Texte intégral
Merci Monsieur le Président, cher Patrick, chers amis,
Je vais essayer de ne pas être trop long pour laisser plus de temps à la partie de questions-réponses qui sera probablement la partie la plus intéressante.
Je voudrais profiter de cette prise de parole devant les adhérents de l'Avicca pour évoquer comment je vois le sujet d'une manière un peu plus large et m'associer également au Président Chaize pour souligner l'importance du travail du Président de l'Arcep ces dernières années, dans des conditions parfois un peu viriles avec certains des acteurs du secteur. Je crois qu'il est important d'avoir de très bons connaisseurs, des gens qui aiment ce secteur et je veux profiter de ce moment pour saluer l'action de Sébastien Soriano.
D'ailleurs, s'agissant d'un secteur que je connaissais un peu mais que je découvre, en particulier celui des télécoms, je veux en profiter également pour souligner le plaisir, même si parfois on peut avoir des discussions un peu rudes, qu'il y a à travailler avec l'ensemble des acteurs - l'Avicca, la FNCCR, InfraNum, les opérateurs quelle que soit leur taille, qu'ils soient nationaux ou locaux, le régulateur, etc. C'est un secteur essentiel, vital presque.
Je pense que c'est à la fois un secteur de passionnés et passionnant parce que le fond du sujet du rassemblement du secrétariat d'État au numérique avec le sujet des télécoms, c'est vraiment la continuité de la transition numérique partout en France et dans tous nos territoires.
On l'a vu particulièrement lors des deux confinements, c'est devenu une infrastructure de base.
Plus qu'une infrastructure, c'est une question de transition de la société, de l'économie, des collectivités territoriales, des associations, qui allient les sujets infrastructurels (tirer des câbles, tirer du réseau) avec des sujets beaucoup plus d'usages, de transition de la société, de compréhension ou de régulation, qui sont extrêmement forts, ainsi que des sujets économiques.
On a donc une véritable transition où se côtoient les différents sujets entre les infrastructures, la régulation des acteurs, les GAFA, les investissements économiques, la cybersécurité, etc. Il y avait ainsi une forme de cohérence à tout rassembler dans le même ministère. J'ai l'habitude de dire qu'il y a deux grandes transitions de notre territoire, la transition environnementale et la transition numérique. D'ailleurs, elles ne sont pas indépendantes l'une de l'autre, et ce sont les deux grands défis que l'on doit résoudre.
Pour entrer dans le sujet, il y a d'abord celui des infrastructures. C'est celui que l'on connaît le mieux ou, en tout cas, qui a fait l'objet de beaucoup de débats, d'actions des collectivités, de l'État, des institutions, du régulateur, des acteurs etc. Évidemment, il y a une situation qui n'est pas égalitaire partout sur le territoire, avec une impatience très forte de nos concitoyens - tous les élus locaux et les opérateurs le savent, et le ministre, quand il se déplace sur le territoire, l'entend assez facilement et régulièrement.
Mais je pense que l'on est maintenant en train de tirer les fruits d'un investissement et d'un combat collectif mené depuis très longtemps.
Pour l'instant, on tire le câble et on ne va pas forcément jusqu'au raccordement individuel, et pour les Français ça ne se voit pas encore énormément. On est en train de passer dans une deuxième phase car on est à plein régime, les citoyens vont le voir dans les semaines et les mois qui viennent, et c'est un moment assez enthousiasmant, dont je ne porte d'ailleurs aucun crédit puisque je ne fais que récolter les fruits qui ont été semés auparavant avec l'action des collectivités, celle de Sébastien Soriano, ou encore celle de Julien Denormandie sur les négociations dans l'infrastructure fibre comme dans l'infrastructure mobile.
Nous avons fait dernièrement une annonce extrêmement importante qui est de dire "il faut finir". Il y a eu un recyclage dans le guichet, on a mis un peu d'argent frais (240 millions d'euros) pour réussir à aller au bout. Mais je suis d'accord avec Patrick dont je partage la philosophie : nous ne sommes pas à 1 ou 2 millions d'euros près, il faut finir, avec deux objectifs. Premièrement, concernant la vingtaine de départements qui n'ont pas d'objectif 100% fibre en 2025, mon ambition est de pouvoir signer à nouveau avec ces territoires et en tout cas de finaliser les signatures entre opérateurs et départements pour avoir des plans 100% fibre partout ; deuxièmement, il faut que l'on puisse avoir une action plus spécifique sur les raccordements longs et complexes dont on sait qu'ils posent problèmes, sans préjudice des plans 100% FttH d'ici 2025.
C'est compliqué, parce que c'est vraiment de la dentelle, mais il faut que l'on réussisse à résoudre tous les irritants. Avant, quand on ne déployait pas beaucoup, c'est-à-dire quand on déployait le réseau mais que les demandes de raccordements étaient à 5% ou 10%, on ne rencontrait pas les problèmes ; maintenant que les gens demandent la fibre, on rencontre les problèmes du mode STOC, des copropriétés, des appuis communs, etc.
Maintenant, il faut rentrer dans le détail de l'opérationnalisation. Je veux le redire encore une fois, c'est un message extrêmement sérieux que je passe : sur la question du mode STOC, ce qui est en train de se passer n'est pas possible… Nous sommes en train de gâcher ce que nous sommes en train de réussir. J'étais encore avant-hier dans le Val-d'Oise, ce n'est pas possible que, quand je me déplace pour saluer un département qui est couvert à 90 voire 95% de raccordables à la fibre optique, la seule chose dont on me parle, c'est des armoires défoncées !
Il y a eu des discussions au sein d'InfraNum puis surtout sous l'égide de l'Arcep, entre les OI et les OC qui ont réaffirmé que les OI étaient responsables de l'intégrité du réseau, un certain nombre de clauses de contrats d'objectifs ont été négociées, maintenant cela doit se généraliser faute de quoi il faudra qu'on regarde les choses. C'est un sujet sensible de concurrence, mais je suis prêt à le rouvrir d'une manière plus principielle si on n'arrive pas à le régler parce que nous sommes en train de gâcher, en partie, ce que nous avons eu tant de mal à faire. Il n'y a pas un département où l'on ne me parle pas d'armoires défoncées et de gens dont la connexion est coupée… Ce n'est pas possible !
Soit on sait régler la situation de manière intelligente et entre gens de bonne volonté, soit le gouvernement et le régulateur vont devoir prendre des décisions un peu plus compliquées et qui risquent de créer un peu de désagrément et de tensions dans le système, mais je ne vais pas continuer à faire des déplacements toutes les semaines avec des gens qui, au lieu d'être contents, ne le sont pas parce qu'on a défoncé leurs armoires. Je le dis avec des mots un peu directs mais, comme vous le voyez, la moutarde commence un peu à monter sur ce sujet et je voulais donc le rappeler.
D'autres sujets sont aussi très importants, on a eu l'occasion d'en discuter à InfraNum, ceux des appuis communs ou de la copropriété, qui je pense ne relèvent pas que de la bonne volonté des acteurs, parce qu'il y a des aspects normatifs. Mais sur la question du mode STOC, il s'agit de la bonne volonté des acteurs, donc il faut le résoudre rapidement. Sur beaucoup d'autres sujets, je pense qu'on est maintenant dans l'opérationnalisation.
Je ne serai pas très long sur le mobile. Là aussi je pense qu'on a de vrais résultats : 462 sites mobiles ont été allumés depuis le New Deal de l'été 2018, un chiffre enthousiasmant et un bon début. Il faut continuer et déployer partout en France. Je rappelle qu'on a demandé à ce que, pour 2021, les sites soient identifiés d'ici le 15 janvier ce qui permettra que des pylônes arrivent probablement d'ici fin 2022 et d'accélérer un peu le processus.
Dernier élément, au-delà des infrastructures, il y a des usages qui ne sont pas moins importants.
Il est absolument indispensable que l'on réussisse à franchir le même saut quantique que dans l'infrastructure. C'est pourquoi nous avons dédié, dans le cadre du Plan de relance, 250 millions d'euros à l'inclusion numérique, afin de déployer 4 000 Conseillers numériques France Services partout sur le territoire, financés à 100% par l'État pendant 2 ans ou à 70% pendant 3 ans, (soit jusqu'à 50 000€ par poste) pour faire le lien avec l'infrastructure. J'invite les collectivités, les associations, les entreprises de l'économie sociale et solidaire, à venir postuler sur conseillernumerique.gouv.fr pour un certain nombre de conseillers numériques en fonction du plan d'inclusion numérique du territoire, financés par l'État. Ensuite, on travaillera ensemble pour recruter, former et déployer ces personnes.
Tout cela va jusqu'à d'autres sujets plus "superstructurels", notamment les sujets d'e-commerce.
Je profite de cette visioconférence pour rappeler que la Banque des Territoires finance jusqu'à 20 000 euros toutes les villes ou toutes les intercommunalités qui souhaitent faire une place de marché local, un petit « Amazon » local. J'ai eu l'occasion de me déplacer dernièrement, par exemple à Angers, où j'ai vu un excellent exemple de place de marché local et je pense qu'il faut que cela se généralise. On peut avoir tous les débats qu'on veut sur Amazon - bien ou pas bien -, mais les Français continueront à acheter en ligne. Ce n'est pas seulement une question de confinement, les Français achètent de plus en plus en ligne, alors les petits commerces doivent vendre en physique et vendre en ligne pour survivre. C'est vraiment une question de proximité qui est dans la main des intercommunalités et des maires. L'État finance à la fois les petits commerces et les intercommunalités, et je suis prêt à aider sur ce sujet.
S'agissant des centres-villes, il y a tout ce que fait l'ANCT (le programme Action coeur de ville porté par la Banque des Territoires), mais il y a aussi cet accompagnement des petits commerces vers la digitalisation. On ne peut pas se dire que ce n'est pas possible ; il n'y a pas de raison pour laquelle il aurait 72% des petits commerces allemands qui vendent en ligne et seulement 30% des petits commerces français. Les petits commerces allemands ne sont pas plus intelligents, plus modernes ou plus progressistes que les petits commerces français ! Il faut que l'on réussisse et que, collectivement, l'État, les collectivités territoriales et des acteurs comme la Banque des Territoires et se mettent autour du sujet.
Cela va aussi jusqu'à la question économique avec ces entreprises du numérique qui commencent à émerger partout sur le territoire. Il faut se rendre compte que, parmi les 120 plus belles start-up identifiées cette année, il y en a 40% - soit une sur trois - qui ne sont pas à Paris. Il y a de superbes start-up que j'ai visitées à Vierzon, à Mâcon, à Saint-Étienne, à Hem dans la banlieue de Lille, en Normandie, dans la région Sud... Elles se sont d'ailleurs construites sur l'arrivée de la fibre et sur l'arrivée des usages.
Et il y a tous les sujets cités tout à l'heure par Patrick Chaize, comme la cybersécurité, gros sujet du moment. On doit aider les collectivités à accompagner les entreprises au moment- même où l'on digitalise notre économie et notre société. Il faut que l'on accompagne et que l'on fasse monter en compétence parce que, trop souvent, il y a une certaine naïveté sur le sujet…
Jusqu'aux questions de demain, sur lesquelles InfraNum par exemple est très mobilisé, à savoir les données ou le déploiement de l'internet des objets qui sera le prochain horizon sur lequel on doit travailler.
C'est vraiment très intéressant parce que nous sommes en train de transformer le pays. Et quand on voit ce que change, pour des communes rurales ou des communes péri-urbaines, l'arrivée de la fibre, du mobile et des nouveaux usages dans le quotidien des gens… Souvent, cela redonne des armes aux communes rurales face aux communes urbaines pour garder leurs administrés et faire venir de nouvelles personnes, c'est assez enthousiasmant. Évidemment, au jour le jour, on a le nez dans le quotidien et les difficultés à régler. Mais lorsqu'on prend deux pas de recul et que l'on regarde cette France qui change partout, c'est vraiment de l'aménagement du territoire du 21ème siècle. Il reste encore beaucoup de choses à faire, mais profitons de cette occasion pour prendre ces 2 pas de recul et se dire que c'est quand même une époque intéressante.
Source https://www.avicca.org, le 11 janvier 2021