Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à LCI le 13 mars 2023, sur l'examen du projet de loi sur la réforme des retraites, l'éventuel recours à l'article 49.3 et la mobilisation syndicale contre cette réforme.

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Média : LCI

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Il est porte-parole du gouvernement, également ministre délégué en charge du Renouveau démocratique. Et ça tombe bien, la démocratie est en pleine forme, et lui aussi. Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d'être là ce matin. Dernière ligne droite donc pour la réforme des retraites. Vous ne voulez pas de 49.3, mais pouvez-vous exclure d’y recourir ?

OLIVIER VERAN
Alors, je m'attendais à cette question…

ADRIEN GINDRE
Et moi j'espère avoir votre réponse.

OLIVIER VERAN
Et je vais vous dire une chose, je l'ai dite hier, et je l'assume : nous ne voulons pas renoncer, nous ne renoncerons pas à notre réforme des retraites, parce qu'elle est importante pour l'avenir de notre modèle social, parce que nous travaillons dans la concertation depuis des mois, qu'on a fait évoluer notre projet, et le chemin démocratique prend le texte est un chemin qui nous a permis de faire adopter le texte par la majorité sénatoriale, qui n'est pas, vous l'aurez remarqué, la majorité présidentielle.

ADRIEN GINDRE
Absolument.

OLIVIER VERAN
Ça veut dire qu'on s'inscrit pleinement dans ce que nous ont demandé les Français lors des élections législatives, à savoir : on vous donne une majorité, mais pas une majorité absolue, pour vous pousser à trouver des accords, texte par texte, texte après texte, avec des députés d'opposition. Donc…

ADRIEN GINDRE
Mais vous dites : « nous ne renoncerons pas à notre réforme des retraites », moi j'entends « donc nous passerons par le 49.3, s'il y a un risque que nous soyons battus au vote ».

OLIVIER VERAN
Mais, Adrien GINDRE, on n'est pas dans la situation où notre texte de loi aurait été refusé par le Sénat, c'est l'inverse, ils l'ont voté, avec une majorité très large. On n'est pas dans une situation où ce que nous demandons aux Français, c'est-à-dire travailler progressivement un peu plus longtemps, sans augmenter les impôts, sans augmenter la dette, sans baisser les pensions de retraités, ne ferait pas partie du programme politique du principal groupe d'opposition au Sénat et à l'Assemblée nationale. Et on n'est pas dans un contexte où les uns et les autres seraient bloqués, refuseraient de travailler avec nous. Donc j'ai envie de vous dire que le vote par le Sénat de notre projet de loi, montre qu'il y a un chemin pour que nous obtenions, non seulement un accord en commission mixte paritaire mercredi, quand on mélange, quand on met ensemble des députés et des sénateurs…

ADRIEN GINDRE
Les 7 députés et 7 sénateurs qui vont se réunir pour faire une version commune du texte…

OLIVIER VERAN
…et que l’on peut se dire qu'un texte qui aurait été adoubé, largement voté, largement nous l'espérons, par des représentants des deux Chambres, a vocation à être adopté par les deux Chambres. Donc on est vraiment dans cette logique-là.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que ça veut dire que vous vous êtes rallié à l'avis de Laurent BERGER, qui dit : « Ce serait une forme de vice démocratique que la fin de l'histoire soit un 49.3 » ?

OLIVIER VERAN
Attendez, pardon, vous voulez me lancer sur le 49.3. D'abord c'est un outil constitutionnel, ça a été dit sur votre plateau, j’entendais il y a quelques minutes, qui a été utilisé, réutilisé et énormément même utilisé sur certains mandats, c'était le cas de Michel ROCARD, qui a adopté des réformes importantes pour le pays. On l'a fait, moi quand j'étais député socialiste sous le quinquennat Hollande, notamment les réformes travail…

ADRIEN GINDRE
Qui … la loi Macron, qui était le ministre de l’économie de l’époque…

OLIVIER VERAN
.. qui d'ailleurs à l'époque avait le soutien de certains syndicats réformistes, et y compris lorsqu'il a été, le texte a été adopté par le 49.3.

ADRIEN GINDRE
Donc ce n’est pas un tabou.

OLIVIER VERAN
Ce n'est pas que ça c'est pas un tabou, oui c'est pas un tabou, c'est un outil constitutionnel, mais c'est pas un tabou, mais ce n'est pas non plus une option qu'on utilise. Vous n’allez pas me faire un bandeau avec marqué : « le 49.3 n'est pas un tabou ». On n'est pas dans cette logique-l, on n'est pas en train de penser le 49.3…

ADRIEN GINDRE
Oui, mais ce n’est pas une option qu’on utilise, c'est une option qu’on pourrait utiliser.

OLIVIER VERAN
Je vous donne un contre-exemple. Lorsqu'on a fait adopter le budget il y a quelques mois au Parlement, j'étais sur votre plateau, vous m'aviez posé la question du 49.3, je vous avais dit : eh bien oui, c'est une option, parce que regardez, tous les groupes d'opposition ont dit « on ne votera pas », donc sur le papier il n’y a pas moyen de dégoter une majorité pour ce texte, donc comme on ne va pas renoncer au budget, on va passer par un 49 .3, c'est possible c'est probable. Bon. Là on n’est pas du tout dans la même situation, parce qu’on n'a pas des groupes d'opposition qui disent tous « on ne votera pas ». On a même le patron des Républicains et les présidents à l'Assemblée et du Sénat, du principal groupe d'opposition, qui disent : « Eh bien nous, il y a eu un travail qui a été fait, on a été écouté, on a apporté des modifications », c'est quelque chose qu'on porte dans notre ADN politique, c'est quelque chose qu'on a porté devant les Français pendant la campagne, donc nous on est plutôt enclin à voter. Donc pardon, du coup le 49.3 ce n’est pas un outil qu'on est en train de réfléchir, de discuter, qu'on aurait dans la poche, prêt à dégainer.

ADRIEN GINDRE
Mais vous constatez que la réalité politique, votre situation politique fait qu'il y a une incertitude sur votre capacité à avoir une majorité sur ce texte. Sinon on n'aurait pas ce débat. Donc, quelle est la baguette magique qui vous pouvez sortir, pour avoir cette majorité ? Comment vous allez faire en sorte d'avoir le nombre de députés nécessaires au vote jeudi ?

OLIVIER VERAN
Mais, Adrien GINDRE, qu'on n'ait pas la majorité, qui est de l'incertitude, il faut s'y habituer, puisqu'on est en majorité relative. Donc de la même manière que sur le texte, qui était lequel, celui d'avant, les énergies renouvelables a par exemple, eh bien jusqu'au bout on est allé chercher des voix dans les oppositions et en l'occurrence dans l'opposition de gauche pour faire adopter le texte, et jusqu'au bout on nous poser la question de « est-ce que vous allez sortir le 49.3 ? ». Et je leur disais : ce n’est pas comme pour le budget, là on pense qu'on peut dégager une majorité, donc on n'est pas en train de se poser cette question. Et à la fin, on a fait adopter le texte.

ADRIEN GINDRE
Mais tous les textes ne se valent pas, il n’y avait pas des millions de personnes dans la rue contre le texte énergies renouvelables, Olivier VERAN, c’est ça qui crée un contexte particulier, aussi.

OLIVIER VERAN
Mais, on est au lendemain d'un vote par le Sénat, à une majorité large du texte, donc laissez-moi considérer que ce travail que nous faisons avec les parlementaires, et puis au moment de voter, je veux dire, il y a encore sans doute quelques parlementaires qui ne sont pas sûrs de leur choix…

ADRIEN GINDRE
Y compris dans votre majorité, à Renaissance.

OLIVIER VERAN
Notre majorité sera au rendez-vous, je n’ai pas d'inquiétude. Mais vous avez des députés qui ne sont pas encore sûrs dans leurs choix, et au moment de voter ils vont aussi se poser la question de ces près de 2 millions de retraités qui ont des petites retraites, qui dans 6 mois, eux, attendent, parce qu’on a beaucoup parlé, ça a même été attaqué…

ADRIEN GINDRE
Et les…

OLIVIER VERAN
… raillé, c'est une mesure qui est positive, la mesure de la petite retraite qui est revalorisée, mais n'empêche qu'il y a beaucoup de retraités qui l'attendent.

ADRIEN GINDRE
Vous avez raillé, parce que vous avez dit n'importe quoi en fait.

OLIVIER VERAN
Mais je ne vous fais pas le reproche, je fais le constat. Il n'empêche que vous avez près de 2 millions de retraités, pour un certain nombre d'entre eux ils ont déjà fait leurs calculs, et ils ont vu que dans 6 mois, si la loi est adoptée, ou quand la loi sera adoptée, ils auront une meilleure retraite au bout.

ADRIEN GINDRE
Juste sur votre majorité. Vous dites que vous n’avez pas d'inquiétude, c'est-à-dire que vous avez eu des assurances de tous les députés de la majorité, ils voteront ce texte.

OLIVIER VERAN
Ça veut dire que, je ne sais pas si c'est au député près, honnêtement je ne peux pas vous répondre ce matin sur le député près, mais enfin ça va être, s’il nous manquait des voix, ce serait véritablement anecdotique, et moi je pense qu'on a les conditions pour qu'il ne nous manque pas de voix, tout simplement déjà par cohérence, parce qu'on a tous fait campagne, moi y compris, sur le fait qu'on allait demander aux Français de travailler progressivement plus longtemps, et donc il n’y a pas de surprise, et on n'est pas du tout dans un contexte qu'on a pu connaître sous d'autres mandats où il nous manquerait 20, 30 ou 40 députés, là tout le monde ne parle que d’une seule voix.

ADRIEN GINDRE
Ils seront exclus ceux qui ne voteraient pas ?

OLIVIER VERAN
C'est une affaire politique. C'est au groupe politique à l'Assemblée de le décider, mais c'est de la même manière, en fait, vous me demandez de me projeter dans un contexte qui n'est pas le contexte que nous constatons, qui serait celui dans lequel il y aurait des problèmes.

ADRIEN GINDRE
Ouvrez les yeux, parce que là quand même on est dans un contexte où ça c'est clair, il y a des députés qui ont fait savoir clairement qu'ils ne souhaitaient pas voter votre texte…

OLIVIER VERAN
Non, il y a eu des députés qui ont dit publiquement qu'en l'état ils ne se voyaient pas voter le texte, sauf si, et puis depuis il n’y a pas eu de prise, il n’y a pas eu d’expression…

ADRIEN GINDRE
Alors, on verra. Donc, dans votre majorité, admettons, il y a le nombre, vous dites, allez, à quelques unités ce serait anecdotique. A combien de votes, pour le texte prévisible, vous vous risquerez au vote, il faut de combien pour que ça passe à l'Assemblée ?

OLIVIER VERAN
Il nous faut une majorité absolue sur le texte, c'est-à-dire il nous faut le nombre la moitié de nombre de députés plus une voix. Donc il y a 575 députés qui siègent…

ADRIEN GINDRE
Une majorité à 287.

OLIVIER VERAN
Il nous faut 288 voix.

ADRIEN GINDRE
S'il y a 288, vous y allez, vous vous risquez au vote, puisqu’un vote, c’est plein d’incertitudes. Vous parliez tout à l'heure du quinquennat précédent, la loi Macron à l'époque, le ministre de l'Economie promettait qu'elle passerait à quelques voix près, le président et le Premier ministre avaient considéré qu'on ne prenait pas de risque. Vous prenez le risque à combien de voix vous ?

OLIVIER VERAN
Mais en fait le contexte était très différent en fait, parce que le problème dans le quinquennat Hollande, c'est qu'il nous manquait des voix dans notre propre majorité, et donc c'était ça qui rendait les choses compliquées. Là, comme on est en majorité relative, encore une fois, pour faire adopter un texte, il faut forcément qu'on arrive à se mettre d'accord avec des oppositions. Je vous dis juste que, constatez avec moi Adrien GINDRE, qu’on est en train de se poser la question de savoir si on a suffisamment convaincu de députés de l'opposition pour avoir une majorité, ce qui n’est pas du tout la même chose.

ADRIEN GINDRE
Je vous donne le point, en l'occurrence, un parti en particulier, Les Républicains. Bruno RETAILLEAU a dit assez clairement, pour le coup, qu’il soutenait la réforme, vous l'avez rappelé, au Sénat il y a eu un vote majoritaire. Bon. Il dit aussi : « cette réforme nous la votons, parce que c'est notre réforme ». Est-ce que vous considérez que la réforme qui est présentée aujourd'hui, c'est la réforme des Républicains ?

OLIVIER VERAN
C’est une réforme qui est de toute façon nécessaire en fait. Et quand vous êtes un parti du gouvernement…

ADRIEN GINDRE
Ça n’est pas ma question.

OLIVIER VERAN
Si, parce qu'en fait, qu'est-ce que vous faites quand vous êtes un parti de gouvernement et quand vous avez, quand vous êtes à la tête de l'Etat ? Vous prenez des décisions dans le sens de l'intérêt général, et vous regardez non seulement la situation demain mais dans 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans. La réforme des retraites est clairement une réforme difficile à faire adopter dans notre pays, parce que c'est une réforme qui généralement s'accompagne d'une demande d'effort, et l'effort il est collectif, nous on fait en sorte qu'il soit juste et partagé, mais ça ne fait pas plaisir. Et si on le demande, c'est parce que si on ne fait pas cet effort, on se retrouve dans quelques années dans une situation catastrophique sur le plan budgétaire, qui oblige à prendre des décisions encore plus difficiles.

ADRIEN GINDRE
Mais ça vous l’avez expliqué, et pourtant il y a des députés Les Républicains qui ne sont pas convaincus…

OLIVIER VERAN
Et ça, ce que je peux vous dire, c’est que traditionnellement la droite de gouvernement et la gauche de gouvernement, sont des partis qui lors qu'ils ont été au pouvoir et en demeure de prendre des décisions difficiles pour assurer la pérennité de notre modèle social, ont toujours su le faire. Alors, quand on est dans l'opposition, c'est effectivement moins compliqué d'allait expliquer qu’on ne ferait pas la même chose. Je vous dis juste Adrien GINDRE, et chacun peut le constater avec moi, que si vous regardez chez nos voisins européens, que la droite ou que la gauche ait été au pouvoir au moment où il fallait prendre une réforme des retraites, l'un et l'autre ont fait une réforme des retraites.

ADRIEN GINDRE
Donc vous dites à la droite et à la gauche…

OLIVIER VERAN
Je vous dis jusqu’en toute logique, et je vais même plus loin, en toute logique, ce n’est pas une question de droite ou de gauche, c'est que c'est une question de responsabilité. Gouverner c'est choisir, et nous on a fait le choix du sérieux pour les Français, et de ne pas alourdir la dette et le choix de ne pas augmenter les impôts.

ADRIEN GINDRE
Ça, vous dites en particulier ça pour Aurélien PRADIE et ses camarades qui ont dit qu’eux, ils ne voteraient pas la réforme, chez LR, par exemple.

OLIVIER VERAN
Après, ils sont parlementaires, ils ont le droit d'exprimer les idées etc., je dis juste que, vous me demandez si c'est une réforme qui est plutôt de droite ou plutôt de gauche, je dis juste que ma conviction c'est que l’on aurait un gouvernement socialiste ou un gouvernement Les Républicains, il serait à peu près le même type de…

ADRIEN GINDRE
Vous avez combien, en dehors de votre majorité, effectivement, parlons des oppositions, vous avez combien de vote assurés en soutien à votre réforme, par exemple chez Les Républicains, combien des votes sont garantis ?

OLIVIER VERAN
Alors, je ne vais pas vous sortir le calcul précis, ce qu'il faut comprendre c'est que vous avez des députés dans ce type de situation, vous avez des députés qui sont incertains jusqu’à assez tard en fait, et donc quelqu'un qui est incertain le dimanche il vous dit encore qu'il est dans certains de lundi. Donc il faut qu'on puisse continuer de discuter avec eux. Ce qui va se passer en commission mixte paritaire est important aussi Adrien GINDRE, parce que si effectivement vous avez 10 parlementaire sur des 14 qui disent « on a trouvé un consensus, on a réussi, sénateurs et députés, majorité et opposition, de dire…

ADRIEN GINDRE
Ce qui … est-ce que la majorité et la droite ont la majorité au Sénat, commission mixte paritaire ?

OLIVIER VERAN
Ecoutez, si c'est probable tant mieux, ça veut dire que vous avez à la fin, des représentants des deux Chambres, de notre majorité et des oppositions, qui vous disent : on a trouvé un accord.

ADRIEN GINDRE
Oui, non mais d'abord vous, parce que s'il n’y a pas d'accord, pour le coup on repart pour un tour de discussions parlementaires, donc bon courage.

OLIVIER VERAN
Mais c'est pour ça qu'on travaille, et c’est pour ça que la Première ministre aussi nous a réunis hier, un dimanche, pour que tous les jours qui nous restent avant le vote, soient des jours absolument utiles, et qu'on soit au travail avec les parlementaires.

ADRIEN GINDRE
Quand vous dites « c'est jusqu'au dernier moment », pour bien comprendre, ça veut dire que par exemple en Conseil des ministres, vous allez prévoir la possibilité d'utiliser le 49.3 si nécessaire, et qu'en réalité la décision de l'activer se fera au tout dernier moment, juste avant le vote, en fonction de la situation à quelques minutes du scrutin ?

OLIVIER VERAN
Non, je ne crois pas qu'il soit prévu de prévoir un 49.3 en Conseil des ministres.

ADRIEN GINDRE
Donc vous réunirez un 2e Conseil des ministres s’il le faut, jeudi, juste avant le vote.

OLIVIER VERAN
Ecoutez, là vous me ramenez à la…

ADRIEN GINDRE
Non mais j’essaie de…

OLIVIER VERAN
… question de départ, et donc qu'est-ce que vous pensez qu'il y aura un 49.3 ? Je vous le redis, on est en train, depuis tout à l’heure,…

ADRIEN GINDRE
…il faut que le Conseil des ministres délibère sur le 49.3, vous ne pouvez pas le décider comme ça.

OLIVIER VERAN
Oui, bien sûr, mais ça, hors contexte retraite, dans tout contexte de textes de loi, si vous aviez besoin d'adopter, de prendre une mesure spécifique pour faire adopter un texte, ça se fait en Conseil des ministres, mais ce n’est pas le cas, nous ne l'avons pas fait la semaine dernière, je ne crois pas que ce soit prévu après-demain matin donc voilà.

ADRIEN GINDRE
Laurent BERGER de la CFDT vous a mis en garde. Alors, certes il dit : une fois que la loi sera adoptée, la CFDT respecte les institutions et elle n'appellera plus à se mobiliser. Mais dit : la responsabilité de ce qui se passera ensuite, sera celle du pouvoir en place, donc vous, y compris dit-il le risque Rassemblement national ou le risque de violences ou de jacqueries qui pourraient se développer. Est-ce que vous voyez ce risque RN, Rassemblement national pour demain ?

OLIVIER VERAN
Non mais ce qui est terrible avec le RN, c'est que clairement ils n’ont pas travaillé la question de la réforme des retraites, ils ne sont pas arrivés avec un projet ficelé en disant : voilà notre contre-projet.

ADRIEN GINDRE
Et pourtant tout le monde dit qu'ils risquent d'être les grands gagnants, y compris les syndicats.

OLIVIER VERAN
Non non mais, parce que dans le bruit, dans le bruit de la rue, dans le silence des urnes, dans la colère qui s'exprime, parfois hélas ce sont des partis d'extrême qui peuvent…

ADRIEN GINDRE
Donc vous partagez cette analyse.

OLIVIER VERAN
Je ne partage pas l'analyse, parce que c'est un constat qu’il fait, ce n’est pas une analyse, mais je lui reconnais le droit évidemment de le faire, ce que je vous dis juste c'est que, ce qu'il faut vraiment que les Français qui nous écoutent ce matin comprennent, c'est que le RN n'a pas d'offre politique sur les retraites. Ils n'ont pas voté par exemple la suppression des régimes spéciaux. On n'a pas compris, on leur pose la question, mais du coup pour vous, Rassemblement national, pour vous Marine LE PEN on peut travailler 5 ans de moins parce qu'on est conducteur de bus à Paris et pas à Bordeaux ou à Lyon ?

ADRIEN GINDRE
… justifié.

OLIVIER VERAN
Ça n'a aucun sens.

ADRIEN GINDRE
Il peut y avoir un profit pour le RN, sans que le RN, ait comme vous dites un projet …

OLIVIER VERAN
Il ne faut pas que collectivement on considère à chaque fois que le RN serait une sorte de déversoir pour les personnes qui seraient déçues de telle ou telle politique, parce que c'est pas ce qu'on veut dans une démocratie, que l'extrême-droite l’emporte par dépit, et encore une fois je le dis d'autant plus que l'extrême droite n'a pas eu d'offre politique. Donc le fait de garder le silence, ne fait pas de vous un concurrent sérieux ou ne fait pas de vous une force politique capable de prendre des décisions justes pour le pays. Ce qu’a montré le RN, encore une fois dans cette posture qui a été la leur, c'est que, un, la capacité à travailler sérieusement, à avoir une autre politique, et puis ensuite c’est, eh bien écoutez surfons sur la colère et essayons de récupérer ce qu'on pourra. Ça ne fait pas encore une fois une force politique capable de préparer l'avenir de nos enfants. Posez-leur la question de ce qu'ils feraient sur l'école ou sur la santé, vous ne serez pas déçus.

ADRIEN GINDRE
Si on laisse de côté effectivement le 49.3, puisque vous l'avez dit on verra ce qui se passe, il y a quand même le fait que vous avez choisi d'encadrer les débats par l'article 47.1 de la Constitution qui a permis de limiter le temps, que vous avez utilisé le 44.3 au Sénat qui a permis de faire un vote unique, est-ce que c'est ça le renouveau démocratique, c'est dans votre intitulé ministériel, est-ce que c'est votre conception de la démocratie et de l'usage des institutions ? Tout ça c'est dans le cadre de la Constitution, c'est incontestable, après il y a des manières de faire vivre la démocratie, François BAYROU hier au Grand Jury disait : « La démocratie ne va pas bien, par exemple ».

OLIVIER VERAN
Ok.

ADRIEN GINDRE
Et donc, vous, vous considérez que tout va bien aujourd’hui.

OLIVIER VERAN
Non mais personne ne considère que tout va bien. Vous savez, moi j'ai été, je l'avais dit d'ailleurs, nous voulions, je voulais qu'on aille au vote à l'Assemblée nationale, moi je voulais que les députés puissent se compter et s'engager. Pour moi ça c'est important dans le chemin démocratique. L'obstruction l'a empêché et on l'a regretté, quasiment tous les députés, sauf la NUPES…

ADRIEN GINDRE
Donc si la démocratie ne va pas bien, ce n’est pas de notre fait.

OLIVIER VERAN
Mais ce n’est pas ce que je vous dis, là vous avez fait tout un tas de détours et vous avez le droit de le faire et j'ai le droit de vous répondre sur ce qui s'est passé au Sénat. Factuellement il y avait plus d'heures de débat au Sénat sur la réforme des retraites que sur toutes les réformes des retraites précédentes y compris la fameuse retraite de 2010.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que pour autant notre démocratie va bien ?

OLIVIER VERAN
Est-ce qu’on a été privé de temps de débats, non. Bon ensuite il y avait des milliers d'amendements et de sous amendements et je vous fais grâce de la rédaction de certains de ces amendements qui clairement montraient qu'il y avait là aussi une volonté pour la NUPES de bloquer les débats.

ADRIEN GINDRE
Elargissons… Olivier VERAN, est-ce que pour autant vous considérez aujourd’hui que la démocratie va bien ?

OLIVIER VERAN
Eh bien je vais faire le lien entre la question d'avant et celle-ci pour vous répondre. Vous m’avez parlé de l'extrême droite qui pourrait monter et du fonctionnement démocratique, pour moi l'ennemi l'extrême-droite, l'adversaire de l'extrême droite, ce qui fait baisser l'extrême droite c'est le lien, c'est ce qui nous unit et c'est ce qui fait qu'on fait corps dans la société. C'est ça qui est fondamental. Moi je considère que le rapport des Français avec leurs institutions qu'elles soient syndicales ou politiques ce rapport a changé, qu’il faut qu'on l'accueille, qu'il faut qu'on le comprenne, ça ne veut pas dire qu'il faut qu'on revienne à un système antérieur, ça veut dire qu'il faut comprendre qu'il y a des choses qui ont changé dans notre pays. D'ailleurs c'est le cas dans la plupart des démocraties qui nous entourent, toutes les vieilles démocraties, toutes les belles Démocraties voient une montée de l'extrême droite quel que soit le pouvoir en place c'est la politique qui est menée. Et le rapport entre les gens a changé, ce lien a changé. Ce qu'il nous faut faire nous comme pouvoirs publics, c'est tout mettre sur la table pour que ce lien entre les Français encore une fois dont le rapport a changé puisse être entretenu et que ce soit un rempart contre la désillusion, la défiance, la colère et donc l'extrême-droite…

ADRIEN GINDRE
Et ça passe par quoi ? Qu’est-ce que vous pouvez faire concrètement, par quelles mesures ou politiques ça passe ?

OLIVIER VERAN
Dans les mécanismes démocratiques à l'heure à laquelle nous parlons, nous allons bientôt conclure une convention citoyenne par exemple sur la fin de vie, que le président de la République a souhaité. La semaine dernière j'étais avec Agnès PANNIER-RUNACHER parce que nous avons fait une grande consultation nationale sur l'avenir du mixe énergétique et derrière une question complexe en théorie, eh bien vous avez eu des dizaines de milliers de Français qui ont contribué. La Première ministre, j'y étais, a réuni forum des Jeunesses avec des centaines de jeunes qui nous ont dit qu'ils voulaient, etc.

ADRIEN GINDRE
Donc vous dites tout ça…

OLIVIER VERAN
Ça veut dire qu'il faut qu'on dise, les Français sont utiles et chaque avis compte et chaque avis est utile et chaque idée est précieuse pour nous, il faut qu'on l’accueille et il faut qu'on renforce notre capacité à retourner vers les Français pour leur dire vous nous avez dit ça et on va s’en servir.

ADRIEN GINDRE
Les syndicats vous accusent précisément l'inverse, ils ont demandé à être reçus par le président de la République, qui a dit non en substance, il leur a répondu un courrier, il n’y a pas eu de rencontre. Ils ont manifesté samedi certes la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement mais en disant, écoutez les Français, donnez la parole aux français, laissez parler par un référendum, comment vous comprenez que vous dites, on fait des pas en direction des Français et que les syndicats, eux se sentent précisément écartés, non considérés.

OLIVIER VERAN
Oui pardon, de tout temps débattre, discuter, échanger, concerter, ça ne veut pas dire forcément tomber d'accord et ce n'est pas parce qu’il y a un désaccord que celui qui l'emporte a forcément tort, ça c'est le 1er point. On parlait du président de la République, il a reçu, il a invité tous les syndicats à sa table au mois de juin, la CGT n'est jamais venue, les autres sont venus. Quand il a mis en place le Conseil national de la refondation, ça aussi c’est un mécanisme démocratique nouveau, alors vous le voyez, on ne le voit pas beaucoup depuis Paris sans doute mais dans les territoires quand vous avez des milliers d'écoles qui se réunissent, on en est à plus de 4000 écoles je crois, qui se réunissent en communauté éducative pour dire nous, on a pour la pour la 1ère fois à l'occasion d'innover, de penser différemment l'organisation de l'enseignement, on a des budgets qui vont avec, comment est-ce qu'on va procéder, c'est une vision plus girondine que jacobine. Donc c'est moins visible à Paris mais ça marche sur le terrain. Et pourquoi je vous parle du CNR, parce que là Laurent BERGER est venu pour la CFDT, les autres syndicats ne sont pas venus, donc d'autres syndicats ne sont pas venus, certains sont venus, ce que je vais vous dire c'est que on a toujours été dans cette méthode du avec vous qui était la méthode prônée par le président, les choses changent, les choses sont, tout n'est pas encore visible mais je le dis aux Français les choses changent.

ADRIEN GINDRE
Le fait est qu'il a été très absent ces dernières semaines, le président, il a laissé le gouvernement travailler, ça peut se défendre d'un point de vue institutionnel, le gouvernement mène la politique.

OLIVIER VERAN
Ça peut se défendre, c'est que c'est puissamment institutionnel.

ADRIEN GINDRE
Mais est-ce qu'on va le réentendre, quand va-t-il reparler et pour dire quoi ?

OLIVIER VERAN
Vous aurez l'occasion de réentendre le président, quand je ne sais pas, pour dire quoi, ce n'est certainement pas mon rôle que de préempter ce qu’il aura à dire mais viendra un moment, on en est pas là aujourd'hui, je ne veux pas donner le sentiment ce matin aux Français qu'on aurait enjambé les retraites et qu’on serait déjà dans l'après. En revanche vous savez ce qu’il y a déjà sur notre feuille de route notamment en matière d'emploi. On a un texte sur le plein emploi et sur le bon emploi, c'est-à-dire que les concertations qui ont cours et vous parliez des syndicats…

ADRIEN GINDRE
Vous avez aussi un texte immigration que les Républicains ne veulent pas voter pour le moment.

OLIVIER VERAN
Reconnaissez avec moi que malgré la grogne sociale, malgré le désaccord sur les retraites, il y a un truc assez historique qui s'est passé il y a 15 jours, qui est que les syndicats du patronat et des salariés se sont réunis et ont trouvé un accord sur le partage de la valeur en entreprise. Ça veut dire qu'ils ont dit malgré le contexte, on prend la main qui est tendue par le gouvernement et on lui demande de faire en sorte que dès 10 salariés, à partir de 11 salariés dans les entreprises tous les salariés puissent avoir plus d’argent…

ADRIEN GINDRE
La preuve que les partenaires sociaux parfois…

OLIVIER VERAN
Quand les entreprises gagnent plus d’argent. Et nous on dit ok, on va le mettre dans la loi.

ADRIEN GINDRE
Une petite question encore Olivier VERAN, je disais donc il y a la mobilisation qui va se poursuivre, même si le texte est adopté la CGT a dit on continuera, il y a des mobilisations qui se poursuivent en ce moment, on a vu ces images encore ce matin dans Les Matins LCI par exemple les éboueurs dans certains arrondissements de Paris, mais aussi dans d'autres villes de France, est-ce que vous allez-vous intervenir, est-ce qu'il y ait des réquisitions qui sont possibles ou des interventions, je ne sais pas d'agents de l'Etat, des militaires pour dégager les rues, éviter les problèmes sanitaires par exemple ?

OLIVIER VERAN
Alors je crois qu'il y a surtout un gros problème à Paris en matière d'éboueurs et j’ai cru comprendre que, en tout cas je ne sais pas si c’est toujours le cas mais il y a quelques semaines la maire de Paris proposait même de payer les grévistes, donc je dirais là il y a une responsabilité d'élu local…

ADRIEN GINDRE
Ce n’est pas le problème de l’Etat pour le coup.

OLIVIER VERAN
Déjà enfin quel est message qui est envoyé par la maire de Paris, ça, c'est je dirais, c'est à elle de voir ça ensuite avec les Parisiens. Sur le plan des grèves et des blocages, il y a encore des Français qu'ils sont très perturbés aujourd'hui puisqu'il manque encore des trains, enfin je crois qu'on est à 3 TGV sur 5.

ADRIEN GINDRE
Ça s’est quand même bien amélioré.

OLIVIER VERAN
Voilà du point de vue, du point de vue des raffineries on est extrêmement vigilant, on regarde ça.

ADRIEN GINDRE
Mais réquisitions ou interventions de forces de l'ordre ça reste une possibilité ou tout ça, ça appartient au passé ?

OLIVIER VERAN
Tout ça est à la fois autorisé par le droit et encadré par le droit, c'est-à-dire que si vous décidiez une réquisition ou de lever un blocage, il faut que ce soit vraiment justifié et de manière imminente sans quoi de toute façon la justice vous empêcherez de le faire, donc on est très attentif.

ADRIEN GINDRE
Très bien, merci beaucoup Olivier VERAN d’avoir été notre invité ce matin, on vous souhaite un bon 49 3 cette semaine sur la réforme des retraites.

OLIVIER VERAN
On se donne rendez-vous si vous voulez à la fin de la semaine et on en rediscute ici.

ADRIEN GINDRE
Très bien. Bon courage à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 14 mars 2023