Interview de M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, à CNews le 10 février 2023, sur la condamnation par l'Arcom de la chaîne C8 à une amende et la réforme des retraites.

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Intervenant(s) : 
  • Franck Riester - Ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement

Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Franck RIESTER est avec nous, ministre en charge des Relations avec le Parlement. Monsieur le ministre, merci d'être là. On va parler de la réforme des retraites dans un instant, mais vous avez été ministre de la Culture donc en charge également des médias, et j'aimerais vous entendre sur ce qu'a dit l'actuelle ministre de la Culture sur France Inter hier matin. Réécoutons Rima ABDUL-MALAK.

RIMA ABDUL-MALAK, MINISTRE DE LA CULTURE
Il y a des chaînes qui ont accès à des fréquences gratuites en échange de certaines obligations qu'elles doivent respecter. Ces obligations il suffit de les lire, elles sont dans la loi, elles sont très claires. Parmi elles il y a le respect du pluralisme, il y a le fait de traiter les affaires judiciaires avec mesure, c’est écrit comme tel, le fait de créer un débat contradictoire avec l'ensemble des points de vue sur des sujets pouvant porter à controverse ; c’est écrit comme ça. Donc c'est le rôle de l'ARCOM ensuite au moment de faire le bilan de ces obligations de vérifier qu'elles ont bien été respectées pour pouvoir ensuite évaluer si la reconduction de cette fréquence est justifiée ou pas. C8 a bien des obligations à respecter et c'est mon rôle de le rappeler.

LEA SALAME
C8 et CNews pourraient perdre leurs fréquences ?

RIMA ABDUL-MALAK
Il y a des obligations à respecter. Il y a déjà eu une vingtaine d'interventions de l'ARCOM depuis 2019 pour C8 et CNews. Combien d'interventions pour l'ARCOM dire à tel degré les obligations ne sont pas respectées ? C'est le rôle de l'ARCOM. Je rappelle juste le cadre qui existe.

ROMAIN DESARBRES
Votre donc successeur au ministère de la Culture laisse entendre que CNews et C8 pourraient perdre leur autorisation d'exister en clair, pour faire simple. Est-ce qu'elle est dans son rôle quand elle dit ça ? Est-ce que vous êtes choqué ?

FRANCK RIESTER
Non, écoutez, elle rappelle très clairement le cadre de la loi et le rôle de l'ARCOM, point. Je crois qu’il n’y a pas polémique à faire et je pense qu’elle est dans son rôle de rappeler ce qu'est le fonctionnement l'audiovisuel et qu’effectivement les antennes, les fréquences qui sont octroyées à des entreprises nécessitent un respect d'un certain nombre d'obligations. Elle le rappelle en rappelant aussi que c'est à l'ARCOM ensuite de juger d’éventuellement sanctionner ou d’éventuellement ensuite de donner ou pas des prolongations d'autorisation à diffuser sur des fréquences bien particulières.

ROMAIN DESARBRES
C'est un tout petit peu technique mais l'ARCOM est une autorité indépendante.

FRANCK RIESTER
Oui.

ROMAIN DESARBRES
Quand un ministre parle, ça a du poids. Donc est-ce qu’elle ne fait pas pression sur l'ARCOM ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, elle rappelle le cadre de la loi et elle explique que c'est bien à l'ARCOM de prendre sa décision en indépendance, parce que vous avez rappelé que c'est une autorité indépendante en charge de la régulation de l'audiovisuel et du numérique aussi, parce que vous savez qu'il y a eu une grande réforme qui a visé à fusionner l'ancien CSA et l’HADOPI qui luttait contre le piratage sur Internet pour bâtir cette autorité de régulation indépendante qui prend ses décisions en indépendance.

ROMAIN DESARBRES
Qu’est-ce qu'on dirait si un ministre de l'Information, un ministre de la Culture en charge des médias dans une dictature, une démocrature se comportait de la sorte ?

FRANCK RIESTER
Attendez ! Comment vous pouvez faire un parallèle avec des dictatures où les journalistes sont emprisonnés, où il y a une doxa officielle ? Je n’ai pas le sentiment que sur CNews, sur BFM TV, sur LCI il y ait une doxa de l'Etat et que l'Etat n'est pas critiqué, comme Emmanuel MACRON n'est pas critiqué, que c'est la parole voulue par l'Etat qui est diffusée. Regardez ce qui se passera dans un certain nombre de pays effectivement de dictatures où tout est sous contrôle. Donc faire un parallèle entre la France qui est une grande démocratie où il y a une liberté d'expression, une liberté de la presse mais qui en même temps est encadrée et par la loi et par la régulation, est me semble un raccourci un peu osé.

ROMAIN DESARBRES
Est-ce que vous vous accepteriez que CNews et C8 disparaissent ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, c'est pas à moi de décider de ça, c’est à l’ARCOM.

ROMAIN DESARBRES
Vous êtes un homme politique, je vous pose une question.

FRANCK RIESTER
Attendez, moi je suis pour la diversité des acteurs dans l'audiovisuel, la diversité des propositions et c’est ensuite à l'ARCOM, selon les propositions que leur font les différents acteurs de l'audiovisuel, de prendre leur décision en tout respect de la loi et en toute connaissance de cause.

ROMAIN DESARBRES
On a le sentiment que CNews dérange la ministre.

FRANCK RIESTER
Non, mais écoutez, ne voyez pas le mal là où il n'est pas. Elle est dans son rôle de rappeler encore une fois la loi et le fonctionnement des médias aujourd'hui.

ROMAIN DESARBRES
Allez, passons à. à la réforme des retraites. J'aimerais vous entendre notamment sur ce tweet du député La France insoumise Thomas PORTES qui pose son pied sur un ballon de foot avec la tête d'Olivier DUSSOPT, votre collègue. On voit ici cette photo. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

FRANCK RIESTER
C'est un véritable scandale, c'est une honte pour un parlementaire, c'est un appel à la violence et à la haine. On ne voit bien, il fait le sans-culotte, on voit bien symboliquement la charge que ça signifie. Vous savez, on peut ne pas être d'accord, on peut débattre même avec beaucoup de détermination et de force, mais respecter la démocratie. Aujourd'hui la France insoumise et un certain nombre de Nupes piétinent le débat démocratique et piétinent la démocratie.

ROMAIN DESARBRES
Est-ce que c’est un appel à la violence ?

FRANCK RIESTER
Oui ? bien sûr c'est un appel à la violence, comme monsieur MELENCHON quand il dit que les chefs d'entreprise sont des parasites. Il l'avait dit dans sa campagne présidentielle et il l'a redit il y a quelques jours. Quand certains députés reprennent ses propos dans l'hémicycle, quand des députés de la France insoumise ou de la Nupes disent par exemple que les députés de la majorité sont des monstres, quand madame TONDELIER dit qu'elle veut transformer l'Assemblée nationale en ZAD ou dit que les milliardaires sont des vampires. Vous voyez cette stratégie de la NUPES qui est triple. 1 : inciter à la violence, inciter à la haine ; 2 : faire de l'obstruction, les 16 000 amendements qui sont autant de blocage du fonctionnement de notre Parlement ; et bien sûr l'utilisation abusive, scandaleuse de la manipulation des propos, de la circulation de fake news, de la manipulation de l'information. Cette triple stratégie, elle a comme objectif d'essayer d'attiser la haine, d'essayer d'enflammer le mouvement social qui est un mouvement social qui jusqu'à présent a manifesté dans le calme, la sérénité en affirmant des oppositions texte, en faisant des propositions mais jamais en débordant. Là ils essaient de créer de la tension et de la haine, et puis aussi pour cacher leur projet. Leur projet, celui de la NUPES qui est un projet qui vise à taxer massivement nos compatriotes, à augmenter massivement les cotisations. Jean-Luc MELENCHON, qui était sur un plateau hier, sans problème explique qu'il va augmenter massivement les cotisations de nos compatriotes sur les salaires au détriment du pouvoir d'achat, sur les entreprises au détriment de la compétitivité et de l'emploi, avec l'épée de Damoclès du niveau des retraites pour l'avenir pour les retraités, nous nous avons le courage de faire une réforme difficile qui n’est pas forcément populaire, mais qui vise à sauvegarder un système qui est au coeur de notre modèle social, qui garantit la solidarité intergénérationnelle des retraites pour demain.

ROMAIN DESARBRES
On va venir sur le projet lui-même. Je voulais vous entendre également sur le député LFI Louis BOYARD qui publie la liste de tous les députés qui n'ont pas voté pour les repas des restos U à un euro. C'est également choquant ? C'est un appel également à la violence quand on publie des listes ?

FRANCK RIESTER
Bien sûr mais là aussi, la liste en criminalisant les députés. Il a fait la même chose avec les députés LR qui se sont opposés à la motion de rejet de la NUPES, c'est-à-dire de rejet du texte discuté à l'Assemblée nationale. Il a fait la liste des députés LR en disant : ce sont des complices du pouvoir, vous voyez ce que ça signifie. Là aussi ça rappelle toutes les listes les plus horribles de notre histoire. Arrêtons avec cette façon haineuse de faire de la politique, essayons de monter. le niveau du débat public, et au moment où on a une réforme importante, où les Français attendent des explications, essaient d’avoir des réponses aux questions qu'ils se posent légitimes, on a des opposants qui pour certains sont complètement absents du débat. Le Rassemblement national avec un vide sidéral du projet alternatif et les autres qui utilisent haine, obstruction et désinformation pour cacher leur projet d'augmentation massive des impôts.

ROMAIN DESARBRES
Alors il y a une petite musique qui commence à monter, c'est celle qui consiste à dire que la non-violence ne paie pas. Je m'explique : les manifestations se sont déroulées dans le calme, grosso modo j'allais dire dans le calme. Il n'y a pas eu trop de débordements, comparé aux précédentes et le gouvernement ne fait quasiment pas d'avancée. Quel est votre commentaire déjà ?

FRANCK RIESTER
C'est faux.

ROMAIN DESARBRES
Vous avez entendu Laurent BERGER.

FRANCK RIESTER
Oui mais c'est faux. Nous écoutons depuis le début du processus de réforme des retraites les organisations syndicales et les organisations politiques. Il y a eu des mois de discussions et d'échanges entre Olivier DUSSOPT, les organisations syndicales avec la Première ministre et les organisations syndicales avec les groupes politiques pour améliorer le texte, pour le modifier. L'engagement du président de la République et des députés dans la campagne, c'était de faire une réforme des retraites qui repousse l'âge de départ à 65 ans. Le projet que nous avons présenté, c’est 64 ans. Nous avons étendu la revalorisation des retraites minimum pour carrière complète au niveau du SMIC qui était prévu pour les nouveaux retraités, nous l’avons étendu aux retraités actuels. Nous avons pris des décisions, vous savez que la Première ministre l’a dit ? notamment en écoutant les députés LR…

ROMAIN DESARBRES
Les carrières longues, oui.

FRANCK RIESTER
D’étendre les carrières longues à ceux qui ont commencé à travailler à 20 ans. Tout ça, c'est des éléments d'enrichissement de notre texte parce qu'on a écouté les manifestants, parce qu'on écoute les organisations syndicales, parce qu'on écoute les forces politiques qui sont au Parlement. C’est ça la façon dont on conçoit…

ROMAIN DESARBRES
Mais est-ce que vous craignez que la situation se tende dans la rue ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, on ne le souhaite pas évidemment.

ROMAIN DESARBRES
Le président de la République en a parlé cette nuit depuis Bruxelles.

FRANCK RIESTER
Oui, il a appelé au fait qu'il n’y ait pas de débordement et que les choses se passent dans calme et le respect. Vous savez, que la mobilisation sociale s'exprime dans la rue ou dans les grèves c'est bien légitime, on est dans une démocratie et on sait bien qu'une réforme comme celle-là qui demande un effort aux Français est une réforme qui parfois n'est pas populaire et qui peut créer de l'incompréhension ou de l'opposition. C'est bien légitime mais il faut que ça se fasse dans le respect des autres, dans le respect de la démocratie, dans le calme et c'est d'autant plus fort, il me semble, que d'aller vers la violence comme essaie de le faire la France insoumise notamment.

ROMAIN DESARBRES
Journée de tous les dangers le vendredi à l'Assemblée nationale ? Les députés sont en circonscription. Est-ce que vous avez battu le rappel ? Est-ce que les députés Renaissance seront ici à Paris et non pas en circo ?

FRANCK RIESTER
Depuis le début du quinquennat et tout particulièrement depuis le début de cette réforme des retraites à l'Assemblée nationale, moi je salue la mobilisation des députés de la majorité Renaissance, MoDem et Horizons qui sont très mobilisés, qui sont là en masse, qui travaillent avec leurs partenaires d’opposition constructive comme les LR qui ont voté avec nous un certain nombre d'articles ou d'amendements lors des trois premiers jours de débat à l'Assemblée nationale, et je souhaite évidemment et j'attends d’eux effectivement qu'ils soient là aussi très nombreux, mais ça sera le cas. Parce que nous avons la conviction que devant les Français, la mobilisation des députés doit démontrer notre détermination à avoir le courage de sauvegarder un système qui est au coeur de notre modèle social. Et vous savez, nous avons dans les trois premiers jours de discussions – lundi, mardi, mercredi parce que comme ç’a été rappelé, il y a une niche socialiste qui s'est tenue hier - nous n'avons été battu sur aucun amendement ou sur aucune décision du gouvernement et de la majorité. C'est-à-dire que ça démontre la mobilisation des députés et de la majorité et de leurs partenaires notamment LR.

ROMAIN DESARBRES
Je voulais vous entendre également sur, vous y faisiez allusion, Jean-Luc MELENCHON qui a pris la parole hier soir sur BFM, qui a défendu une nouvelle fois Adrien QUATENNENS condamné pour violence sur sa femme. Est-ce que vous comprenez Jean-Luc MELENCHON qui le soutient jusqu'au bout ou est-ce que ça vous choque ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, franchement ce qui me choque c'est son attitude de s'en prendre aux journalistes, de quitter le plateau, d'être à nouveau dans la violence. Quand quelqu'un n’est pas d'accord avec lui, il l’agresse ou il fuit le débat. C'est ça finalement ce qu'on voit avec la France insoumise au-delà de l'affaire Quatennens : c'est ce comportement haineux, ce comportement de violence, ce comportement d'intimidation, ce comportement d’agressivité vis-à-vis de ses compétiteurs politiques ou opposants politiques ou des journalistes. Bref, tous ceux qui lui apportent une réplique. Monsieur MELENCHON voudrait que tout le monde soit assez pieds et accepte ses dires. Nous ne les acceptons pas, nous ne voulons pas par exemple que les Français soient matraqués fiscalement, matraqués avec des cotisations sociales en forte augmentation parce que ça serait encore une fois au détriment du pouvoir d'achat et de la compétitivité de nos entreprises.

ROMAIN DESARBRES
Franck RIESTER, je voulais vous entendre également sur ce qui s'était passé lors d'une manifestation, c'était le 19 janvier dernier. Je disais que ça s’était bien passé, il y a eu quelques violences et un homme violent qui s'en était pris aux forces de l'ordre pendant cette manifestation sera jugé en octobre prochain, faute de disponibilité de son avocat. On en a parlé hier sur CNews, on va revoir les images. Il a été interpellé, on a son nom, il devait se passer en jugement récemment, cette semaine, ça sera finalement en en octobre prochain. De tels délais sont-ils acceptables ? Alors qu'on va revoir ce qu’il avait commis : violence envers les forces de l'ordre. Réagissez, on regardera les images plus tard.

FRANCK RIESTER
Ecoutez, moi je ne sais pas exactement ce qu'il en est de ce cas. Ce qui est certain, c'est qu'on voit qu'un certain nombre de procédures judiciaire sont trop longues. C’est la raison pour laquelle nous avons mis depuis maintenant plusieurs années des moyens considérables dans la justice et qu’on continue de le faire. Le garde des Sceaux aura l’occasion prochainement de présenter la mise en oeuvre des états généraux de la justice pour simplifier un certain nombre de procédures pour que les procédures aillent plus vite, et nous mettons des moyens pour recruter des personnels, pour améliorer la qualité d’accueil des victimes et pour faire en sorte qu’effectivement la justice passe plus vite.

ROMAIN DESARBRES
Sondage CSA pour CNews, êtes-vous pour des peines de prison ferme et automatiques pour les agresseurs de policiers après qu’ils aient été déclarés coupables bien sûr ? 86 % de oui, il y a une vraie demande j’allais dire de sécurité, de serrage de vis, d’application de la loi tout simplement. D’application de la loi : on applique la loi, on applique les jugements. Est-ce que vous ressentez ça aussi ?

FRANCK RIESTER
Oui bien sûr, et le problème c’est que la réponse de la peine plancher n’est pas la bonne réponse. On l’a vu dans le passé, ç’a été mis en oeuvre sous Nicolas SARKOZY qui a mis en place cette réforme et on a vu dans sa mise en oeuvre et ses résultats que ce n’était pas efficace.

ROMAIN DESARBRES
Des policiers le demandent. Matthieu VALET qui est régulièrement sur ce plateau demande des petites peines, des peines de 15 jours pour frapper dès le début.

FRANCK RIESTER
Il y a la possibilité pour les juges de prononcer des peines sévères pour les détenteurs de l’ordre public, notamment sur des récidivistes. Aujourd'hui la loi le permet et les décisions de justice sont à la hauteur de ces faits-là. C’est au juge dans sa décision personnelle dans le cadre de la loi de le faire. On a vu que finalement quand on voulait automatiser les peines, les peines n’étaient pas forcément supérieures et que parfois ces dispositifs étaient contournés. Donc mieux vaut mettre des moyens pour que les décisions de justice passent plus vite, mieux vaut mettre des moyens pour augmenter le nombre de places de prison plutôt que de mettre des dispositifs qui, comme ça on a le sentiment que ça peut être plus efficace, mais qui dans la réalité ne le sont pas.

ROMAIN DESARBRES
Franck RIESTER, ministre chargé des Relations avec le Parlement, merci d’être venu ce matin sur le plateau de La Matinale.

FRANCK RIESTER
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 14 février 2023