Déclaration de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, sur le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, Paris le 5 novembre 2020.

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  • Adrien Taquet - Secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance

Circonstance : Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, Sénat le 5 novembre 2020

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (projet n° 108, texte de la commission n° 110, rapport n° 109).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, cher François-Noël Buffet, monsieur le rapporteur, cher Philippe Bas, mesdames, messieurs les sénateurs, ne nous le cachons pas : il existe effectivement certaines divergences de fond entre le Gouvernement et le Sénat, sur lesquelles nous reviendrons.

Toutefois, il est une chose sur laquelle nous sommes d'accord, monsieur le président de la commission, à savoir l'exigence du contrôle parlementaire, selon les termes employés par votre rapporteur il y a quelques jours dans la presse.

Nous partageons cette exigence et c'est la raison pour laquelle je suis ici, ce soir, devant vous. Le Gouvernement défendra des amendements pour rétablir certaines dispositions initiales de son texte qui lui semblent fondamentales. Ce sera l'occasion de débattre de nouveau, ce soir, en permettant au débat démocratique d'avoir lieu.

Vous m'accorderez qu'aucun membre du Gouvernement n'a tenu les propos que vous avez évoqués ni remis en cause l'exercice, par le Sénat comme par l'Assemblée nationale, du contrôle de l'action gouvernementale.

Nous avons, il est vrai, quelques divergences fortes sur le fond : la date de la fin de l'état d'urgence sanitaire, l'instauration d'un régime transitoire,…

Mme Françoise Gatel. Ce n'est pas ce que nous demandons !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. … le recours aux ordonnances ou la déconcentration de la décision d'ouvrir certains commerces.

Je ne vous rappellerai pas à quel point la situation est préoccupante, vous la connaissez déjà. Peut-être avez-vous écouté, ce soir, le ministre des solidarités et de la santé. Le virus circule à nouveau de manière très active et nous fait craindre le pire.

Par bien des aspects, ce second confinement se distingue du premier et traduit l'équilibre si fragile et si précieux que nous devons maintenir.

Le Gouvernement a bien conscience des efforts très importants demandés aux Français et mesure les sacrifices individuels et collectifs auxquels nous nous préparons. Ils sont indispensables pour sauver des vies. Les semaines qui viennent seront extrêmement sensibles et nous serons collectivement au rendez-vous.

En ce qui concerne la date de sortie de l'état d'urgence sanitaire, notre souhait n'est en aucun cas de ne pas revenir devant le Parlement, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, mais nous estimons qu'il faut de la visibilité. Or, réduire ce délai, c'est réduire notre visibilité et notre capacité d'action.

Je rappelle en outre que, si la situation sanitaire s'améliore – ce que nous appelons tous de nos voeux –, le Gouvernement pourra mettre un terme anticipé à cet état d'urgence, comme il l'a fait, à la mi-septembre, en Guyane et à Mayotte.

S'agissant du régime transitoire, qui fait l'objet d'une autre divergence entre le Gouvernement et la Haute Assemblée, je le répète : nous ne demandons pas un blanc-seing. Ce n'est pas non plus par facilité que nous proposons ce délai. Nous sommes convaincus que la sortie de l'état d'urgence sanitaire ne se fera pas du jour au lendemain. Toutes les mesures de protection de la santé des Français ne pourront s'arrêter net, sauf à maintenir l'état d'urgence sanitaire jusqu'à la disparition du dernier cas de covid-19 sur notre territoire, ce que personne ne peut considérer comme raisonnable et réaliste.

L'expérience de cet été a confirmé l'utilité d'un régime pouvant prendre le relais de l'état d'urgence, faute de quoi on laisserait le virus circuler librement, ce qui est inenvisageable.

Un régime transitoire, moins contraignant que l'état d'urgence sanitaire, mais permettant de protéger la santé de la population en phase de recul de l'épidémie, était déjà prévu dans le précédent projet de loi, qui n'a pu aller à son terme début octobre.

La date du 1er avril 2021, retenue pour ces dispositions, paraît cohérente avec la clause de caducité que le Parlement a lui-même introduite pour le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire.

L'article 4 ne conduit pas à un dessaisissement du Parlement : il a été inspiré par le débat parlementaire. Les habilitations qu'il rend possibles permettront, en tant que de besoin – j'insiste sur cette modération – de rétablir et d'adapter à l'état de la situation sanitaire actuelle, ainsi qu'aux règles de police sanitaire, les mesures d'accompagnement conçues à partir de mars dernier.

Le travail du Sénat en première lecture avait prévu de circonscrire certaines habilitations ou de les inscrire directement dans le marbre de la loi. Ce n'est pas la position retenue par le Gouvernement.

Compte tenu de l'évolution rapide de la situation et du renforcement des mesures de police sanitaire, il nous paraît nécessaire de disposer d'habilitations dans le but de parer à toutes les éventualités, en particulier pour répondre à la propagation de l'épidémie et à ses conséquences sur l'activité du pays.

Ces dernières sont encore difficilement prévisibles à l'horizon des prochaines semaines.

J'ajoute que cette seconde vague n'est pas identique à la précédente, et que nous devrons adapter les mesures d'accompagnement à ses spécificités dans les prochaines semaines.

En ce qui concerne l'ouverture de certains commerces – je sais que le débat est vif à ce sujet, tant dans l'opinion que sur les travées du Parlement –, nous devons tout faire pour limiter la circulation du virus. Pour que ce confinement soit utile, il est indispensable que les conditions soient suffisamment rigoureuses.

Contrairement à la logique retenue pendant l'été, la fermeture et la restriction des activités sont désormais la règle, le maintien de l'ouverture étant l'exception. Le Premier ministre a rappelé hier, devant la Haute Assemblée, lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement, que le confinement implique de rester chez soi au maximum. Tout à l'heure, le ministre des solidarités et de la santé a encore montré l'impact du respect ou non du confinement sur l'évolution de la courbe, la circulation du virus et le système hospitalier.

La situation sanitaire actuelle exige des mesures clairement définies au niveau national, une territorialisation étant acceptable seulement lorsqu'elle est pertinente sur le plan sanitaire et qu'elle ne nuit pas à la compréhension des mesures.

Cette lisibilité conditionne l'acceptabilité des mesures, car personne ne comprendrait que tel type de commerce soit ouvert dans tel territoire et que, quelques kilomètres plus loin, ce ne soit plus le cas.

En outre, des différences territoriales risqueraient d'entraîner des brassages de populations problématiques du fait du vrai risque d'afflux de la population dans les territoires où certaines catégories de commerces resteraient ouvertes.

Nous estimons qu'il est de la responsabilité du Gouvernement de définir les mesures de police sanitaire appropriées, en décidant, en tant que de besoin, de procéder à leur déconcentration.

Par ailleurs, d'importantes mesures d'accompagnement sont prises par le Gouvernement pour aider les entreprises affectées par la crise et les mesures de police sanitaire – elles ont été largement détaillées lors de la dernière séance de questions d'actualité au Gouvernement.

Permettez-moi enfin de souligner que plusieurs apports du Sénat ont été conservés lors de la navette parlementaire. Je pense notamment à plusieurs précisions apportées à l'article 3 sur les systèmes d'information liés à la lutte contre l'épidémie pour permettre l'accompagnement social.

Les apports du Sénat ont également été conservés à propos des dispositions relatives aux infractions pénales en Polynésie française, aux règles de réunion des collectivités territoriales, à la durée maximale d'affectation dans les différentes réserves ou à la lutte contre les violences conjugales dans le cadre des mesures de confinement.

S'il devait être prouvé, monsieur le président de la commission, l'importance du Sénat dans le cadre de ce débat, l'ensemble de ces mesures en est une preuve éclatante.

Récemment, j'ai eu, de nouveau, l'occasion de lire les propos du rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je vous remercie !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. « Le combat pour la démocratie n'est jamais vain », dit-il. Je vous rejoins évidemment, monsieur le rapporteur : le combat pour la démocratie n'est jamais vain ; il nous faut débattre et confronter nos positions comme nos oppositions. En commission des lois cet après-midi, vous avez appelé à poursuivre le débat. Le Gouvernement a de nouveau déposé des amendements tendant à en revenir au texte de l'Assemblée nationale, essentiellement en ce qui concerne le volet sanitaire, qui constitue, à nos yeux, tout l'enjeu de ce texte dans les semaines à venir.

Depuis le début de la pandémie, le Parlement s'est montré à la hauteur, avec exigence et responsabilité, du défi historique auquel nous sommes confrontés. Le Gouvernement, qui ne s'est jamais dérobé, s'est tenu à la disposition du Parlement pour que les deux chambres assurent leurs missions dans leur entièreté.

Ce virus n'épargne aucun territoire : dans l'Hexagone comme outre-mer, tous nos concitoyens sont menacés. Nous nous préparons à un choc très important dans les jours qui viennent. Nos soignants sont déjà sur le front et le pays tout entier doit être à leurs côtés.

Renoncer temporairement à des libertés que nous chérissons pour sauver des vies est un sacrifice, mais c'est aussi et surtout l'honneur d'une nation qui fait de la fraternité autre chose qu'un simple principe abstrait.

(…)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. Je ne voudrais pas, monsieur le rapporteur, qu'il y ait entre nous – entre le Gouvernement et le Sénat – un quelconque malentendu ou une quelconque ambiguïté… Le Gouvernement n'a jamais dit que vous auriez dit ce que vous dites n'avoir jamais dit ! (Sourires.)

Le Gouvernement n'a jamais dit que vous souhaitiez mettre fin au confinement ou à l'état d'urgence au 8 décembre. Que ce soit bien clair !

Le Gouvernement n'a jamais dit que le Sénat aurait pris en otage ce texte. Au contraire, j'ai salué à la tribune l'exigence démocratique que vous appeliez de vos voeux, et que nous partageons évidemment : celle du contrôle exercé par le Parlement. J'ai souligné que celui-ci se montrait à la hauteur du défi historique que nous affrontons tous collectivement, avec exigence et responsabilité.

Alors non, madame la sénatrice Éliane Assassi, aucune invective, aucune entreprise de culpabilisation de notre part ! Le Sénat n'est pas pour nous une simple chambre d'enregistrement, comme j'ai pu l'entendre, et c'est bien dans le respect du Sénat et du débat démocratique que le Gouvernement présente un certain nombre d'amendements sur des points qui lui paraissent essentiels et dont nous débattrons. Nous ne laissons pas filer le débat, en attendant la lecture définitive de demain !

Par ailleurs, les parlementaires disposent toujours de moyens de contrôle. Aux questions d'actualité au Gouvernement s'ajoutent les auditions, les missions, les commissions d'enquête qui ont été instituées, et à l'Assemblée nationale, et ici, au Sénat.

L'article L. 3131-13 du code de la santé publique, modifié et voté par vos soins lors de l'examen de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 – la loi ayant instauré le premier état d'urgence –, prévoit en outre que « l'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire ». Chaque semaine, le Gouvernement informe donc le président de chaque chambre de l'ensemble des mesures prises par lui-même au titre de l'état d'urgence. Cela participe, aussi, du contrôle de son action par le Parlement.

Je n'insisterai pas sur les éléments de fond de notre opposition – nous aurons l'occasion d'en débattre tout à l'heure. Néanmoins, monsieur le rapporteur, vous avez fait un parallèle entre un certain nombre de corps de métier, citant la cordonnerie et l'école. Vous savez probablement mieux que moi, pour avoir été l'un de mes illustres prédécesseurs au portefeuille de la protection de l'enfance, à quel point il est important que les écoles restent ouvertes lors de ce nouveau confinement. Vous savez les conséquences que cela peut avoir, en termes de décrochage scolaire comme de violences exercées sur les enfants.

C'était une très forte préoccupation lors du premier confinement, c'est une évolution dont nous devons nous féliciter pour ce second confinement : les écoles demeurent ouvertes. Pour autant, nous devons rester vigilants quant aux violences qui pourraient survenir dans le cercle familial, celles-ci risquant tout de même de s'accroître dans les semaines à venir.

M. le président. La discussion générale est close.


Source http://www.senat.fr, le 19 novembre 2020