Texte intégral
BENJAMIN DUHAMEL
Mon invité aujourd’hui dans « Le face à face » c’est Olivier VERAN, porte-parole du Gouvernement, bonjour Monsieur VERAN.
OLIVIER VERAN
Bonjour.
BENJAMIN DUHAMEL
Alors on va commencer avec l’inflation qui continue de flamber, une augmentation moyenne de 10 % est annoncée à partir de début mars, c’est-à-dire maintenant, il y a urgence donc et pourtant toujours pas d’annonce du côté du gouvernement, juste cette promesse franchement floue de Bruno LE MAIRE hier qui parle de nouvelles mesures. Qu’est-ce que vous attendez Monsieur VERAN ?
OLIVIER VERAN
C’est vrai que l’inflation elle va être d’environ, on l’attend à environ 10 %, c’est-à-dire qu’il y aura 10 % d’augmentation des prix entre mars 2022 et mars 2023, ce n’est pas 10 % d’un coup qui arrivent.
BENJAMIN DUHAMEL
14 % sur l’alimentaire en un an.
OLIVIER VERAN
Voilà, sur un an glissant, et c’est vrai que ça a un impact sur le panier de consommation des ménages, ça a un impact dans le quotidien des Français. L’Etat il prend sa part, et il continuera de prendre sa part, on a eu le bouclier tarifaire, on a toujours le bouclier tarifaire sur l’énergie…
BENJAMIN DUHAMEL
Sur l’énergie, mais là vraiment sur l’alimentaire.
OLIVIER VERAN
On a un chèque sur le carburant, on a augmenté les minima sociaux, on a augmenté le SMIC etc., ce qu’on veut c’est que chacun prenne sa part, et quand on dit chacun prenne sa part, le président de la République l’a dit lors du Salon de l’agriculture, il faut que la grande distribution prenne sa part, elle est actuellement en négociations avec les industriels pour essayer de casser des prix, et le gouvernement agit, avec Bercy, pour faire en sorte que les prix soient en particulier cassés sur des produits du quotidien, indispensables pour les Français, alimentaires et d’hygiène par exemple.
BENJAMIN DUHAMEL
C’est-à-dire, parce que vraiment là-dessus on ne comprend absolument rien. Le panier anti-inflation, on nous dit d’abord oui, ensuite Bruno LE MAIRE dit ça ne sera peut-être pas un panier, Olivia GREGOIRE il y a quelques instants dit oui, il est sur la table. Le chèque alimentaire, c’était oui, en fait c’est non. Enfin, attendez, les Français se disent mais qu’est-ce qu’ils font concrètement pour faire en sorte qu’on paye moins cher dans les rayons, qu’est-ce qui se passe ?
OLIVIER VERAN
Ce que nous faisons c’est travailler, avec la grande distribution, avec les industriels, pour que, in fine, quand un Français va faire ses courses, que ce soit dans une marque ou dans une autre, eh bien il puisse aller acheter les produits dont il a besoin, au quotidien, à prix cassé, ce qu’on veut c’est que le panier de la ménagère, le panier ménager, il soit à prix contrôlés, à prix maîtrisés.
BENJAMIN DUHAMEL
Il y aura un panier anti-inflation ?
OLIVIER VERAN
C’est ce qui est en train d’être discuté entre Bercy, quel sera le nom ou la formule, j’allais vous dire ce qui compte, pour la personne qui fait ses courses, c’est quand elle va acheter des produits essentiels pour son quotidien elle trouve, elle identifie, où qu’elle aille, des produits à prix cassés, maîtrisés.
BENJAMIN DUHAMEL
Dominique SCHELCHER, le patron de SYSTEME U, dit ce matin dans « Le Parisien » : « les politiques n’ont pas pris la mesure de la gravité de la situation. » Est-ce que vous n’avez pas pris la mesure de cette gravité comme il dit ?
OLIVIER VERAN
Quand je dis qu’on est tous embarqués dans le même bateau, qui est le bateau France, pour faire en sorte que les Français puissent en sortir avec cette inflation, je crois qu’il est inutile de s’envoyer la balle les uns vers les autres. Je rappelle, et c’est d’ailleurs les chiffres de l’OFCE, c’est important quand même de le souligner, sur l’année 2022 il y a eu 800 euros de pouvoir d’achat donné aux Français à travers le bouclier tarifaire sur l’énergie et à travers les ristournes sur le carburant. Il faut ajouter 250 euros, en moyenne, qui sont liés à des baisses d’impôts, la suppression de la redevance audiovisuelle ou la fin, la suppression de la taxe d’habitation, et je rajoute…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais sur l’alimentaire c’est…
OLIVIER VERAN
Attendez, je rajoute, parce que c’est important quand même, vous me demandez ce qu’on fait…
BENJAMIN DUHAMEL
Oui, oui, mais juste sur l’alimentaire, donc c’est l’Etat ne peut rien faire, les distributeurs, s’il vous plaît, faites un effort…
OLIVIER VERAN
Non, non, pas du tout…
BENJAMIN DUHAMEL
Au fond on demande…c’est ça ?
OLIVIER VERAN
…C’est important quand on dit que fait l’Etat ? 400 euros de pouvoir d’achat pour les plus précaires, à travers le chèque énergie, le chèque alimentaire, et à travers les hausses des minima sociaux, donc l’Etat prend sa part, et quand je dis qu’on continuera à le faire c’est que bien évidemment les priorités des Français sont les priorités du gouvernement.
BENJAMIN DUHAMEL
Mais sur l’alimentaire on attend un geste des distributeurs, en espérant que ça arrive.
OLIVIER VERAN
Il y a actuellement la fin des négociations entre les distributeurs et les industriels, ce que nous disons c’est qu’on veut sanctuariser notre agriculture, qu’on veut faire en sorte que les PME françaises qui produisent dans le domaine de l'alimentaire ne soient pas obligées de se serrer la ceinture, c'est important qu'elles puissent continuer à développer une agriculture de qualité, on veut de la souveraineté alimentaire pour…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais vous avez des moyens de coercition sur les distributeurs pour s’assurer que les prix soient maîtrisés ?
OLIVIER VERAN
Et on demande à ce que les négos soient extrêmement serrées, entre la grande distrib et les grands groupes alimentaires, notamment des grands groupes américains, mais pas que, pour faire en sorte qu'on ait ces produits, encore une fois à prix maîtrisé. Donc, vous allez avoir tout qui va vous être présenté par Bercy, ils sont en train de terminer les négociations, vous le savez, Bruno LE MAIRE et Olivia GREGOIRE ont dit d’ici au 15 mars il y aura…
BENJAMIN DUHAMEL
Et si ce n’est pas un panier anti-inflation, qu’est-ce que ça va être ?
OLIVIER VERAN
Je vous redis, quand vous allez faire vos courses, ce qui compte à la fin, c'est quoi, c’est le nom qu’il y a marqué sur le dispositif ou c'est le montant de votre facture ? eh bien nous on veut que le montant de la facture, c'est ça qui compte pour les Français, il soit bas.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc vous assurez aux Français que les étiquettes seront, en quelque sorte, maîtrisées au 15 mars, qu'il y aura un geste significatif ?
OLIVIER VERAN
On se donne tous les moyens pour faire en sorte que toutes les marques de grande distribution, certaines le font d'ailleurs déjà, depuis des semaines, voire des mois, vous allez dans certaines grandes surfaces, vous avez 100, 150 produits à prix coûtant, à prix cassés, etc.
BENJAMIN DUHAMEL
Et d’autres, CARREFOUR, AUCHAN, LECLERC, refusent ce principe de panier anti-inflation, ils disent « nous on n’e veut pas, on fait déjà des gestes. »
OLIVIER VERAN
CARREFOUR a déjà mis en place, moi j’ai fait un déplacement pour la rentrée scolaire, il y avait déjà une centaine de produits…
BENJAMIN DUHAMEL
Oui, eux disent effectivement « on fait déjà, dans nos magasins, des gestes. »
OLIVIER VERAN
Ce qui compte pour nous c’est que, encore une fois, où que vous alliez faire vos courses, vous ayez des produits à prix coûtant, cassés, maîtrisés.
BENJAMIN DUHAMEL
Un tout dernier mot sur ce sujet, Marine LE PEN, elle, dit il faut une TVA à 0 % sur une centaine de produits de première nécessité.
OLIVIER VERAN
Mais ça ne marche pas, Benjamin DUHAMEL, ça ne marche pas, si vous baissez la TVA sur les produits vous n'avez pas de répercussion, ou alors c'est vraiment au petit bonheur la chance, pour les consommateurs, ce qui fonctionne pour les consommateurs c’est de baisser les prix.
BENJAMIN DUHAMEL
Il y a un pays européen, Monsieur VERAN, un gouvernement socialiste, qui a passé la TVA à 0 % sur des produits de première nécessité.
OLIVIER VERAN
Eh bien évaluons le dispositif, regardons comment ça fonctionne…
BENJAMIN DUHAMEL
Donc c’est possible.
OLIVIER VERAN
Je ne dis pas que c’est impossible légalement, je vous dis que ce n’est pas le plus efficace, et que ce n’est sans doute même pas suffisamment efficace par rapport au coût que ça représente.
BENJAMIN DUHAMEL
Sur les retraites, la réforme a été votée hier soir en commission, elle arrive en séance demain, rappelons que ce sont les sénateurs les Républicains qui sont majoritaires, et eux ils veulent aller plus vite que le gouvernement sur les régimes spéciaux, c'est-à-dire plus vite que ce qu'on appelle « la clause du grand-père », le fait que les régimes spéciaux s'éteindraient seulement pour les nouveaux entrants dans les régimes, eux veulent que ça s'éteigne progressivement dès 2025. Question extrêmement simple : est-ce que c'est une possibilité ou est-ce que le gouvernement dit non ?
OLIVIER VERAN
On ne le souhaite pas. On veut appliquer aux régimes spéciaux existante c'est qu'on a appliqué au régime de la SNCF, ça a fonctionné.
BENJAMIN DUHAMEL
C’est-à-dire « la clause du grand-père. »
OLIVIER VERAN
Ça a fonctionné, on ne change pas les règles du jeu en cours de route, et donc nous supprimons les régimes spéciaux, c'est notre majorité qui le fait, les autres majorités, de droite et de gauche, avaient la possibilité de le faire, si elles l'avaient souhaité, dans les réformes précédentes, nous l'assumons, nous le faisons, mais nous le faisons avec équilibre, c'est-à-dire avec une entrée progressive dans le dispositif. Permettez-moi de souligner que, c'est important, la commission des affaires sociales du Sénat a examiné la réforme des retraites et l’a votée, donc maintenant le texte va partir en séance, dans l’hémicycle…
BENJAMIN DUHAMEL
Il sera en séance demain.
OLIVIER VERAN
Et nous souhaitons que les débats soient éclairants pour les Français, se déroulent dans le calme, mais je n’ai aucun doute s’agissant du Sénat…
BENJAMIN DUHAMEL
Plus qu’à l’Assemblée nationale.
OLIVIER VERAN
Et qu’on puisse avoir un vote sur ce texte.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc pour bien comprendre, pour ceux qui nous écoutent, quand Bruno RETAILLEAU dit « on veut aller plus vite sur les régimes spéciaux à partir de 2025 », le gouvernement, le porte-parole du gouvernement, dit ce matin « non. »
OLIVIER VERAN
On est ouvert sur pas mal de choses de ce que veulent proposer les sénateurs, sur la question des régimes spéciaux on est plus que réservés.
BENJAMIN DUHAMEL
Absolument, est-ce que c'est parce que vous avez peur de la réaction de ces régimes spéciaux, la RATP, d'autres, qui pourraient donc se mettre en grève encore plus fortement, ils vous font au fond une forme de chantage et vous cédez face à ce chantage en disant « non, non, on n'ira pas plus vite » ?
OLIVIER VERAN
Non, non, on ne cède pas au chantage, je crois que ça se saurait, par contre, encore une fois, on a supprimé les régimes spéciaux avec une certaine méthode pour la SNCF, ça fonctionne…
BENJAMIN DUHAMEL
Bruno RETAILLEAU et les sénateurs disent mais c’est dans 40 ans, au fond c’est injuste, vous demandez des efforts à certains Français tout de suite et les régimes spéciaux c’est dans 40 ans.
OLIVIER VERAN
Mais ça a été compris et accepté. Vous savez, ce qui est intéressant, c’est qu’il y a encore une semaine, ou deux, quand le texte était à l’Assemblée nationale, vous aviez la NUPES, le RN, qui nous disaient « vous supprimez les régimes spéciaux, c’est injuste, il ne faut pas les supprimer, c’est normal qu’un conducteur de bus à Paris s’arrête cinq ans plus tôt qu’un conducteur de bus à Marseille », là on voit qu’on passe dans une autre dimension où on nous dit « bon, vous les supprimez, c’est bien, mais il faut aller plus vite », encore une fois notre position elle a le mérite d’être équilibrée.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc c’est pour ne pas mettre le feu au pays que vous faites ça ?
OLIVIER VERAN
De façon générale on ne veut pas mettre le feu au pays, nous on veut tourner notre pays vers l'avant, on ne veut ni le bloquer, ni mettre le feu, on le réforme pour qu'il soit solide. On a des enjeux majeurs à l’heure à laquelle je vous parle, sur le plan géopolitique, vous parlez souvent de l'Ukraine sur votre antenne, et je vous en remercie parce que c'est important que les Français comprennent ce qui se passe aux frontières de l'Europe, on a en ce moment, c'est la semaine du Salon de l'agriculture, on a un enjeu majeur de souveraineté alimentaire pour notre pays et pour l'Europe, on a un enjeu majeur pour moderniser nos voies ferrées, nos infrastructures, la Première ministre, Elisabeth BORNE, a annoncé 100 milliards quand même sur le ferroviaire, bref, on se tourne vers l’avant, ce n’est pas le moment de se bloquer.
BENJAMIN DUHAMEL
On comprend. Terminons rapidement sur le Sénat, sur la retraite des femmes, Elisabeth BORNE évoque dans le magazine « Elle » la piste de bonification des pensions en fonction des enfants, vous nous confirmez que ça c'est une piste dans les tuyaux, de faire en sorte que les femmes qui ont eu des enfants aient une bonification de leur pension, c'est bien cela ?
OLIVIER VERAN
D’ailleurs les sénateurs ont adopté un amendement en commission qui prévoit, je crois, que les femmes qui ont eu au moins trois enfants aient 5 % de surcote…
BENJAMIN DUHAMEL
Donc le gouvernement y est favorable.
OLIVIER VERAN
Là-dessus on est ouvert à la discussion, voyez, a contrario de ce que je vous ai dit tout à l’heure sur les régimes spéciaux…
BENJAMIN DUHAMEL
Donc c’est non pour les régimes spéciaux, mais oui pour les femmes.
OLIVIER VERAN
Oui, on supprime les régimes spéciaux, mais non on ne veut pas aller trop vite, et oui on est ouvert pour pouvoir envisager des améliorations pour les femmes qui ont eu des enfants, notamment cette mesure qu’on va examiner en séance publique dans les prochains jours.
BENJAMIN DUHAMEL
S’il y a des améliorations c'est bien la preuve que la réforme était injuste et inefficace pour les femmes.
OLIVIER VERAN
Non, ça veut dire que tout est perfectible, notre réforme comme les autres.
BENJAMIN DUHAMEL
Mais vous ne l’avez peut-être pas assez dit, sur les femmes, on se souvient de Franck RIESTER disant « oui ça va pénaliser un peu les femmes », et à ce moment-là tout le gouvernement disait « non, non, il s’est trompé, pas du tout. »
OLIVIER VERAN
C’est deux choses différentes, Benjamin DUHAMEL, que de dire, et nous avons raison de le dire, qu'avant la réforme les femmes partent plus tard que les hommes, après la réforme les femmes partent plus tôt que les hommes à la retraite, de l'ordre de deux mois. Il est juste aussi de dire que…
BENJAMIN DUHAMEL
Et la majorité de l’effort financier pèse sur les femmes.
OLIVIER VERAN
Avec notre réforme on tient mieux compte des congés parentaux, des congés proches-aidants, qui concernent surtout des femmes, et qu'on réduit l'écart salarial entre hommes et femmes dans notre pays pour réduire l'écart de pension de retraite, tout ça est factuel. Là il y a une autre proposition, qui est différente, et qui peut compléter notre dispositif, qui concerne les femmes qui ont eu plusieurs enfants pour savoir si, du fait qu'elles ont continué à exercer une activité professionnelle, que ce n’est pas simple d’avoir une famille nombreuse tout en bossant, est-ce qu’on peut faire un geste quand elles sont à la retraite.
BENJAMIN DUHAMEL
On vous a entendu. Olivier VERAN, le 15 février votre collègue ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, donnait le chiffre de 40.000 nouveaux retraités qui bénéficieraient d'une retraite à 1200 euros, ce qui est déjà nettement moins de ce que les Français pensaient au début du mois de janvier, et on apprend finalement hier, c’est le ministre du Travail lui-même qui le reconnaît dans un courrier à Jérôme GUEDJ, député socialiste, que la retraite à 1200 euros ce ne sera que pour 10 à 20.000 nouveaux retraités, c'est-à-dire au plus 2,5 % des retraités, vous vous êtes trompé ou vous avez voulu tromper les Français ?
OLIVIER VERAN
Non, quatre chiffres Benjamin DUHAMEL.
BENJAMIN DUHAMEL
Oui, mais…
OLIVIER VERAN
Attendez, je vais vous expliquer…
BENJAMIN DUHAMEL
Répondez très précisément là-dessus.
OLIVIER VERAN
800.000, c’est le nombre de Français qui partent à la retraite chaque année, 200.000, c'est-à-dire 1 sur 4, avec notre réforme, auront une hausse de leur retraite, qui est une petite retraite…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais là sur les 1200.
OLIVIER VERAN
Vous allez voir ; 40.000, c'est le nombre réel de retraités qui aujourd'hui partent avec moins de 1200 euros et qui partiront l'année prochaine avec plus de 1200 euros, et environ 20.000 c'est lié directement à l'impact de la réforme sur les retraites minimales, le reste c'est parce que nous avons augmenté de façon générale les pensions de retraite pour les indexer sur l'inflation.
BENJAMIN DUHAMEL
Olivier VERAN, Olivier DUSSOPT, le 15 février dit, « 40.000 nouveaux retraités seront à 1200 », dans un courrier il dit « 10 à 20.000 », est-ce qu’au moins vous reconnaissez qu'il s'est trompé sur les chiffres ?
OLIVIER VERAN
Je voudrais bien vous faire plaisir parce que j'ai l'impression que vous avez envie que j'attaque mon collègue…
BENJAMIN DUHAMEL
Non, mais ce n’est pas attaquer…
OLIVIER VERAN
Je vous redonne le chiffre.
BENJAMIN DUHAMEL
Vous savez, il y a un sujet de rapport à la vérité, il y a des Français qui parfois ont eu le sentiment que ce gouvernement avait des messages contradictoires, juste au moins reconnaître que vous vous êtes trompé sur ce sujet.
OLIVIER VERAN
Benjamin DUHAMEL, je vous redis les choses, 40.000 retraités auront 1200 euros chaque année, alors qu'ils n'ont pas 1200 euros…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais pas du fait de la réforme.
OLIVIER VERAN
Pas que du fait de la réforme.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc, du fait de la réforme, combien de retraités seront à 1200 euros ?
OLIVIER VERAN
Entre 15 et 20.000 du fait de la réforme, et entre 20.000 et 25.000 parce que nous avons par ailleurs augmenté le niveau général des pensions des retraités, donc 40.000 auront 1200.
BENJAMIN DUHAMEL
Alors qu’Olivier DUSSOPT disait 40.000 le 15 février. Est-ce que vous comprenez que les Français se disent il faudrait qu’ils soient un peu plus précis ?
OLIVIER VERAN
Alors il faut sans doute que nous soyons tous plus précis, j’en prends aussi toute ma part comme porte-parole, ce n’est pas une réforme qui est simple à expliquer, c’est une réforme qui est même extrêmement compliquée à expliquer et il y a énormément de brouhaha autour, donc il faut qu’on soit extrêmement précis, c’est pour ça que je vous redonne bien volontiers les chiffres, il est vrai de dire que 40.000, qui n'ont pas 1200, auront 1200, et il est vrai, il est normal…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais pas seulement du fait de la réforme, du fait de la réforme c’est 10 à 20.000
OLIVIER VERAN
Il est normal de préciser sur c’est la moitié du fait de la réforme, et la moitié du fait que, et c’est aussi une bonne nouvelle, on augmente les pensions de retraite parce qu’il y a de l’inflation.
BENJAMIN DUHAMEL
Le 7 mars les syndicats promettent donc une France à l'arrêt, des grèves reconductibles sont d'ores et déjà décidées, RATP, SNCF, éboueurs, est-ce que vous êtes prêt à un bras de fer dans la durée Olivier VERAN ?
OLIVIER VERAN
Il n’y a pas de bras de fer, moi je…
BENJAMIN DUHAMEL
C’est ce que dit l’intersyndicale en tout cas.
OLIVIER VERAN
Non, mais attendez, chacun peut dire, moi je représente le gouvernement, on n’est pas dans un bras de fer avec les Français, les grévistes ou les syndicats, on est à l’écoute, on est dans le dialogue, la preuve c'est qu'on a changé plusieurs fois notre fusil d'épaule, en tout cas on a amélioré tout ce qu'on nous demandait d'améliorer, il reste un point de blocage, et un point de désaccord, avec les syndicats…
BENJAMIN DUHAMEL
Les 64 ans.
OLIVIER VERAN
C’est le fait qu’on assume de demander aux Français de travailler progressivement un peu plus longtemps.
BENJAMIN DUHAMEL
Mais vous craignez une paralysie, dans la durée, du pays ?
OLIVIER VERAN
Je vous ai dit tout à l'heure que vu les enjeux qui sont devant nous ce n’est pas le moment de paralyser le pays, et je crois que les Français ils aspirent légitimement à emmener leurs enfants à l'école, à aller pouvoir prendre leur travail, faire leurs courses, aller se soigner et pouvoir se déplacer dans l’avenir.
BENJAMIN DUHAMEL
Jean-Luc MELENCHON, le patron de la France insoumise, le patron, l’autorité morale disons, dit grève générale le 7 mars…
OLIVIER VERAN
Dites patron à vie, c’est pareil.
BENJAMIN DUHAMEL
Ça c’est vous qui le dites, ce n’est pas moi ; dit grève générale le 7 mars.
OLIVIER VERAN
Et donc il est responsable de quel syndicat Jean-Luc MELENCHON ? j’ai cru comprendre que Philippe MARTINEZ, qui lui pour le coup préside un syndicat, la CGT, avait expliqué à Jean-Luc MELENCHON qu’il en faisait peut-être un petit peu trop et que c’était peut-être un petit peu contre-productif, j’invite chacun à ne pas parler à la place des syndicats, voyez…
BENJAMIN DUHAMEL
Donc Jean-Luc MELENCHON est illégitime à vouloir mener le mouvement politique d'opposition à la réforme des retraites ?
OLIVIER VERAN
Je vous dis juste que si Jean-Luc MELENCHON décide un jour de présider un syndicat et non plus un parti politique, libre à lui de le faire.
BENJAMIN DUHAMEL
La CGT Chimie notamment, donc les raffineries, appelle à une grève reconductible dès le 6 mars au soir, c'est-à-dire lundi prochain, est-ce que ça veut dire que les Français vont subir une nouvelle fois, comme en octobre dernier, les pénuries, la galère à la station-essence, est-ce que vous leur dites il faut vous préparer à ça ?
OLIVIER VERAN
On ne le souhaite pas, on ne le veut pas, et on demande à ce que ça n'arrive pas.
BENJAMIN DUHAMEL
Oui, mais sauf que là en l’état la CGT Chimie dit grève reconductible, donc vous pouvez le dire que vous ne le souhaitez pas, mais…
OLIVIER VERAN
On est dans un Etat de droit Benjamin DUHAMEL, les gens ont droit de faire grève, ils ont le droit de manifester, ce qu’on explique aux gens c’est que vu les échéances devant nous, vu l'inflation dont on a parlé tout à l'heure, vu toutes les problématiques liées à l'environnement, vu les transitions numériques qui sont en cours, vu tout ce qu'on a devant nous comme chantiers pour notre pays, si on veut avoir une France forte, dans une Europe forte, et si on veut que les Français aillent mieux demain qu'aujourd'hui, la pire des choses e serait de bloquer le pays.
BENJAMIN DUHAMEL
J’ai du mal à comprendre ce que vous dites, vous dites on ne le souhaite pas, mais il y a un manque de lucidité sur la colère des Français, vous misez au fond sur une forme d'usure, que les gens se disent « bon, on rentre de vacances, on n’a plus assez d’argent, on ne va pas faire grève » ?
OLIVIER VERAN
Non…
BENJAMIN DUHAMEL
Vous entendez le message que vous envoient les forces syndicales, les Français, qui disent « le 7 mars on va tout arrêter parce qu’on est opposés à cette réforme » ?
OLIVIER VERAN
Personne ne mise sur l'usure, on explique qu'on est dans un fonctionnement démocratique, à l'heure à laquelle je vous parle les sénateurs sont en train de se lever, après, ou sont déjà debout, après avoir examiné et adopté un texte de loi en commission, ils vont l'examiner en séance publique, au Sénat, moi je suis respectueux des institutions démocratiques, laissons les parlementaires faire ce travail aussi, ils ont quand même légitimité pour le faire, et on continue d'être dans le dialogue.
BENJAMIN DUHAMEL
Il n’y a pas de légitimité du moment, c’est ça ?
OLIVIER VERAN
Et je vous ai parlé tout à l’heure de notre capacité qu’on a encore d’écouter et d’accepter des avancées sociales pour les Français.
BENJAMIN DUHAMEL
Une question très précise, s’il y a des pénuries d’essence, est-ce que le gouvernement se laisse la possibilité de faire des réquisitions comme ce qui était arrivé en octobre dernier ?
OLIVIER VERAN
Moi je ne fais pas de scénario catastrophe et je sais pas de plans sur la comète, je vous dis juste qu’il y a des dispositifs légaux qui existent et que nous, nous sommes désireux, volontaristes de faire en sorte que notre pays avance et pas qu'il soit bloqué et on est au soutien des Français, de ceux qui travaillent, de ceux qui travaillent et qui ne sont pas d'accord avec la réforme.
BENJAMIN DUHAMEL
Et donc ça fait partie de l'arsenal légal du gouvernement si d'aventure il y avait des blocages. En 2010 Nicolas SARKOZY l'avait fait au moment d'une réforme des retraites, vous l'avez fait en octobre dernier.
OLIVIER VERAN
On a eu à le faire en octobre lorsque la grève avait duré longtemps qu'il y avait pour le coup des pénuries dans les stations d'essence qui s'étaient installées et que les Français étaient empêchés de se mobiliser et d'aller travailler, d'aller se soigner, donc on l'a fait à ce moment-là. Mais encore une fois…
BENJAMIN DUHAMEL
Donc si ça arrive une nouvelle fois, vous n’aurez pas la main qui tremble pour reprendre une expression.
OLIVIER VERAN
Ça ne veut pas dire qu’on aurait un bouton caché… on n’est pas du tout dans ce scénario là aujourd'hui, on n'est pas encore dans un mouvement de grève qui aurait débuté, que vous voulez nous demander si elle aurait suffisamment duré pour qu'on réquisitionne. Encore une fois on est à l'écoute dans le dialogue et on a envie que les choses se passent le mieux possible. Le blocage ne fait pas partie de notre scénario.
BENJAMIN DUHAMEL
un tout dernier mot sur le 7 mars, quand on regarde l'intersyndicale de la SNCF qui se mobiliser, il y a la CFDT Cheminots, CFDT syndicat réformiste, est-ce que vous attendez à un moment donné que si la France est bloquée Laurent BERGER, le patron de la CFDT qui a pu faire partie de vos interlocuteurs par le passé, la précédente réforme des retraites mette le holà et dise là ça suffit, tradition démocratique de la CFDT si le texte est voté, est-ce que vous attendez quelque chose de lui, est-ce que ça vous étonne qu'il soit aussi dur dans son ton ? sur cette mobilisation ?
OLIVIER VERAN
D'abord, Laurent BERGER continue d'être un interlocuteur, il ne faut pas en parler au passé, on continue de travailler et d'avancer avec lui, notamment sur la question de l'organisation du travail…
BENJAMIN DUHAMEL
Il n’a pas eu des mots très aimables à votre égard. Enfin « à votre égard », c'est le gouvernement, d’ailleurs.
OLIVIER VERAN
Mais ce n’est pas nouveau que quand il y a un désaccord entre les syndicats et un gouvernement en place quel qu'il soit, autour d'un texte de loi, il puisse y avoir des échanges d'amabilités. Ça n'empêche pas qu'on travaille d'arrache-pied avec lui sur la question du rapport au travail, de la qualité de vie au travail, de tout ce qui concerne les Français, le télétravail, l'organisation du temps de vie etc. Ça c'est un point important. Ensuite je vous ai dit tout à l'heure qu’un politique n'avait pas à se substituer à un responsable de syndicat. Donc je ne vais pas commencer à le faire maintenant, et expliquer à Laurent BERGER comment il doit faire avec son syndicat, avec la CFDT. Donc je respecte Laurent BERGER, je respecte tous les syndicats, et libre à lui de se déterminer. Je rappelle juste que nous sommes dans une démocratie, avec un Parlement fonctionnel, et que si d'aventure notre projet de loi était adopté au Parlement, il aurait respecté tous les circuits institutionnels prévus par la Constitution.
BENJAMIN DUHAMEL
Avant de dire un mot sur la crise entre les médecins généralistes et l'exécutif, une question clin d’oeil. Emmanuel MACRON hier a fleuri la tombe de François MITTERRAND à Jarnac, celui qui avait fait la retraite à 60 ans. Est-ce qu'aujourd'hui, vous êtes un ancien socialiste, François MITTERRAND il aurait soutenu cette réforme des retraites ?
OLIVIER VERAN
Alors, j'ai une certitude, mais je ne veux pas non plus parler à la place de François MITTERRAND, je ne vais pas me faire des amis, mais je doute fort que François MITTERRAND ait goûté à la NUPES. Je crois qu’il n’était pas lambertiste, pas trotskiste, je crois que c'était quelqu'un qui s'inscrivait dans une gauche de gouvernement, qui est arrivé à la tête d'un pays qui pouvait…
BENJAMIN DUHAMEL
François MITTERRAND, il aurait aimé un accord avec Eric CIOTTI, Bruno RETAILLEAU et Gérard LARCHER ?
OLIVIER VERAN
Je ne suis pas sûr non plus, pour être tout à fait franc, mais personne ne parle d'un accord, on est en train de parler de l'intérêt du pays et l'intérêt supérieur de la Nation, François MITTERRAND était un président qui le plaçait très haut dans sa logique politique.
BENJAMIN DUHAMEL
Olivier VERAN, crise ouverte donc entre les médecins généralistes et l'exécutif, il n'y a pas eu d'accord sur les tarifs de consultations. Comment on sort de cette crise, vous qui avez été ministre de la Santé ? C’est la guerre ouverte entre les médecins généralistes et l'exécutif, dialogue de sourds ?
OLIVIER VERAN
Non, ni dialogue de sourds, ni guerre ouverte. Il y a normalement, c’est vrai, une convention, c'est-à-dire entre la Sécurité sociale et les médecins libéraux, ils doivent signer un accord qui définit leurs tarifs pour les années à venir, et en échange les devoirs des médecins. Là il y a eu beaucoup d'argent qui a été mis sur la table quand même, parce que je regarde, je connais bien le système conventionnel, il y a eu plus d'argent que lors des conventions précédentes. Les médecins le refusent, libre à eux de le faire, et dans ce cas-là, c’est déjà arrivé dans le passé…
BENJAMIN DUHAMEL
Une proposition, très faible proposition de revalorisation par rapport à ce qu’étaient les demandes des médecins généralistes.
OLIVIER VERAN
…milliards d’euros quand même sur la table, et ça représente plus de 7 000 € de hausse de revenus par an. Peu importe. Ce que je veux vous dire…
BENJAMIN DUHAMEL
Que se passe-t-il maintenant ?
OLIVIER VERAN
Notre objectif… D'abord, je comprends que les médecins libéraux aient souffert pendant la crise Covid, eux aussi. Ils ont eu un rôle majeur, et je les salue et je les remercie pour ça, et je ne les incriminerai jamais. Ensuite, notre objectif prioritaire c'est faire reculer et déserts médicaux. Avec le petit nombre de médecins dont on dispose dans notre pays par rapport aux besoins, vous savez qu'on en forme beaucoup plus désormais, grâce à la suppression du numerus clausus…
BENJAMIN DUHAMEL
Oui mais les médecins généralistes refusent le principe de « on vous… comment dire, on revalorise plus la consultation, à condition de répondre à un certain nombre d’obligations », ils ne veulent pas de ce principe, ils disent « on est déjà à tellement assaillis de normes, de travail administratif »…
OLIVIER VERAN
Sur ce point-là, Benjamin DUHAMEL, je ne suis pas en accord avec mes confrères sur ce point, et je leur dis qu'il est urgent de développer les coopérations interprofessionnelles, il est urgent de permettre à des soignants qui le peuvent, de travailler en coopération, en coordination avec eux, davantage au service des malades, pour faire reculer les déserts médicaux. Et il suffit pour regarder, s'en convaincre, de regarder les exemples européens. Aux Pays-Bas, vous avez une densité médicale moindre…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais, très rapidement, on s’en sort comment ?
OLIVIER VERAN
… qu’en France, et bous n’avez pas de problème de déserts médicaux.
BENJAMIN DUHAMEL
On s’en sort comment, s’il n’y a pas d’accord ?
OLIVIER VERAN
Eh bien vous avez ce que l’on appelle un règlement arbitral, c’est-à-dire que lorsqu’il n’y a pas d’accord…
BENJAMIN DUHAMEL
Donc vous êtes optimistes sur le fait qu’il y ait une possibilité de…
OLIVIER VERAN
Eh bien c’est un règlement, vous savez, c’est le système qui le prévoit, et donc il va y avoir, toujours à la recherche d’un accord, d’un consensus, mais il y a un règlement arbitral, qui va considérer que la nouvelle convention pour les années à venir s'applique dans telle ou telle condition. Mais je vous le redis, on a besoin des médecins libéraux, les médecins libéraux ont besoin aussi pour sortir de la tête de l'eau, de pouvoir travailler davantage avec leurs collègues paramédicaux, et c'est aussi ça qu'on veut encourager.
BENJAMIN DUHAMEL
Merci Olivier VERAN, porte-parole du gouvernement.
OLIVIER VERAN
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 2 mars 2023