Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative, à CNews le 24 novembre 2022, sur l'affaire Adrien Quatennens, accusé par son épouse de "violences physiques et morales" et les violences conjugales.

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Texte intégral

LAURENCE FERRARI
Bonjour Madame la Ministre, secrétaire d’Etat pour la Vie associative, l’Economie sociale et solidaire.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

LAURENCE FERRARI
On va parler de vos sujets dans un instant. Mais bien sûr, vous êtes une féministe de toujours. L’épouse d’Adrien QUATENNENS affirme qu’elle a subi plusieurs années de violences physiques et verbales, alors que son époux, Adrien QUATENNENS, n’avait admis qu’une seule gifle, donnée dans le cadre d’un divorce conflictuel. Et il conteste les faits. Néanmoins, est-ce que vous pensez qu’il a encore sa place sur les bancs de l’Assemblée nationale ?

MARLENE SCHIAPPA
D’abord, je veux adresser mon soutien à son épouse, mais aussi à toutes les femmes qui en ce moment même vivent des violences conjugales et qui éprouvent parfois des difficultés à en parler, parce qu’elles pensent qu’elles ne seront pas soutenues. Ce que cela nous montre, c’est que ce n’est jamais juste une gifle, et c’est ce que je dis depuis le début. J’étais profondément choquée de voir le bal et le défilé des cadres de La France Insoumise nous expliquer pendant des semaines que juste une gifle, si ce n’était pas trop fréquent, ce n’était pas trop grave, ce n’est jamais juste une gifle, derrière juste une gifle, il y a des violences psychologiques généralement. D’ailleurs, Adrien QUATENNENS, lui-même, dans son premier communiqué, avait parlé aussi de harcèlement téléphonique, il y avait une histoire de coude fracturé, me semble-t-il, de mémoire. Donc ce n’est jamais un fait isolé, c’est toujours un fait à remettre dans son contexte. Maintenant, moi, je suis membre du gouvernement, donc du pouvoir exécutif, il ne m’appartient pas de décider à la place du peuple qui doit siéger comme élu à l’Assemblée nationale ou ne doit pas siéger. Mais cette affaire est gravissime, et la réaction de La France Insoumise avec ce petit communiqué ce matin, c’est trop peu et trop tard.

LAURENCE FERRARI
Un petit communiqué qui dit : il faut que la procédure judiciaire aille à son terme avant que l’on puisse envisager du sort d’Adrien QUATENNENS…

MARLENE SCHIAPPA
Oui, enfin, c’est quand même, d’accord, c’est le minimum syndical de la lutte contre les violences conjugales. Donc quand on a passé six ans à donner des leçons à ceux qui agissaient, c’est-à-dire nous, et moi, en l’occurrence, avec le Grenelle des violences conjugales, et qu’aujourd’hui, on vient minimiser continuellement ces faits de violences conjugales en disant qu’il faut prendre soin de l’auteur des violences, sans jamais avoir un mot de soutien pour la victime et pour les victimes. Je trouve ça pas à la hauteur et pas au niveau. Et je pense à toutes les femmes qui ont voté pour Jean-Luc MELENCHON, et qui sont, elles, victimes de violences conjugales, et qui attendent un tout petit peu de soutien de la personne pour qui elles ont voté.

LAURENCE FERRARI
C’est-à-dire que pour vous, La France Insoumise, c’est comme un clan qui se protège, s’auto-protège, même les femmes de La France Insoumise ne sont pas très claires sur le sujet ?

MARLENE SCHIAPPA
Manifestement, je vous disais, le communiqué, c’est très peu et c’est trop peu et c’est trop tard. Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, il y a une niche LFI, ça veut dire que La France Insoumise peut déposer les lois qu’elle veut, sur les sujets qu’elle veut. Nous sommes la veille du 25 novembre, journée mondiale contre les violences faites aux femmes, LFI n’a absolument rien déposé sur le sujet de la protection des femmes face aux violences conjugales. Ça veut dire que, non seulement, ils couvrent Adrien QUATENNENS, et nous verrons ce que dit la justice, il est présumé innocent, mais il a quand même avoué, donc, c’est un fait important. Mais en plus, ils ont renoncé à porter ce combat au niveau politique.

LAURENCE FERRARI
Il est convoqué, encore un dernier mot sur lui, le 13 décembre devant le tribunal judiciaire de Lille pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; c'est une procédure de plaider coupable, est-ce que ça peut être remis en cause par les nouvelles déclarations de son épouse, qu'il conteste formellement ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je ne me prends pas pour la justice…

LAURENCE FERRARI
Non, non, mais la procédure est intéressante à expliquer à nos téléspectateurs…

MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr. La procédure, effectivement, est intéressante, mais moi, ce que je veux dire surtout, c'est que je m'intéresse... Adrien QUATENNENS, en fait, si vous voulez, c'est l'arbre qui cache la forêt, et je veux dire surtout aux femmes qui sont victimes de violences conjugales aujourd'hui, de violences dans le couple quelles qu'elles soient, qu'il y a pléthore de dispositifs en France qui existent, et qu'on doit pouvoir s’en saisir.

LAURENCE FERRARI
Mais vous dites que vous ne voulez pas... vous êtes dans l’exécutif, vous ne voulez pas prendre position…

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr…

LAURENCE FERRARI
Mais vous pourriez, vous, l’écouter à nouveau, dans l’Assemblée, dans l’hémicycle sans aucun problème, monsieur QUATENNENS ?

MARLENE SCHIAPPA
Je ne l’envisage pas, et au-delà de ça, il y a une responsabilité vis-à-vis de ses électeurs, vis-à-vis de ses électrices, et j'espère que le groupe La France Insoumise mettra moins de temps désormais à réagir.

LAURENCE FERRARI
Marine LE PEN estime que LFI devrait exclure monsieur QUATENNENS de son groupe, elle a raison ?

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, écoutez, moi, je pense que c'est une question qui se pose dans un parti politique, vous savez, nous, on est en train de monter une structure de lutte contre les violences sexistes et sexuelles chez Renaissance, et justement, on pose une doctrine claire, pour savoir à partir de quand on est exclu, et pour moi, quelqu'un qui a commis des violences conjugales n'est pas quelqu'un qui est désormais fondé ou apte à représenter la nation française à l'Assemblée nationale.

LAURENCE FERRARI
Vous dites que vous êtes en train de créer cette structure interne, est-ce que ces structures ne seront pas là justement pour parasiter le travail de la justice ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, justement, c'est toute la ligne de crête, moi, je tremble quand j'entends Clémentine AUTAIN dire : il faut que maintenant La France Insoumise aille entendre la victime, je tremble quand j'entends Sandrine ROUSSEAU dire : c'est la première fois que la femme d'Adrien QUATENNENS prend la parole, mais une main courante, ce n'est pas une prise de parole, c'est la prise de parole la plus claire qui soit, d'aller dans un commissariat ou une gendarmerie déposer une plainte ou déposer une main courante, donc on ne peut pas se voiler la face et se voiler les yeux et faire comme – et s’aveugler – et faire comme si on ne voyait pas ces femmes qui parlent, sous prétexte qu'elles accusent quelqu'un de leur parti.

LAURENCE FERRARI
Mais ces structures internes ne sont pas là pour étouffer les affaires, y compris chez Renaissance ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, nous, justement, on est une structure de 9 personnes avec des avocats, des avocates, des professionnels, et notre but, c'est : ne pas nous substituer à la justice, nous ne singerons pas la justice, nous n'allons pas faire des petits procureurs, au contraire, nous voulons faire de la prévention, des actions de formation, et ensuite, apporter un soutien psychologique, et diriger vers la justice, car nous sommes dans un Etat de droit, la justice existe dans ce pays, et je me félicite que, désormais, des femmes déposent des plaintes et aillent déposer des mains courantes, ce n'était pas toujours le cas encore précédemment.

LAURENCE FERRARI
Vous l'avez rappelé, le 25 novembre, c'est la journée de lutte contre les violences faites aux femmes, dans ce cadre-là, il y a un documentaire qui sera diffusé sur C8 à votre initiative : « Femmes battues : au coeur des foyers », qu'est-ce qu'il raconte ce documentaire ?

MARLENE SCHIAPPA
C'est un documentaire qu'on a voulu très cru justement sur la réalité des violences dans le couple, parce que, parfois, quand on en parle, on a l'impression que c'est un peu édulcoré, on disait précédemment, il y a encore des gens et des responsables politiques qui minimisent les violences conjugales, nous, on a voulu vraiment montrer la réalité de ce que c'est, donc à la fois dans une association, à police secours, dans une unité médico-judiciaire, avec des travailleurs sociaux, et des femmes ont confié au réalisateur Jean-Michel GOMEZ des documents, par exemple, des enregistrements de leur mari violent. Il y a même une vidéo à un moment d'un fait terrible et atroce, et des enfants qui s'expriment aussi, ça permet de mieux percevoir cette réalité, et surtout, moi, ce que j'ai voulu, c’est communiquer sur les dispositifs qui existent, c'est le sens de tout mon engagement, j'ai fait des lois, j'ai fait des guides juridiques, et aujourd'hui, on a impulsé, avec Maxime SAADA et H2O PRODUCTIONS, ce documentaire, pour faire en sorte de montrer qu’on n'est pas seul quand on est victime de violences conjugales, on peut être soutenu et aidé.

LAURENCE FERRARI
Mais il y a encore beaucoup à faire évidemment…

MARLENE SCHIAPPA
Il y a encore énormément à faire...

LAURENCE FERRARI
Les violences sont tues, c’est encore un tabou…

MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, d’ailleurs, on ne le cache pas, dans le documentaire, on montre aussi des dysfonctionnements, on montre aussi des lenteurs, on montre aussi tout ce qui doit encore être amélioré, parce que c'est un long combat de société qui n'est pas encore gagné.

LAURENCE FERRARI
Et il y a des progrès à faire du côté de l'enregistrement des plaintes, du côté de la magistrature, dans tous les pans de ce qui…

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je vous dirais qu’il y a des progrès à faire de tous les côtés, absolument, sans exception, y compris du côté policier, dont les plaintes, le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN, a demandé qu'elles soient traitées en priorité. On a créé maintenant dans tous les commissariats des postes d’ISCG, d’intervenants sociaux dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, on forme aujourd'hui les policiers et les gendarmes, plus de 100.000, on a créé une plateforme qui s'appelle « arrêtonslesviolences.gouv.fr », où on peut aller 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, s'exprimer auprès de policiers, gendarmes, préparer sa plainte, dialoguer avec des psys. Donc a vraiment déployé des dispositifs, les ordonnances de protection, les bracelets anti-rapprochement, etc., maintenant, il faut vraiment qu'ils soient connus pour qu'ils puissent être déployés.

LAURENCE FERRARI
Et le numéro de téléphone, le 39 19, qu’on rappelle…

MARLENE SCHIAPPA
39 19, 24 heures sur 24.

LAURENCE FERRARI
Aujourd’hui, vous parliez de ce qui se passe à l'Assemblée nationale, le droit à l'IVG sera proposé pour être inscrit dans la Constitution, quelle est votre position là-dessus ? Est-ce que le droit à l'IVG est menacé dans notre pays ?

MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, moi, je trouve que c'est intéressant et important de sanctuariser le droit à l'IVG, puisqu'on voit que dans plusieurs pays, y compris au niveau de l'Union européenne, le droit à l'IVG est remis en cause, maintenant, on n'a pas la même situation politique aux Etats-Unis, aux Etats-Unis, c'est le pays des extrêmes, si je puis dire, donc, vous avez à la fois des mouvements anti-IVG très puissants, et vous avez aussi des Etats dans lesquels l’IVG était permis très longtemps au moment de la grossesse, avec des délais extrêmement longs. Moi, je pense que c'est important le symbolique, mais je pense que ce qui empêche aujourd'hui les femmes d'avoir pleinement accès à l'IVG, de passer du droit formel au droit réel, c'est la désertification médicale, et c'est le maillage territorial, on sait toutes aujourd'hui que prendre un rendez-vous chez un gynécologue, et particulièrement quand on veut avoir un nouveau médecin, qu’on vient d’emménager, etc., et spécialement dans les zones rurales, c'est très difficile. Donc pour moi, c'est vraiment ça la vraie urgence, et travailler sur ce droit réel plus que le droit formel.

LAURENCE FERRARI
Donc votre groupe votera pour cette inscription de l'IVG dans la Constitution ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, nous, notre groupe, à l’initiative d'Aurore BERGE, la présidente, a fait une proposition de loi pour constitutionnaliser…

LAURENCE FERRARI
Qui n’est pas celle de La France Insoumise…

MARLENE SCHIAPPA
Voilà, qui est une autre proposition, qui est rédigée différemment. Donc nous verrons ce que les parlementaires votent.

LAURENCE FERRARI
Les Républicains estiment que ce droit à l'avortement n'est pas menacé dans notre pays. Olivier MARLEIX demande à ce que cette disposition soit accompagnée de celle du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, par un souci d'équilibre, comme dans la loi Veil de 75.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, j'ai vu d’ailleurs que Marine LE PEN proposait, si je ne me trompe pas, de constitutionnaliser l'ensemble de la loi Veil, moi, je pense qu'on est quand même dans un pays où il peut y avoir une forme d'unanimité sur la constitutionnalisation de l'IVG, nous verrons ce qui est voté, mais je crois que c'est important de rappeler ce droit, et en France, il n'est pas aujourd'hui menacé, mais l'intérêt de la Constitution, c'est de proposer des garanties qui durent dans le temps. Et c'est ça le sens de cette loi.

LAURENCE FERRARI
Vous lancez aussi les Assises de la simplification, on passe à autre chose, pour faciliter les démarches administratives, et redonner du temps aux bénévoles, aux millions d'associations, qui s'occupent de 1.000 choses à travers le pays, c’est important de leur redonner un peu d’air ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, c’est fondamental, moi j’adore mon pays, je suis très patriote, je suis très fière d’être française, surtout que j’ai des aïeux qui ont choisi de devenir français, néanmoins la France, si je peux me permettre, on est quand même le pays de la paperasse et on adore faire des formulaires et des documents administratifs à n’en plus finir, et c’est ce que me disent les bénévoles et les gens qui sont engagés dans les associations, donc nous on va regarder tout ce qu’on peut élaguer, pour qu’un bénévole aujourd'hui passe moins de temps à remplir des CERFA et des documents administratifs, ait plus de temps véritablement sur le terrain, on est dans une pleine période d’activité des associations de solidarité, des Restos du coeur, de la Croix Rouge, etc., c’est important, quand on s’engage comme bénévole, qu’on puisse faire ce pour quoi on s’est engagé, défendre des causes, être solidaire, plus que remplir des documents.

LAURENCE FERRARI
Donc simplifier la paperasse pour leur redonner du temps sur le terrain.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, alléger la charge mentale et redonner du temps véritablement d'engagement.

LAURENCE FERRARI
On le voit, et vous l’avez évoqué, les banques alimentaires démarrent leur distribution, on est dans une situation d'immense précarité pour une grande partie des Français, il n’y a jamais eu autant de demandeurs du côté des Restos du coeur, du Secours catholique, Secours populaire, la grande pauvreté gagne dans notre pays, ce n’est pas un échec de votre gouvernement ?

MARLENE SCHIAPPA
C’est une difficulté qui existe de longue date, et c'est vrai qui s'aggrave avec des situations qu'on a pu connaître, l'inflation et les tensions internationales qu'on connaît, notamment en Ukraine, et leurs conséquences sur les prix de l'énergie, ceci étant le gouvernement est au travail. La Première ministre, Elisabeth BORNE, a annoncé un grand fonds pour soutenir les banques alimentaires, et moi mon travail sur l'économie sociale et solidaire c'est connecter ceux qui ont trop et ceux qui n’ont pas assez, comme le dit le créateur de Phenix, une organisation qui va chercher les invendus dans les magasins alimentaires, pour les donner, au Secours catholique, au Secours populaire, et in fine que ça puisse aller, arriver chez des familles qui n'ont pas assez d'argent pour se nourrir.

LAURENCE FERRARI
Et ça ça fonctionne, les industriels jouent le jeu, l’agroalimentaire joue le jeu ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr, oui, oui, puisqu’il y a une loi, vous savez, la loi AGEC, qui a été votée sous le précédent quinquennat, sur la question de la destruction des invendus, d'ailleurs on est aussi le premier pays à avoir voté l'interdiction de détruire les invendus non-alimentaires, c'est-à-dire les produits d'hygiène, les produits, on parlait des familles qui sont dans le besoin, il y a des bébés parfois qui ont besoin d'avoir des couches, des produits pour l'hygiène des bébés et des enfants, et donc nous en France on n'a pas le droit de détruire ces invendus, donc il y a de plus en plus d'associations, d'organisations de l'économie sociale et solidaire, qui font le lien, qui vont les chercher et qui, in fine, les distribuent, c'est grâce à l'engagement des bénévoles que vous avez des familles aujourd'hui qui reçoivent ces colis alimentaires et qui peuvent survivre.

LAURENCE FERRARI
Un tout petit mot, en regardant les étoiles, de cette femme, Sophie ADENOT qui intègre la nouvelle promotion d'astronautes européens de l’ESA, 20 ans, 20 ans après Claudie HAIGNERE, pourquoi est-ce qu'il faut tant de temps pour que des femmes se disent je peux devenir astronaute ?

MARLENE SCHIAPPA
Holà là, mais vous savez il a fallu une génération entière pour qu'on ait de nouveau une femme Première ministre, Edith CRESSON, quand elle a été nommée, moi j'étais en classe de CE2, ma fille cadette était en classe de CM1 quand Elisabeth BORNE a été nommée à Matignon, ça veut dire que j’ai eu le temps de grandir, passer mon bac, me marier, avoir des enfants, être nommée trois fois au gouvernement, avant qu'il y ait une Première ministre, donc c'est long, ce combat pour l'égalité femme-homme il est loin, mais c’est un magnifique symbole, c'est le visage de la France qu'on aime, et je lui souhaite toute la réussite possible.

LAURENCE FERRARI
Mais c'est aussi un exemple pour dire aux petites filles que les voies scientifiques et les voies les plus incroyables, comme devenir astronaute, sont possibles, ouvertes pour elles.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument, et je pense que c'est ça aussi le féminisme, c'est aider les femmes à sortir du statut de victimes, comme on l'a montré sur la question des violences conjugales, en étant protégées, et c'est aussi montrer des femmes conquérantes, des femmes fières, la tête haute, et qui peuvent remporter de très belles victoires, en tout cas c'est vraiment une fierté pour la France de voir, après Claudie HAIGNERE, une nouvelle femme sélectionnée.

LAURENCE FERRARI
Vous avez raison, et je ne peux pas m'empêcher d'avoir une pensée pour les femmes iraniennes, qui en ce moment même se battent pour pouvoir vivre sans le voile. On en parle peu, on n’en parle pas assez, de cette révolte, de cette révolution qui est en cours en Iran, il faut faire plus, la France doit faire plus Madame la ministre ?

MARLENE SCHIAPPA
Je pense qu’on n’en parle jamais assez. Vous savez, le président de la République, Emmanuel MACRON, a reçu les dissidentes iraniennes, c’était un message très fort, d'ailleurs il a été immédiatement critiqué avec virulence par le régime iranien. Moi j'étais, je suis membre du jury du Prix des femmes d'influence, le prix a été décerné, pour la culture, à Abnousse SHALMANI, qui est cette femme que chacun ici connaît, romancière, journaliste, d'origine iranienne, qui a choisi la France pour vivre, et qui a fait un magnifique plaidoyer pour la culture française, et d'ailleurs, pour le clin d'oeil, elle a refusé qu'on l'appelle « écrivaine », elle a dit qu'elle voulait qu'on dise qu'elle est écrivain, parce qu'elle a dit « je ne suis pas venu en France pour qu'on me ramène sans cesse à mon genre », je trouve que c'est un petit clin d’oeil. Je n’ouvre pas le débat sur l'écriture inclusive et la sémantique…

LAURENCE FERRARI
C’est un autre débat.

MARLENE SCHIAPPA
C’est un autre débat, mais c'était un message important.

LAURENCE FERRARI
Mais ce qui est frappant c'est que certaines jeunes femmes risquent leur vie en Iran pour se dévoiler, et d'autres, en France, se battent pour être voilées.

MARLENE SCHIAPPA
Moi vous connaissez ma position, j'ai été violemment critiquée, menacée, y compris menacée de mort pour mes positions très claires en faveur de la laïcité et contre l'islamisme, mais j'en suis fière, c'est un combat que je mènerai toujours, je pense qu'il y a une hypocrisie très grande dans le fait de dire qu’on soutient du bout des lèvres les femmes iraniennes pour leur combat, mais qu'en fait, en France, on soutient les organisations coup de poing qui font de l'agitprop pour défendre le burqini et autres pratiques, moi je suis très claire sur ce sujet, je défends la liberté des femmes à sortir cheveux au vent et ce dans tous les pays du monde, que ce soit en Iran ou en France.

LAURENCE FERRARI
Dans un contexte d'atteinte à la laïcité en augmentation à l'Education nationale, ça aussi phénomène inquiétant.

MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, et avec des révélations, ou en tout cas disons l'enquête sur les derniers jours de Samuel PATY, d'une tristesse, c'est déchirant de lire ce que ce professeur a vécu, moi je n'oublierai jamais ce moment où nous sommes allés sur place devant le collège le jour même de l'assassinat terrible par un terroriste islamiste de Samuel PATY, et je pense que c'est un combat à mener de chaque instant, et je l'ai dit souvent, avant d'être au ministère de l'Intérieur je ne pensais pas que la lutte contre l'islamisme était une priorité à porter, et aujourd'hui résolument, et pour longtemps, je pense que c'est une des grandes priorités à porter dans notre pays.

LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA d’être venue ce matin.

MARLENE SCHIAPPA
C’est moi qui vous remercie.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 25 novembre 2022