Déclaration de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, sur la contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et à la cohésion des territoires, au Sénat le 30 novembre 2021.

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  • Jacqueline Gourault - Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Texte intégral

Mme le président. L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " La contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires. "

(…)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez inscrit à l'ordre du jour de vos travaux ce débat sur le thème de la contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires. Il s'agit d'un sujet crucial, qui fait un excellent lien entre les deux volets de mon ministère.

Alors que l'Assemblée nationale examine le projet de loi 3DS, je tenais à être présente aujourd'hui pour discuter avec vous de ces thèmes importants pour l'avenir de nos territoires. Je n'aurai pas le temps de répondre à tous, mais j'essaierai d'introduire des éléments de réponse dès que ce sera possible.

La politique de cohésion des territoires passe par la volonté de construire ensemble des projets dans les territoires, beaucoup l'ont souligné. Vous m'interrogez sur la manière dont les politiques de soutien de l'État aux collectivités territoriales contribuent à l'aménagement et à la cohésion des territoires.

Il est vrai que l'État considère qu'il a une mission d'appui aux collectivités territoriales : à elles l'aménagement de leur territoire, à lui l'aménagement du territoire national, dans une logique de subsidiarité. Toutes les politiques d'aménagement et de cohésion des territoires que nous menons sont conduites de manière partenariale, grâce à la volonté des collectivités territoriales et sur leur initiative.

La question qu'a posée Claude Raynal est naturellement de nature financière, mais il s'agit au fond de savoir quelle place il faut laisser, dans les différentes politiques publiques que l'État a insufflées dans les territoires, à la liberté de choisir d'autres projets. Les programmes Action coeur de ville ou Petites Villes de demain sont des politiques appréciées à l'échelon local, qui illustrent de façon consubstantielle une vision globale de l'aménagement du territoire. Le programme Action coeur de ville, par exemple, traite l'aménagement des centres-villes en agissant sur le commerce, le logement, les espaces publics… Il embrasse à lui seul un certain nombre de politiques publiques.

Sur le très haut débit, l'État a voulu le développement de la fibre, ce qui n'était pas en dehors des préoccupations des élus. Ces derniers savent que la ruralité – le thème a été abondamment évoqué par les différents intervenants – ne peut pas rester à l'écart du développement de la fibre optique.

Aujourd'hui, la coopération passe également par les réseaux d'initiative publique (RIP), qui sont d'ailleurs bien souvent mis en place par des regroupements d'intercommunalités ou de départements. C'est une politique très importante, partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Il ne s'agit pas d'imposer, mais il arrive un moment où c'est la réalité des territoires qui s'impose à nous. Le sénateur de Loire-Atlantique a ainsi évoqué les évolutions climatiques et les problèmes côtiers.

Il faut bien que l'État prenne ses responsabilités et engage des politiques publiques face aux changements sociétaux, géographiques, climatiques. De leur côté, les collectivités territoriales doivent accompagner le mouvement. Il nous faut travailler ensemble.

Claude Raynal a évoqué les aspects financiers. C'est un véritable débat, j'en conviens. Il faut pouvoir aider certains projets qui ne sont peut-être pas intégrés dans nos politiques publiques.

Ainsi que plusieurs orateurs l'ont souligné, la contractualisation est un élément très important. Il a plus été question des CRTE que des CPER. Actuellement, 843 CRTE sont en développement dans les territoires. Je pourrai vous répondre plus précisément sur le sujet tout à l'heure.

J'ai également été interpellée sur les ressources financières des collectivités territoriales. Sans revenir sur la stabilité de l'enveloppe nationale, je précise qu'un certain nombre de départements, comme la Nièvre, les Ardennes ou la Creuse, ont bénéficié d'une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), et ce malgré la baisse de population de ces trois départements. Par ailleurs, l'État y a lancé des pactes d'aménagement spécifiques.

Les chiffres relatifs aux priorités des collectivités territoriales en matière d'investissement ont été rappelés par Claude Raynal. Nous avons eu la chance, si tant est que l'on puisse qualifier ainsi ce qui est une conséquence de la crise sanitaire, de profiter du plan de relance sur un certain nombre de dossiers, comme la DSIL rénovation énergétique et d'autres DSIL.

Le programme 112 " Aménagement du territoire ", dont relève le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (Fnadt), voit ses ressources s'accroître, avec une augmentation de 35 millions d'euros entre 2021 et 2022.

La question de l'ingénierie a été soulevée par plusieurs sénateurs, qui ont évoqué le rôle de l'ANCT. Je le rappelle, celle-ci soufflera sa deuxième bougie au 1er janvier prochain. Je crois que beaucoup a été accompli en deux ans. L'ANCT s'est stabilisée d'un point de vue administratif et financier, avec une subvention pour charges de service public d'un montant de 60,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022.

Un tiers du budget de l'ANCT, soit 20 millions d'euros, est destiné au financement du marché d'ingénierie de l'ANCT, qui permet d'aider les collectivités à concrétiser leurs projets en bénéficiant d'expertises externes lorsque le besoin n'est pas satisfait localement. Je tenais à le souligner dans cet hémicycle. En effet, nombre d'entre vous craignaient que la création de l'ANCT ne vienne concurrencer les ingénieries des départements, des intercommunalités, voire des régions. En l'occurrence, l'ANCT ne concurrence rien du tout. Elle agit en subsidiarité quand la ressource ou la spécialité ne suffisent pas.

Je le rappelle, les financements sont évidemment ouverts à toutes les collectivités territoriales. Cela me donne l'occasion de répondre à la question de Martine Filleul : ce n'est pas réservé aux communes inscrites dans un système de contractualisation de type Petites Villes de demain ou Action coeur de ville. Je précise même que les aides sont gratuites pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les intercommunalités de moins de 15 000 habitants. Les territoires ruraux sont donc particulièrement ciblés, car nous savons bien que c'est là que l'ingénierie manque le plus.

En outre, nous avons accompagné certains programmes comme Petites Villes de demain avec des chefs de projet financés à 75% par l'État et ses partenaires, c'est-à-dire l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) – c'est toujours l'État – et la Banque des territoires.

L'ANCT opère donc via de très nombreux dispositifs sur les territoires. Nous aurons l'occasion d'y revenir pendant le débat interactif.

Je réponds d'ores et déjà à la question sur les ZRR. Tout le monde sait que, dans le cadre de l'examen du projet de loi 3DS à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a émis en commission un avis favorable sur l'amendement visant à prolonger les zonages jusqu'au mois de décembre 2023. Il faudra toutefois y revenir, dans la mesure où le mécanisme adopté ne prend pas en compte la politique de la ville. Le Gouvernement déposera donc un amendement lors de la discussion du texte en séance publique afin d'y remédier. Je profite de l'occasion pour saluer Mme la sénatrice Valérie Létard, très impliquée sur ces sujets.

Monsieur Darnaud, le rapport d'information sur le FPIC est paru voilà un mois. Le Gouvernement est en train d'en étudier le contenu. Il envisage d'intégrer sous forme d'amendements lors du débat à l'Assemblée nationale certaines mesures préconisées par le Sénat, notamment les garanties de sortie, qui est un dispositif très intéressant.

Vous avez également évoqué le projet de loi 3DS. À cet égard, rien n'a véritablement changé sur la question des préfets. Vous le savez, je suis entièrement d'accord avec vous sur la nécessité de redonner toute sa puissance au préfet de département. Toutefois, le préfet de région sera le délégué territorial de l'Ademe : celle-ci ayant une organisation régionale, il n'était pas possible de faire autrement. C'est donc cohérent politiquement. Toutefois, je vous rejoins : il faut renforcer le rôle des préfets de département – nous le faisons.

Je connais vos préoccupations en matière financière, par exemple sur la DSIL. Je suis mobilisée sur ces dossiers, comme je m'y étais engagée.

Monsieur Benarroche, nous travaillons aussi sur la métropole Aix-Marseille-Provence. J'espère que nous aboutirons à un accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur le sujet.

Mme Varaillas m'a accusée de " métropolisation ". Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous écoute avec attention et je peux entendre nombre de préoccupations, mais ce n'est tout de même sous ce quinquennat qu'a été votée la création des métropoles !

Mme Cécile Cukierman. Nous ne l'avons pas votée non plus pendant le précédent quinquennat !

M. Laurent Duplomb. Et l'eau ? Et l'assainissement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les métropoles – au nombre de huit, au départ – ont été instituées sous le précédent quinquennat !

Cela étant, il faut tout de même faire preuve d'un peu de réalisme. Aujourd'hui, les métropoles existent et il faut bien gérer les espaces métropolitains et les espaces urbanisés en général. Il y a donc besoin de politiques de la ville et de politiques d'aménagement des métropoles.

Ainsi que j'ai eu l'occasion de le souligner lorsque je siégeais dans cet hémicycle, je ne comprends pas cet acharnement à vouloir toujours opposer les métropoles aux zones rurales ou à la périphérie. Notre pays a évolué au cours des années depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et nous devons aujourd'hui traiter des sujets qui se présentent à nous.

On ne peut pas accuser l'exécutif en place depuis quatre ans et demi d'avoir métropolisé la France ! La métropolisation s'est faite au fil du temps et les prochains gouvernements devront répondre aux problématiques qui se poseront à eux et seront leur actualité.

Je ne peux pas non plus laisser passer l'accusation selon laquelle le Gouvernement serait en train de se désengager des routes. En réalité, nous ne faisons que terminer la décentralisation des routes, qui – je tiens à le rappeler – concerne uniquement les départements volontaires et dont le processus a été engagé sous le gouvernement Raffarin. La belle affaire !

Je précise également à Marie-Claude Varaillas que l'État fera un chèque de 500 millions d'euros à La Poste dans le cadre du projet de loi de finances – vous savez, celui qui ne sera pas examiné par le Sénat… –, pour que celle-ci continue à rendre le service public dans les territoires. Ce n'est pas vraiment du désengagement !

Je répondrai aux autres points qui ont été abordés dans le cadre du débat interactif.


- Débat interactif -

Mme le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque groupe dispose de deux questions de deux minutes maximum, y compris l'éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour sa réponse d'une durée équivalente.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, les politiques d'appui aux collectivités sur tout le territoire national, à la ville et à la ruralité, sont nécessaires pour aménager notre pays. Je pense à la santé, au développement économique ou à l'urbanisme. Nous estimons qu'elles doivent être amplifiées dans les territoires ruraux – cela représente 80 % du territoire et un tiers de la population –, afin de réduire les inégalités territoriales et d'y maintenir la vie.

En complément de ce qui existe, un appui devrait concerner la réindustrialisation de ces territoires. Il faut aider les collectivités locales pour permettre le financement des PME, favoriser le tourisme et garantir l'accès à internet pour tous.

Il faut également donner la possibilité aux agriculteurs de diversifier leur production en maintenant les possibilités d'irrigation, et ce avec des préfets développeurs.

Les différents programmes, qu'il s'agisse de Petites Villes de demain, de ceux que vous avez mis en place ou de ceux qui permettent la réhabilitation et la rénovation de nos centres-bourgs, sont nécessaires pour l'urbanisation. L'artificialisation des terres doit être différenciée par rapport aux villes et permettre au monde rural de faciliter la réalisation de maisons individuelles. L'accès à France Services doit être généralisé dans tout le pays.

Le Gouvernement est-il favorable à la mise en place de ZRR mieux ciblées dans les territoires ruraux après 2022 ? L'État accepte-t-il de participer au financement de l'immobilier, des très petites entreprises (TPE), du tourisme, de permettre l'irrigation agricole et de différencier l'artificialisation des terres ?

L'aménagement du territoire, c'est également un médecin dans chaque maison de santé. Ne pensez-vous pas que la mesure adoptée par le Sénat permettant aux futurs médecins…

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Chasseing. … d'être conventionnés seulement après six mois de remplacement dans un désert médical devrait être mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme le président. Mes chers collègues, afin de pouvoir tenir l'ensemble des débats inscrits à notre ordre du jour dans les délais prévus, j'invite chacun d'entre vous à respecter le temps de parole qui lui est imparti.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Chasseing, ce n'est pas la question que vous aviez transmise… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Yves Bouloux. C'est donc que vous avez les questions !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Oui, certains sénateurs donnent leur question avant. Ce n'est pas nouveau, cela a existé sous toutes les majorités ! Certains en revanche s'y refusent systématiquement. (MM. Yves Bouloux et Laurent Duplomb s'exclament.)

Monsieur le sénateur, je connais votre attachement aux ZRR.

Vous le savez, Rémy Pointereau, Bernard Delcros et Frédérique Espagnac m'ont remis un rapport d'information sur l'avenir des zones de revitalisation rurale. Le Gouvernement a indiqué publiquement qu'il prolongera les zonages d'une année supplémentaire – il a d'ailleurs fait voter une disposition en ce sens – et lancera une étude avec le groupe de sénateurs ayant travaillé sur le sujet, afin d'examiner si des évolutions des ZRR sont ou non nécessaires.

Le problème de l'eau, que vous avez abordé, est très important. Dans certains départements, la situation devient très compliquée. Cela concerne non seulement l'alimentation humaine, mais également le volet agricole. Tout le monde sait ce qui s'est passé récemment dans les Deux-Sèvres et le Lot-et-Garonne.

M. Laurent Duplomb. C'est inadmissible !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L'eau est un problème absolument vital. L'opposition entre ceux qui font des réserves d'eau, par exemple des bassines ou des retenues collinaires, et ceux qui les condamnent devient terrible. Nous devons avancer sur cette question.

Mme le président. La parole est à Mme Else Joseph.

Mme Else Joseph. Le thème abordé aujourd'hui est très vaste. Il est cependant crucial pour les projets de nos collectivités locales, qui seront encore plus sollicitées, surtout en temps de crise.

Cet appui va bien au-delà du seul soutien financier : c'est la mise à disposition de tous les moyens, humains, techniques ou juridiques, nécessaires à l'aménagement du territoire.

La semaine dernière, j'ai souligné en commission de la culture le défaut d'ingénierie dont pâtissent nos communes. Ce problème peut résumer l'une des difficultés les plus criantes qu'elles subissent.

Si beaucoup a été fait pour le développement de l'ingénierie publique territoriale au cours de ces dernières années, il faut reconnaître que tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.

Ainsi, les petites communes n'ont guère d'administration ni même de cabinet pour appuyer leurs élus. Elles ne peuvent pas bénéficier d'administrateurs territoriaux.

Le seuil démographique constitue un frein à des recrutements nécessaires, comme l'a souligné un rapport d'information publié l'année dernière. Il estimait que 30 000 communes ou intercommunalités ne disposaient pas des moyens suffisants pour organiser leurs propres services d'ingénierie.

Par ailleurs, les plus petites communes doivent être associées aux politiques mises en place, comme on le voit dans le développement des contrats associant l'État aux intercommunalités.

Si de telles associations sont nécessaires, les communes ne doivent pas être noyées. Nous veillerons à ce que tous les maires soient impliqués, afin que ces contrats profitent à tous.

Enfin, force est de reconnaître que les modalités de calcul des mécanismes de dotations, notamment celles s'appliquant à la dotation globale de fonctionnement (DGF), favorisent davantage les territoires urbains que les territoires ruraux. En d'autres termes, les territoires ne disposent pas des mêmes moyens pour réaliser leurs projets.

J'en viens aux mécanismes de péréquation, qui loin d'être optionnels pour un territoire comme le mien, sont au contraire vitaux, en particulier pour les conseils départementaux, qui sont sous perfusion totale et qui connaissent un reste à charge insupportable.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour que les communes les moins peuplées, les plus immergées dans la ruralité, celles qui ont le moins de ressources, bénéficient concrètement de ces politiques et disposent des moyens suffisants pour réaliser leurs projets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je partage tout à fait vos préoccupations.

Je le répète : l'offre d'ingénierie de l'ANCT a été au départ constituée pour aider les zones rurales. Localement, cette offre peut être mobilisée par le préfet, qui constate, sur le territoire, l'existence ou l'absence de cette ingénierie dont ont besoin les communes, en particulier les plus petites.

Je ne vous l'ai pas encore indiqué : l'ANCT a créé un marché à bons de commande, afin de répondre aux besoins spécifiques des collectivités territoriales sur des thématiques particulières.

Je répète également – il me semble que cette information n'est pas aussi connue qu'elle devrait l'être – que ce dispositif est gratuit pour les communes de moins de 3 500 habitants, ainsi que pour les intercommunalités de moins de 15 000 habitants.

Cette absence de seuil démographique est un véritable choix de ma part. Certaines communes, qui jouent un rôle centralisateur au sein d'un territoire, qui ont intégré le programme Petites Villes de demain et qui ne comptent pas plus de 2 000, 1 500, voire 1 000 habitants, bénéficient ainsi des services d'un chef de projet, payé par l'État.

Je conclus en évoquant le volontariat territorial en administration (VTA), cher au secrétaire d'État Joël Giraud. Il s'agit d'un programme financé par l'État, là encore, qui permet à 800 jeunes volontaires de participer à des projets municipaux. C'est un apport très important, me semble-t-il, pour les petites communes.

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, depuis vingt ans, les gouvernements successifs ne cessent de rogner sur l'autonomie fiscale des collectivités locales.

En la matière, le Gouvernement a battu tous les records avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales. Conséquence de cette réforme, ce sont plus de 30% de leurs recettes que les élus locaux ne peuvent dorénavant plus moduler !

Alors que s'opérait cette recentralisation fiscale, les transferts de compétences de l'État vers les collectivités se poursuivaient, creusant un fossé toujours plus béant entre les moyens des collectivités et leurs responsabilités.

Tout à sa stratégie d'endiguement de la dépense publique, l'État continue de couper le robinet en direction des collectivités, tout en insistant sur leur rôle essentiel dans tous les domaines : relance économique, gestion de la pandémie, transition écologique, etc.

Reconnaissons tout de même que le Gouvernement innove en matière de contrôle fiscal, en allant jusqu'à contraindre les collectivités dans leur capacité à moduler les taux des impôts locaux.

Cette disposition n'a pas fait grand bruit lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Pourtant, à compter de 2023 et de la fin de la taxe d'habitation sur les résidences principales, les communes ne pourront plus faire évoluer le taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires comme elles le souhaitent. En effet, de manière assez peu compréhensible, ce dernier sera lié désormais au taux de la taxe sur le foncier bâti.

Pour de nombreuses communes pourtant, en particulier pour les communes touristiques, cette ressource est essentielle. Elle a le double mérite de cibler les ménages les plus aisés propriétaires de résidences secondaires et de lutter contre la sous-occupation des logements.

Madame la ministre, ma question est simple : pourquoi priver les communes de l'un des rares leviers financiers encore à leur disposition ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la suppression de la taxe d'habitation était un engagement du Président de la République. Il a été tenu.

Vous qui êtes sensible au pouvoir d'achat des Français, vous savez que la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales constitue aussi un gain de pouvoir d'achat pour les Français. Je rappelle qu'elle est compensée à l'euro près, donc entièrement.

Vous évoquez le maintien de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, qui représente une ressource pour les collectivités territoriales.

La refonte de la fiscalité locale conserve bien évidemment cette même logique. À compter de 2023, le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires ne pourra schématiquement augmenter plus ni diminuer moins que celui de la taxe foncière.

Le Gouvernement ne souhaite pas modifier cette règle ancienne, applicable depuis les débuts de la décentralisation. Il n'y a donc pas de nouveauté dans ce domaine.

Votre question aborde cependant un point qui constitue un véritable chantier, celui de la fiscalité applicable aux logements qui ne sont pas occupés toute l'année. En la matière, une réflexion semble nécessaire pour articuler les outils existants : taxe d'habitation sur les résidences secondaires, majoration de la taxe d'habitation, taxe d'habitation sur les logements vacants et taxe sur les logements vacants.

Il y a là, peut-être, une étude intéressante à mener.

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, vous m'avez bien expliqué le mécanisme de la suppression de la taxe d'habitation, mais vous ne m'avez pas répondu sur l'autonomie fiscale des collectivités et sur la possibilité qui leur est laissée de décider de leur fiscalité.

Quant au lien qui est établi entre la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et la taxe foncière, on voit bien qu'il vise à protéger les intérêts des multipropriétaires. (Mme la ministre lève les bras au ciel.)

Je trouve cela particulièrement dommage.

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, même si vous avez partiellement répondu à nos interrogations, je reviendrai sur la question de l'accès à l'ingénierie.

Dans quelques jours, nous fêterons les deux ans de la création de l'ANCT. Sans remettre en cause vos propos, force est de constater qu'il est encore très difficile pour les maires, en particulier ceux des plus petites communes, de se repérer dans le paysage de l'accès à l'ingénierie.

Comme le disait un élu lors du Congrès des maires le 17 novembre dernier, " pour solliciter de l'ingénierie, il faut de l'ingénierie " !

Ma question est donc la suivante : comment proposer directement aux communes, y compris à celles qui bénéficient de l'aide de l'ANCT, l'ingénierie, notamment financière, nécessaire à la mise en oeuvre des différents projets qui émergent de cet accompagnement ? Flécher les collectivités, quelles qu'elles soient, dans les différents appels à projets qui conditionnent un certain nombre de réalisations, n'est pas suffisant.

Enfin, madame la ministre, et n'y voyez pas une offense, vous insistez devant cette assemblée sur la facilité qu'il y a, y compris pour les communes de moins de 3 500 habitants, à saisir gratuitement l'ANCT, mais comment y arriver concrètement ? Ce n'est pas ainsi que le perçoivent les maires de nos départements au quotidien.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, nous faisons tout notre possible pour faire connaître l'ANCT. Son directeur général, ici présent, se déplace beaucoup dans les départements et les préfets organisent régulièrement des réunions d'information.

Devançant les questions qui me seraient posées à ce sujet, j'ai demandé des chiffres avant de venir et suis donc en mesure de vous indiquer que 700 petites communes sont aujourd'hui aidées par l'ANCT.

Si nous proposons bien de l'ingénierie financière, encore faut-il que les communes la sollicitent. Je vous comprends, madame la sénatrice, comme vous le savez, je viens d'un département rural, mais il faut aussi que les maires osent demander de l'aide.

En la matière, l'intercommunalité a aussi son rôle à jouer, me semble-t-il. Les équipes doivent communiquer sur l'offre de l'ANCT à destination des petites communes.

J'ai assisté au dernier congrès national des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Ces derniers font également de l'ingénierie ; ils dépendent des départements, y jouent un rôle essentiel et sont partenaires de l'ANCT.

J'en profite pour mentionner le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), dont il a été question tout à l'heure et qui est un autre partenaire. Nous proposons de le rendre accessible aux collectivités territoriales, ce que vous savez, puisque cette proposition a été discutée au Sénat.

Merci à vous également, madame la sénatrice, de faire connaître l'ANCT.

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Nous avons besoin de travailler ensemble à une meilleure visibilité de l'ANCT.

Aujourd'hui, les maires se retrouvent dans la situation de ces jeunes qui postulent à un premier emploi et à qui l'on demande dix ans d'expérience.

Cette difficulté est réelle. Nous devons donc continuer à avancer.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (M. Michel Canévet applaudit.)

M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, certes, les questions de dotation d'ingénierie, de PLUi ou de téléphonie sont importantes et mes collègues les ont d'ailleurs abordées, mais, quand on parle d'aménagement et de cohésion du territoire, ce qui me vient spontanément à l'esprit – et cela vient aussi à l'esprit de 7,4 millions de nos compatriotes –, c'est la thématique de l'accès aux soins.

En 2021, plus de 11% de la population française ne dispose toujours pas d'un accès facile et évident aux soins. Ce problème va crescendo, puisque cette proportion n'était que de 7% en 2012.

Les raisons en sont multiples – de l'incapacité des gouvernements successifs à anticiper la démographie médicale sur le moyen et le long terme à la vague massive de départs à la retraite de médecins généralistes, en passant par l'absence de mesures radicales, de peur de froisser un lobby médical politiquement sensible.

Certes, des mesures ont été prises et des solutions mises en place, mais elles relevaient plus de l'homéopathie que de la médecine d'urgence.

Même l'égalité d'accès aux soins, dont la France pouvait, par le passé, s'enorgueillir, se délite : on compte un médecin pour 400 habitants dans les Alpes-Maritimes et moins d'un médecin pour 1 000 habitants dans l'Eure ou en Seine-et-Marne. Les gens sont-ils plus malades à Nice, Cannes ou Antibes qu'à Évreux ou Melun ?

Du point de vue de l'égalité d'accès aux soins, notre devise républicaine, issue de l'article 2 de la Constitution, est bousculée.

Si l'on ajoute à ce constat statique qu'un tiers des médecins généralistes ont plus de 60 ans, on ne peut qu'appréhender l'avenir.

Et que dire des dentistes, quatre fois plus nombreux, à population égale, dans les Alpes-Maritimes que dans la Somme, des dermatologues, des gynécologues ou – pompon du palmarès – des ophtalmologistes, auprès desquels le délai moyen pour obtenir un rendez-vous approche les quatre-vingts jours, contre plusieurs mois chez moi, dans le département de la Somme ?

Aucune des initiatives qui pourront être prises, qu'elles émanent des collectivités ou de l'État, qu'elles se concentrent sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou sur les zones fiscalement attrayantes, ne nous protégera du tsunami qui se profile.

Madame la ministre, sur ce sujet, le temps des rapports, des constats, des concertations et des mesurettes doit laisser place à un plan Marshall.

Ayez de l'audace, encore de l'audace et toujours de l'audace, pour sauver la carte sanitaire française et, enfin, entendre les oubliés de la santé ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et, surtout, de l'avoir posée de cette façon.

Partout où je vais, dans tous les territoires, le problème numéro un est celui de la démographie médicale. Comme vous l'avez expliqué, ce problème s'est lentement mais sûrement installé et nous avons aujourd'hui à faire face à une situation assez difficile.

Je ne détaille pas les décisions déjà prises – d'autres les ont rappelées –, par exemple la suppression du numerus clausus ou l'augmentation de l'offre de formation pour les infirmières, sujet sur lequel nous travaillons avec les régions.

Parallèlement à tous ces aménagements réalisés en lien étroit avec les collectivités territoriales qui ne porteront leurs fruits que dans une dizaine d'années – cinq ans pour les infirmières –, nous devons agir dans l'urgence.

Nous allons prendre encore d'autres mesures, dans le cadre du projet de loi 3DS sur lesquelles je ne reviens pas non plus, puisqu'elles ont été discutées par cette assemblée.

Je pense notamment à l'autorisation que nous comptons accorder aux collectivités territoriales, afin de leur permettre d'ouvrir des emplois de médecins salariés. L'État a lui-même lancé un programme de recrutement de 400 médecins salariés. Faute de postulants – il y a carence pour tout le monde ! –, ils ne sont aujourd'hui que 200 à être en poste.

Par ailleurs, nous augmentons la prime des médecins qui acceptent d'accueillir des stagiaires dans leur cabinet. Ces médecins sont souvent à la veille de la retraite et il s'agit là d'une des méthodes – je dis bien une des méthodes – qui contribuent, pour peu que le stagiaire se plaise, à l'installation de nouveaux médecins sur le territoire.

Nous augmentons également la prime à destination des internes.

Au-delà de ces mesures visant à parer à l'urgence, un département comme la Saône-et-Loire a, par exemple, embauché des médecins salariés pour trois ans, en espérant que, sur la trentaine de médecins recrutés, certains resteront.

Enfin, les coopérations entre l'hôpital et la médecine de ville sont également très importantes.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (M. Joël Bigot applaudit.)

M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la ministre, je souhaite ici relayer les inquiétudes que de nombreuses collectivités de notre pays éprouvent quant à leur situation financière, plus particulièrement celles de mon département, le Pas-de-Calais, et plus précisément encore celles de l'ancien bassin minier, qui compte en son sein les communes les plus pauvres de France.

La crise sanitaire perdure et, au vu de l'actualité de ces derniers jours, nous sommes en droit de penser qu'elle ne se terminera pas rapidement. Or les conséquences de cette crise sanitaire sur les finances locales depuis bientôt deux ans sont loin d'être négligeables.

Pour y faire face, les communes, les EPCI, les départements ou les régions ont augmenté considérablement leurs dépenses de fonctionnement, en embauchant du personnel médical, en achetant en plus grande quantité des produits d'hygiène et d'entretien, en investissant dans du matériel de détection – le fameux capteur de CO2 –, de protection – les masques – ou encore de prévention – les purificateurs d'air.

Comme l'établit dans son rapport annuel la direction générale des collectivités territoriales, en 2020, les collectivités locales ont affiché un besoin de financement de plus d'un demi-milliard d'euros, un montant inédit depuis cinq ans.

Ce même rapport met également en exergue les inégalités d'investissement selon les collectivités, avec un recul net du montant investi pour le bloc communal.

Dans un département comme le mien, qui compte 890 communes, vous comprendrez, madame la ministre, que je sois régulièrement interpellé par les élus.

Ces derniers s'inquiètent des hausses annoncées pour 2022 des matériaux et matériels pour le BTP, alors même que ces matériaux ont déjà subi une augmentation de 15% à 20% en 2021.

À titre d'exemple, le ciment verra son prix augmenter de 10%, à partir du 1er janvier prochain. Cette augmentation sera de 20% pour les produits à base d'aluminium ainsi que pour la laine de roche – et je ne vous parle pas des délais de livraison qui s'allongent.

Toujours au rayon des mauvaises nouvelles, la hausse des coûts de l'énergie sous toutes ses formes est venue se greffer à cette situation, ce qui a des effets considérables sur le budget de fonctionnement de nos collectivités, ainsi que sur leurs capacités d'autofinancement.

Madame la ministre, mes questions seront donc claires et simples. Que compte proposer le Gouvernement pour soutenir les finances locales ? Une hausse de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) est-elle notamment envisagée ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, sans vouloir faire de l'esprit, je vous répondrai que c'est à cela que servent les débats financiers dans les assemblées… Quand ils n'ont pas lieu, c'est regrettable.

La hausse du prix des matières premières est, bien sûr, une réalité que vivent tous les artisans et tous les industriels. Si l'inflation ne devrait pas peser sur les devis qui ont déjà été signés, cela sera sans doute le cas pour les travaux à venir.

Pour en tenir compte, vous appelez à une hausse de la DETR et de la DSIL. Or, pour la DSIL, il me semble que votre demande est satisfaite, puisque le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de cette dotation de plus de 300 millions d'euros. Quant à la DETR, elle atteint dorénavant un milliard d'euros, ce qui est considérable. Bien sûr, on peut toujours faire davantage, mais nous sommes évidemment soumis à des contraintes budgétaires et il faut respecter un certain équilibre.

Je note par ailleurs que l'inflation aura des conséquences positives, si vous me permettez de le dire ainsi, sur certaines ressources locales, ce qui permettra aux collectivités de faire face à la hausse des prix.

Par exemple, la valeur locative cadastrale qui sert de base aux impôts fonciers suit l'inflation et devrait augmenter de ce fait de 3,2% en 2022, ce qui rapporterait mécaniquement plus de un milliard d'euros aux communes et aux intercommunalités.

Autre exemple, la TVA : son produit dépend des prix à la consommation, si bien qu'elle pourrait rapporter 400 millions d'euros supplémentaires en 2022 aux intercommunalités, 815 millions aux départements et 800 millions aux régions.

J'ajoute pour conclure, monsieur le sénateur, que nous avons pris la décision de proroger en 2022 le dispositif de soutien aux régies municipales voté l'an dernier. C'est un autre exemple qui montre que le Gouvernement est bien à l'écoute des collectivités territoriales.

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Avant de vous poser ma question, madame la ministre, je reviens sur la réforme de la taxe d'habitation. Je reste persuadé et je persiste à dire que c'était une mauvaise réforme aussi bien pour les collectivités territoriales qu'en termes de justice sociale.

Je vous rappelle en effet que 80% des ménages les plus modestes ont profité de 57% des économies réalisées par les contribuables, tandis que les 20% les plus aisés en bénéficieront à hauteur de 43%. En moyenne, les premiers auront un gain de 555 euros,…

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C'est donc un gain !

M. Éric Kerrouche. … alors que les seconds profiteront à terme d'une économie de 1 158 euros.

J'en viens à ma question.

Dans les instructions ministérielles du mois de mai 2020 relatives aux modalités d'organisation de l'ANCT, dans les plaquettes d'information, ainsi que lors du débat de contrôle qui a eu lieu l'an dernier, vous avez mis en valeur l'évaluation et l'impact territorial des actions de l'agence. Ma question s'inscrit dans cette logique.

Vous avez raison, le suivi et l'évaluation de l'ANCT sont des sujets très importants et, dans le cadre du rapport d'information sur l'organisation territoriale de l'État qu'Agnès Canayer et moi-même réalisons pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, 1 500 élus ont répondu à un questionnaire qui portait justement sur ces sujets : parmi eux, 40% qualifient le niveau d'ingénierie dont ils disposent de " ni bon ni mauvais " ; lors du lancement d'un projet complexe, plus de 50% font appel au département ou à l'intercommunalité, seuls 12% font en priorité appel à l'État et 18% au secteur privé.

Surtout, moins de 50% des répondants connaissent l'ANCT. Parmi eux, 22% seulement ont fait appel à ses services.

Vous l'avez dit, madame la ministre, c'est une institution jeune. Quels sont ses atouts et ses faiblesses ? Comment comptez-vous la développer ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous savez très bien que le Gouvernement voulait supprimer la taxe d'habitation pour 80% des ménages. C'est à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel qu'il a décidé d'appliquer cette réforme à l'ensemble des contribuables.

En ce qui concerne l'ANCT, j'ai déjà répondu à cette question. Je compte bien évidemment sur le relais des parlementaires – je le dis très honnêtement – pour faire connaître l'agence dans l'ensemble des territoires, en particulier dans les communes rurales, celles qui ont le plus besoin de son appui.

Comme vous le savez, l'organisation de l'ANCT est entièrement déconcentrée : elle repose sur le préfet de département ou sur un sous-préfet, l'un ou l'autre étant secondé par le directeur départemental des territoires (DDT) ou le directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM), qui est au coeur des questions d'ingénierie.

J'ai réuni l'ensemble des DDT et DDTM et nous faisons le maximum pour que les élus connaissent l'existence de l'Agence nationale de la cohésion des territoires qui est à leur disposition. Nous préparons des publications que nous adressons aux mairies. Nous avions un stand au Congrès des maires. Je le répète, nous faisons le maximum !

Nous réussirons aussi à faire connaître l'agence par le biais des politiques publiques que nous mettons en place. Ainsi, pour répondre avec retard à Jean-Michel Arnaud, qui mentionnait le plan Avenir montagnes, l'ANCT est chargée de promouvoir ce plan, ce qui devrait permettre de mieux la faire connaître.

Nous devons, tous ensemble, engager tous les efforts possibles pour faire connaître l'agence.

Mme le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, ma question porte sur les budgets des départements.

Des expérimentations sont en cours pour recentraliser le revenu de solidarité active (RSA). Vous nous donnerez peut-être des informations sur ce processus, madame la ministre, mais force est de constater que cela ne fait pas l'unanimité parmi les présidents de département. Il faut dire que le social constitue la raison d'être des départements : ils n'ont évidemment pas envie de s'en séparer.

Le véritable problème, c'est que les budgets de certains départements sont extrêmement contraints par la dépense sociale, notamment le RSA. Plusieurs départements sont même dans une situation d'asphyxie budgétaire !

Une donnée est très parlante, en particulier dans mon département, l'Aisne, pour appréhender ce problème : c'est le reste à charge par habitant, c'est-à-dire le montant des dépenses sociales à la charge du département moins la compensation de l'État, divisé par le nombre d'habitants. Cette statistique montre des écarts très importants selon les territoires.

Dans ces conditions, plutôt que de recentraliser le RSA, ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il faudrait engager une discussion avec les départements pour mieux compenser ceux qui sont contraints, voire complètement asphyxiés, par les dépenses sociales ?

Cette approche pourrait aussi constituer une porte d'entrée pour aborder l'autre sujet que je voulais évoquer avec vous : la péréquation. C'est un problème très difficile, assez technocratique : il s'agit de faire en sorte que le service rendu à la population soit à peu près équivalent sur l'ensemble du territoire.

La péréquation horizontale – les départements riches payent pour ceux qui sont davantage en difficulté – est compliquée à mettre en place. Il est en effet très délicat de mettre tout le monde d'accord, puisqu'elle fait naturellement des perdants et des gagnants…

En tout cas, quel rôle l'État peut-il jouer dans la péréquation entre départements ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la recentralisation du RSA a été proposée par l'Assemblée des départements de France (ADF), même s'il est vrai que tout le monde n'était pas d'accord pour avancer dans ce sens. C'est pourquoi nous avons proposé de le faire sous la forme d'une expérimentation. J'ajoute que le clivage politique initial sur ce sujet est aujourd'hui dépassé.

Un seul département, la Seine-Saint-Denis, s'est engagé dans ce processus. Vous n'avez qu'à contacter les élus de ce département pour constater qu'ils sont très satisfaits de l'accord que nous avons trouvé ensemble. La recentralisation s'accompagne d'engagements en faveur d'une politique plus forte en faveur de l'insertion. Comme l'État reprend le financement du RSA, il prélève une partie des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) du département.

Je connais bien le président du conseil départemental de l'Aisne et la situation de votre département, monsieur le sénateur : elle est difficile, notamment parce que le taux de la taxe foncière y est particulièrement élevé, si bien que le département n'a plus de marges de manoeuvre. Je ne sais pas de quand date ce niveau élevé, mais le fait est qu'augmenter encore le taux serait insupportable pour les contribuables.

Nous travaillons avec les élus de ce département sur l'ensemble de ces sujets financiers, ainsi que sur le RSA. Sachez que l'Aisne se pose la question d'une éventuelle recentralisation du RSA, mais je vous dis tout de suite que ce ne sera pas pour 2022. D'autres départements, comme la Somme ou la Corrèze, y réfléchissent également.

Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L'augmentation des DMTO prévue pour 2022 et estimée à 25 % en moyenne devrait faciliter le financement des budgets départementaux.

Mme le président. La parole est à M. Bruno Rojouan.

M. Bruno Rojouan. Avec la crise sanitaire, certains de nos concitoyens ont fait le choix de se confiner hors des grands centres urbains et ont ainsi redécouvert les charmes et la qualité de vie des zones rurales et des villes moyennes.

Dans certains départements comme l'Allier, nous assistons depuis quelques mois à des ventes de biens qui ne trouvaient pas preneurs. Les nouveaux arrivants sont souvent de jeunes couples d'actifs cherchant à s'éloigner des métropoles et à acquérir une résidence au vert.

Ces nouvelles populations sont une chance pour redynamiser la démographie déclinante des territoires ruraux, à condition bien sûr de leur permettre d'y rester par une politique d'attractivité renforcée.

Madame la ministre, les territoires dont nous parlons ont de véritables besoins.

Ces besoins concernent tout d'abord les infrastructures de communication, puisque de multiples chantiers de réseaux ferrés et routiers doivent encore être menés et la couverture en réseau 4G améliorée. Dans ce domaine, la signature du New Deal mobile a contribué à des avancées, mais ce plan n'a pas su répondre à tous les enjeux du développement numérique mobile et des zones blanches persistent.

Ces besoins concernent ensuite le maintien des services publics, alors que ferment des bureaux de poste, des classes et divers guichets. L'implantation des maisons France Services ne résout pas tous les problèmes. Leur fonctionnement laisse un reste à charge important pour les collectivités et les élus craignent une inégale implication des opérateurs sur la durée.

Ces besoins concernent la revitalisation des centres-bourgs, enjeu majeur d'une reconquête vivante. Un an après le lancement du programme Petites Villes de demain, un bilan d'étape doit être mené.

Madame la ministre, vous le savez, les territoires ruraux se battent chaque jour pour attirer de nouvelles populations. Le soutien de l'État doit être plus puissant. Force est de constater que beaucoup reste à faire en la matière.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, sur le New Deal mobile, il est vrai que des zones grises, voire blanches, persistent, mais il faut reconnaître l'effort fourni par les opérateurs. Sur les 5 000 pylônes qui devaient être installés, 2 987 l'ont été et à peu près 1 000 autres le seront l'année prochaine.

En outre, vous savez que les choses ont évolué : auparavant, chaque opérateur installait ses propres pylônes, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. C'est un grand progrès.

Je rappelle par ailleurs qu'un total d'environ 30 000 pylônes est déjà installé sur notre territoire. Nous devons poursuivre dans cette voie et l'Arcep est chargée de vérifier l'avancement de ce déploiement. Un rapport publié au mois de septembre 2021 fait le constat que le processus se déroulait comme prévu.

Pour conclure sur ce point, nous devons toujours avoir en tête qu'il existe des contraintes géographiques. Un sénateur citait tout à l'heure l'exemple de Salbris, en Sologne : dans cette région, les ondes passent difficilement et il n'est pas simple de trouver d'autres solutions.

Monsieur le sénateur, vous avez aussi évoqué le programme Petites Villes de demain qui vient de démarrer et qui est très important. Il s'agit d'apporter une aide à environ 1 600 communes qui jouent un rôle de centralité dans les territoires ruraux et de soutenir leurs projets d'aménagement. Une directrice de l'ANCT s'occupe spécifiquement de ce programme auquel je suis très attentive.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, le rôle de nos collectivités dans la gestion des déchets est central. Pour atteindre des objectifs environnementaux ambitieux, il est aujourd'hui nécessaire d'agir pour réduire les déchets à la source, donc d'assister les collectivités dans la mise en place de dispositifs innovants.

Le Grenelle de l'environnement prévoyait la possibilité d'inclure une part variable incitative dans les taxes ou redevances d'enlèvement.

Cet objectif est loin d'être atteint aujourd'hui, compte tenu des contraintes de mise en oeuvre du dispositif dans les zones urbaines denses, où la part importante de logements collectifs rend la mesure individuelle du tonnage des déchets opérationnellement complexe.

Plusieurs collectivités ont imaginé un dispositif de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) incitative à une échelle collective. Ce scénario repose sur l'instauration d'une TEOM incitative basée sur plusieurs flux de déchets ménagers et assimilés, mesurés collectivement par secteurs. Ces secteurs, qui peuvent être des communes, des quartiers ou des îlots, seraient définis par délibération, la collectivité territoriale évaluant notamment l'échelle la plus pertinente.

La philosophie de ce scénario novateur repose sur des dynamiques collectives. Elle constitue un élément moteur des changements de comportement, tend à limiter les potentielles incivilités et contribue à l'objectif de réduction de la quantité de déchets produits.

Madame la ministre, il serait facile d'instaurer ce dispositif, qui fait consensus parmi les associations d'élus, par le biais d'un amendement au projet de loi de finances. Malheureusement, nous n'avons pas pu déposer un tel amendement, faute de discussion en bonne et due forme de ce texte par le Sénat.

Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à appuyer cette proposition lors du débat en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, afin de permettre aux collectivités intéressées par ce dispositif de le mettre en oeuvre ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je trouve assez amusant que vous me demandiez de présenter un amendement, parce que vous n'êtes pas en mesure de le faire… C'est un peu ubuesque ! (Sourires.)

Je suis évidemment incapable de prendre un engagement à ce stade sur un système que je ne connais pas particulièrement.

En revanche, je connais assez bien le terrain et je sais que les redevances incitatives ne font pas l'unanimité. Il existe un débat entre ceux qui y sont favorables et ceux qui défendent le principe de la taxe.

L'efficacité de la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères, dispositif qui, je le rappelle, reste un libre choix pour les collectivités, réside dans la responsabilisation de l'usager qui sait que, s'il produit moins de déchets, il paye moins cher.

La loi prévoit que la redevance incitative peut être calculée au niveau d'un bâtiment – immeuble ou maison individuelle –, dans la mesure où il est possible de calculer la quantité de déchets produits à cette échelle.

Élargir le calcul de la redevance à tout un quartier pourrait dénaturer l'objet même du calcul. En effet, la collectivité calculerait une redevance pour tout le quartier et la répartirait à parts égales entre les foyers. Cette méthode pénaliserait évidemment les ménages les plus économes et avantagerait ceux qui rejettent davantage de déchets.

Par ailleurs, cette proposition poserait des difficultés d'application : le maillage serait complexe à appréhender pour les services fiscaux et les dégrèvements qui résulteraient de ce dispositif seraient à la charge des communes ou de leurs groupements.

Pour le dire autrement, une redevance incitative ne peut se concevoir correctement qu'au plus près de l'usager. Par conséquent, monsieur le sénateur, ce que vous proposez mérite d'être un peu plus approfondi.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, je ne trouve pas cela particulièrement amusant…

La France est aujourd'hui sur un plateau dans la gestion des déchets et il faudra bien trouver des solutions. Or certaines collectivités sont prêtes à s'engager, au moins à titre expérimental. Il s'agit non pas d'appliquer tout de suite un système global à tout le monde, mais de trouver des solutions et de proposer des pistes.

J'ajoute qu'il s'agit ici non pas de redevance, mais de taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. La défense extérieure contre l'incendie est un sujet primordial pour l'aménagement des communes. Alors que, dans certains territoires, les règlements départementaux ont été élaborés avec pragmatisme et bon sens, dans d'autres, comme dans le département de la Seine-Maritime, ils sont devenus une énorme épine dans le pied des élus.

Pour certaines communes, le manque de foncier pour installer des bâches ou des réserves d'eau enterrées rend son application impossible. Pour d'autres, le débit d'eau est insuffisant pour installer des poteaux incendie. Pour toutes, ce sont des dépenses démesurées, absorbant parfois jusqu'à la totalité du budget d'investissement du mandat, pour s'y conformer. Sans parler des bureaux d'études non agréés par l'État qui jouent de cette situation pour faire monter les enchères.

Résultat, des permis de construire ne peuvent être délivrés et des aménagements sont empêchés, renforçant le sentiment d'abandon d'élus de milieux ruraux et l'idée que l'on veut asphyxier les petites communes pour les faire disparaître.

La préfecture de Seine-Maritime, après nos multiples interventions, entend enfin conduire une révision du règlement départemental, mais uniquement à la marge, à ce stade. Par ailleurs, dans leur rapport d'information, Hervé Maurey et Franck Montaugé ont montré que les préfets n'avaient aujourd'hui aucun moyen d'évaluer les coûts de mise en conformité pour les communes.

Madame la ministre, pouvez-vous faire chiffrer ces aménagements, tout comme les équipements nécessaires aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) pour assurer la protection des populations, afin de déterminer ce qui serait le plus pertinent et le moins lourd financièrement ?

Quels accompagnements financiers pouvez-vous envisager pour soutenir les communes ? En Seine-Maritime par exemple, la part de la DETR consacrée à la défense incendie est passée de 1% à 8% depuis 2017. Or cette hausse correspond in fine à nombre de projets qui ne sont pas financés par nos communes.

Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Céline Brulin. Enfin, en matière d'ingénierie, j'ai bien entendu ce que vous disiez sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), mais j'estime qu'il y a, là encore, d'énormes marges de progression.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, n'oublions pas que les SDIS sont une compétence décentralisée. On nous accuse parfois de recentraliser, mais, dès que quelque chose ne fonctionne pas, on demande à l'État d'intervenir ! C'est une remarque d'ordre général.

Ce problème a été posé par Hervé Maurey et Franck Montaugé dans un rapport d'information que vous avez mentionné et qui a mis en évidence des difficultés d'application de la réforme de 2015 sur le terrain. Cette politique est désormais calibrée avec une décentralisation plus forte dans chaque département. J'insiste : c'est bien chaque département qui décide.

Je vous confirme que le Gouvernement va se saisir du problème pour essayer de trouver des solutions, sans avoir nullement l'intention de recentraliser cette politique, quoi qu'en pensent certains.

Au mois de juillet dernier, j'ai émis un avis favorable sur un amendement signé par M. Maurey et plusieurs autres sénateurs demandant que le Gouvernement remette un rapport au Parlement au plus tard le 1er juillet 2022, afin d'évaluer la mise en oeuvre des règles départementales relatives à la défense extérieure contre l'incendie, notamment leurs conséquences en matière de finances, d'urbanisme et de développement, pour les collectivités locales en charge de ce service public.

Il convient d'attendre ce rapport pour décider s'il nous faut revoir le décret de 2015, qui a peut-être contribué à créer trop d'inégalités entre les départements.

Mme le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot.

Mme Évelyne Perrot. Madame la ministre, ma question porte sur la relation entre l'aérien et les territoires. Derrière la lutte entre l'« aviation bashing » et l'idée en vogue du voyage de revanche après la pandémie, n'oublions jamais un fait essentiel : la France dispose d'un pouvoir de marché sur la moitié de la flotte aérienne mondiale, ce qui lui permet d'agir positivement pour la planète et pour les territoires.

Des milliers d'emplois et d'entreprises sous-traitantes s'impliquent dans la transition verte de ce secteur haut de gamme. C'est un stimulant pour des formations très qualifiées et l'élévation du niveau scientifique, dont notre pays a tant besoin. Économiquement, c'est tout un écosystème – aéroports, compagnies aériennes, contrôleurs aériens – qui doit travailler dans le même sens.

Trois points particuliers méritent d'être soulevés.

Premièrement, nous fabriquons des avions de plus en plus sobres sans bénéficier de filière pour y incorporer des biokérosènes, dits de deuxième génération, sans ponction sur l'agriculture destinée à l'alimentation. Aussi, nous risquons de prendre du retard par rapport à nos voisins allemands sur les e-kérosène fabriqués en capturant du CO2.

Deuxièmement, 90 aéroports devront investir lourdement pour verdir leurs opérations au sol et préparer l'approvisionnement des avions en nouveaux carburants ou en hydrogène. Il faut combler leurs pertes de recettes dues à la pandémie plutôt que de les inciter à augmenter des prélèvements sur des compagnies aériennes en grande difficulté.

Troisièmement, je m'interroge sur le développement des petits avions électriques. Avant tout, renouvelons la flotte d'environ 6 500 petits avions bruyants et polluants qui servent à la formation des écoles de pilotage. Un soutien limité de l'État permettrait un gain considérable en décibels pour les riverains. Les pertes de taxes sur les nuisances aériennes bloquent les financements de travaux d'insonorisation, alors que le fret aérien se développe avec des vols de nuit. Or nos concitoyens sont de plus en plus sensibles au bruit.

Sur ces trois points, qu'envisage le Gouvernement ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, le Gouvernement a mené une politique particulièrement proactive de soutien au secteur aérien. Ainsi, dans le cadre du plan de relance, 1,57 milliard d'euros de soutien exceptionnel sont consacrés à une feuille de route partenariale État-industriels visant une mise sur le marché d'un avion vert à l'horizon 2035.

Par ailleurs, il faut savoir que les petits avions électriques ne sont aujourd'hui pas produits en France. Nous centrons donc notre soutien sur la recherche et développement, la R&D, pour faire émerger une filière française de petits avions électriques et hybrides.

J'en viens aux conséquences de la crise sanitaire sur l'équilibre économique des aéroports au cours de la période 2020-2022. Le manque à gagner de taxes sur les nuisances sonores aériennes peut être estimé à 80 millions d'euros. Dans un contexte de difficultés financières extrêmement fortes pour les compagnies, il n'est pas prévu de relever les barèmes de cette taxe.

Je suis d'accord avec vous, madame la sénatrice, il est essentiel de permettre la continuité d'une politique publique dont l'objectif est de réduire l'impact des nuisances sonores entraînées par l'activité aérienne sur les populations riveraines. Il se trouve ainsi nécessaire de prendre à brève échéance des mesures visant à faciliter le financement du dispositif d'aide à l'insonorisation aux abords des principaux aérodromes.

À cet égard, une aide de 8 millions d'euros sera proposée en fin de gestion pour l'année 2021 afin de s'assurer d'un niveau de ressources permettant le maintien du dispositif.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la ministre, je le répète, les élus locaux sont très inquiets de la reprise épidémique.

Au-delà des enjeux économiques, cette pandémie a révélé les failles de notre société et renforcé encore les fragilités liées aux situations d'isolement social et de précarité.

Aujourd'hui, plus que jamais, nos communes sont à la base de la cohésion sociale et territoriale et elles ont su faire face. L'État se doit toutefois de les accompagnera afin qu'elles disposent de tous les outils leur permettant de renforcer leur action en la matière.

Force est malheureusement de constater que, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 qui a été soumis au Sénat, l'ambition n'est pas à la hauteur des enjeux, même si je sais que vous n'êtes pas d'accord avec ce constat.

Je ne prendrai que quelques exemples concernant le logement, sujet qui ne peut laisser insensible l'élue locale que vous avez été pendant vingt-cinq ans.

Sur l'hébergement d'urgence, d'abord, un effort certain a été consenti en 2021 et reconduit pour 2022, mais seulement à échéance du mois de mars, date à laquelle des solutions de remplacement doivent être mises en place. Les acteurs locaux demeurent inquiets quant à l'effectivité de ces solutions et craignent une rupture dans l'accompagnement, réduisant la portée du travail d'insertion réalisé.

Ensuite, les crédits dédiés au logement social sont prolongés, mais la subvention par logement ne progresse pas, alors qu'une augmentation permettrait de développer la production de logements très sociaux.

En outre, la rénovation thermique des logements continue d'être encouragée, mais le reste à charge demeure dissuasif pour certains ménages très précaires.

Par ailleurs, la réforme des aides personnalisées au logement (APL) a été très défavorable aux jeunes ménages et son forfait « charges » n'a pas été rehaussé, alors que les coûts de l'énergie ont flambé.

Enfin, les crédits de la rénovation urbaine, bien que promis, peinent à être engagés.

Ce sont autant de faiblesses qui pénalisent les personnes les plus en difficulté. Il convient d'y ajouter la question sensible de la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), la réforme de l'assurance chômage ou encore la stigmatisation des allocataires du RSA via une politique utopiste du « tout retour à l'emploi ». Notre société, bien fragilisée par la pandémie, réclame plus que jamais un grand plan de solidarité intégrant aussi la perte de l'autonomie.

De ce point de vue, le bilan du quinquennat n'est pas satisfaisant. Aussi, je souhaite savoir si le Gouvernement entend renforcer nos politiques de solidarité ; à défaut, les fractures de notre pays risquent de se renforcer.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la thématique que vous abordez concerne bien la mission « Cohésion des territoires », mais elle relève du ministère du logement, lequel est indépendant de mon ministère.

J'essaierai toutefois de vous répondre, votre interrogation renvoyant à tous les débats que nous avons connus sur le volet logement du projet de loi 3DS.

En ce qui concerne la rénovation urbaine, les moyens du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) ont, comme vous le soulignez, été sensiblement augmentés lors de ce quinquennat, passant de 5 milliards d'euros à 10 milliards d'euros en 2018, puis à 12 milliards d'euros au mois de janvier 2021, à la suite du comité interministériel des villes.

Les travaux ont démarré à date dans 328 quartiers du NPNRU, contre 210 l'année dernière. Les effets concrets devraient se voir rapidement sur les territoires.

Les moyens dédiés à l'hébergement d'urgence augmentent de 510 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022, ce qui devrait permettre de maintenir le parc d'hébergement généraliste à un niveau de 190 000 places. C'est un niveau inédit pour ce programme. L'hébergement d'urgence a ainsi connu une augmentation de 48 % de son budget entre 2017 et 2022, pour atteindre 2,7 milliards d'euros dans ce dernier projet de loi de finances.

Je confirme que la réforme des APL visait bien à réévaluer en temps réel les droits de chacun en fonction de ses revenus. La réforme est neutre normalement pour la majorité des bénéficiaires et conduit même à une augmentation pour près de 18 % d'entre eux, selon les chiffres du ministère du logement.

Enfin, en matière de logement social, le Gouvernement se fixe un objectif ambitieux de 250 000 nouveaux agréments de logements sociaux pour les années 2021 et 2022.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Madame la ministre, 843, c'est le nombre de contrats de relance et de transition écologique (CRTE) qui ont été conclus. Ce dispositif se déploie et soulève un certain nombre d'interrogations sur la portée réelle de cette nouvelle politique contractuelle.

Pour lever ces questionnements, il est nécessaire de mettre en place une évaluation qualitative de cette politique publique pour objectiver ses impacts, donc ses contributions notamment en matière d'aménagement du territoire et de transition écologique.

Madame la ministre, avez-vous prévu une méthodologie partagée d'évaluation de la mise en oeuvre de ces contrats ? Avez-vous également pensé à des objectifs à atteindre en fonction des attendus du contrat ?

Les réunions des commissions DETR dans les départements révèlent souvent les ambiguïtés du financement des CRTE. Ne disposant pas de ligne spécifique, le fléchage prioritaire de la DETR et de la DSIL vers les CRTE inquiète fortement les communes qui ne sont pas dans cette contractualisation, le pouvoir discrétionnaire de l'État sur une grande partie des dotations renforçant cette inquiétude.

Les crédits disponibles ne couvriront pas l'ensemble des demandes et les CRTE deviendront une obligation pour les collectivités pour être éligibles à certaines autres dotations. Pouvez-vous clarifier cette situation ?

Prévus pour une durée de six ans, ces contrats restent subordonnés chaque année aux disponibilités inscrites dans la loi de finances et sont cadencés par la mise en oeuvre du calendrier des travaux et du dépôt des dossiers. Mesurez-vous cette incertitude en matière de prévisions financières ? Même sans incertitude financière, le financement des CRTE risque de gager les crédits DETR et DSIL sur plusieurs exercices. Partagez-vous cette analyse ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, il est vrai que le sujet n'est pas simple…

Le CRTE est en fait une enveloppe signée à l'échelle d'une ou plusieurs intercommunalités – les territoires choisissent –, qui a pour but de rendre plus lisibles les rapports entre l'État et les collectivités territoriales, ainsi que de répondre aux projets de territoire en finançant aussi bien des projets communaux que des projets intercommunaux.

Ce dispositif a aussi été créé pour que les intercommunalités aient accès aux contrats de relance dans les deux premières années.

Les CRTE sont signés pour six ans afin de les faire correspondre aux mandats communal et intercommunal.

Il est important de rappeler que des programmes déjà existants, comme Petites Villes de demain, Action coeur de ville ou France Services, sont déjà compris dans nos politiques publiques. Pour autant, il convient de développer une approche intercommunale pour ceux qui vivent sur un même territoire.

Cette absence de ligne dédiée ne freine pas le déploiement des financements de l'État. On compte à date 360 CRTE et 530 protocoles de préfiguration signés. Jusqu'à preuve du contraire, je le répète, il n'y a pas de frein au financement des projets qui sont dans les CRTE.

Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les financements de mon ministère ne sont pas les seuls accessibles par les CRTE. Ceux d'autres ministères peuvent intervenir.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Madame la ministre, vous mesurez bien les inquiétudes. Pour ma part, je parle des autres projets, ceux qui ne sont pas dans les CRTE. Comment seront-ils financés si les enveloppes sont fléchées sur ces contrats ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C'était la question de Claude Raynal tout à l'heure !

M. Hervé Gillé. Nous aurions pu faire du CRTE différencié, en fonction des régions et des départements, pour coller au plus près des politiques contractuelles de ces collectivités.

Mme le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : " La contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires. "

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

Mme le président. La séance est reprise.


Source http://www.senat.fr, le 9 décembre 2021