Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à BFMTV le 6 janvier 2023, sur la hausse du prix de l'énergie et ses conséquences pour les artisans, le climat social, la réforme des retraites et l'augmentation du prix de la consultation.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN Bonjour Apolline de MALHERBE. 

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le porte-parole du gouvernent, et alors on a vraiment besoin d'un porte-parole pour essayer de comprendre les explications de texte des déclarations d'Emmanuel MACRON de ces dernières 24 heures. Je voudrais d'abord qu'on parle de l'énergie. Olivier VERAN, Emmanuel MACRON a parlé hier des « profiteurs de crise ». Ecoutez.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
J'ai entendu l'inquiétude l'angoisse, elle est légitime, j'en ai comme vous assez que l’on ait des gens qui, sur la base de la crise, fassent des profits excessifs. Donc, la crise elle touche tout le monde, il faut à la fin de toute façon qu'on absorbe cette hausse des prix, parce qu'on ne produit pas cette énergie, mais il n’est pas normal qu'il y ait des gens qui fassent des très gros profits, dans un moment où on utilise quand même l'argent du contribuable pour aider les plus petits à résister. Donc on va remettre un peu tout le monde d’équerre dans cette période, avec cette mesure et cet effort qu'on va demander. 

APOLLINE DE MALHERBE
Il en a assez, le président. Qui sont les profiteurs de crise ?

OLIVIER VERAN
On peut faire l'exemple bien concret ? Vous prenez un boulanger, le boulanger quand il est chez lui à la maison, il est citoyen français. Le coût de l'énergie il ne l'a pas vraiment, en tout cas très peu senti passer, si je puis dire, puisque l'année dernière on a plafonné la hausse de l'électricité à 4 %. Mais cette année, avec le bouclier tarifaire, il paiera une augmentation de 15 %, ce qui est très loin de l'augmentation réelle de son tarif.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est à la maison.

OLIVIER VERAN
Ça c'est à la maison. Et quand il revêt ses habits de boulanger, eh bien il y a plusieurs situations. S’il a eu la chance de signer un contrat de tarifs d'électricité l'année dernière, par exemple, eh bien il n'a pas d'augmentation du coût de l'électricité. Lui il est à l'abri. Mais si… 

APOLLINE DE MALHERBE
Pendant au moins 3 ans, à peu près la durée du contrat.

OLIVIER VERAN
C’est des contrats de 2 ou 3 ans. Si par contre il était contraint de renouveler son contrat d'électricité, il y a 2 ou 3 mois, eh bien il a signé un contrat qui l’engage pour 2 ou 3 ans, avec une hausse du coût qui peut faire du fois 5 ou du fois 6, et donc lui il ne s'en sort pas. Et lui il ne s'en sort pas. Et ce que dit le président de la République, ce que nous constatons, c'est que cet été l'électricité elle coûtait 5 fois plus cher que ce qu'elle coûte aujourd'hui. Donc il n'est pas normal qu'un artisan, qu'un boulanger, qu'une TPE, qu'un boucher, paient pendant 2 ans une électricité, au tarif auquel il était temporairement il y a quelques semaines où il y a quelques mois. Et donc, ce qu’il exige, ce qu'il demande, et ce qui d'ailleurs fera l'objet d'une réunion avec Bruno LE MAIRE, Agnès PANNIER-RUNACHER aujourd'hui à Bercy, avec les fournisseurs d'énergie, c'est que les fournisseurs d'énergie qui ont signé un contrat qui engage des petits artisans, des TPE, pendant 2 ou 3 ans, avec des tarifs exorbitants par rapport aux tarifs constatés aujourd'hui, renégocient sans frais ces contrats. 

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que, eux, eux ce qu'ils répondent, ceux que donc le président a appelé les profiteurs de cette crise, donc les fournisseurs, eux ils répondent qu'ils ne sont que fournisseurs, et pas producteurs. En gros il y a trois entités, il y a effectivement le boulanger, il y a le fournisseur et il y a le producteur d'électricité. Et le fournisseur, il dit : moi et j'ai acheté mon électricité à un producteur qui me l'a vendue à ce prix-là. Donc si aujourd'hui le boulanger ne lui paie pas, il va devoir quand même lui, payer le producteur. Est-ce que vous ne vous trompez pas de cible ?

OLIVIER VERAN
On ne se trompe pas de cible, ce qu'on veut c'est que ce soit simple. Ce que le président de la République demande depuis des mois, et il y est très attentif, c'est qu'à des problèmes qui en apparence sont simples, en tout cas pour les gens, et qui sont réels et du quotidien, l'Etat apporte des réponses qui soient simples. C'est-à-dire ce n’est pas au boulanger de se débrouiller avec une filière, avec une forêt d’interlocuteurs. 

APOLLINE DE MALHERBE
Mais le fournisseur lui-même, alors je donne l'exemple de celui que j'ai reçu ce matin sur RMC, il s'appelle Julien TCHERNIA, il est président et cofondateur d'ekWateur, ekWateur qui fournit de l'électricité à des particuliers et des professionnels. Lui il dit : si les contrats que j'ai signés ne sont pas payés, je mets la clé sous la porte. Donc ça ne sera pas le boulanger, on va juste remonter d’un cran.

OLIVIER VERAN 
Je vous l’ai dit, Apolline de MALHERBE, les fournisseurs d'énergie sont reçus aujourd'hui à Bercy, qui est la maison-mère de l'économie française, pour que justement tout cela puisse être discuté. Ce que je vous dis, ce que dit le président, c'est de savoir qui du producteur ou du fournisseur doit faire un effort, en tout cas doit remettre les choses d’équerre. Ce n'est pas le problème du boulanger, c'est le problème de l'Etat et du gouvernement et des acteurs économiques eux-mêmes. Et donc on est là pour les accompagner, discuter, négocier, concerter. Le boulanger, lui ce qu’il veut, c'est être sûr qu'il pourra vendre sa baguette au même prix aujourd'hui, dans un mois, dans 2 mois, et ce que veulent les Français, c'est la certitude que les boulangers ne mettront pas la clé sous la porte, dans les petits villages c'est parfois les derniers commerces ouverts, parce que l'énergie aurait coûté trop cher il y a quelques mois ou quelques semaines, et que les boulangers seraient engagés dans des contrats qu'ils ne peuvent pas tenir. 

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ce matin, ceux qui nous écoutent, qui ont eu des contrats d'électricité trop chers, peuvent donc être rassurés : en effet, que ce soit le fournisseur ou le producteur, vous trouverez le coupable et vous ferez baisser la facture.

OLIVIER VERAN
Ce n’est pas une question de coupable, c'est une question de… 

APOLLINE DE MALHERBE
De responsable.

OLIVIER VERAN
Responsable, et… 

APOLLINE DE MALHERBE
Mais enfin les mots étaient quand même très durs, parce que déraisonnable, abusif, aberrant, contrat excessif, profiteur, je peux me permettre de dire coupable, ça me parait cohérent.

OLIVIER VERAN Apolline de MALHERBE, imaginez qu’il n’y ait pas un bouclier tarifaire qui protège les Français… 

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça, c’était les mots du président.

OLIVIER VERAN
Imaginez que comme citoyenne, en rentrant chez vous, vous découvrirez que vous êtes engagée pendant 2 ans, avec votre fournisseur d'énergie… 

APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr…

OLIVIER VERAN
Pour payer un prix de l’énergie 5 fois ou 6 fois aux prix du marché actuel ? Vous seriez la première à dire « c'est inacceptable, c'est inconcevable, je veux renégocier cela ». Il n’y a pas de raison que les entreprises ne puissent pas le faire. Et ça atteste aussi, ça illustre, s'il y avait besoin de le refaire, que l'Etat a fait un geste absolument considérable, pour protéger les ménages, qui eux sont à l'abri de ces hausses spectaculaires du prix de l’énergie. 

APOLLINE DE MALHERBE
Et les modalités, elles seront donc décidées tout à l'heure à Bercy. Il y a un mot quand même dans les déclarations qu'on a entendues d'Emmanuel MACRON, il a parlé des très gros profits, dans cette colère, dans ce « j'en ai assez », pourquoi vous ne les taxez pas, les…

OLIVIER VERAN Mais on les taxe, Apolline de MALHERBE. Dans le dernier budget, vous savez, on a plus parlé de la manière dont on l'a adopté, du 49.3, que ce qu'il y avait dedans. C'est dommage, parce que dans le budget on baissait les impôts, ont supprimait la redevance, on supprimait des impôts de production pour les entreprises, et on prélevait des très gros profits qui avaient été faits notamment par des producteurs d'énergie dans la période. Et ça se compte en milliards d'euros, ce qui nous a permis de financer pour bonne part le fameux bouclier tarifaire qui protège les Français d'une hausse du coût de l’énergie. 

APOLLINE DE MALHERBE
Il s'est aussi agacé, le président, sur l'administration et ses dédales. « Beaucoup de nos artisans, de nos TPE, ont autre chose à faire que d'aller chercher dans des sites Internet, des circulaires absolument illisibles ou des tableaux incompréhensibles ». Là encore il cible qui ? Là, pour le coup, il cible son administration.

OLIVIER VERAN
C’est le concept du jardin à la française. C’est à dire que l’on veut faire parfois au plus juste. Je vous l'ai dit tout à l'heure, vous avez des boulangers qui n'ont pas eu de hausse du coût de l'énergie, parce qu'ils avaient un contrat qui était plus ancien, des boulangers qui font face à une hausse qu’ils ne peuvent pas soutenir, des boulangers qui font face à une hausse qui elle est soutenable, et donc pour aller identifier et qui fait partie de telle ou telle catégorie, en fait on attend dans cette tendance, à demander aux boulangers de démontrer lui-même et d'entamer ses démarches. Je prends l'exemple du boulanger, je pourrais prendre d’autres artisans, évidemment… 

APOLLINE DE MALHERBE
Non non, mais restons sur le boulanger, en ce moment, c’est très parlant.

OLIVIER VERAN
Le boulanger, il se lève à 03h00… lui il est déjà le bout depuis 5 heures, ça fait 5 heures qu'il est debout, qu’il prépare sa pâte, son pain etc. Il va ouvrir son commerce, il va le tenir toute la journée, on ne peut pas lui demander d'entamer des démarches administratives complexes, au milieu de cette journée de travail qui est extrêmement dense, parce qu'il n'y arrivera pas, et donc ça veut dire que c'est à nous de nous adapter. Et donc parfois, eh bien oui, parfois il faut faire plus simple. 

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il en a assez des excessifs et des profiteurs…

OLIVIER VERAN
Mais ça arrive partout, j’ai connu ça au ministère de la Santé… 

APOLLINE DE MALHERBE
Il en assez des couloirs de l'administration qui sont compliqués, il en a assez des numéros verts, alors ça, Emmanuel MACRON qui hier nous a dit qu'il avait pris son téléphone, qu'il avait appelé, qu'il s'était rendu compte que les numéros verts ne marchaient pas. Vous savez combien de numéros verts vous avez lancé, vous, Olivier VERAN ?

OLIVIER VERAN
Au moins quelques-uns je pense. 

APOLLINE DE MALHERBE
Quelques-uns, on va quand même refaire un début de liste, parce que je n’ai pas été totalement exhaustive. Vous avez, lancé Olivier VERAN, un numéro vert canicule…

OLIVIER VERAN
Celui-là, il existe depuis 2003. 

APOLLINE DE MALHERBE
… le 7 août, vous l’avez réactivé le 7 août 2020.

OLIVIER VERAN
Tous les ans, tous les ans il est réactivé. 

APOLLINE DE MALHERBE
Le 0 800 06 66 66. En septembre 2021, Olivier VERAN annonce la mise en place d'un numéro vert de prévention du suicide, c'est le 31 14.

OLIVIER VERAN
C’est important. 

APOLLINE DE MALHERBE
Le 14 avril 2020, numéro spécial professionnels de santé, un numéro vert pour qu'ils se sentent soutenus, le 0 805 23 23 36. Et alors, vraiment le pompon, c'est le numéro vert qui n'a jamais vu le jour, mais que vous aviez annoncé, vous aviez annoncé un numéro vert à venir pour les personnes âgées isolées face au coronavirus, et j'ai cherché, je crois qu’il y a eu une annonce mais il n’est jamais arrivé.

OLIVIER VERAN
Si si, si si, non non, il a… 

APOLLINE DE MALHERBE
Vous l’avez annoncé le 7 avril 2020, mais là pour le coup on peut toujours tenter d'appeler, il n’y a même pas de numéro.

OLIVIER VERAN
Je vais vous dire, un… 

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez dit : il y a un numéro vert à venir.

OLIVIER VERAN
On va faire court. Un, il y a le bon numéro vert et le mauvais numéro vert. Bon. 

APOLLINE DE MALHERBE
Ah, je n’avais pas compris !

OLIVIER VERAN
Donc, ça veut dire qu’il y a des numéros verts qui sont important. Celui de la prévention du suicide par exemple, j'en suis très fier… 

APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr.

OLIVIER VERAN
Et je vous invite à aller voir les associatifs, les bénévoles, il y a des milliers d'appels par jour et ça sauve des vies. Ensuite, pour faire la blague, j'avais ma cheffe de cabinet quand j'étais ministre de la Santé, qui avait dans son bureau un tableau avec un arbre décisionnel en fonction des problèmes que pouvaient rencontrer les Français, qui renvoyaient vers des numéros vers. Ça veut dire que oui, il y a cette velléité parfois, mais ce n’est pas pour solde de tout compte, c'est en plus de dispositifs de plans, qu’on va lancer un moyen de contact rapide, gratuit, pour trouver un professionnel ou avoir une réponse immédiate. Mais ça ne peut pas être pour solde de tout compte. Et effectivement, probablement que le réflexe du numéro vert, on est parfois raillé pour ça, est un réflexe qu'il nous faut perdre. 

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ce n’est pas un peu gonflé quand même de la part d'Emmanuel MACRON, de critiquer son administration, les numéros verts, comme s’il n’y était pour rien ?

OLIVIER VERAN
Non mais, le président de la République il nous demande, et il attend de nous tous, et j'ai été ministre de la Santé en période de crise, et ça m'est arrivé plus qu'à mon tour, donc je ne cible absolument personne, et je suis solidaire de tous les collègues, mais il nous demande de façon générale, et il l'a dit d'ailleurs en Conseil des ministres cette semaine, de ne pas penser la moyenne, mais de nous mettre à hauteur d'homme. Et il dit en fait : on ne peut pas penser les problèmes des Français, en nous mettant dans le costume de ministre ou de responsable d'administration, on doit penser les problèmes des Français en se mettant à la place des Français. Et donc quand vous avez un boulanger qui le matin se lève paniqué en se disant : « je ne pourrais pas payer ma facture, je ne sais pas comment je vais terminer le mois », la réponse qu'on doit lui apporter c'est « on est là, on vient vers vous, on vous accompagne et on vous écoute ». C’est la logique d'ailleurs de ce qui a été fait pendant la crise du Covid où on a mis en place des solutions générales, qui étaient simples et qui permettaient de protéger tous ceux qui en avaient besoin. 

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que le problème c'est : où est-ce que vous arrêtez la liste de tous ceux qui en ont besoin ? Parce qu’effectivement aujourd'hui…

OLIVIER VERAN
C'est une liste qui n'est pas infinie, l'Etat n'a pas vocation à prendre en charge tous les surcoûts liés à l'électricité, ni pour les entreprises, ni pour tout un chacun, parce que si nous le faisions, nous entretiendrions cette boucle qui n'est pas vertueuse, de hausse du coût de l'énergie et ça entretiendrait l'inflation. C'est ça vraiment que les Français doivent comprendre. Si l'Etat disait : on paie tous les surcoûts… 

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous sentez bien que ça va créer un sentiment d’injustice.

OLIVIER VERAN
… ça veut dire que les surcoûts vont augmenter. 

APOLLINE DE MALHERBE
La liste va s'arrêter à un moment, on a commencé, rien que dans cette semaine, par les boulangers, depuis il y a les restaurateurs qui hier ont eux aussi obtenu d'avoir accès à ces aides. Demain il y aura sans doute les bouchers, on entendait aussi le cri des stations de ski qui disent « on n'a plus de neige, on a besoin d'aide », enfin je veux dire, il va y avoir une infinie proportion de professionnels, et on les comprend bien, parce que de leur point de vue ils ont besoin d'aide. Où allez-vous fixer la limite ?

OLIVIER VERAN
Mais, d'abord, en ce qui nous concerne, les TPE, c'est aux fournisseurs, producteurs d'énergie, de faire le geste et de faire l'effort. L'Etat il a pris sa part avec des boucliers, avec l'amortisseur, avec tous les dispositifs qu'on a mis en place, en faisant du cas par cas, et ça c'est indispensable. Ensuite on ne dit pas, je le redis, on ne peut pas dire aux Français « on va prendre en charge tous les surcoûts de l'énergie ou tous les surcoûts liés à l'inflation », sinon on l'entretiendrait, parce que quand c'est l'Etat qui paie, eh bien les producteurs, les commerces, peuvent continuer d'augmenter, et tout ça majore l'inflation. Donc il faut qu'on ait un mécanisme de régulation. On n'est pas dans le quoi qu'il en coûte en l'occurrence. En revanche, on n'a pas préservé… 

APOLLINE DE MALHERBE
On n'est pas dans le quoi qu'il en coûte ?

OLIVIER VERAN
On n’est dans le quoi qu’il en coûte. On est dans l'aide adaptée au bon moment pour ceux qui en ont besoin. 

APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien c’est ça le quoi qu'il en coûte, non ?

OLIVIER VERAN
Non, on avait une aide qui était totale et générale pendant le quoi qu'il en coûte, pendant la crise Covid. Souvenez-vous, toute entreprise avait accès au chômage partiel. Toute entreprise avait accès à ce qu'on appelait PGE, pour leur éviter d'être en difficulté. Là on aide celles et ceux qui en ont besoin, et là en l'occurrence on parle des TPE, des Très Petites Entreprises, des moins de 10 salariés, et pour la plupart d'ailleurs un ou deux salariés, qui ne peuvent pas faire face à une hausse de milliers d'euros du coût de l’énergie dans leurs factures. 

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous êtes inquiet de la colère qui monte, alors sur les retraites on y vient dans un instant, mais les Gilets jaunes par exemple qui annoncent renaître de leurs cendres et appeler à des manifestations dans toute la France demain ?

OLIVIER VERAN
Vous savez, ce qui a changé depuis la période des Gilets jaunes, profondément dans notre pays ? Les impôts des Français ils ont baissé. Ils ont baissé. Le travail paie mieux, les classes moyennes ont été valorisées, le smic il a augmenté plus fortement que l'inflation au cours des deux dernières années… 

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça, c’est un peu loin … des Français … bien.

OLIVIER VERAN
La prime d’activité, ça a été une réalité aussi pour les gens qui avaient des petits revenus. Nous on a augmenté les droits sociaux. On a bien vu pendant la crise Covid, avec le modèle social… 

APOLLINE DE MALHERBE
Donc cette colère est illégitime.

OLIVIER VERAN
Je vous dis que la situation est profondément différente de celle que nous avions connue en 2018 lors de l'émergence du mouvement des Gilets jaunes, et que les réponses aux problèmes qui étaient soulevés par une partie des Gilets jaunes, celles et ceux qui étaient en détresse, ces réponses elles sont aujourd'hui mesurables, parce que le travail paie mieux que les impôts ont baissé, et surtout, vous savez la grande différence ? Le chômage est en chute libre, et donc les gens qui n'avaient pas accès à l'emploi, qui vivaient de prestations sociales, aujourd'hui ils vivent de leur travail. 

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous savez bien que les Gilets jaunes, c'était souvent des gens qui justement travaillaient, mais avaient le sentiment qu’en travaillant ils ne s’en sortaient pas, donc ce n’était pas forcément lié à la question du chômage.

OLIVIER VERAN 
Qui avaient du travail partiel Apolline de MALHERBE, et la réponse que nous avons apportée à l'époque et qui est toujours valable aujourd'hui, et que nous avons revalorisée à hauteur de l'inflation, c'est important, par exemple c'est la prime activité. 

APOLLINE DE MALHERBE
Donc, les manifestations des Gilets jaunes, ça, ça ne vous inquiète pas visiblement outre mesure, est-ce que, en revanche, la mobilisation des organisations syndicales, des salariés contre les retraites, ça, ça vous inquiète ?

OLIVIER VERAN
Mais ça ne m'inquiète pas. Si vous voulez, ce n’est pas parce qu'une réforme est impopulaire, qu'il ne faut pas la faire. Et quand on est au pouvoir, lorsqu'on est en place, surtout lorsqu'on a averti et expliqué pourquoi on allait faire cette réforme, l'esprit de responsabilité c'est de la faire, et en l'occurrence on est d'accord avec la plupart de ceux qui ne sont… Il y a une différence entre être en désaccord avec le diagnostic, et en désaccord avec les solutions. Le diagnostic il est partagé, parce qu'il est factuel. 

APOLLINE DE MALHERBE
Elle n’est pas populaire, mais à yeux, elle est juste.

OLIVIER VERAN Apolline de MALHERBE, le diagnostic… 

APOLLINE DE MALHERBE
C’est ça, c'est-à-dire qu’en fait vous dites : ce n’est pas parce qu'elle n’est pas populaire, qu’elle n’est pas juste.

OLIVIER VERAN
Oui. 

APOLLINE DE MALHERBE 
Mais le problème, c'est que le président lui-même il considère qu'elle n’est pas juste. Et j'en veux pour preuve ce qu'il a déclaré, c'était en 2016, il a dit : « Le report de l'âge légal de la retraite ce n'est pas juste », c'était Emmanuel MACRON.

OLIVIER VERAN 
Les conditions ne sont pas les mêmes, Apolline de MALHERBE, depuis 2016, il s'est passé beaucoup de choses dans notre pays, et notamment vous avez toutes les prévisions et tous les modèles économiques qui montraient il y a 6 ans que le système était équilibré, donc pourquoi faire travailler les gens plus longtemps quand le système est à l'équilibre ? Et qui aujourd'hui montre par A plus B, c'est pour ça que je vous parle du diagnostic partagé… 

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’êtes pas tous d’accord sur la lecture de la conclusion du COR.

OLIVIER VERAN
Eh bien pardon, moi je sais que - 10 milliards c'est - 10 milliards, c’est pas + 10 milliards. 

APOLLINE DE MALHERBE
Le COR, c’est cet organisme, Comité d'Orientation des Retraites, qui finalement il y a 2 ans, disait que cette année nous ne serions pas à l’équilibre, et finalement on l’est.

OLIVIER VERAN
Non, attendez. Il y a cette année et il y a l’année prochaine, 10 ans, 15 ans, 20 ans. 

APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr, bien sûr.

OLIVIER VERAN
Vous savez, pour nous, le sujet… 

APOLLINE DE MALHERBE
Là, je dis juste que le COR lui-même a évolué dans ses propres pronostics.

OLIVIER VERAN
Laissez-moi juste une chose. On a des enfants, on veut qu’ils puissent travailler, avoir de l'emploi dans notre pays, donc on ne veut pas charger le coût du travail pour qu'ils puissent bénéficier demain d'emploi, d'accord, à l'issue d'une bonne formation, et on veut que, à l'issue d'une carrière de travail ils puissent accéder à un système des retraites, un système de retraite juste. Bon. Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que si on ne réforme pas le système des retraites, il y a des risques, il y a des risques qu’ils ne l’aient pas dans 10, dans 20, dans 30 ans ,40 ans, parce que le déséquilibre financier serait trop important. Ça veut dire qu'il nous faut, aujourd'hui en responsabilité, préparer le système de retraite des Français de demain, ça veut dire équilibrer les recettes et les dépenses. Et c'est là, là-dessus tout le monde est d’accord. Là où il y a un désaccord, c'est qu'il y a des partenaires sociaux qui disent : « il vaut mieux augmenter les impôts », c'est-à-dire augmenter les cotisations, et nous disons « on n’augmentera pas les impôts des Français », et on l'assume. D'autres disent : « il vaut mieux baisser les pensions des retraités », et nous disons « on a déjà modulé à la baisse les pensions à la baisse dans le mandat précédent, on ne le fera pas ». 

APOLLINE DE MALHERBE
Aucun n’assume de dire qu’il veut baisser les pensions des retraités, quand même.

OLIVIER VERAN
Vous savez, factuellement, c’est : ou vous augmentez les recettes, ou vous baissez les dépenses. Certains vous disent : il suffit d'augmenter la fiscalité du travail, c'est-à-dire augmenter les impôts des entreprises. Si nous faisons cela, c'est la mort lente de notre économie, ça veut dire qu'on va opposer les retraités au travailleurs, puisqu'on va créer du chômage si on augmente le coût du travail, et donc on aura… ce qui coûtera plus cher à notre modèle social. Reste donc la dernière alternative, qui est de dire : il faut être capable de travailler un peu plus longtemps. Et on ne dit pas « on va le faire de façon aveugle », on va demander une juste répartition de l'effort. C'est-à-dire que si vous commencez à travailler tôt, vous partez plus tôt. Si vous avez un métier qui est difficile, vous partez plus tôt. Vous partez plus tôt. Et on ne va pas vous demander de travailler davantage d'années, au long de votre vie professionnelle, on recule l'âge de départ à la retraite, ce qui veut dire que pour une partie des Français qui déjà travaillent au-delà de l'âge légal, ça ne changera pas foncièrement la donne. 

APOLLINE DE MALHERBE
Ce sera 64 ans.

OLIVIER VERAN
Eh bien ce sera à 64 ou 65 ans, en fonction des… 

APOLLINE DE MALHERBE
On a compris que 65 c’était comme une négo, vous vous avez mis le plus pour pouvoir baisser et avoir l’air d’avoir fait une…

OLIVIER VERAN
Je vais être clair avec vous. Un, tant que l'arbitrage n’a pas été annoncé par la Première ministre, ce sera le cas le 10 janvier, je me garderai bien de faire un pronostic, et encore moins de manger cette annonce. 

APOLLINE DE MALHERBE
Il est vraisemblable que ce soit 64 ans.

OLIVIER VERAN
Ce sera un système qui, de toute façon nous permet atteindre l'équilibre, pour qu'on n'ait pas besoin d'y revenir, en fait. 

APOLLINE DE MALHERBE
Vous savez quoi ? Vous n’auriez pas du…

OLIVIER VERAN
Les Français ont eu une réforme il y a 5, 10, 15 ans… 

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’auriez pas dû vous donner autant de mal. Vous auriez simplement dû aller voir Gérard LARCHER, lui dire : « Tu sais quoi ? Donne- nous la feuille que vous avez signée, vous la droite, au Sénat depuis 4 ans, on signe, ça passe ». Il avait tout préparé, et c'est ce qu'il a expliqué hier.

GERARD LARCHER, PRESIDENT DU SENAT
Passage progressif de 62 à 64 ans, une attention particulière aux petites retraites, une attention particulière aux carrières longues. 

APOLLINE DE MALHERBE
C’est à prendre ou à laisser.

GERARD LARCHER
C’est autour de ça que peut se faire un accord qui n'est pas qu'un accord politique. 

APOLLINE DE MALHERBE
S'ils reprennent la feuille que vous-même vous signez et vous votez chaque année, en l'état, telle que vous venez de nous la décrire, évidemment vous direz oui.

GERARD LARCHER
Mais naturellement, parce que nous sommes logiques avec nous-mêmes, nous pensons que c'est l'intérêt du pays.

APOLLINE DE MALHERBE
Finalement, vous arrivez à peu près au même projet qu'ils ont présenté depuis des années.

OLIVIER VERAN
On y a joute quelques éléments importants : la fin des régimes spéciaux, je crois que c'est important, c'est juste et un plan d'emploi pour les seniors et c'est important et c'est juste. Ce que dit Gérard LARCHER, c'est que les électeurs de droite attendent une réforme des retraites depuis un certain nombre d'années et dans les enquêtes d'opinion, ils y sont favorables ; ce que dit Gérard LARCHER, c'est que des parlementaires au Sénat, LR, votent depuis quelques années, vous l'avez dit vous-même, une réforme qui ressemble assez à l'une des réformes que nous pourrions proposer.

APOLLINE DE MALHERBE
J'ai compris à demi-mots que c'était bien celle-là même…

OLIVIER VERAN
Vous aurez noté aussi qu'il y a la droite au Sénat et la droite à l'Assemblée nationale et qu'il nous faut travailler pour mettre d'accord les deux droites aussi pour pouvoir trouver les conditions d'une majorité.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous trouveriez incohérent que ce que dit Gérard LARCHER au Sénat ne soit pas le même discours du côté des députés à l'Assemblée ?

OLIVIER VERAN
Je n’ai pas à juger de la cohérence des membres des oppositions, ça les regarde et je ne porte pas de jugement de valeur. On n'est pas du tout dans une démarche va-t-en-guerriste ou de défi ; on est plutôt dans une démarche de recherche de consensus pour à être capable, dans un climat politique le plus apaisé possible, d’adopter une réforme responsable attendue par une partie de l'électorat conjoint de la majorité et de la droite, portée par les élus de la droite et de la majorité depuis un certain nombre d'années, qui je l'ai dit, a beau être impopulaire, n'en est pas moins nécessaire.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous pourriez en tout cas vous mettre d'accord là-dessus.

OLIVIER VERAN
En tout cas on va chercher… nous l'espérons.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VERAN, vous êtes médecin, vous avez été ministre de la Santé. Est-ce que l'augmentation du prix de la consultation vous paraît être un combat… le combat vos confrères médecins, là hors politique, vous paraît être un combat juste ?

OLIVIER VERAN
D'abord je suivrai avec beaucoup d'attention l'intervention du président de la République ce matin…

APOLLINE DE MALHERBE
… Qui va présenter ses voeux aux personnels de la santé…

OLIVIER VERAN
J’ai une conviction, c’est que le président va prononcer un discours qui va faire date parce que notre système de santé a besoin de réformes profondes structurelles, en ville et à l'hôpital ; réformes qui n'ont pas pu être toutes conduites pendant la période du Covid même s'il y en a eu et des transformations importantes, du fait même du Covid et qu'on ne transforme pas un système pendant qu'il a la tête sous l'eau. Ma conviction, c'est qu'il faut que le système de santé soit un système dans lequel le fait d'exercer en contraintes paie mieux que le fait d'exercer avec moins de contraintes…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est quoi les contraintes ?

OLIVIER VERAN
Par exemple la permanence des soins, c'est-à-dire garantir au sein d'un collectif dans un territoire donné que lorsque vous avez besoin d'un médecin, vous allez en trouver un…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est-à-dire préparer l'idée que s'ils s'engagent par exemple à avoir des gardes plus accessibles ou ce genre de choses, là il y aura alors une rémunération plus élevée ?

OLIVIER VERAN
Je ne vous ferai aucune annonce parce que je les ignore… je donne ma conviction tout en ayant un peu pudeur puisque je ne suis plus en service et que c'est toujours assez pénible en fait pour un ministre en charge, d'entendre le collègue d'avant qui donne tous ses conseils et comment il ferait…. Mais dans les grands concepts, équilibrer les contraintes entre la ville et l'hôpital et faire en sorte que travailler dans un milieu plus contraint fasse mieux gagner sa vie que de travailler avec un peu moins de contraintes.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VERAN, porte-parole du gouvernement, merci d'être venu dans ce studio, merci d'avoir répondu à mes questions


source : Service d’information du Gouvernement, le 9 janvier 2023