Déclaration de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2022, au Sénat le 18 novembre 2021.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Discussion au Sénat d'un projet de loi

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2022, adopté par l'Assemblée nationale (projet n° 162, rapport général n° 163).

(...)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le ministre – cher Bruno Le Maire –, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le contexte macroéconomique brossé par le ministre de l'économie à l'instant, nous avons préparé un projet de loi de finances pour 2022 autour de quelques priorités que je souhaite rappeler au début de ce débat.

Notre premier objectif est évidemment de tenir les engagements pris par le Président de la République depuis 2017 et de mettre en oeuvre les priorités politiques qui sont celles du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle le budget que nous vous présentons prévoit de revaloriser un certain nombre de budgets, en commençant par les crédits accordés aux fonctions régaliennes de l'État.

Ainsi, comme les années précédentes, nous vous proposons de respecter la loi de programmation militaire, avec une augmentation de 1,7 milliard d'euros des crédits. Les crédits du ministère de l'intérieur sont, quant à eux, augmentés de 1,5 milliard d'euros. Nous avions initialement prévu, lors du débat d'orientation sur les finances publiques, une augmentation de 987 millions d'euros, mais cette somme a été revue à la hausse pour tenir compte des conclusions du cycle de concertation dit de Beauvau.

De la même manière, nous vous proposons d'augmenter le budget du ministère de la justice de 8 % pour la deuxième année consécutive, soit une augmentation de crédits de 670 millions d'euros. Ainsi, en 2022, nous aurons non seulement rattrapé la trajectoire de la loi de programmation pour la justice, mais nous serons même au-delà, avec une exécution à laquelle nous veillons, et qui a été l'objet de discussions, hier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative.

En parallèle, il est proposé de consacrer des crédits nouveaux à la préparation de l'avenir. Le budget du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sera ainsi augmenté de 1,7 milliard d'euros, dont 200 millions d'euros seront consacrés au financement par l'État de la participation obligatoire des employeurs publics à la protection sociale complémentaire, à l'instar de ce que nous avons prévu pour tous les ministères.

Le budget du ministère de l'enseignement supérieur sera, lui, augmenté de 700 millions d'euros, à la fois, pour respecter les engagements de la loi de programmation pour la recherche, à hauteur de 550 millions d'euros, et pour financer les mesures en faveur de la vie étudiante. Je pense notamment à la revalorisation des crédits consacrés aux bourses du fait de l'augmentation du nombre d'étudiants boursiers, mais aussi à des mesures d'accompagnement de la sortie de crise.

Préparer l'avenir, c'est aussi anticiper et accompagner la transition écologique. À cette fin, le budget du ministère de la transition écologique augmentera de 1,5 milliard d'euros, ce qui nous permettra, notamment, de maintenir le niveau des crédits consacrés à MaPrimeRénov' à 2 milliards d'euros et, ainsi, de garder le même rythme d'accompagnement de la rénovation des logements.

Autre priorité, nous avons aussi voulu accorder une attention particulière à celles et ceux de nos concitoyens qui sont les plus fragiles, autrement dit à la question de la solidarité, dans toutes ses dimensions et à l'égard de tous les publics, qui sont très divers.

Nous vous proposons de maintenir 190 000 places d'hébergement d'urgence, avec une logique de gestion annuelle et non plus en saison, comme c'était le cas auparavant. Cela nous amène ainsi à maintenir le budget consacré à l'hébergement d'urgence à hauteur de 2,7 milliards d'euros. Je souligne qu'au début du quinquennat ces crédits s'élevaient à 1,8 milliard d'euros – l'augmentation est donc de 900 millions d'euros.

Nous souhaitons par ailleurs revaloriser les crédits consacrés à l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Là encore, il s'agit d'un poste de dépenses qui a beaucoup augmenté depuis le début du quinquennat, avec un accroissement des crédits de 2,4 milliards d'euros en cinq ans. En complément, nous vous proposons de mettre en oeuvre un engagement pris devant vous par ma collègue Sophie Cluzel, consistant à prévoir un abattement sur les revenus des bénéficiaires de l'AAH vivant en couple. Cela permettra à 110 000 allocataires de bénéficier d'une revalorisation de 110 euros par mois.

Toujours dans le domaine de la solidarité, nous voulons maintenir notre effort en matière de lutte contre les discriminations et en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le total des crédits consacrés à cette thématique, lorsque l'on agrège tous les ministères, s'élève à 1 milliard d'euros. Les crédits pilotés directement par le ministère délégué à l'égalité entre les femmes et les hommes sont plus modestes – ils financent le 39 19, qui est désormais ouvert sept jours sur sept, et différents appels à projets. Ils s'élevaient à 28 millions d'euros voilà deux ans et seront de 51 millions d'euros cette année.

Par ailleurs, nous voulons mettre en avant les questions relatives à la solidarité internationale. Ainsi, comme les années précédentes, nous vous proposons d'augmenter de nouveau les crédits affectés à l'aide publique au développement, ce qui nous permettra, en 2022, de consacrer 0,55 % du revenu national brut à ce poste budgétaire, et ainsi d'avoir rempli l'engagement pris par le Président de la République, qui était d'atteindre le taux de 0,5%. Ce budget est certainement l'un de ceux qui auront le plus évolué.

Toujours pour illustrer les orientations et les priorités de ce projet de loi de finances, je veux enfin m'arrêter un instant sur les relations financières entre l'État et les collectivités locales. Ce budget présente dans ce domaine des éléments de stabilité : la dotation globale de fonctionnement (DGF) est reconduite à hauteur de 26,8 milliards d'euros ; la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est reconduite à hauteur de 1 milliard d'euros ; la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) est, elle aussi, reconduite à hauteur de 1 milliard d'euros, que nous allons revaloriser de 350 millions d'euros supplémentaires, avec la volonté de flécher principalement cette somme sur les projets inscrits dans les contrats de relance et de transition écologique, dont nous souhaitons la signature avec les intercommunalités.

S'agissant des relations financières entre l'État et les collectivités, nous voulons consacrer un principe de stabilité fiscale. Comme vous le savez, la fiscalité locale a beaucoup évolué, ce qui a occasionné des débats souvent longs et parfois même complexes entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. Nous vous proposons donc la stabilité, avec la mise en oeuvre d'une tranche supplémentaire de suppression de la taxe d'habitation, ce qui ne change pas désormais le panier de ressources des collectivités. C'est aussi au nom de cette stabilité que nous avons pris la décision de ne pas inscrire dans ce projet de loi de finances la réforme de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), que beaucoup attendaient, notamment du côté des opérateurs de téléphonie. Nous avons considéré qu'il fallait davantage de concertation afin d'aboutir à une réforme plus consensuelle que celle qui pouvait être évoquée.

Enfin, s'agissant toujours des collectivités, nous prévoyons des crédits supplémentaires pour accompagner un certain nombre de mesures importantes dans les territoires. Je pense à l'augmentation des crédits consacrés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), à hauteur de 35 millions d'euros, pour accompagner le déploiement des maisons France Services. Je pense aussi à l'augmentation des crédits du ministère chargé de la politique de la ville, pour 47 millions d'euros, à la fois pour accompagner le déploiement d'éducateurs spécialisés et pour financer 200 cités éducatives, puisque cette expérience a montré tout le bénéfice qu'elle pouvait apporter – nous souhaitons ainsi l'élargir.

Telles sont les priorités que nous finançons, et nous le faisons en respectant trois lignes directrices en matière budgétaires.

La première ligne directrice ne vous surprendra pas, puisque c'est celui que nous suivons depuis le début du quinquennat : il s'agit de l'allégement de la fiscalité. Ce projet de loi de finances, comme je viens de l'indiquer, met en oeuvre la suppression d'une deuxième tranche de taxe d'habitation pour les 20% de ménages qui la paient encore. De la même manière, nous achevons la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés. Ainsi, en 2022, l'engagement de voir l'ensemble des sociétés assujetties à un taux de 25% sera tenu.

Cet engagement en matière de fiscalité nous permet d'atteindre nos objectifs. Nous reviendrons en 2022 à un taux de prélèvements obligatoires de 43,4%, soit un taux équivalent à celui de 2010, ce qui signifie qu'en l'espace d'un quinquennat nous aurons effacé les conséquences en matière de prélèvements obligatoires des deux chocs fiscaux qui ont conduit à un relèvement de la fiscalité : celui, juste après 2010, qui a plutôt concerné les ménages, et celui de 2012-2013, qui portait davantage sur les entreprises.

La deuxième ligne directrice, c'est de continuer à mener un certain nombre de réformes. Nous aurons l'occasion de revenir, à l'article 3 en particulier, sur la mise en place d'une avance immédiate en ce qui concerne le crédit d'impôt pour les services à la personne et de vous proposer d'aller plus avant en matière de réforme de l'unification du recouvrement. D'autres réformes sont abordées, notamment en matière d'opérateurs et d'établissements.

Même si nous avons fait le choix de ne pas inscrire dans ce projet de loi de finances des mesures extrêmement structurées et dures, qui auraient peut-être été de nature à accélérer le redressement des finances publiques, nous continuons à moderniser et à simplifier à chaque fois que nous le pouvons. Notre volonté est d'accompagner la relance de la croissance, car c'est ce qui va nous permettre de faire face à nos engagements financiers. Nous ne voulons pas répéter l'erreur de vouloir redresser trop rapidement les comptes publics, au risque d'étouffer la croissance. C'est la raison pour laquelle nous sommes plutôt sur une voie de normalisation.

À cet égard, et j'en terminerai avec la troisième ligne directrice, le projet de budget marque la fin du " quoi qu'il en coûte ", avec l'extinction des mesures d'urgence et la volonté d'aller au bout du plan de relance. Bruno Le Maire l'a indiqué, 70% des mesures du plan seront mises en oeuvre au 31 décembre prochain, et l'année 2022 nous permettra d'engager, et surtout de décaisser, les crédits correspondant au reste.

Hors dépenses consacrées au plan de relance et hors reste à payer consacré aux mesures d'urgence, les dépenses dites ordinaires de l'État sont donc maintenues et maîtrisées. Ainsi, nous vous proposons un projet de loi de finances qui s'appuie sur une hypothèse d'évolution des dépenses publiques hors relance et hors urgence, toutes administrations confondues, à 1% en volume, ce qui est aussi le signe et l'illustration d'une forme de normalisation en matière de finances publiques.

Pour conclure, quels sont les résultats que nous vous proposons d'atteindre avec ce projet de loi de finances ?

Nous voulons d'abord respecter l'engagement que nous avons pris devant vous de décrue progressive du déficit public. Nous étions à 9,1% en 2020, et nous serions, avec ce budget, à 8,2% pour 2021, mais la perspective d'une croissance plus importante que celle que nous avions envisagée à la fin du mois d'octobre peut entraîner des recettes supplémentaires de nature à diminuer le déficit. Dans ces conditions, peut-être pourrions-nous espérer atteindre 8%, voire 7,9%. Enfin, nous serons sur un déficit égal ou inférieur à 5% en 2022, ce qui est la marque d'une trajectoire de redressement et l'annonce d'un retour à une situation, qui, si elle reste dégradée, nous paraît un peu plus normale et soutenable.

Le niveau de la dette sera lui aussi moins important que prévu, comme je l'ai indiqué hier. Nous prévoyons pour 2022 une dette représentant 113,5% du PIB, alors qu'il y a quelques mois encore nous craignions d'atteindre les 120%.

Le poids de la dépense publique par rapport au PIB sera également revu à la baisse, à hauteur de 56% à 57%, ce qui correspond peu ou prou au niveau de 2018. Je rappelle que nous avions atteint 53,5% en 2019. C'était également l'un des engagements qui avaient été pris.

S'agissant des prélèvements obligatoires, je l'ai déjà dit, nous serons à 43,4%.

Ces quatre indicateurs tiennent compte de l'intégration par l'Assemblée nationale, à la fois, des crédits consacrés au plan d'investissement, des pertes de recettes que représente le bouclier tarifaire en matière énergétique, que nous avons proposé pour accompagner les Français face à la crise, ainsi que de la mise en oeuvre de l'indemnité inflation, en grande partie portée par le projet de loi de finances rectificative.

Nous vous présentons donc un budget qui permet d'accompagner la relance, d'aller vers une forme de normalisation en matière de finances publiques et de tenir les engagements du Président de la République et de sa majorité. Je ne doute pas que les heures et les jours à venir de discussions sur ce budget nous permettront d'approfondir nos réflexions et d'améliorer le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)


source http://www.senat.fr, le 26 novembre 2021