Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, sur l'audiovisuel et avances à l'audiovisuel public de la mission "Médias, livre et industries culturelles" prévus dans le projet de loi de finances pour 2021, Paris le 6 novembre 2020.

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Circonstance : Examen du projet de loi de finances pour 2021, à l'Assemblée nationale le 6 novembre 2020

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (nos 3360, 3399).

Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux médias, au livre et aux industries culturelles (no 3399, tome III, annexe 30 ;no 3459, tome III ; no 3403, tome VIII) et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

(…)

M. le président. La parole est désormais à Mme la ministre de la culture.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Comme la mission « Culture », que nous avons examinée ce matin, la mission « Médias, livre et industries culturelles » va connaître une importante hausse de son budget, que je remercie M. Geismar d'avoir saluée. En progression de 3,2 %, elle comporte 19 millions d'euros de moyens nouveaux, dont bénéficieront toutes les filières, en particulier la presse, le livre, l'audiovisuel et le cinéma. L'action menée par le ministère de la culture pour accompagner les industries culturelles s'appuiera également sur les financements exceptionnels mobilisés dans le cadre du plan France Relance, soit 428 millions d'euros sur deux ans, dont la majeure partie, 347 millions d'euros, dès 2021. Cette mobilisation inédite permettra de mettre en exergue les filières culturelles, lesquelles ont été durement touchées – et je rejoins l'analyse de Marie-Ange Magne sur ce point –, la crise sanitaire les ayant particulièrement affectées, comme le reconfinement continue à le faire. À cet égard, je pense en particulier au cinéma qui, depuis le début de la crise, bénéficie d'un accompagnement spécifique, constamment adapté à l'évolution de la situation sanitaire. Au-delà des mesures d'urgence pour les acteurs de cette filière au printemps dernier, nous avons favorisé la reprise d'activité en mettant en place un fonds d'assurance et de garantie, financé par l'État à hauteur de 50 millions d'euros, pour que les tournages puissent à nouveau avoir lieu. Et, depuis septembre, le cinéma a bénéficié de 80 millions d'euros d'aides nouvelles, destinées en particulier aux distributeurs, ainsi qu'aux salles de cinéma en raison des limitations à leur fréquentation. Pour permettre une reprise durable et pérenne de la filière cinéma, le volet culturel du plan de relance comporte une enveloppe de 165 millions d'euros à destination de l'ensemble de ses acteurs, en sus, bien sûr, des ressources habituelles du CNC – qui demeureront stables en 2021.

Les moyens que nous mobiliserons en 2021 ne visent pas seulement à répondre aux difficultés immédiates, mais aussi à préparer la reprise et doivent nous permettre de mener un important effort de consolidation et de modernisation des filières culturelles, confrontées à des difficultés structurelles encore exacerbées par la crise sanitaire. En 2021, l'ensemble des programmes de la mission y contribuera, à commencer par le programme « Presse et médias », qu'ont évoqué Céline Calvez et Benoit Potterie. Le budget de ce programme progressera de 2,9 %, et ces moyens nouveaux et pérennes s'intégreront dans le cadre du plan de filière pour la presse présenté par le Président de la République à la profession le 27 août dernier et doté de 483 millions d'euros sur la période 2020-2022. Le financement de ce plan de modernisation massif repose sur la LFR3 de 2020 et sur le plan de relance, qui fournissent des moyens très importants propres à favoriser la transformation de la filière. Les mesures nouvelles inscrites dans le PLF permettront la mise en place de nouvelles aides au pluralisme, l'une à destination des services de presse d'information politique et générale en ligne – 4 millions d'euros par an –, l'autre à destination de la presse ultramarine – 2 millions d'euros.

Le programme « Livre et industries culturelles », dont beaucoup d'entre vous en ont parlé, connaîtra l'an prochain une hausse de ses moyens à hauteur de 3,5 %, soit une augmentation de 10,8 millions d'euros. Au-delà des mesures concernant la filière musicale, que j'ai déjà évoqués lors de la présentation de la mission « Culture » ce matin, ces nouveaux crédits permettront notamment de financer l'achèvement du chantier de restauration du site Richelieu de la BNF, et l'ouverture de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement pour lancer la construction d'un nouveau centre de stockage pour cette dernière – j'ai déjà reçu plusieurs dizaines de candidatures à cet effet et ledit centre devrait être opérationnel en 2027. Le secteur du livre bénéficiera en outre d'un plan total de 89 millions d'euros sur trois ans, financé à la fois par la troisième loi de finances rectificative et par le plan de relance, dont l'un des grands objectifs est de soutenir l'activité des librairies et des bibliothèques. Rassurez-vous, madame Frédérique Dumas : le livre est évidemment essentiel. Ne confondons pas la conception philosophique du livre avec sa conception administrative qui le range parmi les achats occasionnels plutôt que parmi les achats quotidiens, mais là est bien la différence. On peut d'ailleurs regretter que les grands lecteurs ne représentent plus que 14 % des Français… et qu'ils achètent en moyenne un livre par mois. Mais, je le répète, un livre est évidemment essentiel.

J'en viens à présent au financement de l'audiovisuel public, qui respectera l'an prochain la trajectoire engagée en 2018. Mme Elsa Faucillon, M. Michel Larive et Mme Frédérique Dumas le regrettent, mais j'aurai l'occasion de m'en expliquer. Le compte de concours financiers pour l'audiovisuel public s'élèvera en 2021 à 3,72 milliards d'euros, tandis que le montant de la contribution à l'audiovisuel public dont s'acquitteront nos concitoyens restera stable à 138 millions d'euros. L'effort d'économies de 80 millions d'euros demandé aux sociétés de l'audiovisuel public dans le cadre d'une ambitieuse stratégie de transformation a été réduit de 10 millions d'euros afin de tenir compte de la prolongation jusqu'à l'été 2021 de la diffusion linéaire de la chaîne France 4. Je note au passage qu'il faudra évidemment réfléchir à ce dont nous avons besoin en ce domaine pour nos jeunes – j'ai eu l'occasion de m'en expliquer devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation. J'ajoute que le plan de relance accordera à l'audiovisuel public, et Mme Béatrice Piron s'en est félicitée, un soutien financier exceptionnel de 70 millions d'euros afin de compenser les impacts de la crise sanitaire et de préserver sa capacité à investir dans la création. Je tiens à souligner que cette enveloppe spécifique ne vaut pas annulation de l'effort financier demandé aux sociétés de l'audiovisuel public – simple coïncidence de chiffres –, mais répond à un besoin ponctuel et impérieux dans un contexte de crise. Vous savez par ailleurs, mesdames, messieurs les députés, qu'une vaste réflexion sur les ressources de ce secteur doit être menée du fait de la suppression totale à l'horizon 2023 de la taxe d'habitation, à laquelle est adossée la contribution à l'audiovisuel public. Ce travail a débuté, et je souhaite l'approfondir avec l'ensemble des parlementaires, que je sais très attentifs à ce sujet d'importance, en particulier le président de votre commission des affaires culturelles et de l'éducation, M. Bruno Studer.

L'année 2021 verra également l'aboutissement d'une évolution majeure de notre système de financement de la création audiovisuelle et cinématographique, qui permettra aux acteurs français de ces filières d'accéder à de nouvelles ressources.

Je veux saluer le travail mené par le Parlement à l'occasion de la transposition de la directive Services de médias audiovisuels dans le cadre du projet de loi DDADUE. Vous avez témoigné de votre volonté unanime d'intégrer des passeports numériques ciblant le public français à notre système de contribution à la création, et nous allons avancer avec détermination dans ce sens. Cette véritable révolution sera effective dans les tout prochains mois et nous permettra de refonder et restructurer notre modèle en l'adaptant aux nouveaux équilibres entre les acteurs des médias et du numérique.

Mme Béatrice Descamps a insisté sur le fait qu'on ne pouvait pas trouver seulement des raisons ponctuelles à des difficultés qui sont certes conjoncturelles, mais aussi réellement structurelles, dont la crise n'a été qu'un révélateur. Je veux donc maintenant évoquer la stratégie d'avenir pour les industries culturelles et créatives. Financée à hauteur de 400 millions d'euros sur cinq ans dans le cadre du quatrième programme d'investissements d'avenir,  cette stratégie sera également soutenue en 2021 grâce aux 19 millions d'euros inscrits à ce titre dans le plan de relance. Par cette démarche inédite, qui rassemblera l'ensemble des filières culturelles, y compris celles du patrimoine, des arts visuels et du spectacle vivant, autour d'objectifs communs, la culture est pleinement reconnue comme un secteur stratégique, au même titre que l'hydrogène ou l'intelligence artificielle. Les moyens que nous déploierons pour accompagner les acteurs culturels permettront d'accélérer la transition numérique de l'ensemble du secteur, et donc de préparer l'avenir. Il s'agira notamment de développer des projets culturels innovants, comme la diffusion de captations de spectacles ou le déploiement de nouveaux outils de valorisation du patrimoine, qui offriront de nouveaux moyens de toucher tous les publics mais aussi de renforcer la place des acteurs culturels français dans un contexte de forte concurrence internationale.

Mesdames, messieurs les députés, le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » nous permettra de mener l'an prochain une action ambitieuse pour consolider nos filières culturelles, prendre un temps d'avance sur les évolutions à venir et engager une étape décisive : celle de la modernisation de notre politique d'accès à la culture au service de tous les publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)


M. le président. Nous en venons aux questions – en l'occurrence, il y en aura une seule.

La parole est à Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Madame la ministre, comme l'ont souligné mes collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles », ainsi que le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », bénéficient d'un budget conséquent, symbole du fort engagement du Gouvernement à soutenir ces filières en cette période de crise si difficile.

Concernant les radios associatives, le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, qui vient en aide à près de 700 d'entre elles, a été non seulement reconduit mais, aussi abondé de plus d'un million d'euros. Cette hausse des moyens permettra de soutenir les radios associatives, lesquelles jouent un rôle majeur dans le maintien du lien social et participent à la promotion des spécificités culturelles de chaque territoire. De même, l'ensemble des radios indépendantes ont une place déterminante dans le maintien du pluralisme des médias et de l'information, ainsi que dans la découverte de nouveaux talents. La crise sanitaire a cependant entraîné un effondrement de leurs recettes publicitaires alors que celles-ci représentaient jusqu'à 90 % de leurs ressources, ce qui met par ailleurs en danger la promotion de toute la filière musicale. En l'absence de revenus publicitaires, de spectacles et de concerts, un bon nombre d'entre elles pourraient en venir à fonctionner en mode dégradée, voire à fermer l'an prochain si nous ne les accompagnons pas.

Au titre de la troisième loi de finances rectificative, un fonds exceptionnel de 30 millions d'euros destiné à soutenir la diffusion hertzienne et numérique en faveur des radios privées et des télévisions locales a été mis en place, et salué par les intéressées. Mais, au-delà de cette mesure, c'est bien la pérennité de ces radios, sous l'angle de leur modèle économique, que l'on doit aujourd'hui interroger.

Madame la ministre, à l'aune des augmentations de crédits des deux missions examinées ce matin et cet après-midi, pouvez-vous réaffirmer que l'État entend soutenir les radios privées qui, en 2021, risquent de manquer cruellement de leurs recettes structurantes, et nous dire ce qui est prévu pour les accompagner ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme la rapporteure pour avis applaudit également)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre. En effet, la mission « Médias, livre et industries culturelles » bénéficie d'un budget conséquent, preuve de l'effort considérable que le Gouvernement consacre à l'accompagnement des radios associatives qui, vous l'avez rappelé, participent au pluralisme et à l'équilibre du paysage radiophonique français et au maintien du lien social. Le Gouvernement a ainsi souhaité renforcer les crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique – FSER –, notamment pour faire face à l'augmentation constante du nombre de radios éligibles, autorisées par le CSA à émettre en FM et en DAB+. La dotation du dispositif est portée à 32 millions d'euros dans le PLF pour 2021, en hausse de 4 %. Ce soutien historiquement élevé marque la volonté du Gouvernement de favoriser le développement d'un dispositif qui a fait ses preuves et de soutenir l'économie parfois fragile des acteurs du monde associatif. Par ailleurs, un aménagement du dispositif du FSER est envisagé pour 2021 pour tenir compte, dans l'application des critères, des circonstances particulières qu'ont subies les radios associatives pendant la crise sanitaire.

Pour ce qui est des radios locales indépendantes, comme vous le rappelez, la LFR 3 prévoyait la création d'un fonds exceptionnel de 30 millions d'euros destiné à soutenir la diffusion hertzienne et numérique des radios privées et des télévisions locales, dont il devait compenser les pertes de revenus publicitaires. L'objectif était de constituer un fonds d'urgence délivrant une aide ponctuelle aux acteurs justifiant d'une baisse du chiffre d'affaires sur la période courant du 1er janvier au 30 juin 2020 par rapport à la même période de 2019. Le décret fixant les paramètres de cette aide, différenciée selon le type de média concerné – radio FM, DAB+, chaîne locale de la TNT –, est en cours de finalisation. Il fait l'objet d'échanges avec la Commission européenne et les premiers versements débuteront très prochainement.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 23 novembre 2020