémentaires à Toulouse, on va créer des quartiers de reconquête républicaine supplémentaires, c'est-à-dire des moyens adaptés dans ces quartiers…

MARC FAUVELLE
Ça en était un en l'occurrence celui de Champigny, ça en était un depuis deux ans.

JEAN CASTEX
Oui, mais il fait son travail…

MARC FAUVELLE
Ça n'a pas suffit à protéger l'établissement ni les policiers.

JEAN CASTEX
Il fait son travail, Monsieur, ça veut dire que dans ces quartiers, vous savez, c'est une zone où il y a beaucoup de circulation d'héroïne, nous mettons de plus en plus notre nez là-dedans, nous démantelons des trafics, je l'ai encore vu à Toulouse, évidemment, je vous le disais, ça ne plaît pas, ça dérange, ils réagissent, eh bien, ils peuvent réagir tant qu'ils veulent, ils auront affaire nous serons intraitables.

MARC FAUVELLE
Au-delà de ces attaques contre des commissariats ou des policiers, Monsieur le Premier ministre, les derniers chiffres de l'insécurité en France ne sont pas bons, je voudrais vous donner 3 chiffres, si vous voulez bien, en 2019, les homicides, plus 4%, en 2019, les coups et blessures, plus 8%, toujours en 2019, violences sexuelles, plus 12%. Est-ce que l'insécurité aujourd'hui, c'est le point faible du gouvernement ?

JEAN CASTEX
Je connais tous ces chiffres, c'est le point faible de notre pays, nous devons à tout prix réagir et nous le faisons, et nous le faisons…

MARC FAUVELLE
Ça n'a pas été le cas pendant la première partie du quinquennat…

JEAN CASTEX
Si, ça a été le cas, sauf que vous voyez bien, en particulier que la période récente, notamment le confinement, ont pu entraîner une recrudescence des violences.

MARC FAUVELLE
Les chiffres de 2019, c'était avant le confinement…

JEAN CASTEX
Les chiffres de 2019, c'est avant, et les recrutements auxquels on a procédé qui ont commencé dès le début du quinquennat d'Emmanuel MACRON, mettent toujours un certain temps à se déployer, maintenant, nous sommes entrés dans la phase la plus forte de ce déploiement, et nous allons avoir un suivi très précis des résultats.

SALHIA BRAKHLIA
Jean CASTEX, est-ce que vous souhaitez que tous les policiers municipaux soient armés ?

JEAN CASTEX
Alors, effectivement, nous allons aussi, chère Madame, revoir le rôle des polices municipales et les renforcer, c'est-à-dire, il y a la question de l'armement, mais il y a aussi la question de leurs prérogatives en matière de constatations d'infractions, une proposition…

SALHIA BRAKHLIA
Ils vont avoir plus de pouvoirs ?

JEAN CASTEX
Une proposition de loi, menée par deux députés, sera examinée prochainement à l'Assemblée nationale, et c'est dans ce cadre que nous allons agir. Je vous fais observer, à Toulouse par exemple pour rester très concret, et c'est ce que nous allons faire dans l'ensemble des métropoles de France, j'ai apporté des policiers nationaux, et en échange, le maire a dit, on l'avait fait aussi à Nice : je recrute des policiers municipaux, j'équipe davantage ma ville de caméras de vidéo-protection ; c'est une excellente coopération. A Champigny, il n'y avait pas de police municipale, il y a très peu de caméras de vidéo-protection, d'accord, je crois que la municipalité nouvelle va le faire, et c'est très bien…

SALHIA BRAKHLIA
Donc il faut renvoyer les maires à leurs responsabilités sur la question de l'insécurité, c'est ce que vous dites ?

JEAN CASTEX
La responsabilité première, c'est celle de l'État, Madame, et il ne va pas s'y soustraire, simplement, la lutte contre l'insécurité, elle mobilise tout le monde, et j'ai d'ailleurs dit aussi, je vous le rappelle, dans le cadre de ces contrats de sécurité intégré, qu'on va lutter aussi à la racine, par l'éducation, par la prévention, avec le dédoublement des classes, avec les éducateurs spécialisés, la lutte contre l'insécurité, il faut jouer sur tous les facteurs, parce que c'est intolérable.

MARC FAUVELLE
La crise sanitaire à présent, Monsieur le Premier ministre, vous avez été le Monsieur déconfinement du gouvernement pendant des mois avant d'arriver à Matignon, quand vous voyez aujourd'hui tous les indicateurs qui passent au rouge, le nombre de places à l'hôpital qui sont occupées, le nombre de malades, 45 000 quasiment malades supplémentaires du Covid testés seulement en l'espace de 48 heures, vous l'avez raté, ce déconfinement ?

JEAN CASTEX
Je ne crois pas, Monsieur, je pense qu'on ne pouvait pas…

MARC FAUVELLE
On l'a réussi, vous diriez qu'on l'a réussi, le déconfinement ?

JEAN CASTEX
On ne pouvait pas, ça, c'est un enseignement, certains, rester confinés plus longtemps, les conséquences un confinement absolu sont absolument dramatiques, notamment pour les plus jeunes d'entre nous, et pour les conséquences sociales et économiques…

MARC FAUVELLE
Qu'il faille sortir du confinement, tout le monde quasiment est d'accord là-dessus, mais est-ce que les moyens qui ont été accordés, je pense par exemple à la politique de tests aujourd'hui, est-ce que ces moyens sont les bons ?

JEAN CASTEX
Les moyens accordés au déconfinement en France, de manière comparable, sont à peu près les mêmes que ceux qui ont été utilisés par l'ensemble des pays étrangers…

SALHIA BRAKHLIA
Mais alors, est-ce que la méthode était la bonne ?

JEAN CASTEX
Qu'est-ce qui s'est passé, en réalité, Madame ? Qu'est-ce qui s'est passé, en réalité, on a déconfiné, je pense, de façon efficace, et puis, sont arrivées les vacances, et nous avons, les Français ont collectivement considéré que c'était fini, que c'était derrière nous…

SALHIA BRAKHLIA
Le gouvernement aussi a pensé ça aussi ?

JEAN CASTEX
Non, non, Madame, je ne l'ai pas pensé, Madame, j'ai pris mes fonctions, je vous le rappelle, début juillet…

SALHIA BRAKHLIA
Le 3 juillet.

JEAN CASTEX
Tout à fait. J'ai pris 3 décrets pour généraliser les masques dans l'espace public, dans les commerces, et ensuite, dans les entreprises... 

MARC FAUVELLE
Donc ce sont les Français qui se sont relâchés trop tôt ?

JEAN CASTEX
Ecoutez-moi, je n'ai cessé tout l'été d'appeler à la vigilance, je n'ai quasiment pas pris de vacances au motif, je l'ai souvent employé, cette formule, que le virus n'en prenait pas non plus. Donc, oui, effectivement, il y a eu…

SALHIA BRAKHLIA
Donc les Français ne vous ont pas assez écouté…

JEAN CASTEX
Les Français en tout cas ont, pour une large part d'entre eux, et quelque part, je ne dis pas que je les comprends, mais, mais ils ont été éprouvés par cette première phase du confinement, et ils considéré un peu trop vite, malgré les discours que nous tenions sur le fait : il faut vivre avec le virus, que ce virus avait disparu, eh bien, malheureusement, il était caché, mais il était toujours là, et nous sommes dans une deuxième vague forte…

MARC FAUVELLE
Peut-être, Monsieur le Premier ministre, peut-être parce qu'au début de cette crise, on leur a dit un peu n'importe quoi aux Français, quand on leur a dit par exemple que le masque ne servait à rien.

JEAN CASTEX
Non, mais attendez le masque ne sert à rien…

MARC FAUVELLE
On vous voit, pour ceux qui vous suivent à la télévision, là, vous êtes masqué ce matin, pendant des mois, y compris au gouvernement, la porte-parole a dit : ça ne sert à rien d'être masqué, vous comprenez peut-être que les Français aient du mal à suivre les consignes ?

JEAN CASTEX
En tout cas, sur le masque, convenez avec moi que ces consignes depuis plusieurs mois sont claires, il faut porter le masque…

MARC FAUVELLE
Aujourd'hui…

JEAN CASTEX
Aujourd'hui, mais elles l'étaient pendant l'été, elles l'étaient au mois de juin, donc les consignes sur le masque porté par le grand public sont claires. Donc aujourd'hui, en tout cas, ce que je veux dire à votre micro, c'est qu'effectivement, nous sommes dans une situation très difficile, pas que la France du reste, la réalité de la deuxième vague est là. Et donc j'appelle, j'appelle de façon extrêmement claire, à ce que nous nous mobilisions toutes et tous pour faire face à cette deuxième vague ; il ne peut plus y avoir de relâchement…

MARC FAUVELLE
Ça veut dire quoi se mobiliser…

JEAN CASTEX
La force, Monsieur, la force, je veux dire, de cette épidémie, c'est qu'elle mobilise tout le monde. L'État doit prendre ses responsabilités, vous le voyez bien, nous prenons des mesures, et des mesures difficiles, parce que c'est notre responsabilité.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'elles vont être encore plus difficiles ces mesures dans les jours à venir, sachant qu'une dizaine de villes et de départements sont classés en alerte maximale ?

JEAN CASTEX
Absolument. Vous avez vu que nous avons une stratégie qui est claire, qui consiste à avoir une riposte graduée et territorialisée à la crise, parce que, eh bien oui la situation n'est pas exactement la même dans tous les départements de France. Et effectivement, ce sont dans les grandes métropoles, il y en a aujourd'hui 9, qui sont classées, comme vous l'avez dit, en zone d'alerte maximale. J'ai dit à ces responsables de métropole, avec lesquels nous travaillons, parce que là encore ça ne peut pas être que l'État, c'est l'État, les collectivités et les citoyens, et les citoyens, la lutte contre la crise, je leur ai dit madame : nous prenons des mesures en fonction de la situation épidémique, nous les prenons pour une durée, ensemble, pour voir si elles sont efficaces. Ça c'est la règle, mais il y a une exception : si dans cette période de 15 jours nous voyons que les indicateurs sanitaires se dégradent beaucoup, que les lits de réanimation se remplissent plus encore que prévu, nous pourrons effectivement prendre des mesures supplémentaires.

SALHIA BRAKHLIA
Alors justement, quelles sont ces mesures supplémentaires qui sont prévues ? Est-ce qu'on pourrait penser à des reconfinement localisés, dans certaines villes ou dans certains quartiers ?

JEAN CASTEX
Alors, je réponds d'abord que le reconfinement général doit être par tout moyen évité. Encore une fois, c'est possible si nous nous y mettons tous. Ensuite, cette semaine, il y aura comme toutes les semaines un Conseil de défense, nous verrons quels sont, en ce début de semaine, les données épidémiologiques, pour voir s'il y a lieu d'aller plus loin. Je vous rappelle quand même que nous venons de classer Montpellier et Toulouse en zones d'alerte maximales, donc il faut voir ce que ça donne dans ces collectivités.

MARC FAUVELLE
Donc ce n'est pas exclu.

SALHIA BRAKHLIA
Plus loin, c'est reconfinement.

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas exclu les reconfinements locaux.

JEAN CASTEX
Monsieur, rien ne doit être exclu. Rien ne doit être exclu, quand on voit la situation dans nos hôpitaux. Je voudrais dire juste une chose. Je parlais de consignes, des mesures, encore faut-il que ces mesures soient respectées, soient appliquées. Quand je vois encore, par exemple ce week-end à Paris ou dans la petite couronne, on a fait un certain nombre de contrôles, environ 500, et quand je vois encore que, je crois 95 de ces contrôles ont donné lieu à des constatations d'infractions…

MARC FAUVELLE
Des contrôles dans les bars.

SALHIA BRAKHLIA
Dans les bars et restaurants.

JEAN CASTEX
Dans les bars et restaurants, absolument, je me dis : il y a quelque chose qui ne va pas. Je veux dire à mes concitoyens : on ne fait pas ça pour les embêter, on fait ça pour les protéger. Et certes il faut qu'ils écoutent les consignes du gouvernement, mais surtout il faut qu'ils se disent que nul n'est immunisé face à la maladie, c'est un acte de solidarité avec les plus vulnérables, avec les plus âgés, c'est enfin, j'insiste, un acte de solidarité envers les soignants, vous savez ceux qu'on a applaudis au printemps, eh bien la meilleure façon de continuer à les applaudir aujourd'hui, parce qu'ils n'en peuvent plus, parce que les hôpitaux ne vont pas pouvoir déprogrammer des patients lourds, comme ils l'ont fait dans la première phase…

SALHIA BRAKHLIA
Ça se passe déjà, ils ont commencé à déprogrammer dans les hôpitaux.

JEAN CASTEX
Absolument, mais c'est très difficile madame, eh bien la meilleure façon d'être solidaire de ces soignants, madame, c'est de respecter les consignes simples. Moi je peux réglementer, dans les bars, monsieur, je peux réglementer dans l'espace public, encore faut-il que ce soit appliqué, je ne peux pas réglementer dans les espaces privés, dans les lieux…

MARC FAUVELLE
C'est ce que j'allais vous demander, nos voisins britanniques par exemple ont mis en place une interdiction : on n'a pas le droit de se rassembler à plus de 6, y compris à la maison, y compris avec des amis, y compris avec la famille, est-ce que vous envisagez de faire la même chose en France ?

JEAN CASTEX
Ce n'est juridiquement pas possible. On est le pays des libertés publiques, quand j'entends parler…

MARC FAUVELLE
Vous pourriez demander aux Français de limiter le nombre de personnes qu'ils reçoivent, par exemple pour les vacances qui débutent dans quelques jours, quitte à ce que ce ne soit pas une interdiction.

JEAN CASTEX
Ce n'est pas que je pourrais leur demander, je le leur demande. Je le leur demande, on ne cesse de le faire.

SALHIA BRAKHLIA
Il faut limiter à combien ?

JEAN CASTEX
En réalité, moi je ne peux pas réglementer les espaces privés, dans notre droit positif, constitutionnel, mais il y a quelqu'un qui peut réglementer l'espace privé, c'est le propriétaire, c'est le maître des lieux. On leur dit : écoutez, si on ne veut pas… En réalité, je pense qu'il faut dire à nos concitoyens que nous sommes engagés dans une affaire, dans une course d'endurance. C'est une lutte contre la maladie, c'est ce qui s'est passé, il y a eu le confinement, il y a eu le déconfinement, et on a pensé, un certain nombre de nos concitoyens, que c'était fini. Non, ce n'est pas fini, c'est une course d'endurance. Mais pour autant, ce n'est pas parce que c'est une course d'endurance, ce n'est pas parce que ça va durer, je pense plusieurs mois encore, que l'on ne peut pas vaincre cette maladie, par nos…

MARC FAUVELLE
Alors, par exemple, les dîners de monsieur CASTEX, quand il n'est pas Premier ministre, en famille, avec ses amis, il y a combien de personnes à table au maximum ?

JEAN CASTEX
Encore une fois, on ne peut pas faire une règle, mais vous avez vu, on a mis 6 dans les restaurants, en s'espaçant, c'est …

MARC FAUVELLE
C'est le bon chiffre, 6 à table, y compris par exemple les retrouvailles qui auront lieu la semaine prochaine, pour les vacances ?

JEAN CASTEX
Monsieur, un peu de bon sens. Qu'est-ce qu'il faut éviter ? Allons à l'essentiel, et on le voit bien, on dit les bars etc. C'est quoi ? C'est des personnes qui s'agglutinent les unes avec les autre, qui ne portent pas de masque, parce qu'effectivement, quand on boit un coup ou quand on mange, puisque vous parlez de repas…

MARC FAUVELLE
C'est un peu difficile.

JEAN CASTEX
C'est un peu difficile de porter un masque, dans des lieux clos, ça il faut l'éviter partout. Donc effectivement, vous avez raison, je demande de respecter les gestes barrières, il n'y a vraiment rien de nouveau.

SALHIA BRAKHLIA
Mais alors, Jean CASTEX…

JEAN CASTEX
Dans l'espace public, comme dans l'espace privé. Alors, on me dit : c'est une dictature sanitaire. Mais enfin, restons raisonnables, si chacun y met un peu du sien, on est, on peut changer le cours des choses.

MARC FAUVELLE
On n'embrasse plus ses enfants ?

JEAN CASTEX
"On n'embrasse plus ses enfants", n'exagérons pas, heureusement qu'on peut quand même embrasser ses enfants, mais par exemple, je l'ai déjà dit, je me suis attiré quelques difficultés…

MARC FAUVELLE
Alors…

JEAN CASTEX
… eh bien je le répète, tant pis, je ne suis pas ici pour plaire, effectivement vous parliez des vacances, mais vacances ou pas vacances…

SALHIA BRAKHLIA
On va voir papy et mamie ou pas pendant les vacances ?

JEAN CASTEX
Alors eh bien, on peut les voir, je ne vais pas vous dire qu'on ne va pas voir papy et mamie, ce serait ridicule.

MARC FAUVELLE
Ah…

SALHIA BRAKHLIA
Alors, comment on fait ?

JEAN CASTEX
Eh bien on fait très attention. On fait très attention, on porte le masque au maximum, en tout cas s'agissant du papy, puisque vous savez que pour les petits enfants même, le port du masque en dessous d'un certain âge est décommandé, on évite au maximum les contacts, on est très prudent. Enfin, je ne demande quand même rien de révolutionnaire, rien de révolutionnaire. Mais sinon, vous allez voir ; dans quelques jours, les services de réanimation, les services hospitaliers, je pense à tous ces soignants, à toutes ces infirmières, à toutes ces aides-soignantes, ils vont être mis à très rude épreuve, et ça c'est notre responsabilité collective de le prévenir.

MARC FAUVELLE
Vous avez dit il y a quelques instants : je ne suis pas là, je ne suis pas ici pour me faire des amis. Quand vous avez reconnu il y a quelques jours que vous n'aviez pas vous-mêmes, Premier ministre, téléchargé l'application StopCovid, la même que vous demandez depuis des semaines à tous les Français, d'avoir sur leur téléphone, c'est de l'honnêteté ou c'est de l'amateurisme ?

JEAN CASTEX
Alors, un c'est de l'honnêteté, puisque j'ai dit qu'il y avait effectivement, quand j'ai changé de portable en arrivant de Matignon, j'ai pris un portable sécurisé…

SALHIA BRAKHLIA
L'application est arrivée après.

JEAN CASTEX
Oui, mais attendez, j'ai pris un portable sécurisé, donc je n'ai pas téléchargé Télé-Covid. Alors maintenant, je vous annonce, en réalité Télé-Covid, indépendamment de ma propre personne, n'a pas eu les effets escomptés, ça vous le savez tous, etc. Donc, le gouvernement et le président de la République ont demandé à travailler sur une nouvelle version.

SALHIA BRAKHLIA
Ah…

JEAN CASTEX
D'accord ? Qui sera officiellement lancée le 22 octobre, d'accord, et donc à ce moment-là, je la téléchargerai.

MARC FAUVELLE
En attendant, vous n'avez pas téléchargé la première.

JEAN CASTEX
Non.

MARC FAUVELLE
Et la deuxième, elle aura quoi de différent ?

JEAN CASTEX
Réponse le 22 octobre.

SALHIA BRAKHLIA
Il fait un teasing. Jean CASTEX, vous en parliez il y a quelques minutes, quand vous voyez la situation à l'hôpital aujourd'hui, 30 000 postes qui ne sont pas pourvus, plus de la moitié des infirmiers qui se disent en état d'épuisement, un infirmier sur 5 n'a pas posé le moindre jour de congés depuis mars, est-ce que vous pensez franchement que les hôpitaux sont prêts, là, à faire face à la seconde vague ?

JEAN CASTEX
Eh bien c'est tout le sens de mon intervention tout à l'heure, il faut faire en sorte que cette deuxième vague soit la plus maîtrisée possible, parce qu'effectivement, alors j'entends dire « vous auriez dû créer des lits de réanimation un plus », mais enfin, autant on a mis le paquet, on va former en 2021, 10 000 aides-soignantes en plus, 6 000 infirmières en plus, enfin, c'est du jamais vu.

SALHIA BRAKHLIA
En 2021, mais l'urgence c'est aujourd'hui.

JEAN CASTEX
Mais madame, vous formez une infirmière en 3 mois ? Alors qu'elle a ses études de 3 ans ? Vous formez un médecin anesthésiste en 3 mois ? C'est impossible, vous le savez bien. Donc, que faisons-nous ? D'abord nous essayons de combler les vacances de postes. Lors de la première vague, à l'AP-HP il y en avait 1 000, aujourd'hui il y en a 500. On va débloquer, Olivier VERAN, le ministre des Solidarités et de la Santé l'a annoncé, on va débloquer des crédits pour que les hôpitaux puissent continuer à recruter des intérimaires, à mieux payer les heures supplémentaires, à faire en sorte qu'on encourage au maximum nos personnels soignants, qui vous avez raison, sont gaîtés par la fatigue, par le stress, par le découragement parfois, à tenir le choc. Bon. Eh bien la meilleure façon de les encourager au-delà de ce que nous faisons, je le répète, c'est que tous ensemble, tous ensemble, par le respect des gestes barrières, par le respect des consignes, nous évitions que cette deuxième vague soit la plus forte possible. C'est un enjeu collectif. J'appelle au rassemblement national autour de cette question. Quand j'entends sur vos antennes ou ailleurs, des gens qui disent "eh bien non, porter le masque, le virus est moins virulent dans la première que dans la deuxième, j'ai même entendu qu'il ne serait pas le même dans certaines communes que dans d'autres"…

MARC FAUVELLE
Ça, c'est Samia GHALI à Marseille qui a dit ça.

JEAN CASTEX
Ecoutez, quand même tout ça est ridicule. Tout ça est ridicule. Il y a une deuxième vague, je le répète, en Europe, dans le monde, en France, et nous devons y faire face avec résolution et solidarité.

MARC FAUVELLE
L'autre urgence, Jean CASTEX, elle est économique. Le budget pour l'année prochaine, pour l'année 2021 arrive aujourd'hui même devant l'Assemblée nationale. C'est le budget des 100 milliards d'euros du plan de relance. Vous entendez la petite musique qui monte en ce moment au sein de la majorité à gauche et chez les syndicats, sur le manque de contreparties demandées aux entreprises qui vont toucher de l'aide publique. Est-ce qu'une entreprise qui touche de l'argent public cette année ou l'an prochain aura tout de même le droit de licencier ?

JEAN CASTEX
Ce débat sur les contreparties, je l'entends et il n'est pas nouveau. Il n'est pas illégitime.

SALHIA BRAKHLIA
Ah, il n'est pas illégitime ?

JEAN CASTEX
Est-ce que vous me permettez…

MARC FAUVELLE
Il n'est pas illégitime.

JEAN CASTEX
Mais il n'est pas illégitime, il faut toujours…

MARC FAUVELLE
Il faut débattre mais est-ce que ça va aboutir ?

JEAN CASTEX
Monsieur, dame, il faut toujours se demander comment est utilisé l'argent public. C'est absolument sain dans une démocratie. Allons dans le détail plutôt que de rester sur des questions de principe.

MARC FAUVELLE
Allons-y.

JEAN CASTEX
Ce plan de relance, d'accord, il y a grosso modo 80% qui sont des aides allouées soit à des entreprises, soit à des particuliers. J'entendais vos reportages tout à l'heure sur les aides à l'acquisition de véhicules électriques.

MARC FAUVELLE
1 000 euros pour une voiture d'occasion. Ça, c'est annoncé aujourd'hui.

JEAN CASTEX
Voilà. Ça peut-être aussi des aides allant jusqu'à 20 000 euros pour la rénovation de logements. Toutes ces aides, 80%, vous obtenez l'aide si vous présentez une prestation. Vous êtes une entreprise, on va essayer de garnir leur carnet de commandes en faisant de la rénovation de bâtiments, je viens d'évoquer, en investissant dans l'hydrogène etc. Vous avez l'argent si vous avez réalisé l'investissement correspondant.

MARC FAUVELLE
Pour les entreprises.

JEAN CASTEX
Pour les entreprises.

MARC FAUVELLE
20 milliards de baisses d'impôts en deux ans.

JEAN CASTEX
Les entreprises ne bénéficient pas que des baisses d'impôts. Elles ont aussi droit à des dépenses d'investissement du plan de relance.

SALHIA BRAKHLIA
Mais ces 20 milliards dont Marc parle, il n'y a pas de contreparties.

JEAN CASTEX
Alors les baisses d'impôts, ce sont des impôts de production. Là aussi de quoi parle-t-on ? D'abord on parle de sauvegarder l'industrie française qui, vous le savez, est la plus concernée sur les 30 dernières années par les délocalisations. La baisse des impôts de production, c'est d'abord destiné au secteur industriel. Deuxièmement, quels sont les types d'entreprises qui vont bénéficier de ces impôts de production ? C'est les PME, les TPE et ce qu'on appelle les entreprises de taille intermédiaire, les ETI à 75% des bénéficiaires des 20 milliards, monsieur, dont vous venez de parler. Ce ne sont pas des entreprises qui en général délocalisent. Ce ne sont pas des entreprises qui utilisent l'argent public à des fins différentes de celles qui les reçoivent.

SALHIA BRAKHLIA
Mais…

JEAN CASTEX
Ceci posé, écoutez-moi bien, ceci posé je suis depuis toujours très attaché au dialogue social. Cette majorité, ce gouvernement depuis 2017 a cherché à renforcer le dialogue social dans l'entreprise. Donc je pense qu'il faut que les instances du dialogue social dans les entreprises, à chaque fois que celle-ci est éligible ou bénéficie du plan de relance, que ces instances en soient saisies et puissent en débattre.

MARC FAUVELLE
C'est ce que demande la CFDT de Laurent BERGER notamment.

JEAN CASTEX
Voilà. Et je pense que ça, c'est une chose qui est saine. Ça ne veut pas dire qu'il faut qu'elles aient un droit de veto mais en tout cas qu'elles aient un droit de regard.

SALHIA BRAKHLIA
Donc vous, vous n'allez pas imposer aux entreprises qui vont percevoir cet argent public l'interdiction de licencier, par exemple, quand elles touchent cet argent ? Vous n'allez pas leur imposer cette interdiction de licencier.

JEAN CASTEX
Mais pardon, madame. La philosophie du plan de relance…

SALHIA BRAKHLIA
C'est de la confiance.

JEAN CASTEX
La philosophie, c'est de les conduire à faire le choix justement de ne pas licencier. On va mettre 8 milliards quasiment…

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous leur faites confiance, c'est ça ?

JEAN CASTEX
On va mettre 8 milliards dans le plan de relance pour créer des accords qui se développent beaucoup. Il y a déjà 110 000 salariés concernés. Des accords qui doivent permettre aux entreprises plutôt que de licencier quand elles ont des difficultés de les mettre en activité partielle payée à 85% par l'État.

MARC FAUVELLE
Jean CASTEX, si Salhia BRAKHLIA pose la question avec un brin d'insistance c'est parce que, si vous me passer l'expression, on nous a déjà fait le coup. C'était sous le quinquennat précédent, celui de François HOLLANDE. Le MEDEF avait promis de créer un million d'emplois en échange du CICE qui a coûté 90 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat de François HOLLANDE. Un rapport de France Stratégie, qui est un institut sérieux…

JEAN CASTEX
Je l'ai lu, je l'ai lu.

MARC FAUVELLE
Il dépend de Matignon, de vous. Qui a été publié il y a quelques jours montre que ces 90 milliards d'euros dépensés du CICE ont créé non pas un million d'emplois mais 100 000.

JEAN CASTEX
Oui.

MARC FAUVELLE
100 000. Est-ce qu'on est en train de nous refaire le même coup ?

JEAN CASTEX
Alors je ne vais pas rouvrir devant vous les discussions sur le CICE d'autant que, vous l'avez dit, c'est sous le quinquennat…

MARC FAUVELLE
Non, on ne va pas refaire le quinquennat de François HOLLANDE mais est-ce que ce n'est pas la même erreur ?

JEAN CASTEX
Alors je viens de vous expliquer que le plan de relance, ce n'est pas d'allègements ou de cotisations ou de charges généralisées, c'est un ensemble de mesures. Pour obtenir les financements, il faut mettre en face une prestation. Donc pour moi, je ne dis pas que c'est un faux débat puisque je vous ai dit qu'il était légitime et il doit se traiter entreprise par entreprise dans le cadre du dialogue social d'entreprise.

MARC FAUVELLE
D'accord.

SALHIA BRAKHLIA
Jean CASTEX, est-ce que vous êtes pour une contribution exceptionnelle des plus favorisés ? C'est ce que propose François HOLLANDE vu le contexte.

JEAN CASTEX
La relance économique, j'en suis intimement convaincu, passe par la confiance et la visibilité. J'ai dit dès ma prise de fonction, dès mon discours de politique générale, qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts. Je maintiens très clairement cette position.

SALHIA BRAKHLIA
Même pour les plus favorisés ?

MARC FAUVELLE
Un million de Français ont basculé dans la pauvreté ces derniers mois à cause de la crise sanitaire et de la crise économique. Il y a beaucoup de jeunes notamment qui, aujourd'hui, souffrent. Y aura-t-il un geste particulier dans les semaines ou dans les mois qui viennent ? On a évoqué, on a pu lire dans la presse, Monsieur le Premier ministre, l'idée d'une prime de Noël ou d'un chèque déconfinement pour certains des Français les plus précaires. Est-ce exact ?

JEAN CASTEX
Alors ce qui est tout à fait exact comme toujours, c'est que les crises - là nous sommes dans les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire - touchent toujours les plus défavorisés, les personnes les plus précarisées, les jeunes, vous avez raison. Premièrement pour les jeunes, parce que je pense qu'il y a deux questions dans la vôtre. Pour les jeunes, nous mettons en place des outils exceptionnels – exceptionnels - et déjà qui ont des résultats pour éviter que les jeunes pâtissent de la crise. C'est-à-dire ils vont pouvoir avoir de l'apprentissage, des contrats, des parcours d'insertion pour les plus éloignés de l'emploi, des formations pour aller vers les nouveaux métiers de la transition écologique que le plan de relance propose. Donc on va mettre le paquet sur les jeunes. Pour les plus pauvres, nous étions déjà intervenus - c'était mon prédécesseur - massivement pour les soutenir pendant la phase du confinement. Je pense qu'il nous faudra adapter nos outils d'intervention en fonction de l'impact de la deuxième vague. Le 17, j'ai reçu toutes les associations très longuement de lutte contre la pauvreté. Je leur ai indiqué après avoir entendu que le 17, c'est-à-dire samedi prochain, journée nationale de lutte contre la pauvreté, le gouvernement annoncera les décisions qu'il prend pour les plus vulnérables.

SALHIA BRAKHLIA
Alors un RSA jeune ou pas ?

JEAN CASTEX
Alors j'ajoute que nous ne varierons pas sur un point. C'est que tout ce qui est RSA, c'est-à-dire qui donne des allocations finalement relatives à une situation de l'état de pauvreté, ne sont pas dans nos priorités. Ce qu'on veut nous, c'est booster tous les dispositifs d'insertion qui sortent les gens de cet état pour les conduire vers une formation, vers un emploi et donc leur donne une rémunération supplémentaire grâce à cela.

SALHIA BRAKHLIA
Donc pas de prime, pas de nouveaux dispositifs.

JEAN CASTEX
On n'a pas de prime. Je vous rappelle qu'on a déjà quand même récemment revalorisé l'allocation de rentrée scolaire et nous verrons bien, comme je vous l'ai dit, compte tenu de la situation économique de ce dernier trimestre si nous devons accroître notre aide à cette catégorie de population.

MARC FAUVELLE
Voilà. Encore quelques jours de patience.

JEAN CASTEX
Absolument.

MARC FAUVELLE
Les annonces donc samedi prochain à l'occasion de la journée mondiale du refus de la misère.
(…)

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le Premier ministre Jean CASTEX, juste après l'interview vous allez présider un comité interministériel sur le tourisme, 200 000 emplois sont menacés aujourd'hui dans l'hôtellerie et la restauration, est-ce qu'il va y avoir d'autres annonces concernant ces secteurs ?

JEAN CASTEX
Alors en fait votre question porte sur tous les secteurs qui sont non seulement impactés par la crise, mais qui font l'objet de mesures administratives pour lutter contre la crise sanitaire. On a cité les bars, il y a le sport, il y a l'évènementiel, enfin il y a beaucoup, beaucoup de ces secteurs. Alors la décision que j'ai prise, c'est que ces secteurs qui avaient déjà été aidés pendant la première phase le seront encore davantage, pourquoi ? C'est très important.

SALHIA BRAKHLIA
Comment ?

JEAN CASTEX
Je vais vous dire comment, un mot sur le pourquoi. Pourquoi parce que si on prend ces mesures, ce sont des mesures de prévention et de protection, ce n'est pas pour leur dire vous êtes des méchants, vous êtes des contaminants, ils n'y peuvent rien, c'est la nature de leur activité qui conduit à ça, donc il n'y a aucune raison qu'ils ne bénéficient pas pleinement de la solidarité nationale. C'est ce qu'on leur a déjà expliqué, c'est-ce que je vais leur détailler ce matin.

SALHIA BRAKHLIA
Et comment on les aide ?

JEAN CASTEX
Alors on a accru ce qu'on appelle le fonds de solidarité, on peut rentrer si vous le voulez dans les détails techniques.

SALHIA BRAKHLIA
Le fonds de solidarité élargi.

MARC FAUVELLE
Elargi à plus d'entreprises et jusqu'à 10 000 euros par mois.

JEAN CASTEX
A plus de secteurs.

MARC FAUVELLE
On l'a expliqué longuement sur cette antenne.

JEAN CASTEX
A plus de secteurs, je crois que vous l'avez expliqué sur vos antennes et porter effectivement vous l'avez dit de 1 500 à 10 000 euros par mois. L'activité partielle à laquelle ils étaient très attachés sera reconduite au moins jusqu'à la fin de l'année 2020, c'est un point qu'ils demandaient beaucoup, idem pour les exonérations de cotisations sociales, c'était une demande du secteur, qui elles aussi seront prolongées jusqu'à la fin de l'année. Donc ça veut dire quand même que mon objectif c'est que l'économie continue, je rappelle qu'au moment où nous parlons, moi j'ai 2 critères majeurs, deux critères majeurs, les entreprises économiques françaises continuent à fonctionner, vous travaillez, je travaille, une immense majorité à part dans ces secteurs travaillent, il faut continuer. 2e critère majeur, les écoles les établissements d'enseignement, on parlait de la première vague tout à l'heure, il faut absolument 12 millions et demi d'élèves, ils sont à l'école, ils sont au lycée, c'est une chance. Par rapport à d'autres pays, il y a peut-être des choses qu'on a moins bien faites mais ça c'est capital, garder les enfants à l'école, c'est une des priorités du gouvernement.

SALHIA BRAKHLIA
Même si le milieu scolaire, c'est l'endroit où il y a le plus de clusters d'après son Santé Publique France.

JEAN CASTEX
Il y a des clusters évidemment parce qu'il y ait des rassemblements mais on les maîtrise. On a des protocoles sanitaires extrêmement stricts qui sont appliqués et aujourd'hui ça se passe globalement bien, il faut que ça continue.

MARC FAUVELLE
Monsieur le Premier Ministre vous venez de passer, c'était hier, le cap des 100 jours à Matignon, je ne vais pas vous demander si vous avez fêté ça hier avec vos équipes, on nous avait expliqué quand vous êtes arrivé au poste de Premier ministre que vous étiez là pour réconcilier Paris et les territoires. On a vu que ça n'a pas toujours été le cas notamment avec la fronde des élus de Marseille, mais pas seulement. On nous avait dit également c'est l'homme qui va remettre un peu d'ordre au gouvernement. On a eu le droit à des semaines de polémique entre certains de vos ministres sur le terme d'ensauvagement. On nous avait dit aussi, vous allez voir il faut un Premier ministre tout beau tout neuf pour entamer l'acte 2 du quinquennat et on voit qu'à peine nommé vous dégringolez déjà dans les sondages. Pourquoi ça n'imprime pas et est-ce que ça vous inquiète ?

JEAN CASTEX
Alors il y a quand même beaucoup de questions là on est d'accord.

MARC FAUVELLE
On va résumer par pourquoi ça n'imprime pas pour l'instant.

SALHIA BRAKHLIA
C'est le bilan.

JEAN CASTEX
Alors je ne sais pas. Convenez quand même que faire un bilan au bout de 100 jours, excusez-moi.

MARC FAUVELLE
100 jours c'est court, ça je veux ben en convenir.

JEAN CASTEX
Quand on est dans la situation dans laquelle se trouve notre pays et le monde, c'est quand même un peu osé, quant à ma popularité, moi ce qui m'intéresse c'est la santé des Français, je veux les protéger, que ce soit dans leur santé, dans leur emploi ou dans leur sécurité.

MARC FAUVELLE
Je vais vous poser la question différemment, vous avez compris pourquoi vous avez succédé à Edouard PHILIPPE, pourquoi c'est vous et pas lui ?

JEAN CASTEX
Ça c'est une question à poser à Monsieur le Président de la République, en tout cas ce que je peux vous dire c'est que s'agissant du gouvernement vous l'avez évoqué, il y a des personnalités, elles s'expriment mais la solidarité gouvernementale est sans faille, je me sens parfaitement bien à la tête de cette équipe. J'ai une longue expérience de management, je les écoute, nous travaillons et puis je décide, je n'ai pas la main qui tremble.

MARC FAUVELLE
C'est vous le patron.

JEAN CASTEX
C'est moi le patron comme c'est tout à fait normal dans les institutions de la 5e République.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que c'est dur de succéder à Edouard PHILIPPE qui aujourd'hui est la personnalité politique… la personnalité politique préférée des Français ?

JEAN CASTEX
Mais écoutez, c'est dur, c'est un honneur d'abord de diriger son pays, Edouard PHILIPPE est un ami, j'ai travaillé à ses côtés, vous l'avez rappelé dans le déconfinement, je crois me souvenir, Madame…

SALHIA BRAKHLIA
Vous avez déjeuné avec lui la semaine dernière…

JEAN CASTEX
Je crois me souvenir que lui, comme tout Premier ministre, a eu aussi quelques passages un petit peu difficiles dans les sondages, bon, ça m'arrive à moi aujourd'hui, peu importe, la question, c'est de savoir, ce n'est pas de plaire, c'est d'agir et de réussir, on est dans une situation grave, grave, il faut montrer aux Français que l'anxiété et la fébrilité ne sont pas des solutions, on va y arriver collectivement, mais en même temps, alors, je reviens à votre question aux collectivités territoires, je suis un homme de négociation, j'ai essayé de rétablir aussi le dialogue social, vous n'en parlez pas, mais j'y tiens, nous avons signé un accord avec les régions, nous sommes sur le point d'y arriver avec les départements, par contre, la concertation, Monsieur, je suis un adepte de la concertation, je suis un adepte des territoires, mais quand il y a des décisions difficiles à prendre, oui, je me suis opposé à la maire de Marseille, parce que je considérais qu'il y avait des positions démagogiques, et je continuerai de le faire, c'est ma responsabilité…

MARC FAUVELLE
Il ne faut pas vous chercher trop ?

JEAN CASTEX
En tout cas, ne confondons pas le dialogue, c'est ce qui scelle la démocratie, c'est ce qui fait le pacte social, et ça marche, regardez, avec des gens aussi différents que madame AUBRY, même avec madame HIDALGO. Nous sommes parvenus à des accords, mais il y a une limite, c'est l'intérêt général. Et dès lors que je jugerai que l'intérêt général et la sécurité de nos concitoyens sont en cause, je prendrai mes responsabilités.

MARC FAUVELLE
Un mot Monsieur le Premier ministre, sur la libération, en fin de semaine dernière, de la dernière otage française dans le monde, Sophie PETRONIN libérée après 4 années de captivité au Mal. La France a-t-elle payé une rançon ?

JEAN CASTEX
Non, la France.

MARC FAUVELLE
La France a-t-elle participé aux négociations entre le gouvernement malien et les djihadistes, qui ont abouti à la libération de plusieurs dizaines de prisonniers djihadistes ?

JEAN CASTEX
Non, alors, il faut peut-être expliquer de façon, là aussi, un peu plus précise, donc, madame PETRONIN, ressortissante française, avait été enlevée depuis, je crois, Noël 2016…

MARC FAUVELLE
Quasiment quatre ans…

JEAN CASTEX
Voilà, c'est ça, par un groupe terroriste affilié à Al-Qaïda qui s'appelle le JNIM, bon. Et il se trouve que ce même groupe a enlevé au début de l'année 2020 un responsable de l'opposition malienne, monsieur CISSE…

MARC FAUVELLE
Qui a été libéré avec elle…

JEAN CASTEX
Bon, les négociations, je reviens à votre question, les négociations du gouvernement malien avec cette organisation terroriste ont concerné monsieur CISSE, donc nous n'étions absolument pas partie à ces négociations, et il se trouve, et on ne va quand même pas s'en plaindre, que faisant un geste humanitaire, puisque, visiblement, il devait être détenu sinon au même endroit ou dans les mêmes conditions, je ne peux pas avoir d'informations là-dessus, madame PETRONIN a été libérée. Et c'est heureux !

SALHIA BRAKHLIA
Monsieur le Premier ministre, ça vous agace quand vous entendez justement Sophie PETRONIN, à peine libérée, dire qu'elle y retournera au Mali, et qu'elle ne considère pas ses ravisseurs comme des djihadistes, mais plutôt comme des opposants politiques ?

JEAN CASTEX
On va d'abord, peut-être, laisser madame PETRONIN se soigner, se ressourcer, retrouver les siens, et puis, le moment venu, nous rediscuterons de ce sujet, mais si vous le voulez, avec elle.

MARC FAUVELLE
Un mot, parce que je crois qu'il va falloir vous libérer, vous partez dans quelques minutes diriger le comité de tourisme, on est déjà un peu en retard, mais ça, c'est une habitude, il y a quelques jours, les députés ont voté un rallongement du délai légal de l'IVG, qui passerait de 12 à 14 semaines, je dis "passerait", parce que la loi doit encore être votée par le Sénat, ce qui n'est pas gagné. Est-ce que vous y êtes favorable à ce rallongement, est-ce qu'il faut toucher aujourd'hui à la loi Veil ?

JEAN CASTEX
Alors, premièrement, je suis un grand défenseur de la loi Veil, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté là-dessus, passer de 12 à 14 semaines, quand on regarde ce qui se passe dans les pays européens qui nous entourent, ça va dans cette direction, sauf que, qu'est ce que j'ai constaté, d'abord au plan médical, Monsieur, au plan médical, le collège des gynécologues, obstétriciens, c'est-à-dire des gens très favorables à l'IVG, pas des anti-IVG, au plan médical, ont fait valoir des arguments contraires, techniques il faut quand même le regarder de façon approfondie. Deuxièmement, sur le plan de la méthode, est telle est l'instruction que j'ai donnée à Olivier VERAN, sur tous ces sujets, on s'est toujours entouré de l'avis du Comité national d'éthique, toujours, donc j'ai demandé, c'est la raison de la position que nous avons exprimée devant l'Assemblée nationale, j'ai demandé, c'est fait, que le Comité national d'éthique soit saisi, nous verrons quel est le sens de cet avis, et au vu de l'ensemble de ces données, nous reprendrons les discussions avec le Parlement.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que vous demandez à vos anciens amis de droite au Sénat de ne pas voter le texte pour le moment, qui va arriver ?

JEAN CASTEX
Je ne demande rien de tel. La majorité sénatoriale et le Sénat dans son ensemble feront ce qui leur paraît devoir être fait.

MARC FAUVELLE
Merci à vous, Monsieur le Premier ministre d'avoir accepté ce matin l'invitation de France Info radio et télé réunies sur le canal 27.

JEAN CASTEX
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 octobre 2020