Interview de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, à RFI le 26 juillet 2021, sur le projet de loi qui prévoit l'obligation vaccinale pour les soignants et d'autres professions, et l'extension du passe sanitaire.

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Intervenant(s) : 
  • Sarah El Haïry - Secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

NATHALIE AMAR
Et on retrouve à présent votre invitée, Frédéric RIVIERE, vous recevez Sarah El HAÏRY, la secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et de l'Engagement.

FRÉDÉRIC RIVIERE
Bonjour Sarah El HAÏRY.

SARAH EL HAÏRY
Bonjour.

FRÉDÉRIC RIVIERE
Le Parlement a adopté définitivement cette nuit le projet de loi qui prévoit l'obligation vaccinale pour les soignants et un certain nombre d'autres professions, ainsi que l'extension du Pass sanitaire. Un compromis a donc été trouvé entre la majorité présidentielle de l'Assemblée nationale et la droite qui domine le Sénat. La version finale du texte vous parait-elle satisfaisante et peut-être en particulier pour les jeunes qui sont au cœur de votre mission ?

SARAH EL HAÏRY
Très sincèrement oui. Moi je me félicite de cet accord, au-delà des évolutions de mesures, ce qui était absolument important…

FREDERIC RIVIERE
Qui sont assez nombreuses, il faut le dire.

SARAH EL HAÏRY
Oui, elles sont nombreuses, et ça veut dire que le travail a été intense. Vous savez, avant de rejoindre le Gouvernement il y a un an, aujourd'hui jour pour jour, j'étais députée. J'étais députée, donc je siégeais à l'Assemblée nationale, et sur des textes aussi importants que l'élargissement du Pass sanitaire, que des ordonnances sanitaires, on ne peut pas, par chicaneries politiques, créer la fracture ou la fragmentation. Et là, parce qu'il y a un accord qui a été trouvé entre le Sénat et l'Assemblée nationale, eh bien les évolutions elles touchent les jeunes, d'abord, avec l'extension par exemple jusqu'au 30 septembre du Pass, pour les 12-17 ans…

FREDERIC RIVIERE
Oui, c'est-à-dire que la mise en effet de cette mesure se fera en septembre.

SARAH EL HAÏRY
Est décalée, tout à fait. On a également un certain nombre d'évolutions, comme le contrôle du fait de s'isoler quand on a été contaminé positif, en passant par les Forces de l'ordre, je… à la place des Forces de l'ordre, c'est maintenant la Caisse nationale d'Assurance maladie. Et au-delà de ça, le fait de maintenir quand même le Pass sanitaire sur les terrasses, enfin, moi ce que je vois, c'est que la représentation nationale, qui représente en réalité le peuple français, a trouvé les voies et moyens, pour surtout ne pas se tromper d'ennemi, notre seul et unique ennemi reste le virus.

FREDERIC RIVIERE
Mais, puisque vous avez parlé des terrasses, le Sénat souhaitait, dans les propositions qui avaient été faites, souhaitait limiter le Pass sanitaire aux lieux intérieurs confinés, donc il n'y en aurait pas eu besoin pour accéder aux terrasses. Compte tenu de ce que l'on sait et de ce que l'on nous répète quand même maintenant depuis de très longs mois, sur la transmission du virus en extérieur, est-ce que cette mesure n'était pas cohérente ?

SARAH EL HAÏRY
Vous savez, le fait de maintenir le Pass sanitaire pour les terrasses, c'est une mesure qui est nécessaire dans le sens où il y a une concentration de personnes dans le même lieu et dans le même espace. Effectivement…

FREDERIC RIVIERE
Ce n'est pas une mesure destinée plutôt à rendre un peu la vie moins marrante à ceux qui ne sont pas vaccinés et de leur dire : allez vous faire vacciner, si vous pouvez continuer… si vous voulez continuer à profiter des petits plaisirs de la vie ?

SARAH EL HAÏRY
Alors, vous savez, je crois que les libertés engagent des responsabilités, et il faut être extrêmement clair avec ça. Choisir, choisir sa vie, choisir le de se faire vacciner ou pas, c'est décider. Et de fait, c'est aussi décider si on choisit les loisirs, le fait d'aller au cinéma, d'aller au restaurant, ou de ne pas le faire, et à ce moment-là de ne pas se faire vacciner. Mais il ne faut pas se tromper. Ce n'est pas l'un et l'autre. Aujourd'hui, la responsabilité du Gouvernement, la responsabilité de notre pays, ce que font les soignants, c'est d'abord et avant tout lutter contre ce virus et ses conséquences. Donc, la liberté de se faire vacciner ou pas, reste évidemment pour chaque Français, c'est le choix qui a été fait par le président de la République, mais la liberté c'est aussi d'accepter, un moment, si on choisit de ne pas faire vacciner, eh bien de voir ses loisirs restreints.

FREDERIC RIVIERE
Mais, Emmanuel MACRON, vous reprenez en quelque sorte ses termes, a dit hier : ça n'est pas la liberté de ne pas se faire vacciner, c'est l'irresponsabilité, c'est l'égoïsme, vous trouvez que c'est le rôle du président de la République de dire ça ? Il ne devrait pas chercher peut-être à être plutôt un peu dans l'apaisement, plutôt que peut-être d'ostraciser des gens qui sont sceptiques ou récalcitrants, pour des raisons variées, mais que peut-être là il risque de radicaliser au lieu de les ramener éventuellement vers la vaccination ?

SARAH EL HAÏRY
Vous savez, moi ce que je vois, c'est plusieurs millions de Français qui vont vers les centres de vaccination, et d'ailleurs des très jeunes en fait, des très jeunes, ceux qui avaient entre 18 et 35 ans et qui doutaient il y a à peine quelques mois. Moi, ce que je vois, c'est des pays entiers qui cherchent le [vaccin contre le] virus. Et à peine il y a quelques semaines ce ça, et quelques mois, on rêvait tous de retrouver une vie normale. Et en fait on rêvait de quoi ? On rêvait de vaccins. Aujourd'hui, qu'il y ait plusieurs millions de personnes qui ne souhaitent pas se…

FREDERIC RIVIERE
Peut-être qu'on rêvait plus de la disparition du virus que du vaccin, si je peux me permettre.

SARAH EL HAÏRY
Avec en tout cas une arme pour lutter contre, je vous l'accorde, mais quelque chose d'utile, qui fonctionne, pour sortir…

FREDERIC RIVIERE
Oui oui oui, en tout cas retrouver la vie normale, ça il n'y a pas de doute !

SARAH EL HAÏRY
Et aujourd'hui, la seule voie que l'on a trouvée réellement pour sortir le plus vite possible de cette période et de cette crise sanitaire, c'est le vaccin. Maintenant, est-ce que oui ou non il faut dire les choses, je crois que cette 4ème vague, est la vague de ceux qui ne souhaitent pas se faire vacciner, et pas, comme on a pu l'entendre ici ou là, la vague des jeunes, ce n'est pas vrai. Aujourd'hui il y a un mouvement très large de vaccination chez les jeunes, une volonté de, et ceux qui doutent, moi je le comprends, mais je les appelle à discuter, d'aller dans les centres de vaccination, discuter avec ceux qui se sont fait vacciner, ou plus largement, plus largement juste avec les médecins.

FREDERIC RIVIERE
Est-ce qu'on peut s'interroger sur la cohérence qu'il y a à imposer un Pass sanitaire aux jeunes dans leur vie quotidienne, par exemple donc à partir du 1er octobre finalement, pour aller voire un verre sur une terrasse, alors qu'il n'y aura pas de Pass sanitaire dans les établissements scolaires, où quand même il y a beaucoup de monde, et ça brasse ?

SARAH EL HAÏRY
Alors, le Pass sanitaire au sein des établissements scolaires n'est pas prévu, et pour une raison toute simple, c'est que les protocoles que nous avons [conçus] avec Jean-Michel BLANQUER, et qui ont évolué étape par étape, ils sont hyper restrictifs en réalité. Il y a très peu de brassage, ni dans les cantines, ni dans les salles de classe. Les salles de classe sont très largement aérées, les élèves restent assis, donc ce n'est pas des espaces comme les autres, et d'autant plus que nous avons cette fierté, cette fierté française, d'avoir permis l'éducation pour tous, d'avoir gardé nos écoles ouvertes, parce qu'on ne peut pas laisser les inégalités se creuser, des inégalités d'accès à l'éducation, c'est pour ça que les écoles aujourd'hui ne sont pas imposées par le Pass sanitaire.

FREDERIC RIVIERE
Vous avez transmis il y a quelques jours une note au président de la République sur l'abstention chez les jeunes, l'abstention a atteint des sommets lors des récentes élections régionales, un peu plus de 65 % au plan général, et environ 85 % chez les 18-34 ans. Pour comprendre et tenter d'apporter des réponses, vous avez organisé il y a quelques jours un colloque avec des chercheurs, des représentants de la jeunesse syndicale, politique et associative, qu'est-ce qu'il est sorti de ce travail ?

SARAH EL HAÏRY
Une volonté collective d'un sursaut, d'un sursaut républicain, d'un sursaut démocratique. Et pour être très concise, mais pour aller droit au but, le fait de se retrouver autour de la table, avec plusieurs mouvements politiques, allant des jeunes de la France insoumise jusqu'aux jeunes macroniens, en passant par les démocrates, les centristes, plus largement les socialistes, c'est de se dire que non, l'abstention n'est pas condamnée à la vivre, à la subir, année après année…

FREDERIC RIVIERE
Ça n'est pas une fatalité.

SARAH EL HAÏRY
Absolument pas. Un, ce n'est pas une fatalité, deux, les réponses pour lutter contre l'abstention des jeunes doivent être collectives, un peu comme le vote de ce Pass sanitaire, c'est général, et il faut essayer. Alors, plusieurs choses sont sorties de là, des mesures à très court terme…

FREDERIC RIVIERE
Qu'est-ce que vous avez préconisé par exemple, dans votre note au président de la République ?

SARAH EL HAÏRY
Alors, il y a trois grands pôles. D'abord lutter contre cette phrase « ça ne sert à rien », et donc c'est comment plus d'actions directes, plus d'évolution, la comptabilisation du vote blanc, la question du vote à 16 ans, est-ce qu'on l'ouvre, est-ce qu'on ne l'ouvre pas, est-ce qu'on en débat, la question de la proportionnelle bien sûr, comment moderniser notre manière de voter, le vote électronique, le vote à distance, comment permettre aux jeunes, sur les campus, de faire des procurations, s'inscrire sur listes électorales, comment retrouver son bureau de vote, comment moderniser la propagande électorale ? J'ai envie de vous dire, ces jeunes ils ne manquaient pas d'idées, et en plus il y avait des consensus qui en ressortaient.

FREDERIC RIVIERE
Oui mais ça n'est pas tant les modalités de vote que finalement la façon de susciter leur intérêt, qu'il faudrait améliorer.

SARAH EL HAÏRY
Alors, en réalité il y a trois points, l'intérêt, vous avez raison, les modalités de vote, c'était le deuxième point, et le troisième c'était quand même un parcours de citoyenneté, et avec Jean-Michel BLANQUER, dès le plus le jeune âge, en réalité dès les éco-délégués, la démocratie scolaire, il faut renforcer l'éducation morale et civique, c'est-à-dire l'apprentissage de nos institutions, et c'est ce que nous faisons avec le ministre de l'Education nationale.

FREDERIC RIVIERE
La prise en compte du vote blanc c'est une très vieille revendication, vous pourriez, vous, la soutenir ?

SARAH EL HAÏRY
Moi je suis, et j'ai depuis longtemps été favorable effectivement à la comptabilisation du vote blanc, parce que je pense qu'il y a une vraie différence entre celui qui se déplace dans un bureau de vote et qui met un bulletin de vote nul, blanc…

FREDERIC RIVIERE
Qui signifie qu'il ne se reconnaît en personne.

SARAH EL HAÏRY
Exactement, qu'il le signifie, et celui qui ne se déplace pas du tout.

FREDERIC RIVIERE
Merci Sarah El HAIRY, bonne journée.

SARAH EL HAÏRY
Merci. Bonne journée.

NATHALIE AMAR
La secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education, chargée de la Jeunesse et de l'Engagement, Sarah El HAÏRY.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2021