Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur les moyens de remédier aux effets de l'épidémie de covid-19 sur la jeunesse.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement, et nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(…)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. La crise sanitaire que nous traversons depuis près d'un an n'épargne personne : des artistes aux restaurateurs en passant par les pensionnaires des EHPAD, nombreuses sont les catégories qui peuvent, pour des raisons diverses, se prévaloir d'être les premières victimes de cette pandémie. On pourrait ergoter longtemps sur ce triste palmarès, mais cela ne servirait qu'à nous diviser en dressant les unes contre les autres les corporations et les générations, quand cette épreuve nous appelle au contraire à plus de fraternité. Pourtant, nous ne pouvons nier la spécificité de certaines situations.
Une année perdue à 20 ans, ce n'est pas une année perdue à 50 ; la période de 18 à 25 ans n'est pas une période comme les autres. C'est l'âge où la personnalité se cristallise, où la citoyenneté se forge et où la conscience politique se trempe. Pour la génération de l'an 2000, cette période a été profondément perturbée par la pandémie. Première année universitaire, premier stage, premier emploi, premier logement : toutes les étapes initiatiques qui accompagnent habituellement l'entrée dans l'âge adulte ont été marquées par les contraintes sanitaires et le ralentissement économique. Ces promesses envolées ne se sont pas seulement soldées par une frustration passagère, mais par une précarité grandissante et un mal-être profond, enfant de la solitude et de la peur du lendemain. Cette détresse nous concerne tous, car la jeunesse qu'elle affecte, c'est bien la France de demain ; cette détresse, le Gouvernement a le devoir d'y répondre. Nous le devons aux jeunes qui ont admirablement accepté les contraintes et les sacrifices, et qui ont droit à leur part de protection et d'espoir.
Peut-être y aura-t-il une « génération covid », si l'on entend par là une génération qui aura su tirer de cette épreuve une conscience nouvelle des autres et de la planète, mais il n'y aura pas de génération sacrifiée (Protestations sur les bancs du groupe LR), car c'est la priorité de l'ensemble du Gouvernement et des collectivités ; c'est la mienne en particulier s'agissant des étudiants. Répondre au mal-être des jeunes, c'est d'abord savoir l'entendre, et c'est la raison pour laquelle, depuis plusieurs mois, nous n'avons eu de cesse d'aller sur le terrain à la rencontre de cette jeunesse qui a tant donné. Mes échanges perpétuels avec les étudiants, dans les campus et dans les restaurants universitaires, m'ont convaincu d'une chose : oui, ils sont sujets au doute, à l'incertitude, à des difficultés matérielles parfois terribles, mais oui, ils sont aussi plein de ressources, d'envies, de rêves et, surtout, ils se refusent à être des victimes. Jamais leur anxiété n'a été si forte, mais jamais leur envie de s'engager n'a été si résolue. Aussi attendent-ils moins de nous de la compassion que des solutions.
Les jeunes méritent plus et bien mieux qu'un horizon de minima sociaux : leur ambition, c'est d'exister et pas seulement de subsister ; de vivre libre et pas seulement de survivre. Bien sûr, il faut leur en donner la chance et les moyens. C'est pourquoi l'action du Gouvernement s'est concentrée sur deux axes. Le premier est l'accompagnement : rien ne sert de parler d'avenir tant que le quotidien reste un défi. Il nous a donc fallu aider les jeunes à surmonter la crise, tant sur le plan matériel que sur le plan psychologique, et pour cela arrêter d'en faire un objet de polémique. Parce que nous n'avons pas attendu que les difficultés fassent la une des journaux pour nous en emparer : dès le printemps dernier, des mesures inédites ont été prises pour les soutenir financièrement, pédagogiquement et humainement. Depuis le début de l'année, ces efforts ont été amplifiés sur le front de la précarité, mais aussi sur le front du mal-être, avec la mise en place de dispositifs de soutien qui permettent désormais aux étudiants de consulter un psychologue dans le cadre d'un parcours de soins. Ils sont plus de 1 000 psychologues à s'être rendus disponibles à cet appel.
M. Aurélien Pradié. Ça fait rêver !
M. Pierre-Henri Dumont. Le chèque psy !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Après l'accompagnement, il faut aussi permettre aux jeunes de reprendre le fil de leur avenir. Redonner à la jeunesse ce à quoi elle aspire le plus : le pouvoir d'agir. Le vocable « jeunesse » recouvre une très grande hétérogénéité de situations et c'est toute l'ambition du plan « 1 jeune 1 solution » que d'embrasser cette diversité pour ouvrir à chacun un chemin d'avenir et de réussite. Monsieur le député, je tiens à vous rassurer : bien sûr que nous travaillons jour après jour avec les collectivités, avec les régions, loin des accusations stériles, pour trouver ensemble les meilleurs moyens de soutenir la jeunesse. L'autonomie comme levier essentiel à l'émancipation est la boussole du travail mené par mon ministère pour construire un nouveau système d'entraide et d'aide sociale pour les étudiants. L'objectif du Gouvernement est clair : aucun jeune ne doit rester au bord de la route, ni aujourd'hui, ni demain,…
M. Pierre Cordier. C'est noté au compte rendu.
Mme Frédérique Vidal, ministre. …ni parce qu'il aura manqué d'opportunités, ni parce qu'il aurait été empêché de les saisir. Le champ des possibles doit rester ouvert pour la génération appelée à bâtir la société durable résiliente et solidaire de demain. Et c'est aussi cela, protéger notre pays et protéger la vie, quoi qu'il en coûte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement. Nous sommes d'accord sur le constat : il y a bientôt un an, la jeunesse a été percutée par une crise. Mais les conséquences ne sont pas les mêmes pour les étudiants, pour les jeunes qui travaillent déjà et pour ceux qui sont parents ; elles ne sont pas les mêmes pour ceux qui vivent à Aurillac, à Saint-Marcellin ou chez moi, à Nantes ; elles ne sont pas les mêmes pour les jeunes que leurs parents peuvent aider et pour ceux dont ce n'est pas le cas, pour ceux qui ont la chance de vivre dans une maison et pour ceux qui habitent dans huit mètres carrés. Il n'existe donc pas une solution unique, magique. En revanche, des efforts sont consentis pour apporter des réponses, multiples. Bien sûr, elles ne sont pas parfaites. Les effets de la crise n'étaient pas les mêmes en mars dernier : certains s'aggravent, d'autres apparaissent. J'en donnerai quelques exemples avant que nous répondions à vos questions, comme le veut l'exercice de contrôle.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Dumont, à l'instar d'autres parlementaires, les conséquences de la crise sont d'abord économiques. La disparition d'emplois dans les secteurs du tourisme et de la restauration, par exemple, a entraîné de la précarité. Nous y répondons en stimulant le recrutement, notamment en alternance, pour les moins de 26 ans. Le plan « Un jeune, une solution », que Mme Colboc a évoqué, a soutenu plus de 1 million de jeunes, qui ont bénéficié de l'aide aux entreprises de 4 000 euros, afin d'aider ces dernières dans cette période difficile à créer des emplois pour les jeunes, quelle que soit leur situation. En outre, les 7 milliards d'euros de crédits du plan ont concouru à la conclusion de 550 000 contrats d'apprentissage.
M. Aurélien Pradié. Un contrat d'apprentissage, ce n'est pas un job !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Ces deux réponses ne concernent que le volet économique, monsieur Pradié ; et en effet, ce n'est pas suffisant.
Monsieur Bruneel, vous avez dit que la jeunesse avait besoin de sens, de trouver sa place et de se sentir utile. Là encore, les réponses à apporter pour l'y aider sont diverses. Les missions de service civique ont été adaptées pour lever la contrainte de vingt-quatre heures hebdomadaires minimum, afin que les étudiants trouvent du sens et puissent percevoir une indemnité de 680 euros, désormais accessible à tous, boursiers ou non.
Les réponses concernent également les conséquences morales de la lassitude et de l'isolement, que M. Larive et Mme Descamps ont évoquées. On ne vit pas de la même manière selon qu'on a une famille proche, qu'on est étudiant étranger ou simplement dans une autre région que la sienne. L'aide aux associations constitue une réponse ; selon moi, il faut soutenir aussi ceux qui soutiennent les jeunes. J'ai foi dans les belles initiatives des territoires : des mairies de plus en plus nombreuses ont ouvert des espaces de travail partagés. Vous avez raison de soulever la question de la précarité numérique : certains jeunes n'ont pas accès à ces outils. Cette multitude de réponses veut donner à notre jeunesse l'élan que nous lui devons.
Madame Petit, vous avez parlé des conséquences dans les familles, en particulier des violences, que les travaux de la commission d'enquête présidée par Mme Mörch, dont Mme Buffet était rapporteure, ont montrées. Nous continuons évidemment le travail de prévention, mais pas seulement. L'été dernier, avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, nous avons créé les vacances apprenantes. Nous allons les pérenniser, car elles apportent une bouffée d'air à 1 million d'enfants, qui partent en colonies de vacances. L'été dernier, nous espérions sortir rapidement de la crise, mais elle dure. Il est nécessaire de les accompagner.
Les conséquences de la crise sont donc psychologiques, morales, économiques, familiales, sociales. Pour donner à notre jeunesse l'élan que M. Bruneel a évoqué, nous devons lui insuffler de l'espoir. Comment ? En étant côte à côte, sur tous les bancs, en démultipliant les solutions, et en acceptant de les faire évoluer. Ainsi, la garantie jeunes, défendue par certains parlementaires, n'est pas taboue. Selon nous, l'ouverture du RSA aux jeunes de moins de 25 ans est insuffisante, pour une raison simple : les jeunes qui ont besoin d'une aide ont besoin d'une aide financière, et il faut y répondre, mais l'accompagnement humain est aussi nécessaire. Il sera assuré par la garantie jeunes universelle, telle qu'elle est envisagée aujourd'hui, en sachant qu'elle continuera à évoluer. Il faut placer l'humain au centre, en renforçant le soutien financier aux missions locales. Le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion d'Élisabeth Borne a déjà apporté plus de 200 millions d'euros pour les renforcer humainement. Elles trouvent des solutions de logement et de mobilité, parce que les jeunes peuvent être fragiles à plusieurs égards : il faut répondre à tous. C'est ce que nous devons à notre jeunesse, comme nous lui devons un pays qui refuse d'être à genoux, qui croit en son avenir. Tel est le sens du plan de relance que nous défendons, grâce à un investissement économique, mais aussi avec la mobilisation du Gouvernement, des élus locaux, et de toutes les forces vives du pays.
Messieurs Gassilloud et Molac, vous avez évoqué les stages. Le site dédié au plan « Un jeune, une solution » propose 30 000 stages. C'est loin d'être suffisant pour répondre à toutes les demandes, mais Mme Vidal apporte des réponses pour accompagner les étudiants dans leur diversité. Un stage de troisième ne se vit pas comme un stage de BTS ou de master. Nous avons besoin des entreprises, qui s'engagent, et des collectivités, qui continuent à proposer des stages. Si nous réunissons nos énergies pour relever ensemble tous ces défis, nous serons à la hauteur des attentes diverses de la jeunesse et nous pourrons la regarder en face : oui, elle est résiliente, oui, elle a de l'énergie – si nous lui faisons confiance. Soyons à ses côtés pour surmonter ces difficultés, qui de toute façon laisseront des cicatrices. En dialoguant et en faisant converger nos solutions, nous dépasserons cette étape. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et celle des réponses sont limitées à deux minutes et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
Dans les questions du groupe Les Républicains, la parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss. Je fais partie de la génération de mai 68, dont l'histoire a retenu qu'il est interdit d'interdire : la fin des contraintes, des oppressions et des convenances. Un demi-siècle plus tard, pour tenter de vaincre la pandémie, des libertés fondamentales ont été restreintes, voire bafouées. « C'est dur d'avoir 20 ans en 2020 » : cette phrase, prononcée en octobre par le président Macron, n'a pas fini de résonner dans la tête de ceux qu'on appellera probablement la « génération covid ». C'est une génération anxieuse, en quête de sens, impuissante face aux dérèglements climatiques ; elle s'interroge sur l'avenir de la démocratie, et ne veut pas être sacrifiée.
Paradoxalement, ces jeunes, nourris au numérique, qui ont goûté avidement aux réseaux sociaux, se retrouvent en overdose de visioconférences, qui les désespèrent. Qu'on le veuille ou non, deux années scolaires ont été plus que perturbées – années perdues, selon votre expression, madame la ministre. Le résultat du bac 2020 est en trompe-l'oeil, peut-être même constitue-t-il une bombe à retardement. La rentrée 2021 se prépare maintenant. Que fait le Gouvernement pour que la prochaine année scolaire et universitaire se déroule normalement ? Tous les enseignants seront-ils vaccinés d'ici là ?
Ma deuxième question concerne les stages nécessaires à la validation d'une formation, souvent diplômante. La plupart de ceux qui doivent effectuer des stages ont le sentiment de revivre la galère du printemps dernier. À cause de la crise sanitaire, les entreprises n'ont ni le temps, ni le budget, pour recruter des stagiaires. Entre projets ajournés et équipes en télétravail, beaucoup hésitent à accueillir des étudiants. Au-delà des slogans « un jeune, une solution » ou « un jeune, un emploi », qu'est-il prévu pour aider les jeunes ? Des collègues ont déjà posé la question et Pierre-Henri Dumont a évoqué des solutions : comment le Gouvernement incitera-t-il les entreprises à embaucher des stagiaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme vous l'avez dit, l'objectif majeur dans les semaines à venir est de résoudre le problème des stages. Contrairement à l'année dernière, les établissements s'y sont préparés, les collectivités y ont travaillé avec eux, de même que le monde socio-économique. Les universités que j'ai eu la chance de visiter récemment en offrent quelques exemples : à Poitiers, un travail a été accompli avec tous les acteurs du monde socio-économique, pour proposer des stages sur la plateforme JobTeaser ; en Gironde, la forte mobilisation des entreprises membres de la CPME – Confédération des petites et moyennes entreprises – départementale a donné lieu à l'initiative « 1étudiant1entreprise » ; à Strasbourg, la plateforme se nomme « une entreprise, un jeune, un diplôme ». En outre, les plateformes « un jeune, une solution » et le site etudiant.gouv.fr participent à rendre les stages visibles. Les régions s'engagent également, comme la région Grand Est avec le dispositif « Capital stages », ou la région Centre-Val-de-Loire, avec la plateforme Jobaviz du CROUS. À chaque fois, le travail des établissements est mené en lien avec le monde socio-économique et les collectivités, qui apportent des solutions locales.
Bien sûr, il était également nécessaire que ces stages puissent être différés jusqu'au 31 décembre, comme l'année dernière, afin de bénéficier d'une reprise d'activité économique : il est difficile en ce moment d'obtenir un stage dans certains secteurs, mais les entreprises s'engagent à accueillir les étudiants quand elles en seront capables. Le même dispositif que l'an dernier autorisera les étudiants à effectuer leur stage jusqu'au 31 décembre, sans réinscription : leur diplôme sera ainsi validé.
Ce travail de dentelle s'effectue localement, sur le terrain, toutefois nous pouvons lui donner une visibilité nationale. Les jeunes ont impérativement besoin de savoir que le monde économique les accompagne.
M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.
M. Bernard Perrut. Tous sur ces bancs, nous rencontrons chaque jour des jeunes, qui connaissent des situations dont vous avez souligné la diversité, madame la secrétaire d'État. Ils ne sont pas seulement privés de vie sociale, ils sont confrontés à des difficultés extrêmes pour trouver un stage, un emploi en alternance, leur premier emploi, ou bien le petit job indispensable pour boucler la fin du mois. Certes, vous apportez des réponses, mais elles sont partielles et insuffisantes. Quelles actions concrètes pourriez-vous mener en faveur de l'emploi ? Pouvez-vous nous parler des idées nouvelles évoquées ces derniers jours, le mentorat et la bourse de stages ? Comment fonctionneront-ils ? Seront-ils vraiment utiles ?
Outre la précarité qui les menace, la santé des étudiants nous inquiète, parce qu'ils vivent dans des lieux exigus où s'exacerbent les souffrances liées à l'enfermement. Vous avez inventé le « chèque psy ». Avez-vous des chiffres, pour savoir s'il est bien utilisé, et s'il constitue une réponse suffisante ?
Vous avez annoncé un retour dans les universités, d'abord à des moments déterminés, selon une jauge. Le 22 février dernier, madame la ministre, vous avez évoqué une reprise des cours dans toutes les universités, pour toutes les disciplines, avant la fin du mois. Je suppose qu'il s'agissait du mois de mars. La réalité, hélas, semble en décalage complet avec de telles annonces. Comment pouvez-vous affirmer cela, au mépris des réalités du terrain, malgré le cadre trop resserré encore imposé aux universités ? Les jeunes attendent : quand retourneront-ils effectivement dans les amphithéâtres ou les salles de cours ? Quand pourront-ils de nouveau emprunter la voie des stages ? Les étudiants des universités et des grandes écoles de commerce ne trouvent pas de stage : leur année sera-t-elle « fichue » ? Ils ont besoin d'être rassurés.
Enfin, avez-vous déployé des projets avec les régions et les grandes villes qui veulent s'engager, afin de favoriser la reprise des cours et l'accompagnement des jeunes ? La région Auvergne-Rhône-Alpes, ma région, fournira par exemple des tests antigéniques et du matériel de protection aux établissements d'études supérieures, pour favoriser le retour à une activité normale. La région Île-de-France s'investit également auprès des jeunes. Quels liens peuvent se nouer entre les collectivités locales et vos services ?
M. Raphaël Schellenberger. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous sommes évidemment en relation avec les régions : nous partageons un tableau de bord afin d'appliquer des mesures complémentaires et coordonnées. Ainsi, certaines régions prennent en charge les frais de transport des étudiants pour lesquels il est compliqué de ne se déplacer du domicile à l'université qu'une ou deux fois par semaine.
D'autres régions ont acheté des ordinateurs et, dans ce cas, nous avons fourni des clés 4G. Oui, le travail se fait en permanence avec l'ensemble des associations représentatives des collectivités, mais aussi dans chacune des villes universitaires, soit directement, soit par l'intermédiaire des recteurs, qui sont mobilisés sur ces sujets.
En ce qui concerne l'aide psychologique, nous disposons chaque semaine d'informations de l'ensemble des services universitaires. Nous mettrons en place dès le 8 mars une plateforme pour inciter les jeunes à solliciter cette aide. La principale difficulté consiste en effet à les convaincre qu'ils en ont besoin et qu'ils peuvent la demander, sans pour autant se sentir gênés de le faire. Des étudiants relais et des étudiants sentinelles ont été recrutés pour inciter les jeunes à consulter lorsqu'ils vont mal. La mise en place de ce nouvel outil, dès lundi prochain, leur permettra de le faire en toute autonomie et aux heures de la journée qui les arrangent le plus.
Tous les établissements d'enseignement supérieur nous ont communiqué des informations sur l'accueil des étudiants dans les classes. À l'exception de quelques écoles qui, en accord avec les étudiants – quelques milliers en tout –, ont maintenu presque tous les enseignements à distance, toutes les universités accueilleront les étudiants qui le souhaitent dans leurs locaux à partir de la rentrée, c'est-à-dire le 8 mars dans la dernière des trois zones. Ainsi, plus de 90 % des étudiants pourront être accueillis dans les établissements ou le sont déjà. En moyenne, 60 % d'entre eux font le choix de revenir dans les salles de classe tandis que 40 % préfèrent rester à distance, pour diverses raisons.
M. le président. La parole est à M. Christophe Blanchet, pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés.
M. Christophe Blanchet. Depuis un an, la jeunesse souffre, particulièrement les étudiants. Malgré les « chèques psy », ils souffrent en silence de l'isolement, de ne pas se voir, de ne pas étudier ensemble, de ne pas réfléchir ensemble, côte à côte, à leur avenir. Ils souffrent de ne pas embrasser leurs grands-parents et c'est pour sauver leur vie qu'ils acceptent, responsables et solidaires, toutes ces conditions depuis un an. Ils souffrent de ne pouvoir s'alimenter correctement même si, grâce à la solidarité, ils retrouvent l'appétit. Ils souffrent de ne pas faire ces fêtes étudiantes qui sont nos souvenirs, et non les leurs.
Ils souffrent de ne pas pouvoir gagner leur autonomie grâce à ces petits boulots, ces jobs d'été que nous avons tous effectués et qui, pour beaucoup, financent en partie l'année scolaire suivante et permettent aux jeunes d'exister. Le job d'été, c'est une période de la vie où le jeune adulte apprend le sens des responsabilités et fait des rencontres décisives, qui parfois influenceront sa vie entière. Le job d'été, ce n'est pas qu'une liasse de quelques centaines d'euros mais une énergie qui anime tous les secteurs économiques et culturels, de l'hôtellerie à l'événementiel. Festivals, cafés, hôtels, restaurants, discothèques, salons, traiteurs, théâtres, cinémas, et tant d'autres : qui n'a jamais fait appel à eux ? Et qu'en est-il des saisonniers dont l'agriculture a tant besoin ?
Depuis un an, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, les jeunes de moins de 30 ans sont empêchés de construire leur vie d'adulte. Mais depuis un an, la donne a changé : le vaccin existe et il y a urgence– urgence à donner un calendrier clair et positif à ces jeunes si vous voulez continuer d'obtenir leur adhésion aux restrictions qui leur sont imposées ; urgence à éclairer l'avenir, sachant que la période de recrutement pour la saison estivale commence et que nous devons être clairs pour que chaque employeur ait des perspectives.
Tâchons d'anticiper plutôt que d'annoncer la réouverture la veille pour le lendemain. Pour ce faire, qu'en est-il, non pas du passeport vaccinal, mais du passeport sanitaire ? Cette approche permet en effet d'accélérer le retour à la vie, de jour comme de nuit, et d'apprendre réellement à vivre avec le virus, comme plusieurs autres pays nous le montrent. De plus, elle permettrait de fixer une date à partir de laquelle les jeunes pourraient s'émanciper et bâtir les fondations de leur avenir. C'est l'une des multiples réponses que les jeunes attendent ! (Mme Maud Petit applaudit.)
M. David Corceiro. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez raison, les jobs d'été ne sont pas qu'un revenu. Ils en sont un, bien sûr, et chacun en a besoin, mais ils permettent également de vivre des expériences et de créer des liens. Après onze mois de crise sanitaire, nous réalisons à quel point le lien humain et social est essentiel. Dès lors, comment permettre à chacun de faire des projets pour l'été et de construire son avenir ?
Tout d'abord, un espoir est né avec le vaccin, permettant de se projeter et d'apercevoir la lumière qui arrive. S'y ajoutent les mesures concrètes que prend le Gouvernement, et j'évoquerai le secteur que j'accompagne, celui du monde de l'animation et des associations qui accueillent les jeunes l'été, notamment en colonies de vacances ou chez les scouts.
Qu'avons-nous fait dans ce domaine ? Pour soutenir ces associations, nous avons tout d'abord créé un fonds d'urgence de 15 millions d'euros pour permettre le maintien des formations au BAFA – brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur – et au BAFD – brevet d'aptitude aux fonctions de directeur – puisqu'ils permettent à de nombreux jeunes d'obtenir un job d'été, qu'ils soient étudiants ou pas.
Certes, il ne s'agit que d'un secteur d'activité. Pour le reste, c'est-à-dire la multitude des dynamiques jobs d'été que l'on aime, qui nous permettent de faire la fête et d'être fiers, je dirai ceci : quand le tourisme va, le job d'été va. Or, le tourisme dépend de l'évolution de la pandémie. Vous posez la question du passeport sanitaire : le Gouvernement explore cette piste qui soulève plusieurs questions. Qu'en est-il dans les pays qui l'ont mis en place, ou lorsqu'il existe des contre-indications médicales ? À quel point ce passeport peut-il être un accélérateur ? Aucune piste n'est écartée.
L'élan que nous donnons consiste à apporter un soutien économique aux entreprises qui permettent aux jeunes de se projeter dans des jobs d'été. Ceux qui n'en ont pas – il faut avoir l'honnêteté d'examiner toutes les situations – bénéficient d'une aide de 900 euros lorsqu'ils sont habituellement saisonniers, pour éviter qu'ils ne basculent dans la précarité et qu'ils soient privés tout à la fois du rêve et du job.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Je pose la question de mon collègue Régis Juanico. En France, la majorité pénale est fixée à 16 ans, la majorité civique à 18 ans et la majorité sociale à seulement 25 ans : quelle étrangeté ! Depuis trop longtemps, les jeunes générations doivent effectuer un parcours du combattant fait de stages, de petits boulots, de contrats courts et précaires, avant d'acquérir le statut légitime d'adultes. Les jeunes aspirent à un droit à l'avenir, à l'autonomie, à un emploi stable, au logement, à la santé. Ils attendent une réponse qui va bien au-delà des aides et des primes ponctuelles instaurées par le Gouvernement, qui ne suffisent plus. Pendant les confinements, 40 % des étudiants ont dû arrêter de travailler. La perte de longs contrats de travail les a fait basculer, nombreux, dans la grande précarité. Les images d'étudiants dans les files d'attente d'épiceries solidaires sont révoltantes.
Outre les étudiants, les projets de centaines de milliers de jeunes – études, concours, entretiens d'embauche, mobilité, séjours à l'étranger – ont volé en éclats à cause de la pandémie, dégradant davantage leurs conditions d'entrée dans la vie adulte.
Notre groupe propose donc d'élargir le RSA aux jeunes de moins de 25 ans et d'instaurer un revenu de base et une dotation universelle à 18 ans : voilà de vraies solutions, contrairement à la proposition de certains membres de la majorité de faire entrer les étudiants dans la spirale infernale de l'endettement. Le Gouvernement entend-il enfin apporter une réponse concrète à la hauteur de la détresse que connaît la jeunesse ? Laquelle ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous sommes d'accord sur un point : l'un de nos objectifs consiste à concrétiser l'autonomie et l'émancipation des jeunes qui étudient. Si c'était aussi simple, je ne doute pas que d'autres gouvernements l'auraient déjà fait. Vous savez néanmoins que se pose au fond la question du modèle social que nous souhaitons : faut-il, comme le font plusieurs de nos voisins, continuer de privilégier l'aide à la famille ou ne vaut-il pas mieux adopter un modèle plus proche de celui des pays d'Europe du Nord, où les aides ciblent principalement les jeunes et leur émancipation ?
Mme Marie-Noëlle Battistel. C'est ce que nous proposons !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous sommes au milieu du gué depuis des années mais personne ne s'est saisi de cette question. Nous y travaillons avec les associations étudiantes et suivons sur notre boussole le cap de l'émancipation des jeunes qui étudient. Il faut commencer par répertorier l'ensemble des aides proposées aux étudiants. Elles sont multiples et empruntent différents canaux ; le taux de non-recours est incroyablement élevé du fait de la jungle inextricable des dossiers à remplir et des conditions d'éligibilité. Nous devons commencer par mettre à plat l'ensemble de ces aides pour ensuite les regrouper et proposer une aide globale d'autonomie.
En attendant, qu'avons-nous fait pour parer à l'urgence de la situation ? Nous avons fait en sorte que tous les jeunes, boursiers ou non, aient accès à une aide de 500 euros en remplissant un formulaire très simple. Ce montant peut éventuellement être versé chaque mois après examen des dossiers. Nous avons doublé les aides spécifiques que gèrent les CROUS. Depuis deux ans, nous augmentons les bourses, sur des critères sociaux. En somme, nous avons fait en sorte qu'un maximum de mesures touchent l'ensemble des étudiants, boursiers ou non. Et, comme l'a dit Mme El Haïry, nous avons assoupli l'usage des services civiques.
Bref, nous avons proposé des solutions pragmatiques et immédiates. Parallèlement, nous menons sur le fond un travail de long terme que j'espère avoir prochainement l'occasion de vous présenter.
M. le président. La parole est à Mme Lise Magnier, pour le groupe Agir ensemble.
Mme Lise Magnier. Oui, les jeunes sont peu touchés par le virus et pourtant ils en subissent les conséquences économiques, sociales et psychologiques, comme tous les Français, qu'ils soient lycéens, bacheliers, étudiants, apprentis, jeunes travailleurs ou à la recherche d'un emploi. Et non, ce n'est pas facile d'avoir 20 ans en 2020.
Au nom du groupe Agir ensemble, je veux tout d'abord dire combien nous avons confiance en notre jeunesse, en tous ces jeunes qui ont des convictions, qui s'engagent et défendent des valeurs, qui innovent et s'adaptent. Mais les situations sont diverses et dans chaque tranche d'âge, cette crise sanitaire a engendré des situations dramatiques et, comme toute crise au reste, elle a révélé nos forces et nos faiblesses.
Nous avons su identifier nos faiblesses, celles de notre système de soins et de santé en particulier, mais nous oublions trop souvent de mettre en avant nos forces, celles d'une nation solidaire, d'un État qui protège. Les jeunes sont inquiets, mais eux aussi se sont révélés être une jeunesse d'une force d'adaptation incroyable, une jeunesse mobilisée, une jeunesse solidaire, une jeunesse qui veut agir, une jeunesse qui veut un avenir.
Le groupe Agir ensemble a fait des propositions pour que les jeunes prennent part à la lutte contre la pandémie, en leur proposant par exemple d'effectuer des services civiques au sein des brigades sanitaires. Cette proposition concrète vise à entretenir la volonté d'engagement des jeunes, mais aussi à les soutenir financièrement. Comment pouvons-nous encourager l'engagement volontaire des jeunes dans le contexte actuel ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez tant raison de saluer l'engagement des jeunes de tous âges. La crise a effectivement eu des conséquences dramatiques pour tous les jeunes, mais chacun a trouvé sa place : je vais en donner quelques exemples concrets pour répondre directement à votre question.
Nous avons lancé la plateforme jeveuxaider.gouv.fr au tout début du premier confinement, alors qu'on ne connaissait pas encore bien le virus : près de la moitié des 350 000 Français qui s'y sont inscrits avaient moins de 30 ans. Nous avons demandé aux jeunes en service civique de changer leur mission, en plein confinement : plus de 60 000 jeunes ont accepté le jour même, et des avenants ont été signés pour qu'ils rejoignent des associations de lutte conte la grande précarité et contre l'isolement social des personnes âgées dans les EHPAD afin de réduire la fracture entre les générations.
Comment fait-on, comment continue-t-on à faire ? Nous soutenons évidemment tous ceux qui, sur les campus, dans les territoires, dans le cadre des 10 000 missions intergénérationnelles de service civique, souhaitent lutter contre l'isolement des personnes les plus âgées : c'est à cela qu'on mesure à quel point nous sommes à la hauteur de la société. En cette période de vaccination, nous bénéficions également du soutien de volontaires du service civique au titre de la stratégie « tester, alerter, protéger ». Le déploiement de ces missions se poursuivra dans l'ensemble du territoire ; nous devons cette égalité, qui est en quelque sorte une égalité des chances, aux jeunes où qu'ils vivent. Nous mobilisons également la réserve civique, que nous mettons à la disposition de nos collectivités, afin qu'elles recourent à cette force de diffusion de l'information.
On peut s'engager à tout âge, mais nous devons saluer l'engagement de la jeunesse, et lui dire combien nous sommes fiers d'elle, qui n'a pas baissé les bras.
M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe UDI et indépendants.
M. Michel Zumkeller. Ma question, comme bien d'autres, porte sur la situation des étudiants. Il est dur d'avoir 20 ans en cette période de crise sanitaire : impossibilité de fréquenter les lieux culturels, sportifs, et même les lieux d'études ; cours à distance ; perte de liens amicaux, vie sociale bouleversée ; pénurie de petits boulots. Une routine qui s'installe, et une question lancinante : que vaudront les diplômes obtenus à l'issue d'une telle année ? Les études servent-elles encore à quelque chose ? Pour les jeunes, la vie prend quelquefois les allures d'un véritable cauchemar.
Face à cette situation, le Gouvernement a pris quelques dispositions – repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, prise en compte des difficultés psychiatriques ou psychologiques – mais ces mesures paraissent bien insuffisantes.
Envisagez-vous une bourse sanitaire et sociale qui compenserait par exemple l'absence du petit boulot habituel, voire la location, bien loin de chez soi, d'un appartement qui coûte souvent très cher à la famille, alors même qu'il est impossible de se rendre à l'université ? Il serait essentiel que les critères d'attribution d'une telle bourse soient suffisamment larges pour permettre aux classes moyennes d'en bénéficier.
D'autre part, pourrait-on fixer une échéance de la vaccination des étudiants ? La chose ne serait pas simple, mais elle aiderait tout le monde. Je souhaite rappeler dans ce cadre la proposition qu'avait émise l'UDI, par la voix de notre président : utiliser le vaccin d'AstraZeneca, puisque celui-ci n'est a priori pas administrable aux plus de 65 ans. Cela permettrait à la jeunesse de retrouver le chemin des cours en classe, et surtout cette vie sociale qui lui manque tant.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. L'urgence que vous évoquez touche en effet les enfants des classes moyennes, qui ne peuvent bénéficier des bourses traditionnelles sur critères sociaux. C'est pourquoi nous avons créé deux dispositifs principaux : la possibilité pour un étudiant de demander la révision de son dossier, c'est-à-dire de basculer dans le système boursier existant si la famille a subi d'importantes pertes financières ; et les fameuses aides d'urgence, typiquement destinées aux jeunes qui, habituellement, ne bénéficient pas de bourses sur critères sociaux. En s'adressant à leur CROUS, ils peuvent ainsi obtenir jusqu'à 500 euros par mois pour la durée de leur année universitaire. Ce dispositif est ouvert aux étudiants boursiers ou non, français comme étrangers. Les jeunes s'imaginent souvent que le CROUS ne s'occupe que des boursiers : pas du tout ! Le réseau des oeuvres concerne l'ensemble des étudiants. Il s'agit là, je le répète, d'un tout nouveau dispositif, simplifié à l'extrême afin que chacun puisse être aidé.
Quant à la vaccination des étudiants, nous savons que le vaccin protège, individuellement, des complications liées à l'infection par le coronavirus ; nous savons aussi que, fort heureusement, les jeunes présentent très rarement ces complications. En revanche, nous ignorons si la vaccination empêche de propager le virus. Autrement dit, si une personne vaccinée est infectée, elle-même sera protégée par les anticorps qu'a générés la vaccination ; elle ne déclarera pas de pathologie grave ; mais si, durant vingt-quatre, quarante-huit ou soixante-douze heures, elle reste contagieuse, le problème de la transmission virale n'est en rien résolu. C'est la raison pour laquelle, en attendant le résultat des études portant sur ce point, nous en restons à ce qu'a proposé la Haute Autorité de santé : si les données scientifiques évoluent, les doctrines sanitaires, en matière de vaccination, pourront évoluer aussi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour le groupe La France insoumise.
M. Jean-Hugues Ratenon. Je souhaiterais aborder ici la question des étudiants, en particulier de la nécessité de leur octroyer un revenu minimal. Le taux d'idées suicidaires chez eux est connu de tous ici ; leur découragement, leur souffrance, leur solitude doivent plus que jamais nous inquiéter. Avec la crise sanitaire pour facteur aggravant, la société française n'est-elle pas en train de sacrifier une génération, sa jeunesse ? Les jeunes rencontrent des difficultés pour se déplacer, pour manger, pour étudier, se loger, se soigner, communiquer. Beaucoup n'ont presque plus aucune vie sociale. Les parents, eux-mêmes à bout, ne savent plus où donner de la tête. Il est urgent d'agir si nous voulons éviter qu'ils n'abandonnent leurs études, qu'ils ne sombrent. La jeunesse ne doit pas être sacrifiée, mais encouragée !
Entre les aides des caisses d'allocations familiales et des bourses qui révèlent leurs limites, le moment est venu d'instaurer un revenu minimum étudiant qui ne tienne pas uniquement compte de la situation des parents, mais du statut d'étudiant du jeune. Ce dispositif existe déjà dans certaines villes de l'Hexagone, mais il relève d'initiatives locales ; or il faudrait que chaque étudiant bénéficie d'un revenu mensuel versé par l'État. Madame la ministre, ma question sera simple : êtes-vous favorable à sa création ?
Enfin, j'ajouterai que, compte tenu de la précarité et des spécificités ultramarines, le Gouvernement devrait créer un fonds destiné à permettre le retour au pays des étudiants originaires de ces territoires qui le souhaitent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Vous énumérez les multiples difficultés que rencontrent les étudiants ; je voudrais évoquer, avec vous, leurs multiples solutions. Ainsi, vous parlez de difficultés à se soigner : dans chaque territoire, les universités, les établissements d'enseignement supérieur, ont créé des centres de santé et des services de santé universitaires, ont organisé par demi-journées ou par journées des consultations de médecins spécialistes, afin que les étudiants puissent se soigner sans avance de frais. Le même constat vaut désormais pour les psychologues, dont les soins, auparavant, n'étaient pas remboursés. La véritable difficulté réside dans le fait d'inciter les étudiants, de les convaincre qu'ils peuvent demander de l'aide…
M. Jean-Hugues Ratenon. Ils en demandent, effectivement !
Mme Frédérique Vidal, ministre. …et qu'il est important pour eux de le faire.
Quant à la question que vous posez, j'ai eu l'occasion d'y répondre tout à l'heure. Tout d'abord, je le répète, il s'agit là d'un vrai choix de société : d'un côté, l'émancipation et l'autonomie de l'étudiant ; de l'autre, un modèle d'aide sociale fondé sur les revenus de la famille. Encore une fois, cela fait plusieurs mois que nous travaillons, avec les associations étudiantes, sur le sujet d'une aide globale d'autonomie, prenant en compte l'ensemble des dispositifs d'accompagnement des étudiants ; nous voulons qu'elle soit très simple, afin d'éviter le non-recours, et que les collectivités y soient associées – de même qu'elles participent à certains financements, qu'elles accordent des bourses spécifiques aux étudiants ultramarins, dont vous avez parlé. Nous devons nous montrer capables de travailler tous ensemble à la construction de cette aide globale d'économie, destinée à soutenir tous les étudiants qui en ont besoin. Aujourd'hui, 750 000 d'entre eux bénéficient de bourses sur critères sociaux ; notre objectif est de regrouper toutes ces aides en un guichet unique.
M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe Libertés et territoires.
M. Olivier Falorni. Nous sommes tous témoins de la précarité qui mine de nombreux jeunes : à l'âge où ils devraient construire leur avenir, beaucoup d'entre eux en sont encore à chercher à se nourrir correctement. J'ai encore pu le constater dans ma circonscription, hélas, il y a quelques jours, dans une épicerie solidaire pour étudiants gérée par la Croix-Rouge.
Nous devons donc moderniser et adapter les instruments de notre solidarité, par exemple en accompagnant davantage les jeunes dont l'insertion sur le marché du travail se trouve fragilisée par la crise. Dans ce contexte d'urgence, les propositions se multiplient : notre débat de ce soir le prouve. Le Gouvernement, pour sa part, a choisi de s'appuyer sur le dispositif de la garantie jeunes. Pourquoi pas ? mais à condition de créer une garantie jeunes universelle et pérenne. Certains critères ont d'ores et déjà été assouplis, comme la condition d'autonomie fiscale, très restrictive, et la durée d'accompagnement ; ces modifications, présentées comme dérogatoires, devraient être pérennisées. Il faut renforcer les missions locales, afin de dépasser largement l'objectif de 200 000 bénéficiaires et de permettre un véritable accompagnement. Il faut aller vers les jeunes, car le dispositif, mal connu, fait l'objet d'un non-recours important : en 2019, plus de 900 000 jeunes se trouvaient sans études, emploi ou formation, mais on dénombrait seulement 93 000 bénéficiaires de la garantie jeunes.
Pour ne laisser aucun jeune au bord du chemin, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, seriez-vous prêtes à aller encore plus loin en proposant une garantie jeunes réellement universelle et pérenne ? Quel serait votre calendrier ? Quelle enveloppe supplémentaire envisageriez-vous d'y consacrer en 2021 ? La situation préoccupante des jeunes exige que nous changions de braquet, et ce très rapidement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez raison : cette garantie jeunes, créée au cours du précédent quinquennat, constitue une bonne et belle réponse. Elle remédie à la précarité financière par un versement maximal de 497 euros par mois, mais il s'y conjugue un accompagnement humain. Lorsqu'un jeune de 16 à 25 ans – 30 ans s'il est en situation de handicap – a besoin de ce revenu minimum, c'est en effet qu'il se trouve confronté à d'autres difficultés : accès au logement, à la mobilité, achat d'un véhicule s'il n'habite pas en zone urbaine et a donc besoin d'un deux-roues ou d'une voiture pour se déplacer. Il faut répondre à tout cela.
D'où viennent les premières avancées ? Maud Petit parlait tout à l'heure de construire « avec » – avec ceux qui font, avec ceux qui vivent, avec les associations. Dès novembre dernier, j'ai commandé un rapport au COJ, le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse : c'est ce qui nous a permis d'élaborer en lien avec cette instance la garantie jeunes universelle de demain. Mais nous n'avons pas attendu l'achèvement de ce travail pour continuer à avancer, pour supprimer les freins que vous avez cités, l'autonomie fiscale par rapport aux parents, une durée de douze à dix-huit mois. Notre calendrier est assez clair : chaque fois que nous identifierons l'un de ces freins, nous le supprimerons. Comment aller vers ceux qui en ont le plus besoin ? En multipliant les intervenants, en accompagnant les missions locales, en renforçant leurs moyens humains grâce aux 200 millions annoncés cette semaine. Nous avons besoin, dans nos territoires, d'hommes et de femmes pour aller chercher ces jeunes qui n'accèdent pas à leurs droits.
Le drame, c'est qu'un jeune sur deux – oui, un sur deux ! – ne connaît pas les dispositifs auxquels il peut prétendre. Faut-il continuer à en créer de nouveaux ou améliorer ceux qui existent déjà en les rendant encore plus accessibles et ouverts ? Ce qu'il faut surtout, c'est aller chercher ces jeunes. Dans les travaux que nous menons actuellement, nous souhaitons évidemment nous appuyer sur l'école de la deuxième chance, sur les EPIDE – établissements pour l'insertion dans l'emploi – et sur l'ensemble des acteurs locaux de bonne volonté pour aller chercher ces jeunes, qu'ils connaissent, et pour ne pas les abandonner au prétexte qu'ils ne savent pas ; ce serait en effet une double condamnation.
M. le président. La parole est à Mme Karine Lebon pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Karine Lebon. Le constat est unanime : la jeunesse est particulièrement mise à mal par la crise sanitaire et, en l'absence de mesures urgentes et robustes, elle risque d'en subir les conséquences pendant longtemps. Si la situation est particulièrement périlleuse pour les jeunes adultes de moins de 30 ans qui ne vivent plus chez leurs parents, la crise vient révéler une terrible réalité française : la moitié des pauvres sont des jeunes. Les étudiants sont loin d'être épargnés et le fait qu'ils soient chaque jour si nombreux à attendre un colis alimentaire a surpris et choqué. Mais s'y ajoute ce que l'on ne voit pas, ou moins : les difficultés psychologiques, la peur de l'avenir, la solitude aggravée par l'éloignement – je pense particulièrement à ceux qui viennent des outre-mer – et même l'abandon des études quand la lutte contre la précarité mobilise toute l'énergie et toute l'intelligence. Ce tableau, étayé par d'innombrables témoignages, est la preuve du caractère obsolète du système des bourses – dont je rappelle que 40 % des bénéficiaires doivent travailler – et de l'insuffisance des dispositifs actuels.
Personne ne comprend donc que le Gouvernement rejette systématiquement les pistes qui lui sont présentées : vous avez dit non au RSA jeunes, non au revenu de base à 18 ans, non à l'aide individuelle à l'émancipation et non au revenu étudiant. On sait pourtant que le salariat des étudiants est la première cause d'échec à l'université. Plus que jamais, nous devons trouver les moyens pour que les étudiants puissent se consacrer à leurs études sans être obligés de travailler pour les financer. Un récent sondage montre que la société dans son ensemble souhaite un tel progrès.
Ma question porte d'abord sur l'urgence sociale : quand un dispositif clair et ciblé sera-t-il créé pour répondre à la détresse des étudiants ? Et de manière plus durable, allez-vous dire oui à la création d'une allocation d'autonomie accessible à tous et d'un véritable statut social pour les jeunes en formation ? La jeunesse, l'avenir de notre nation, attend vos réponses, madame la ministre, madame la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jean-Hugues Ratenon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il y a plusieurs questions dans votre question. La précarité alimentaire, tout d'abord : il va de soi que le Gouvernement subventionne les associations venant en aide aux étudiants. Partout où les gens veulent aider, nous les accompagnons pour le faire. Si les épiceries sociales et solidaires, par exemple, sont des lieux aussi importants, c'est parce qu'elles sont animées par les étudiants pour les étudiants, et parce qu'on n'y trouve pas uniquement des produits d'épicerie mais aussi du lien humain et du conseil, ainsi que des étudiants qui encouragent leurs camarades à faire savoir qu'ils ne vont pas bien, qui leur conseillent de se diriger vers les assistantes sociales ou vers les psychologues, et qui les aident à construire leur budget. Ce soutien par les pairs est essentiel.
Plus de 2,5 millions de repas à 1 euro sont désormais servis. Traditionnellement, lorsque toutes les universités sont ouvertes, les restaurants universitaires servent environ 150 000 repas par jour. Actuellement, 100 000 repas sont servis chaque jour alors que les jeunes retournent dans les établissements d'enseignement supérieur à raison d'un jour par semaine en moyenne ; les étudiants qui en bénéficient sont donc beaucoup plus nombreux que ceux qui fréquentent habituellement les restaurants universitaires.
Quant à l'aide globale d'autonomie pour les étudiants, j'ai déjà eu l'occasion de répondre à ce sujet : il faut bien sûr y travailler, mais pour cela il faut d'abord recenser l'ensemble des aides existantes et les rendre claires et lisibles. Il faut également que les critères d'accès soient les mêmes. Les aides actuelles dépendent tantôt des revenus des parents, tantôt non ; elles peuvent être locales ou complétées par des aides des collectivités ou des régions et ne dépendent pas seulement de l'État. Tant que nous ne disposerons pas d'un état des lieux, et tant que nous ne serons pas tous d'accord pour verser au pot commun afin de créer l'aide globale d'autonomie, nous resterons bloqués. C'est la raison pour laquelle je continue de travailler sur ce sujet avec les associations étudiantes.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe La République en marche. La parole est à Mme Florence Morlighem.
Mme Florence Morlighem. Depuis 2017, le Gouvernement et sa majorité sont résolument engagés auprès de la jeunesse. Ce sont ainsi 7 milliards d'euros qui ont été consacrés à l'emploi des jeunes. Cet effort budgétaire très important porte ses fruits car même en ces périodes très difficiles, l'emploi des jeunes se maintient et un nombre record de jeunes choisit dorénavant l'apprentissage, grande fierté de notre majorité.
Les crises sanitaire et économique liées au covid-19 que nous traversons renforcent encore la nécessité d'agir pour la jeunesse, et le travail doit être au centre des différents dispositifs. Les jeunes ne doivent pas être enfermés dans des minima ; la lutte contre la pauvreté ne peut se résumer à une aide pécuniaire inconditionnelle. C'est d'abord une question de respect envers les jeunes, mais aussi d'efficacité. Il faut proposer à chaque jeune une solution personnalisée et adaptée à ses aspirations et à sa volonté d'émancipation. La jeunesse ne souhaite pas être assistée, elle souhaite disposer d'outils lui permettant de s'insérer dans la société. Je suis convaincue que les solutions proposées par nos oppositions, telles que le RSA jeunes, ne correspondent pas aux attentes de la jeunesse. Les jeunes ne veulent pas toucher une allocation : ils veulent s'insérer, travailler, avoir la possibilité de démontrer leurs multiples talents. Le RSA n'est pas un horizon. Les promoteurs du RSA jeunes oublient de dire à nos concitoyens que sa mise en place entraînerait de fortes hausses d'impôts, que notre majorité refuse car elles freineraient la reprise économique.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous une nouvelle fois énumérer devant la représentation nationale l'ensemble des dispositifs permettant à la jeunesse de s'insérer dans la société, répondant ainsi à son désir d'émancipation, et confirmer que la France est le pays d'Europe qui fait le plus pour la jeunesse, surtout en ces périodes très difficiles ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous évoquez les différences existant entre les parcours, ainsi qu'au sein de la jeunesse, qui expliquent notre choix de proposer à chaque jeune un chemin, une solution adaptée à sa particularité. Nous avons un objectif clair, l'insertion – qu'elle soit sociale ou professionnelle – car elle permet de lutter en profondeur et dans la durée contre la précarité et l'assignation à résidence. Qu'avons-nous fait pour concrétiser ce projet d'émancipation ? Le plan « Un jeune, une solution », c'est d'abord un engagement de 7 milliards d'euros, financé par le plan de relance, qui a été débattu à l'Assemblée nationale et qui permet d'apporter plusieurs réponses. La première consiste évidemment à accompagner les entreprises pour qu'elles embauchent les jeunes, qu'elles leur fassent confiance. Cela passe par le soutien à l'apprentissage avec 550 000 contrats d'apprentissage. Nous étions en train de gagner le combat contre le chômage, juste avant la crise : nous étions dans la bonne direction car jamais le chômage des jeunes n'avait autant baissé. Nous avons été percutés par la crise ; soit. Que faisons-nous d'autre ? Nous avons porté le nombre de contrats de plus de trois mois, CDD ou CDI, à quasiment 1,2 million pour les jeunes de moins de 26 ans, grâce à l'incitation de 4 000 euros au moment de l'embauche. Une telle mesure vise à favoriser l'emploi en tant que tel.
D'un autre côté, nous ouvrons de nouvelles voies d'engagement, avec 100 000 missions de service civique supplémentaires qui sont aussi accompagnées sur le plan social : les boursiers perçoivent en effet une aide supplémentaire défendue par ma collègue Frédérique Vidal, qui peut en témoigner. Grâce au travail conjoint que nous avons mené, l'indemnité de service civique a été portée à 680 euros pour les jeunes qui s'engagent, en particulier les étudiants.
Les parcours d'insertion sont invididualisés, car nous pensons qu'il faut porter un regard particulier sur chaque jeune. Qu'il s'agisse de parcours emploi compétences ou de PACEA – parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie –, ce sont 600 000 jeunes qui sont accompagnés. Nous avons également construit 300 000 parcours d'insertion particuliers, pris des engagements pour lutter contre la précarité alimentaire… Je vois que le temps file alors que je ne suis qu'au début de cette liste ! Bref, les réponses sont diverses et multiples car les difficultés le sont aussi, mais le plus important est que chaque jeune trouve son chemin et trouve une réponse.
M. Christophe Blanchet. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Sarles.
Mme Nathalie Sarles. Je vous remercie, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, d'avoir évoqué tout au long de ce débat de nombreux dispositifs dont nous ne pouvons que nous réjouir. Lorsque je rencontre dans ma circonscription les partenaires que sont la mission locale, Pôle emploi et les associations, je constate que de nombreuses solutions leur sont proposées. Peut-être faudrait néanmoins veiller à limiter la multiplicité des offres, car les jeunes ont parfois du mal à s'y retrouver ; je pense par exemple à deux dispositifs très similaires que sont la garantie jeunes et l'AIJ, l'accompagnement intensif des jeunes, géré par Pôle emploi.
Ma question porte sur l'apprentissage. On l'a dit : en France, il fonctionne. Une impulsion lui a été donnée en 2018 par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et les résultats sont là. Il existe cependant, me semble-t-il, un secteur dans lequel nous pourrions et devrions peut-être renforcer l'effort concernant les formations par l'apprentissage : le secteur médico-social, sur lequel plusieurs députés de la majorité se penchent. Dans ce secteur, certains métiers connaissent des crises de vocation et des établissements de santé – EHPAD, établissements de soins de suite et de rééducation, services de gériatrie – peinent à attirer et à recruter du personnel. Or il existe des formations qualifiantes, d'aide-soignante comme d'infirmière, qui sont onéreuses et parfois longues, et qui mériteraient peut-être le développement de cursus en apprentissage. Nous répondrions ainsi au besoin d'accompagnement dans la formation mais aussi, en parallèle, aux besoins de recrutement des établissements. Existe-t-il des projets en ce sens ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je concentrerai ma réponse sur l'apprentissage dans le secteur médico-social, un sujet sur lequel nous avons bien sûr travaillé avec mon collègue Olivier Véran. Vous l'avez dit : il peut être difficile pour des personnes actuellement en emploi, souhaitant progresser et reprendre des études, de le faire autrement que par l'apprentissage. Compte tenu de la tension qui existe dans certains métiers, il est également difficile de se passer de la compétence des personnes qui travaillent déjà dans les établissements. C'est pourquoi nous tâchons de favoriser la progression dans les études à travers l'apprentissage, dans le secteur médico-social. Ce travail doit bien sûr être mené conjointement avec les régions, car ce sont elles qui pilotent les formations sanitaires et sociales. Quoi qu'il en soit, la demande est croissante pour des cursus en apprentissage, que l'alternance entre pratique et théorie soit organisée quotidiennement, de façon hebdomadaire ou sur de longues périodes. Le sujet est ouvert, notamment dans le cadre du Ségur de la santé. Il complétera les dispositifs que nous avons déjà mis en place, qui permettent par exemple aux infirmières et infirmiers de poursuivre leurs études dans le cadre de masters spécialisés. La question, qui porte aussi sur la nature du contrat – de professionnalisation ou d'apprentissage – est à l'étude avec mon collègue de la santé.
M. le président. La dernière question est posée par Mme Delphine Bagarry, au titre des députés non inscrits.
Mme Delphine Bagarry. La vulnérabilité des jeunes s'est fortement accrue depuis le début de l'épidémie de covid-19. Cela fait un an qu'ils sont confrontés à la solitude, à l'instabilité financière ainsi qu'à un avenir incertain. La conséquence immédiate de cette épidémie a été l'adaptation : les jeunes ont dû s'adapter à l'isolement qui a réduit l'accès à l'éducation pour certains, a affecté la santé mentale pour d'autres, et surtout a conduit nombre d'entre eux à remettre en cause leur avenir. Pour redonner espoir à la jeunesse et pour la sécuriser, donnez-leur accès à la vaccination, favorisez la mise en place d'une aide financière accessible à tous et toutes, favorisez la réouverture des lieux éducatifs et culturels ! Les jeunes sont, avec les aînés, ceux qui sont le plus fragilisés par cette pandémie, et il est urgent que le lien social entre eux puisse se renouer.
Sur le plan pédagogique, la vaccination permettra un retour à un enseignement interactif et accessible à tous. Sur le plan social, la réouverture des universités, des centres de formation et des lieux culturels et d'activités sportives permettra la reprise d'activités collectives et interactives, salvatrices pour tous. Enfin, sur le plan financier, la mise en place d'une allocation d'émancipation pour les jeunes permettra d'apporter de la stabilité et de la sécurité face à la précarité grandissante.
La jeunesse est un temps de rencontres, de partage et de découverte. La construction et l'émancipation personnelles dépendent de ces quelques années, elles se fondent sur l'altérité, sur les confrontations comme sur les communions. Le temps de la jeunesse est court, intense et irréversible. Il ne revient pas : une jeunesse confinée est une jeunesse perdue, une jeunesse gâchée.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, quand allez-vous mettre au point une stratégie de déconfinement de la jeunesse ? Quand allez-vous autoriser la vaccination des jeunes ? Quand allez-vous mettre en place une aide financière accessible à l'ensemble de la jeunesse ? Et si on demandait aux jeunes de nous faire part de leur avis au moyen d'une large concertation, qui pourrait éventuellement prendre la forme d'une convention ? Écoutons-les, redonnons-leur confiance en l'avenir ! Quand pourrons-nous enfin leur redonner une vie, leur redonner la vie ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. La vie est toujours là, c'est pourquoi nous refusons la notion de génération sacrifiée : cette génération n'est pas morte, elle est debout, elle s'engage, elle crée, elle est solidaire. Si le plan vaccinal vise avant tout à protéger ceux qui meurent en premier, le Président de la République a dit que, d'ici l'été, tous les jeunes et tous les majeurs qui le souhaitent seront vaccinés.
L'élan dont vous parlez se construit en faisant confiance aux jeunes, en mettant en lumière les chemins qu'ils peuvent emprunter, mais aussi en provoquant ces rencontres qui sont si rares. Lundi dernier, sous l'impulsion du Président de la République et grâce au travail effectué conjointement par Frédérique Vidal, Élisabeth Borne, Jean-Michel Blanquer et moi-même, nous avons lancé le plan « Un jeune, un mentor ». Quel est le rapport entre ce plan et la situation sanitaire, me direz-vous ? C'est tout simplement l'élan qui permet à un jeune de se projeter, de croire en l'avenir, de ne pas se laisser aller à l'autocensure, à laquelle il est plus facile de céder en raison de l'isolement résultant de la crise sanitaire. Face à cela, nous répondons par l'humain.
Pour ce qui est de l'aspect financier, nous assumons le fait qu'à une diversité de situations et de difficultés doit répondre une diversité de réponses complémentaires. Frédérique Vidal et moi-même partageons une obsession permanente, celle qu'aucun jeune, étudiant ou non, boursier ou non, ne connaisse une rupture de parcours. C'est pourquoi, par exemple, le montant de la bourse peut être revu si la situation des parents évolue. Ce qui justifie que l'on porte un regard personnalisé sur chacun de nos jeunes, c'est que la crise ne les a pas tous percutés de la même manière.
L'élan dont je vous parle va se faire sentir, au cours des semaines qui viennent, dans cette solidarité réelle, vécue, mais aussi et surtout dans l'énergie que nous allons continuer à mettre dans les réponses apportées à l'ensemble des jeunes. Ces réponses sont évidemment financières et sociales, mais elles résident aussi dans l'espoir, dans l'élan, dans le moral que nous saurons insuffler à la jeunesse pour l'accompagner. (Mme Maud Petit applaudit.)
M. le président. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 4 mars 2021