Déclaration de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, sur le projet de loi de finances pour 2022, à l'Assemblée nationale le 4 novembre 2021.

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Circonstance : Projet de loi de finances pour 2022 "Santé ; Solidarité, insertion et égalité des chances", à l'Assemblée nationale le 4 novembre 2021

Texte intégral

M. le président.
Nous en avons terminé avec les porte-parole des groupes.
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
Parler des missions Santé et Solidarité, insertion et égalité des chances , c'est parler des ambitions que nous avons pour une protection sociale et un système de santé qui ont prouvé, ces derniers mois, combien ils étaient précieux – si jamais cela était nécessaire. L'État social s'est révélé présent à chaque étape de la crise sanitaire en répondant aux détresses immédiates, mais aussi en préparant mieux notre pays aux défis de demain. Les investissements sans précédent du Ségur de la santé se déploient désormais dans tous les territoires.

Permettez-moi d'entrer immédiatement dans le vif du sujet en vous présentant le projet de budget de chaque mission. La mission Santé se compose de deux programmes très largement mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie nationale de santé, qui donne la priorité à la prévention, à la qualité et à la pertinence des soins, à l'égal accès aux soins sur le territoire et à l'innovation.

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins vise à améliorer l'état de santé général de la population dans un souci de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, à travers plusieurs plans et programmes de santé. Il permet également de nombreux partenariats associatifs, qui déclinent la politique « d'aller vers » dans les secteurs de la santé sexuelle, de la lutte contre les addictions et des maladies chroniques. Le programme 204 soutient ainsi la stratégie décennale de lutte contre le cancer annoncée par le Président de la République au début de l'année et prévoit notamment une subvention de plus de 40 millions d'euros pour l'Institut national du cancer.

La sécurité sanitaire est également un champ important de ce programme, qui, depuis mars 2020, intègre la gestion d'une partie des dépenses liées à la lutte contre l'épidémie de covid-19 – je pense notamment à des abondements de Santé publique France pour financer l'achat de matériel, la fourniture de masques aux personnes précaires ou le déploiement de systèmes d'information.

Le programme 183 Protection maladie assure, en complément des politiques de sécurité sociale, la protection face à la maladie dans des situations relevant de la solidarité nationale. Il vise essentiellement à financer l'aide médicale de l'État, qui n'est certainement pas la panacée, mais qui vise un double objectif humanitaire et sanitaire. Au-delà de ma conception de la solidarité – je sais qu'elle est largement partagée –, selon laquelle tout malade, quelle que soit sa nationalité ou sa situation administrative, doit être soigné, la crise sanitaire a démontré que notre santé collective dépendait de la santé des plus faibles d'entre nous. C'est l'honneur de notre pays que d'aider ceux qui souffrent sur son territoire, mais il y va aussi de la santé publique. C'est la raison pour laquelle nous continuerons, en 2022, de financer l'AME en tant que de besoin.

Nous avons néanmoins un impératif de responsabilité et nous devons lutter contre les fraudes et les éventuels dévoiements de ce dispositif. Les doubles contrôles que nous avons menés en 2020 et en 2021, comme nous nous y étions engagés, ont conclu à une anomalie des dossiers dans 1,3 % des cas – 1,3 % ! – et à une dissimulation de visas – sujet dont on parle sans arrêt dans cet hémicycle – dans 0,35 % des cas. Les phénomènes de fraude sont donc limités, mais les mesures que nous avons prises ont une utilité. Elles ne constituent d'ailleurs pas des freins à l'accès aux droits compte tenu des données dont nous disposons sur le nombre de bénéficiaires de l'AME.

La mission Solidarité, insertion et égalité des chances regroupe, pour sa part, des programmes relevant de plusieurs ministères. En matière de solidarité, la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté se déploie dans tous les territoires avec des mesures emblématiques comme les petits déjeuners gratuits à l'école – qui se développent à une vitesse phénoménale après avoir pâti de la crise sanitaire, ce qui est compréhensible –, le repas de la cantine à moins de 1 euro – qui remporte un grand succès auprès des maires – ou le déploiement des points conseil budget – dont le rôle a récemment été mis en lumière par le rapport sur le surendettement du député Philippe Chassaing.

La lutte contre les inégalités de destin et l'assignation à résidence a également justifié le choix d'expérimenter la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis, en partenariat avec les collectivités territoriales, ce qui est important.

Parler de solidarité aujourd'hui, c'est aussi faire le constat que la crise sociale que chacun redoutait a été évitée. Les données publiées hier par l'INSEE concluent à la stabilité, voire à la légère diminution, de la pauvreté en 2020, après une réduction en 2019. L'année 2020 a pourtant été marquée par la crise sanitaire et nombreux sont ceux qui prédisaient 1 million supplémentaire de pauvres. De toute évidence, les mesures que nous avons prises, en particulier les aides exceptionnelles de solidarité du printemps et de l'automne 2020, ont notablement contribué à lutter contre la pauvreté. Sans ces mesures, celle-ci aurait augmenté de 0,5 point.

Vous êtes un grand nombre à avoir soutenu ces mesures de solidarité lors de l'adoption des lois de finances rectificatives pour 2020, et vous pouvez en être fiers. Vous avez désormais la certitude que ces mesures étaient efficaces.

Je veux, pour terminer, souligner que des effectifs de crise seront maintenus en 2022, que ce soit dans l'administration centrale, à hauteur de 116 équivalents temps plein (ETP), ou dans les ARS, dans le cadre du Ségur de la santé, à hauteur de 167 ETP. Des emplois seront également créés dans d'autres administrations de la santé lorsqu'ils sont absolument nécessaires au développement et à la transformation de l'activité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

M. le président.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
J'ai le plaisir de vous présenter le dernier budget du quinquennat consacré au handicap et à l'égalité entre les femmes et les hommes, dont nous pouvons à nouveau être collectivement fiers.

Le programme 157 de la mission Solidarités, insertion et égalité des chances finance les actions engagées pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées en perte d'autonomie. Il est doté en 2022 de 13,2 milliards d'euros, en progression de 4,5 %.

Ce budget met l'accent sur trois grands axes transformateurs : le plan de transformation des établissements et services d'aides par le travail, la lutte contre la maltraitance et, bien sûr, la réforme du mode de calcul de l'allocation aux adultes handicapés.

Dans ce PLF, les crédits consacrés à l'AAH augmentent de 563 millions d'euros. Cette hausse est liée à la dynamique démographique de ce minimum social, qui touche plus de 1 million de personnes, mais également à sa revalorisation exceptionnelle à 904 euros réalisée depuis 2018, soit 100 euros supplémentaires par mois et 2 milliards d'euros d'investissement.

Mais cette hausse en 2022 témoigne surtout de l'engagement fort que j'avais pris devant l'Assemblée nationale en juin dernier, s'agissant de la réforme du calcul de l'AAH, maintenant beaucoup plus redistributif, juste et équitable. Il permet aux personnes inactives dont le conjoint est au SMIC de percevoir une AAH à taux plein. Au total, 120 000 foyers vont bénéficier d'une hausse moyenne de 110 euros par mois, pour un coût estimé à 185 millions d'euros. Et nous nous en assurerons : cette réforme ne fera aucun perdant. C'était ma volonté en travaillant sur ce nouveau fonctionnement de l'AAH, et c'est un engagement fort.

Permettez-moi de vous en donner deux exemples concrets. Prenons le cas de Pascal, qui, en situation de handicap, ne travaille pas. Il est en couple avec Jeanne, qui touche un salaire de 2 500 euros par mois. Ils ont deux enfants. Avec le système actuel, Pascal touche 739 euros d'AAH par mois. Avec la mise en place de l'abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint, l'AAH de Pascal sera de 888 euros, soit 149 euros de plus par mois.

Mme Cendra Motin.
Voilà !

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.
Envisageons à présent une situation dans laquelle la personne en situation de handicap travaille. Car, dans 30 % des couples, c'est la personne en situation de handicap qui travaille et qui, dans certains cas, assume financièrement le foyer. Prenons l'exemple de Chloé. Elle travaille à mi-temps dans la fabrication de confitures et touche 800 euros par mois. Elle est en couple avec Thomas, caissier, qui a un salaire de 1 200 euros par mois. Avec le système actuel, l'AAH de Chloé est de 439 euros par mois. Avec le nouveau mode de calcul, son AAH sera de 640 euros. Ce sont 200 euros par mois en plus pour le foyer.

C'est une mesure de justice sociale, c'est une mesure pour le pouvoir d'achat des personnes, qu'elles aient des enfants ou non, car nous adaptons bien sûr le calcul pour les couples et personnes avec enfants. C'est une mesure qui protège et encourage les personnes en situation de handicap qui travaillent. C'est résolument une mesure d'émancipation pour les femmes et les hommes en situation de handicap.

En ce sens, je souhaite dire quelques mots de la réforme des ESAT prévue dans ce PLF, parce que l'activité professionnelle est au coeur des demandes des personnes en situation de handicap et de notre projet de société d'émancipation des personnes. Nous apportons ainsi plus de sécurité et de fluidité dans les parcours, notamment pour les travailleurs qui ont intégré le milieu ordinaire mais dont le contrat de travail a été rompu.

Cela m'amène à la présentation du programme 137, qui finance les actions engagées en faveur de la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes, érigée au rang de grande cause nationale pour le quinquennat. Le budget alloué au ministère de l'égalité entre les femmes et les hommes a augmenté de 40 % en 2021 et augmentera de 25 % en 2022.

Cette hausse de 9,1 millions d'euros pour 2022 concerne trois axes prioritaires : la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ; l'égalité économique entre les femmes et les hommes ; l'accès aux droits et la diffusion de la culture de l'égalité. Ces crédits seront consacrés à la montée en puissance des mesures issues, notamment, du Grenelle.

Nous allons étendre les horaires d'appel du 3919. Nous renforçons également la structuration du réseau de lieux d'écoute, d'accompagnement et d'orientation ainsi que des accueils de jour. Cela passe par une augmentation inédite des places d'hébergement dédiées aux victimes de violences : 60 % de places en plus depuis 2017, soit 7 800 places disponibles d'ici à la fin de 2021 et une revalorisation de 30 % du financement à la place, passant de 25 à 35 euros en moyenne sur le territoire national.

Afin de lutter contre le passage à l'acte et la récidive des auteurs de violences faites aux femmes, vingt-sept centres de prise en charge des auteurs de violences ont vu le jour, et trois nouveaux seront prochainement créés. Environ 3 000 hommes ont été reçus dans ces centres depuis leur ouverture.

Le budget 2022 est ambitieux. Il traduit la volonté d'une société de l'autodétermination et non de l'assignation à résidence ; une société inclusive, une société qui protège, une société de la diversité, au fondement de notre engagement et de notre richesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

M. le président.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est de deux minutes.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon.
Il est regrettable de voir que le Gouvernement oublie une catégorie de la population. Vous avez abandonné la loi grand âge, alors que l'autonomie est un sujet majeur au vu du vieillissement de la population dans l'Hexagone et dans les outre-mer : c'est là une bombe à retardement, notamment à La Réunion.

Les Français sont déçus. Vous abandonnez des personnes âgées, des familles entières et des professionnels. Pourtant, le Haut Conseil du financement de la protection sociale estime que le nombre de personnes âgées en perte d'autonomie devrait augmenter d'environ 1 million en 2050 ; sans oublier qu'une personne sur cinq de plus de 85 ans vit en EHPAD et que de nombreuses autres doivent se faire aider chaque jour à domicile.

Le salaire de ces professionnels est indigne de leur travail et nous déplorons un manque crucial d'équipements pour les aidants familiaux, sans oublier les dysfonctionnements graves en EPHAD et leur sous-médicalisation. Que répondez-vous à toutes ces personnes âgées qui sont abandonnées ?

Nous sommes nombreux à vouloir des réponses. Il n'y a pas besoin d'être Président pour savoir qu'avec la crise sanitaire, la hausse de la pauvreté et des prix, les premières personnes touchées sont les plus vulnérables. Avec tous les problèmes évoqués et l'obligation vaccinale autoritaire que vous imposez à ces employés et soignants, le service public est en péril.

Quelle orientation allez-vous prendre pour désamorcer cette bombe à retardement ? Ne pensez-vous pas que l'obligation vaccinale est un danger ? Quelle solution pour offrir des salaires dignes pour ce travail respectable mais éprouvant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre.
En matière de bilan du soutien aux personnes âgées qui vivent à domicile ou en établissements collectifs tels que les EHPAD, je rappelle l'effort sans précédent de 2,8 milliards d'euros pour augmenter les salaires des personnes qui travaillent dans les EHPAD et dans le domaine du vieillissement – aussi loin que l'on cherche, on ne trouvera pas d'équivalent.

Mme Caroline Fiat.
Ce n'est pas suffisant !

M. Olivier Véran, ministre.
Le Ségur a également consacré 2,1 milliards d'euros pour financer la modernisation et la numérisation des établissements de type EHPAD. Dans le cadre du Ségur de l'investissement, je rappelle que 3 000 hôpitaux et EHPAD sont renouvelés, modernisés, agrandis et confortés. Et d'ici à 2024, 1 milliard d'euros seront consacrés à la revalorisation des aides à domicile.

Ces sommes ne suffiront jamais, encore moins à vos yeux, et elles ne constituent pas un solde de tout compte. Mais si vous dites que rien n'a été fait, nous ne pourrons pas être d'accord. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mme Caroline Fiat.
Nous vous expliquons que ce n'est pas suffisant !

M. le président.
La parole est à Mme Zivka Park.

Mme Zivka Park.
Ma question porte sur la stratégie nationale du Gouvernement en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, dont les crédits seront portés à environ 325 millions d'euros en 2022, soit un effort supplémentaire d'environ 30 % par rapport à 2021. Je tiens à cette occasion à saluer l'excellent travail de notre collègue Fiona Lazaar à la présidence du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ces crédits permettront de poursuivre notre engagement de réduction des inégalités en nous attaquant aux racines de la pauvreté ainsi que notre action pour l'égalité des chances dès le plus jeune âge.

La crise du covid, entraînant la fermeture des écoles pendant le premier confinement, a mis en évidence l'importance de nombreuses mesures que nous avons développées pour les familles modestes : la gratuité des petits déjeuners dans les écoles maternelles et primaires des quartiers prioritaires et l'accompagnement des communes rurales pour la mise en place d'une tarification sociale des cantines scolaires. Le Gouvernement a accéléré le déploiement de ces deux dispositifs et poursuivra son action en la matière en 2022.

Monsieur le ministre, quelles sont vos priorités – je sais qu'elles sont nombreuses, malheureusement – au regard de cette augmentation des moyens alloués à la lutte contre la pauvreté ?

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre.
La priorité du Gouvernement est la montée en charge généralisée de toutes les mesures. C'est le cas de l'augmentation des crédits délégués aux départements et aux métropoles dans le cadre de la contractualisation, afin de soutenir les politiques d'insertion et d'accompagnement des jeunes majeurs issus de l'aide sociale à l'enfance. Les premières données dont je dispose montrent que la contractualisation a permis une amélioration franche et très encourageante de la quasi-totalité des indicateurs que nous avons fixés. Nous souhaitons donc poursuivre dans cette voie avec les collectivités.

C'est également le cas des petits déjeuners gratuits à l'école. C'est une dépense pour l'État, mais elle est juste. Un enfant qui ne prend pas le petit déjeuner avant d'aller à l'école prendra un mois de retard dans ses apprentissages. Cette mesure, qui réduit les inégalités, s'inscrit donc dans l'objectif d'égalité des chances. Il y a beaucoup à faire, en milieu scolaire, pour améliorer la bienveillance et le bien-être des enfants : le petit déjeuner en fait partie.

S'agissant des cantines, 200 petites communes rurales assez éloignées avaient mis en place la tarification sociale à moins de 1 euro le repas au mois de janvier. Ce nombre a quadruplé pour atteindre 800 communes. Désormais, plus de 25 000 élèves ont un repas à moins de 1 euro, l'objectif étant de porter ce chiffre à 40 000 élèves en 2022.

Je pourrais également mentionner, entre autres, les plans de formation des travailleurs sociaux. J'invite également les parlementaires de tous bords à prendre contact avec les commissaires régionaux à la lutte contre la pauvreté, qui ont beaucoup de données, beaucoup d'informations chiffrées, et qui demandent à travailler avec les parlementaires dans les territoires.

M. le président.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel.
En parcourant la mission Santé , nous avons été surpris de ne trouver qu'une seule fois le terme de « santé environnementale », lorsque vous évoquez le prochain plan national de santé publique, qui devrait voir le jour en 2022-2023, en lien avec le quatrième plan national santé-environnement (PNSE).

Cette unique occurrence illustre un manque d'ambition en la matière. Or la sortie de crise du covid-19 doit nous conduire à conjuguer santé et environnement pour améliorer l'état de santé de nos concitoyens.

De nombreux travaux scientifiques nous y enjoignent. Selon l'Institut de recherche pour le développement, trois infections émergentes sur quatre apparues au cours des quarante dernières années sont des zoonoses, des maladies infectieuses animales transmises à l'homme. Il est également démontré que la croissance régulière de l'apparition de ces nouveaux agents infectieux est bien d'origine humaine.

Face à ces infections croissantes, nos populations ne sont pas égales. La covid-19 a révélé la vulnérabilité particulière de celles et ceux qui souffraient d'affections sous-jacentes comme le diabète ou l'obésité. En France, les dernières données montrent que 88 % des personnes hospitalisées et 94 % des personnes décédées de la covid-19 souffraient d'un ou de plusieurs de ces facteurs de comorbidité. Or le nombre des affections de longue durée pour ces maladies a doublé entre 2003 et 2017, ce qui signifie que le risque d'être sévèrement touché et d'en décéder progresse dans cette proportion.

Pourtant, au regard de ces enjeux, notre politique de santé environnementale est quasi absente. Le Ségur de la santé n'a pas apporté de réponses à cet enjeu, s'attachant seulement à réduire l'empreinte écologique de nos établissements de santé.

M. Olivier Véran, ministre.
Ce n'est pas faux !

Mme Marie-Noëlle Battistel.
Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur votre stratégie à court, moyen et long terme ? Quels seront les axes forts du prochain plan national de santé publique ? Surtout, le ministère de la transition écologique et l'assurance maladie y seront-ils associés ?

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre.
Madame Battistel, je serai transparent : dans mon discours de passation de pouvoir, en arrivant au ministère des solidarités et de la santé, j'avais exprimé une grande ambition pour la santé environnementale, avec beaucoup de choses à structurer. Je ne suis pas allé au bout de ce que je voulais faire en la matière. La crise sanitaire a mobilisé toutes les forces vives et toutes les énergies aux niveaux national et régional. Et si les Français nous font confiance dans quelques mois et que nous avons la possibilité de poursuivre notre action, je vous assure que ce ne sont pas les idées qui manquent, mais le temps matériel et les moyens humains pour les mettre en place.

Néanmoins, nous avons fait un certain nombre de choses. Nous avons créé un toxiscore pour améliorer la lisibilité de l'étiquetage d'un certain nombre de produits ; nous avons dédié une enveloppe de 90 millions d'euros au financement de programmes de recherche sur les facteurs environnementaux tout au long de la vie et sur les pathologies émergentes ; nous avons interdit les lumières bleues, les plus dangereuses, dans les jouets des enfants, conformément aux recommandations de l'ANSES ; nous avons renforcé la surveillance de la santé animale.

Surtout, nous sommes entrés de plain-pied dans la démarche One Health , « une seule santé ». Il faut concevoir la santé humaine, animale et environnementale dans sa globalité. La France soutient cette démarche au niveau européen : ce sera même l'un des sujets de la présidence française de l'Union européenne.

Nous avons développé un espace commun de partage des données environnementales que nous avons mis à disposition en open data. Nous renforçons les services numériques destinés au public pour leur permettre de connaître la qualité de l'environnement immédiat : air extérieur, risques d'allergènes, et ainsi de suite.

Mais nous devons aller plus loin. Il faut une déclinaison territoriale, au moins régionale, avec des équipes dédiées et formées capables de faire de l'information, de la prévention, mais aussi des interventions sur site. Nous devons arrêter de fonctionner par milieux et ne plus parler de qualité de l'eau et de qualité de l'air, mais de qualité environnementale globale.

Si la France a encore beaucoup de progrès à faire en la matière, je peux vous assurer qu'elle est loin d'être en retard sur les autres pays. Nous devons continuer d'investir et d'y consacrer du temps et de l'énergie.

M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Olivier Véran, ministre.
Pardonnez-moi. Vous voyez, madame la députée : deux minutes ne sont pas suffisantes pour vous répondre de façon exhaustive. Je vous rejoins en tout cas sur la nécessité de faire de la santé environnementale une priorité pour notre pays. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

M. le président.
La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani.
Permettez-moi de sortir du strict cadre des missions budgétaires que nous examinons aujourd'hui pour évoquer un dossier qui me semble prioritaire : celui du centre hospitalier de Bastia. J'ai déjà eu l'occasion d'interpeller à plusieurs reprises le Gouvernement à ce sujet, sans recevoir, à ce stade, la réponse favorable que nécessiterait ce projet majeur pour Bastia et pour la Corse.

L'hôpital de Bastia est obsolète. Un bilan architectural réalisé en 2018 a mis en lumière, entre autres problèmes, l'absence de sécurisation du site, une configuration qui empêche le développement de l'hôpital, ou encore le manque de surface pour les activités d'urgence. Dans ces conditions, la capacité d'action repose essentiellement sur le dévouement des personnels, que je tiens à saluer une nouvelle fois. Je rappelle que le bassin couvert par l'établissement englobe les deux tiers de la population corse et plus de 600 000 personnes en période estivale.

Le projet de refondation ne pourra aboutir qu'avec le plein engagement de l'État aux côtés des personnels, de l'administration de l'hôpital et de la municipalité de Bastia. Vous vous étiez engagé ; monsieur le ministre, à créer une mission pluridisciplinaire en vue d'évaluer les nécessités liées aux besoins du centre hospitalier. À ce jour, cette mission n'est toujours pas installée. Quand le sera-t-elle ? Quelles autres mesures rapides comptez-vous prendre pour impliquer enfin l'État dans ce dossier, dont je répète qu'il est essentiel pour Bastia et pour la Corse ?

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre.
Il est vrai que votre question ne s'inscrit pas vraiment dans le débat budgétaire sur la mission Santé – et encore moins sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances  – du PLF. Néanmoins, puisque vous m'interrogez, je vous réponds bien volontiers.

Lorsqu'il s'est rendu en Corse en septembre dernier, le Président de la République a défini très clairement le cadre d'engagements réciproques qui devra être respecté dans ce dossier : l'État comme les acteurs de l'île devront tenir leurs engagements. S'agissant de Bastia, je vous confirme donc que l'enveloppe de 60 millions d'euros allouée à la deuxième phase de la rénovation de l'hôpital reste d'actualité.

D'après les dernières informations dont je dispose, les acteurs locaux s'inscrivent d'ailleurs pleinement dans ce cadre, qui a été confirmé par le Président de la République. L'accompagnement assuré par le Conseil national de l'investissement en santé (CNIS) – c'est-à-dire le conseil scientifique qui permet de suivre les dossiers hospitaliers – permettra de garantir le respect de ce cadrage présidentiel. La sélection des experts est en cours. Ils seront bientôt présents sur place pour oeuvrer à l'avancement du dossier.

Nous y arriverons : les engagements seront tenus.

M. le président.
La parole est à Mme Albane Gaillot.

Mme Albane Gaillot.
Alors que des affaires très récentes comme celle de l'hôpital Tenon remettent la question des violences gynécologiques et obstétricales au coeur de l'actualité, il apparaît urgent de consacrer un budget suffisant à la formation des professionnels de santé et à la bonne information de l'ensemble de la population sur ses droits. La mise en lumière de ce cas précis ne doit pas, en effet, être l'arbre qui cache la forêt : il ne s'agit pas uniquement d'une dérive individuelle mais bien d'un enjeu de santé publique.

La charte des bonnes pratiques publiée en octobre par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) représente certes une avancée. Cependant, pour être efficace, elle doit s'accompagner d'un système de contrôle et de sanctions effectives en cas de non-respect des recommandations.

Plus largement, ce sont parfois les carences du système de santé qui poussent à la maltraitance, par manque criant de temps et de personnel. Le mot-dièse #JeSuisMaltraitante, lancé par des sages-femmes, témoigne de la souffrance de toute une profession. Ces professionnelles dénoncent en particulier un sous-effectif chronique et critique, qui les place dans l'impossibilité matérielle d'exercer leur métier dans de bonnes conditions et de garantir la sécurité des patientes – accouchement, post-accouchement, suivi gynécologique, interruption volontaire de grossesse (IVG) – et des nouveau-nés.

Rappelons qu'avant que l'actualité très récente mette en lumière les violences obstétricales et gynécologiques, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes soulignait l'ampleur du phénomène dès 2018 et émettait vingt-huit recommandations, que le Gouvernement n'a pas suivies. Le collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (Stop VOG), que j'ai rencontré, a également mené une grande enquête dont les résultats éclairants mettent en évidence le besoin de renforcer la formation initiale et continue des professions médicales et paramédicales en matière de bientraitance, de respect du consentement, mais aussi de dépistage des violences sexistes et sexuelles.

Comment le Gouvernement compte-t-il prendre ce problème à bras-le-corps ? Quelles actions entend-il mener afin de lutter contre les violences obstétricales et gynécologiques, de financer une campagne nationale à destination du grand public – pour le sensibiliser sur ces questions et informer chacun de ses droits – et d'améliorer la formation du personnel ?

M. le président.
La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre.
Comme précédemment, même si cette question est importante, je ne suis pas certain qu'elle s'inscrive pleinement dans les débats sur les crédits des missions Santé et Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances. Qu'à cela ne tienne, je vais vous répondre.

D'abord, je ne commenterai pas l'affaire à laquelle vous faites référence, dont la justice a été saisie. Je veille en outre à ne pas mettre sur le même plan la question globale de la bientraitance en gynécologie obstétricale et les situations potentiellement délictuelles, qui relèvent du droit pénal ou ordinal.

Il y aurait beaucoup à dire sur la bientraitance dans le domaine gynécologique et obstétrical – plus que ne le permettent les deux minutes dont je dispose pour vous répondre. Nous avons pris des mesures afin d'améliorer la prévention, à travers des actions de formation dédiées et intégrées aux orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu (DPC). Nous avons aussi demandé à la Haute Autorité de santé (HAS) d'intégrer la bientraitance au sein des établissements de santé dans les critères de certification de ces derniers. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a quant à lui adopté tout récemment une charte de bonnes pratiques, notamment pour rappeler qu'une consultation gynécologique, parce qu'elle touche à l'intime, n'est pas anodine et qu'à cette occasion, plus encore que pour tout autre soin, le consentement doit être recueilli.

Nous avons aussi renforcé l'aide aux victimes. Nous finançons ainsi, par l'intermédiaire de France Assos Santé, la ligne téléphonique d'information juridique et sociale Santé Info Droits, qui a vocation à répondre aux victimes de violences, y compris de violences obstétricales et gynécologiques. Depuis cette année, le numéro 3919 Violence Femmes Info est également accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

Enfin, nous systématiserons, dans le PLFSS en cours d'examen – à l'adoption duquel, je l'espère, vous apporterez votre voix –, l'entretien postnatal, qui permettra de mieux accompagner les femmes ayant vécu douloureusement leur accouchement.

Encore une fois, c'est un ensemble de mesures qu'il faut prendre et il y aurait une multitude d'explications à apporter. Une des clefs consiste à améliorer l'accompagnement et à l'individualiser. Un accouchement, par exemple, n'est pas un geste anodin. S'il doit donner lieu à une épisiotomie, il faut l'anticiper, l'expliquer et échanger avec la femme concernée, ce que font déjà l'immense majorité des professionnels, mais, manifestement, pas tous. Nous devons donc encore progresser. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions. 


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 18 novembre 2021