Texte intégral
M. le président.
Nous en avons terminé avec les interventions des porte-parole des groupes. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration sont placés au service d'une politique migratoire que nous voulons maîtrisée et équilibrée. Cet équilibre repose à la fois sur l'humanité et sur la clarté : l'humanité dans l'accueil et l'intégration des réfugiés et des étrangers admis à séjourner en France ; mais aussi la clarté vis-à-vis de ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire national, qui s'y maintiennent sans droit ni titre ou qui, condamnés, se montrent indignes de la confiance que la République avait placée en eux en les accueillant.
Parce que les questions d'immigration, d'asile et d'intégration constituent une des priorités du ministère de l'intérieur, le projet de loi de finances pour 2022 autorise une augmentation des crédits de 58,4 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiales pour 2021. Ces crédits sont complétés par 16 millions d'euros en crédits de paiement au titre du plan de relance, portant les crédits pour 2022 à 1,92 milliard d'euros, en hausse de près de 4% par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Cet effort budgétaire important vise à nous donner les moyens d'agir plus et mieux à travers les deux programmes de la mission : Immigration et asile – programme 303 – et Intégration et accès à la nationalité française – programme 104.
Le programme Immigration et asile , tout d'abord, illustre la volonté résolue du Gouvernement de mieux accueillir mais aussi de mieux lutter contre l'immigration irrégulière. L'investissement immobilier dans les CRA témoigne de la volonté résolue du Gouvernement d'éloigner les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire national. Ce sont 143,9 millions d'euros qui sont inscrits au PLF pour 2022, soit une hausse de 12,5%, principalement pour l'investissement des CRA et les coûts de fonctionnement liés à l'ouverture de nouvelles places de CRA. L'armement des CRA existants et futurs pourra en outre être réduit grâce à l'externalisation des fonctions dites non régaliennes exercées jusqu'à aujourd'hui par les fonctionnaires actifs au sein des CRA. À ce stade, il est prévu d'externaliser la conduite de véhicule pour escortes, la gestion des visiteurs, le gardiennage des abords, la sécurité incendie et la bagagerie. Cela permettra à terme, soit après 2023, un gain d'effectifs de l'ordre de 140 policiers.
S'agissant de notre volonté de mieux accueillir, les principales dépenses de ce programme portent sur l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile. Cela se traduit par une hausse significative du budget consacré à l'ADA, avec 18,2 millions supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, ce qui porte le budget à 473 millions d'euros. Cette augmentation illustre l'effort de la nation pour l'accueil des demandeurs d'asile et la sincérité de cette construction budgétaire. En 2019, en effet, l'OFPRA a reçu plus de 132 800 demandes, chiffre qui fait de notre pays le deuxième pays d'accueil en Europe, juste derrière l'Allemagne. La réduction conjoncturelle de la demande d'asile en 2020, en recul de 27 % dans le contexte de la crise sanitaire, ne remet pas en cause cette dynamique, a fortiori compte tenu de l'évolution de la situation politique en Afghanistan, que chacun connaît, et des effets économiques de la crise sanitaire dans les pays du Sud.
Cet effort budgétaire se traduit également par une progression du parc d'hébergement, qui pourrait être de 5 700 places en 2022 si l'évolution des dépenses d'allocation aux demandeurs d'asile, dont le niveau demeure soumis à des aléas, n'excède pas les prévisions. Le parc d'hébergement pour demandeurs d'asile et réfugiés atteindrait ainsi 118 087 places et se composerait de la manière suivante : 6 341 places en CAES, soit 1 500 places de plus ; 50 032 places en CADA, soit 3 400 places de plus ; 51 796 places d'hébergement d'urgence, un chiffre stable par rapport à 2021 ; enfin 9 968 places en CPH, soit 800 places de plus.
Je voudrais également mentionner l'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile, qui constituait depuis longtemps une priorité de l'action du ministère de l'intérieur, et pour laquelle nous observons une tendance encourageante. L'OFPRA a ainsi ramené le nombre de dossiers en cours d'instruction de 88 000 en octobre 2020 à 53 000 en septembre 2021.
Cette amélioration permet non seulement d'accueillir dignement ceux qui ont droit au statut de réfugié et donc à la protection de la France mais aussi, a contrario , de répondre rapidement à celles et ceux qui n'ont pas vocation à rester sur notre territoire. Elle aura un impact sur le montant de l'ADA mais également sur la fluidité du parc d'hébergement. Je veux signaler au passage que, au titre du PLF pour 2022, la subvention accordée à l'OFPRA s'élève à 93,2 millions d'euros, soit une hausse de 0,4 million.
Par ailleurs, comme cela a été mentionné précédemment et comme j'avais eu l'occasion de l'annoncer lors de l'examen du texte en commission, le ministère de l'intérieur a créé, sur proposition des députées Annie Chapelier et Stella Dupont, une plateforme de parrainage citoyen des réfugiés, qui permet à chaque citoyen qui le souhaite et qui s'est manifesté en ce sens d'accompagner l'intégration de réfugiés afghans en France. Je remercie ceux qui se sont déjà engagés dans ce parcours.
S'agissant du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française , le Gouvernement a engagé depuis 2018, à la demande du Président de la République, une refonte de la politique d'intégration. Il se donne les moyens de mener une politique ambitieuse à travers l'ensemble des mesures arrêtées en 2018 et en 2019 par le comité interministériel sur l'immigration et l'intégration, grâce à un budget dédié, qui se maintient à un haut niveau et progresse de près de 2% pour s'établir à 438,7 millions d'euros dans le PLF pour 2022. Parmi les actions prioritaires figurent la maîtrise de la langue française, la formation civique pour le partage des valeurs de la République, l'accès à l'emploi ou encore la prise en charge de certaines situations particulières, notamment celle des réfugiés. Ces actions sont assurées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ainsi que par des porteurs de projet et des opérateurs. Je tiens d'ailleurs à saluer les associations et les personnes engagées tous les jours sur le terrain.
Les effectifs de l'OFII augmenteront de dix-neuf ETP par rapport à 2021, pour s'établir à 1 187 ETP, tandis que le budget octroyé pour son fonctionnement connaîtra une hausse de 7,8 millions d'euros. Si l'on y ajoute les 11 millions d'euros de crédits d'intervention – montant identique à celui de 2021 –, les crédits de l'OFII seront ainsi portés à 256,8 millions d'euros au titre du PLF pour 2022.
Je remercie les orateurs qui ont mentionné la naturalisation des 12 000 travailleurs engagés en première ligne durant l'épidémie de covid-19. Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'intérieur et moi-même avons considéré que ces personnes de nationalité étrangère, qui ont travaillé comme caissier, agent de sécurité, agent de propreté, dans les commerces, ou encore dans les métiers du soin ou de la garde d'enfant pendant les périodes de confinement ont fait un pas vers la République.
M. Pierre Dharréville.
Seulement « un pas » ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.
Ils et elles sont plus de 12 000 à être désormais nos concitoyens et nos concitoyennes, de nationalité française, et je m'en réjouis.
S'agissant des actions d'intégration des étrangers en situation régulière, il me faut préciser que la hausse de 37% des crédits résulte d'un transfert des activités d'intégration des réfugiés de l'action 15 vers l'action 12, qui ne regroupait l'an dernier que les actions d'intégration des primo-arrivants. Cela explique, de manière symétrique, la baisse de 19% des actions d'accompagnement des réfugiés par rapport à la loi de finances initiale pour 2021 – pour ceux qui s'interrogeaient sur ce point.
Une des meilleures illustrations des actions d'intégration menées en faveur des réfugiés est le lancement du programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR). Sur la base de l'observation des programmes existants, comme le programme Hébergement orientation parcours vers l'emploi (HOPE), nous estimons qu'environ 8 000 réfugiés dans vingt-sept départements pourront, à partir de 2022, bénéficier de ce programme et des accompagnements afférents – le guichet unique départemental mandaté par l'État, l'accompagnement global individualisé pour aller vers l'emploi et une meilleure intégration, ou encore le contrat d'intégration républicaine. Ce programme, piloté dans un cadre interministériel, permettra de prendre en considération les différents volets de l'intégration et sera financé sur les crédits de la mission Immigration, asile et intégration par redéploiements et par adjonction de 2,6 millions d'euros.
Je termine en réaffirmant la volonté, partagée par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin et moi-même, de nous monter justes dans notre action en faveur de ceux qui rejoignent notre pays. Ce projet de loi de finances consacre la refonte des politiques d'immigration et d'intégration engagée depuis 2017, qui trouve ici une traduction budgétaire concrète et précise. Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration sont ainsi passés de 1,056 milliard d'euros en 2017 à près de 2 milliards dans le PLF pour 2022, ce qui permettra la mise en oeuvre ambitieuse des réformes que je viens de présenter. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions comme des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra Motin.
Quand une personne qui cherche refuge en France, parce qu'elle n'a pas d'autre solution que de fuir son pays pour sauver sa vie, elle arrive quelque part – dans une région, un département, une ville. C'est là où elle trouve refuge, là où s'arrête son long trajet, que la République doit l'aider à se reconstruire.
Voter des lois pour garantir des droits et prendre des directives depuis Paris, c'est utile, voire nécessaire, mais cela ne suffit pas. Les services de l'État, en particulier les préfectures, assurent un travail de terrain important mais, seuls, ils ne peuvent pas tout. Pour être au plus près des territoires et des besoins des réfugiés, dont les droits doivent être réels et non théoriques, des contrats territoriaux d'accueil et d'intégration des réfugiés (CTAIR) ont été proposés aux collectivités pour coconstruire des solutions et débloquer un financement fléché vers les acteurs locaux. À ce jour, une douzaine de métropoles se sont engagées dans cette démarche, dont trois dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, mais d'autres y travaillent.
Mais pour mieux accueillir les réfugiés partout sur le territoire, les collectivités doivent s'engager davantage encore. Quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour les impliquer davantage dans l'intégration des étrangers dans les territoires ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.
Je partage pleinement votre constat : nous avons besoin d'un engagement conjoint des services de l'État et des collectivités pour accueillir au mieux les réfugiés. Je tiens d'abord à remercier et à saluer les maires et les collectivités qui se sont engagés, parfois discrètement, mais toujours efficacement, pour mieux accueillir les réfugiés, notamment à l'occasion de la crise afghane.
Nous avons effectivement déployé des CTAIR, qui peuvent également prendre la forme de CTAI, des contrats territoriaux d'accueil et d'intégration des primo-arrivants. Quatorze ont été signés à ce jour, le dernier en date l'ayant été avec Édouard Philippe, maire du Havre et ancien premier ministre, qui s'est ainsi engagé pour mieux accueillir encore les réfugiés. Ces contrats sont systématiquement financés par des crédits de l'État. Dans l'exemple que j'ai cité, ce dernier consacrera ainsi 150 000 euros à soutenir l'action de la collectivité. Cette dernière, quant à elle, s'engage soit sur des éléments très concrets, parfois matériels – accompagnement vers l'emploi, priorisation de l'accès à des places en crèche, accompagnement à l'école –, soit en encourageant les réfugiés à participer à la vie de la commune.
Nul mieux que les élus et les associations locales ne connaît en effet les activités, les matchs de football, les kermesses, les fêtes locales auxquels les réfugiés peuvent participer pour être inclus dans la vie locale. Inclure les réfugiés, ce n'est pas seulement ne pas les exclure : c'est aussi leur tendre la main, les accompagner et les inviter à se joindre à nous et à s'asseoir à la table.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet.
M. Jean-Claude Bouchet.
Ma question était destinée à M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur.
Madame la ministre déléguée, les chiffres de l'immigration repartent à la hausse. L'immigration irrégulière fragilise la société. Vous venez d'assurer que la politique migratoire constituait la priorité du Gouvernement. Pourtant, les mesures présentées dans la mission Immigration, asile et intégration du projet de loi de finances ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux qu'implique la question migratoire. Vous le savez, la pression migratoire ne cesse d'augmenter en Méditerranée : les arrivées irrégulières en Europe ont connu une augmentation de 83% en 2020. Cette situation se répercute sur la France.
Face à cette pression, les mécanismes de régulation et d'octroi de l'asile sont totalement dépassés. Certes, le budget présenté affiche une hausse par rapport aux années précédentes, mais les défis dépassent ces moyens et la réponse du Gouvernement a montré son inefficacité. En septembre 2021, la France a reçu 12 000 demandes d'asile. Il est évident qu'avec les moyens actuels, l'objectif de soixante jours de délai moyen de traitement d'un dossier que le Gouvernement s'était fixé est largement dépassé : ce délai atteint 150 jours. En plus de cet engorgement, les mesures d'éloignement, comme les obligations de quitter le territoire français, ne sont que très rarement appliquées : seuls 13% d'entre elles le furent en 2019.
La politique migratoire, pourtant une priorité affichée du Gouvernement, est un échec. Face à cette situation alarmante, les crédits de la mission prévoient la construction de 4 800 places d'hébergement pour les demandeurs d'asile. Ces places sont nécessaires. Mais comment prétendre assurer la prise en charge des demandeurs d'asile sans traiter les causes profondes du problème, notamment le défaut d'application des mesures d'éloignement et les délais toujours interminables de traitement des demandes ? Il faut aussi que les frontières soient mieux contrôlées et que les rejets des demandes soient suivis d'expulsion, sans quoi ces mesures resteront insuffisantes.
L'échec de la lutte contre l'immigration irrégulière n'est pas uniquement politique ou comptable : il pèse sur la vie des Français au quotidien. Le Gouvernement a-t-il véritablement l'ambition de mener une politique migratoire efficace sur le terrain ? Quand comptez-vous la mettre en oeuvre ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.
Vous me demandez si le Gouvernement a la volonté d'appliquer une politique ambitieuse. La réponse, à l'évidence, est oui ! J'ai, dans mon propos, détaillé le projet de budget que nous avons élaboré en ce sens et présenté la volonté que le ministre de l'intérieur et moi-même partageons.
Il me semble d'abord, important de distinguer entre deux types de situations – ce que nous avons d'ailleurs clairement fait dans le projet de budget, sur la base d'un postulat presque philosophique, dirai-je. D'une part, il est des personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire français. Vous avez raison quand vous dites qu'elles doivent être reconduites à la frontière et que les OQTF doivent être exécutées. C'est le sens du travail que mène le ministre de l'intérieur, y compris sur le front diplomatique, en engageant parfois un rapport de force avec les pays qui refusent de délivrer des laissez-passer consulaires. Cette situation, vous le savez très bien, perdure depuis longtemps. Pour la première fois, la France a pris une action forte afin que les OQTF soient appliquées et que les laissez-passer consulaires soient délivrés.
D'autre part, certaines personnes ont vocation à obtenir le statut de réfugié : celles qui vivent dans des pays en guerre ou sont persécutées dans leur pays d'origine, des petites filles menacées d'excision, des personnes LGBT+ menacées de mort, ou encore des réfugiés politiques…
M. Fabien Di Filippo.
Ce n'est pas la majorité des cas !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.
…que la France a vocation à accueillir, car elle est aussi le pays des droits de l'homme. C'est pourquoi nous avons alloué des crédits importants à l'OFPRA, afin d'appliquer la réduction des délais de réponse aux demandeurs d'asile adoptée par la représentation nationale en 2018.
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 2 novembre 2021