Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Clément BEAUNE.
CLEMENT BEAUNE
Bonjour.
MARC FAUVELLE
" Peut-être que j’aurais dû plus me mouiller pour défendre la réforme des retraites ", c’est ce que dit Emmanuel MACRON dans un échange avec les lecteurs du " Parisien Aujourd’hui en France ", ça veut dire que quand il ne fait pas le boulot lui-même c’est mal fait ?
CLEMENT BEAUNE
Non, je ne crois pas. Le président a été interpellé sur le fait qu’il doit justifier, expliquer, les raisons de cette réforme des retraites, on a vu les oppositions ou les contestations qu’elle pouvait susciter, et donc je pense que le président, il l’a dit lui-même, veut se réengager dans le débat, il sait qu’il est attendu. Vous savez, on est toujours un peu paradoxal parce que quand le président parle souvent, ou fait beaucoup de déplacements, on dit il est trop présent, et puis quand le président est en retrait, on dit nous-mêmes il ne parle pas assez, il n’est pas assez au contact.
MARC FAUVELLE
Mais ça veut dire en creux que les ministres qui ont été chargés de porter la bonne parole ne l’ont pas bien fait.
CLEMENT BEAUNE
Eh bien écoutez, je ne veux pas interpréter sa parole vis-à-vis des membres du gouvernement, je crois que le président a dit que sur une réforme aussi importante il était important qu’il soit là, il s’est exprimé néanmoins plusieurs fois pendant cette réforme des retraites, que maintenant, si je puis dire, la leçon pour la suite c’est qu’il faut que lui-même, et que nous tous, on soit au combat, et on est dans une phase où il faut faire encore beaucoup de réformes et on aura besoin de l’engagement du président, tout simplement.
SALHIA BRAKHLIA
Emmanuel MACRON hué, sifflé ces derniers jours en déplacement, il a atteint son plus haut niveau d’impopularité, est-ce qu’il doit continuer à se déplacer là où se trouvent les casseroles ?
CLEMENT BEAUNE
Il doit continuer à se déplacer, bien sûr, et aller au contact même quand c’est difficile, et on doit d’ailleurs le faire aussi comme responsables politiques, comme membres du gouvernement, et je, on continuera à le faire aussi.
SALHIA BRAKHLIA
Il vous a mis un petit coup de pression en disant « déployez-vous, même si ça crie, même si ça insulte, même si ça vous interpelle », il faut aller sur le terrain ?
CLEMENT BEAUNE
Il faut aller sur le terrain, bien sûr, mais il ne faut pas rester enfermé, rester planqué, rester dans un cocon de bureau ministériel, il faut bien sûr aller au contact, et on parle beaucoup des moments où c’est difficile, il y en a, objectivement…
MARC FAUVELLE
C’en est un aujourd’hui ?
CLEMENT BEAUNE
Oui, des moments où, je veux dire, ou les déplacements, où parfois il y a eu des contestations, mais soyons clairs aussi, elles sont organisées quand on sait qu’il y a tel ou tel responsable politique, à plus forte raison le président de la République, il y a des manifestations qui s’organisent, qui ne sont pas forcément des manifestations de milliers de gens, qui sont quelques actions ciblées, organisées et visibles. Mais, moi je l’ai fait dans le domaine des transports, y compris pendant la période de grèves et de contestations, qui étaient objectivement fortes, mais j’ai pu avoir des échanges régulièrement et de manière sereine avec des agents de la SNCF, avec des cheminots, avec des agents de la RATP, et on va évidemment continuer, je le ferai encore toute la semaine, à échanger, se déployer sur le terrain, et on ne va pas se planquer quand c’est compliqué, au contraire.
MARC FAUVELLE
Clément BEAUNE, Emmanuel MACRON dit qu’il veut une loi sur l’immigration d’ici cet été, mais dans cet entretien, donc au " Parisien ", il ne parle plus du volet qui devait consister à régulariser les sans-papiers qui travaillent dans des métiers en tension. Est-ce que cette mesure sera bien dans la loi ?
CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, je ne suis pas en charge de ce dossier, mais j’ai noté que le président avait dit qu’il voulait un texte…
MARC FAUVELLE
C’est la mesure qui hérisse la droite.
CLEMENT BEAUNE
Oui, j’y viens, mais le président a dit qu’il voulait un texte, je crois d’un seul tenant. Je comprends qu’on lit un texte d’un seul tenant, que c’est un texte, le président d’ailleurs le dit en ces termes, à peu près, qui garde un équilibre, il a parlé d’un " en même temps assumé ", un " en même temps assumé " c’est précisément à la fois des règles strictes, strictement appliquées, quand on est en situation irrégulière on ne reste pas sur le territoire national, il faut le faire appliquer rapidement, et puis quand on a le droit de rester, parce qu’on est un demandeur d’asile, parce qu’il y a des conditions de travail qui peuvent être, dans certains cas, assouplies ou tolérées de manière plus flexible, eh bien ça doit aussi figurer dans le débat…
MARC FAUVELLE
Vous souhaitez que cette mesure y soit donc…
CLEMENT BEAUNE
Et je crois que c’était l’équilibre du texte, encore une fois je ne suis pas en charge, ni du travail, ni du ministère de l’Intérieur, donc j’aime m’exprimer sur les sujets dont je porte la responsabilité, mais j’ai entendu le président dire son attachement, qui est d’ailleurs notre politique d’immigration depuis le départ, y compris au niveau européen, à un équilibre, à un " en même temps " revendiqué, sur fermeté et humanité.
MARC FAUVELLE
Elisabeth BORNE avait dit " promis, je n'utiliserai plus de 49.3 en dehors des textes budgétaires ", et quand on l'interroge sur ce point Emmanuel MACRON dit, dans cet entretien, " j'exclus rien ", qu'est-ce qui s'est passé entre les deux ?
CLEMENT BEAUNE
Mais écoutez, là aussi, vous savez qu’on aile bien raconter le récit de différents, au sens de potentiels désaccords, je n'y crois pas une seconde…
MARC FAUVELLE
En tout cas ils ne disent pas la même chose.
CLEMENT BEAUNE
Mais, le président de la République il est interrogé sur ce point très précis d'ailleurs dans cet entretien…
MARC FAUVELLE
Oui, il pourrait dire, comme Elisabeth BORNE l'a dit, "il est hors de question…"
CLEMENT BEAUNE
Il a dit " le 49.3 c’est le gouvernement, donc la cheffe du gouvernement, qui engage sa responsabilité ", c'est acté, pour être très précis, en conseil des ministres, donc sous la présidence du président, mais le président, et d'ailleurs il a raison de respecter cet équilibre institutionnel, ce n'est pas lui qui active le 49.3, donc…
MARC FAUVELLE
Techniquement parlant, mais vous savez bien qu'il est hors de question qu’un Premier ministre déclenche un 49.3 sans que le président donne son feu vert.
SALHIA BRAKHLIA
Sans l’accord du président.
CLEMENT BEAUNE
Certainement, mais la Première ministre…
MARC FAUVELLE
On joue un petit peu sur les mots.
CLEMENT BEAUNE
Non, mais la Première ministre a dit qu’elle souhaitait, comme cheffe du gouvernement, utiliser le 49.3, si besoin, pas systématiquement, sur les textes budgétaires, et l’éviter sur les autres, le président n’a pas dit le contraire…
SALHIA BRAKHLIA
Clairement, sur le texte sur l’immigration, le 49.3 pourrait être dégainé ?
CLEMENT BEAUNE
Mais je n’en sais rien, mais de toute façon, encore une fois, on raisonne comme si, depuis le début de cette mandature, on avait fait tous les textes au 49.3, c'est une infime minorité, on fait comme s’il y avait une sorte de plaisir du 49.3, le 49.3 c’est un dernier recours pour faire passer des réformes qui sont parfois difficiles, et je le redis, c'est un outil constitutionnel et démocratique, ensuite la doctrine d'utilisation, si je puis le dire ainsi, de cet article de la Constitution, c'est la cheffe du gouvernement qui le décide, en accord évident avec le président de la République, on verra au cas par cas. On ne va pas parler de la procédure avant de parler du fond sur des réformes qui ne sont pas encore au Parlement.
SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, on le sait, la situation sociale est compliquée, on l'a dit en début d'interview, la situation politique l’est aussi, le président LR de la région des Hauts-de-France, Xavier BERTRAND, dit qu'Emmanuel Macron doit nommer un Premier ministre qui n'est pas membre de sa majorité. Vu la situation politique, en l'absence de majorité, est-ce que vous y êtes favorable vous, à un Premier ministre LR ?
CLEMENT BEAUNE
Je ne sais pas si Xavier BERTRAND voulait faire acte de candidature, cette déclaration est un peu étonnante dans sa bouche à ce moment-là, mais au-delà, encore une fois des personnes, la question qui se pose c'est comment on construit une majorité. Il faut tous qu’on acte…
SALHIA BRAKHLIA
Là vous avez visiblement besoin de la droite.
CLEMENT BEAUNE
Mais pas que, moi je crois, et la Première ministre l'a dit, c'est peut-être passé inaperçu, il y a quelques jours au Conseil national du parti Renaissance, elle a dit il faut des majorités de projet parce que dans notre culture politique, on peut le regretter peut-être, mais avoir des coalitions stables, dans la durée d'une législature, ce n'est pas ce qu'on fait d'habitude, ce n'est pas la pratique des partis politiques, c'est ainsi, actons-le, et si on veut faire voter des textes, et on a besoin de faire voter des textes, il faut travailler avec ceux qui sont prêts à le faire, à droite ou à gauche. A droite ou à gauche.
MARC FAUVELLE
Mais si on veut, Clément BEAUNE, des majorités avec la gauche, est-ce qu’il faut passer son temps à taper sur la gauche comme le fait Gérald DARMANIN ?
CLEMENT BEAUNE
Mais écoutez…
MARC FAUVELLE
Le terrorisme intellectuel, etc., etc. ?
CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, moi je distingue, dans l'hémicycle, au sein de la NUPES - ce n’est pas moi qui ai créé cette alliance, mais j'essaye d'être objectif - entre une culture et un parti politique, La France insoumise, que je crois être dans une forme de radicalité politique, revendiquée là aussi, et puis d'autres partis, les écologistes, les communistes, le Parti socialiste, avec lesquels, j'en suis persuadé, mais à eux de le dire aussi, on peut travailler.
MARC FAUVELLE
Avec les communistes aussi ?
CLEMENT BEAUNE
Mais, je prends un exemple très simple, ce n’est d'ailleurs pas de la science-fiction, c'est la réalité, on a voté une loi sur l'énergie nucléaire, parce qu’on a voté 25 textes depuis le début de la législature, on a tendance à l’oublier, 25 textes, le dernier, un des derniers, sur l’énergie nucléaire, majeur pour accélérer la transition écologique, il a été voté par le groupe communiste à l'Assemblée nationale. J’étais moi-même à l'Assemblée il y a quelques jours, on a reporté l'ouverture à la concurrence des bus parisiens…
SALHIA BRAKHLIA
Avec les communistes aussi.
CLEMENT BEAUNE
C’est une proposition de loi qui émane du groupe communiste, que la majorité a amendée et soutenue parce que c'était une bonne réforme, avec un certain nombre de petits changements, donc on peut le faire, ce n’est pas, encore une fois, déraisonnable, ce n'est pas de la science-fiction, ce n’est pas de la com., c'est la réalité du Parlement, et quand on est une force politique, qui a la majorité relative, c'est-à-dire qui est la première force politique, mais qui doit chercher des alliés, je pense qu'on doit s'interdire rien du tout et le faire au cas par cas, et s'il y a des gens constructifs à droite, tendons la main, s’il y a des gens constructifs à gauche, et j'ose croire qu'il y en a, je viens de cette famille politique, travaillons avec eux.
SALHIA BRAKHLIA
Avec le ministre des Transports, Clément BEAUNE. Vous revenez tout juste d’un déplacement en Ukraine, vous avez notamment rencontré le Premier ministre ukrainien, l’objectif de ce voyage c’était de parler de l’après-guerre, de la reconstruction du pays, ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs ?
CLEMENT BEAUNE
J’ai été en effet trois jours en Ukraine, on a parlé de la reconstruction et on a parlé aussi de l’aide d’urgence, mais les deux sont très importants. J’ai été d’ailleurs surpris que les Ukrainiens eux-mêmes, j’ai vu le Premier ministre longuement, plusieurs vice-premiers ministres évoquent cela parce qu’ils veulent aussi se projeter évidement dans la guerre qui doit être menée, qui n’est malheureusement pas fini, mais dans l’après pour donner un avenir à leurs enfants. Plusieurs ont eu cette formule, on ne veut pas que ce soir la guerre après la guerre, c’est-à-dire que quand on est un pays qui se projette dans l’Europe, qui se projette dans la paix, qui se projette dans l’après on doit aussi commencer à construire ce moment de reprise économique, de reprise politique. Mais je suis allé pour apporter une aide très concrète, dire le soutien indéfectible de la France et surtout un soutien le plus concret possible dans tous les domaines des transports et de logistiques pour ce qui me concerne, on va livrer des rails supplémentaires, des bus supplémentaires, des bateaux supplémentaires, donc évidement priorité à l’urgence, évidement priorité à l’effort de guerre qui a un volet militaire, mais qui a aussi un volet civil et je voulais incarner cette coopération et la renforcer.
SALHIA BRAKHLIA
Mais clairement est-ce qu’on est en train d’aider matériellement les Ukrainiens aujourd’hui pour espérer récupérer des marchés pour la reconstruction après la guerre ?
CLEMENT BEAUNE
Là vous savez ce n’est pas l’urgence et j’ai rencontré beaucoup d’entreprises françaises qui sont présentes, qui n’ont jamais quitté l’Ukraine dans tous les domaines, domaines de la banque, domaine du transport maritime, domaine de l’énergie et les Ukrainiens nous disent, on est fiers que ces entreprises soient restées malgré tout, leurs équipes risquent leur vie et sont là pour aider l’Ukraine, je peux vous dire ce n’est pas une question de rentabilité. En revanche je le dis bien sûr, c'est aussi une question de souveraineté européenne pour l'après, j'espère que cet après arrivera le plus vite possible mais ce n'est pas encore aujourd'hui ou demain matin, il faut que nos entreprises, notre expertise, notre engagement dans le secteur public et dans le secteur privé soit d'abord européen pour aider l’Ukraine.
SALHIA BRAKHLIA
Mais est-ce qu'il y a eu compétition entre pays européens pour justement reconstruire l'Ukraine et que vous, vous y êtes allé clairement pour que les entreprises françaises prennent de la place dans ce marché dans ces chantiers à venir ?
CLEMENT BEAUNE
J’y suis allé en réunissant avant et je les réunirai après les entreprises françaises qui sont les plus engagées, d'abord pour aujourd'hui encore une fois, qu'ils peuvent faire des dons, qui peuvent être présentes, qui ont besoin dans une économie qui continu de tourner d'être actives et oui, moi je le revendique pour l'après. Mais vous avez raison, vous le dites vous-même, ne mettons pas la charrue avant les bœufs, il faut déjà que cette guerre se termine et soit gagnée et il faut qu’on soit là dans ce moment. Mais oui pour l’après je souhaite que nos entreprises, que nos acteurs français et européens soient présents, ce n’est pas indécent de dire cela, mais l’urgence c’est les dons, c’est le soutien, c’est la présence immédiate.
MARC FAUVELLE
Il y a eu ce week-end plusieurs milliers de manifestants protestant contre le projet en France d'autoroute A 69, autoroute qui doit relier Castres un à Toulouse, projet disent les opposants en totale contradiction avec l'urgence climatique car il va détruire des centaines d'hectares agricoles pour gagner disent-ils toujours, un quart d'heure de trajet, ça vaut vraiment le coup ?
CLEMENT BEAUNE
On doit évidemment revoir un certain nombre de projets routiers, je l'ai dit, la Première ministre elle-même l'a dit quand elle a présenté un plan d'avenir pour les transports au début du mois de mars et donc il est hors de question de faire comme avant. Je prends quelques exemples…
MARC FAUVELLE
Revoir, dont celui-ci ou pas celui-ci ?
CLEMENT BEAUNE
J’y viens de manière globale parce que ce n’est pas une approche au cas par cas, on va avoir des contrats d'infrastructures, d'investissements des infrastructures entre l'Etat et les régions qui vont être négociés à partir des prochains jours. Il est clair qu'on va réduire la part des projets routiers, il n’y en aura pas zéro, il y en aura moins pour donner une priorité assumée aux transports publics et aux transports ferroviaires. J'ai déjà annoncé que sur des projets autoroutiers qui paraissaient aujourd'hui complètement déconnectés, qui n'étaient d'ailleurs souvent plus attendus par les élus eux-mêmes entre Poitiers, Limoges ou au sud de Lyon, ce qu'on appelle l’A 46, ces projets je les ai suspendu voire supprimer et on a lancé sous l'autorité de la Première ministre, j’ai lancé dès le mois de janvier une revue de tous les projets autoroutiers qui sont devant nous.
SALHIA BRAKHLIA
Mais pour l’A 69, est-ce que vous dites…
CLEMENT BEAUNE
L’A 69 est examinée dans ce cadre et là en revanche on va faire une analyse projet par projet parce qu’il y a des critères environnementaux, il y a des critères de désenclavement des territoires, on ne peut pas dire depuis Paris qu’il n’y a pas de problème de connexion dans certaines régions.
SALHIA BRAKHLIA
Pour gagner 15 minutes, ça vaut le coup ou pas ?
CLEMENT BEAUNE
Ça sera examiné justement, moi je ne vais pas vous dire…
MARC FAUVELLE
Donc le projet n’est pas encore forcément…
CLEMENT BEAUNE
Alors j’y viens pour être très précis, ce projet il est spécifique parce que c'est le projet autoroutier aujourd'hui le plus avancé, il y a des travaux qui ont commencé, on est dans un état de droit, il y a eu des règles, des procédures y compris environnementales et à chaque fois le juge y compris sur les critères environnementaux a confirmé ce projet. On va regarder ce projet et les choses ne sont pas d'ailleurs blanches ou noires, on peut imaginer de limiter les impacts environnementaux d'un projet, c’est possible.
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça veut dire, pardon Clément BEAUNE, ça veut dire ce matin que le projet peut être avorté ?
CLEMENT BEAUNE
Ça veut dire qu'on regarde tous les projets routiers, dont celui-ci en prenant en compte la particularité de ce projet, c'est qu'il est très avancé, c'est qu'il a déjà fait l'objet de débats et de procédure juridique et je ne peux pas ignorer ce phénomène. La réponse sur tous les projets routiers ce sera d'ici le début de l'été.
MARC FAUVELLE
Mais on peut reculer donc si on comprend bien, vous pouvez encore mettre le projet en mode pause.
CLEMENT BEAUNE
Non mais vous avez une approche où ça consisterait à dire on fait tout comme avant ou on arrête tout.
MARC FAUVELLE
Non mais ce n’est pas ça, mais une bétonneuse soit on l’envoie ; soit on ne l‘envoie pas…
CLEMENT BEAUNE
On est une phase très préliminaire des travaux et par exemple réduire les impacts environnementaux ça me paraît possible et souhaitable. Je ne veux pas préjuger puisque j'ai décidé avec les élus d'avoir cette discussion. J’ai entendu aussi beaucoup d'élus locaux qui me disent on est pour ce projet et très honnêtement je les ai peu entendu ces derniers jours, donc s’ils tiennent au projet il faut aussi qu'ils le disent très clairement parce qu'il y a beaucoup d'élus de toutes sensibilités politiques, de toutes sensibilités politiques y compris de gauche pour être très clair, qui sont pour ce projet et qui doivent aussi dire quelle est l’avis de ces élus en tant qu'élu du peuple dans la région, dans le département ou dans la ville de Castres.
MARC FAUVELLE
Clément BEAUNE, il faut trouver 100 milliards d'euros pour financer le rail d'ici 2040, c'est l'annonce qu’a faite Elisabeth BORNE il y a quelques semaines, le patron de la SNCF a une idée pour trouver cet argent, il dit, allons le chercher en partie dans l'aérien et dans les autoroutes qui polluent davantage que le rail, est-ce qu'il a raison, est-ce que c'est là qu'on trouvera une partie de ces 100 milliards ?
CLEMENT BEAUNE
Alors je vais vous dire un scoop, c’est même, mon idée et je l’ai exprimé il y a déjà plusieurs semaines…
MARC FAUVELLE
Il vous a copié.
SALHIA BRAKHLIA
Il vous l’a piqué.
CLEMENT BEAUNE
Non j’en suis ravi mais je vois toutes les semaines le président de la SNCF donc ce n’est pas complètement anormal qu’on ait quelques idées communes.
MARC FAUVELLE
Donc on va taxer les autoroutes ?
CLEMENT BEAUNE
C’est une possibilité en effet. La Première ministre là aussi quand elle a présenté ce plan et les 100 milliards a dit, il faut qu’on le finance, la transition écologique, c’est beaucoup d’argent et on ne va pas augmenter les impôts des Français, on est en train d’essayer de donner du pouvoir d’achat notamment aux classes moyennes et aux gens en difficulté.
MARC FAUVELLE
Donc l’idée c’est de tordre le bras aux sociétés d’autoroutes qui ont fait d’après le rapport du Sénat 12 % de rentabilité depuis qu’on les a privatisés ?
CLEMENT BEAUNE
Je n’appelle ça tordre le bras mais oui c’est de chercher des ressources pour financer le transfert d’un certain nombre de nos déplacements de la route vers le rail et vers les transports publics. Donc il y a deux pistes très concrètes, effectivement une taxation sur les sociétés d’autoroutes et sur le transport aérien, c’est d’ailleurs ce qu’on avait déjà fait dans le passé. Et il y a en ce moment-là aussi d’ici l’été les choses seront précisées, une consultation parce qu’il y a des questions juridiques, je ne rentre pas dans la technique, très lourdes sur la possibilité de taxer les sociétés autoroutières.
MARC FAUVELLE
Elles vont se laisser faire comme ça, VINCI, EIFFAGES, vous allez leur dire, on vous taxe…
CLEMENT BEAUNE
Mais pardon moi je ne suis pas…
MARC FAUVELLE
Il y a des contrats, il y a des concessions.
CLEMENT BEAUNE
Mais pardon moi je ne suis pas dans un combat, on est encore une fois dans un état de droit. Moi je défends les concessions autoroutières.
MARC FAUVELLE
Vous allez les convaincre.
CLEMENT BEAUNE
Non les taxes ce n’est pas de la conviction, c’est la loi. Donc moi je ne suis pas dans un combat, les concessions autoroutières je pense que c’est utile. Les sociétés autoroutières, on leur a demandé typiquement de mettre des bornes électriques sur toutes les autoroutes de France, c’est aujourd’hui fait. Donc moi je ne suis pas en train de dénoncer, ce sont des grands champions français et parfois on caricature le débat mais…
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous dites elles gagnent trop d’argent là, donc il faut…
CLEMENT BEAUNE
Je dis que quand il faut financer la transition écologique, il est normal que la route finance davantage le chemin de fer, il est normal que le secteur aérien finance davantage le train et donc il y aura un débat budgétaire au Parlement à l’automne comme chaque année, il peut y avoir des financements supplémentaires. Il y a un débat qui avait fait couler beaucoup d’encres, celui des jets privés, on les taxe justement pour financer la transition écologique, ça me parait sain.
SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, l’américain TESLA vient de se lancer dans une guerre des prix en baissant drastiquement le prix de ses voitures électriques, est-ce que c'est une bonne nouvelle ?
CLEMENT BEAUNE
Non, parce que nous avons besoin de produire nous-mêmes des voitures électriques en France, et en Europe, qui soient abordables. Il faut être très clair, aujourd'hui c'est quoi le marché de la voiture électrique ? c'est des produits de luxe et/ou des produits non-européens, principalement chinois, et donc l'enjeu c'est non pas de refuser cette transition écologique ou industrielle, parce que si dans 10 ans on se retrouve, on n’a toujours pas de production de voitures électriques en France et en Europe, on sera balayé, et en plus on aura un énorme problème climatique.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous voyez bien que ce n’est pas la stratégie des constructeurs automobiles français qui préfèrent construire moins de voitures, mais avec plus de marge.
CLEMENT BEAUNE
Non, on va arriver, et notamment à partir de 2024, à un moment où on va reprendre une production, enfin même prendre, créer une production de voitures électriques plus abordables, en France et en Europe. Il y a des usines qui sont en train d'ouvrir pour produire des batteries électriques, chez RENAULT, chez STELLANTIS, il va y avoir des productions de véhicules abordables dans les prochaines années, ça démarre dès l'année prochaine, c’est un enjeu énorme.
MARC FAUVELLE
Abordables ça veut dire une voiture électrique à combien, par exemple en entrée de gamme ?
CLEMENT BEAUNE
Je ne sais pas exactement quel prix les constructeurs fixeront…
MARC FAUVELLE
Ou alors à combien ça pourrait baisser ? chez TESLA c’est spectaculaire, c’est…d’euros de baisse.
CLEMENT BEAUNE
Aujourd’hui, Monsieur FAUVELLE, je crois qu’un véhicule électrique sur le marché, c’est pour ça que je dis que c’est un produit de luxe, c'est en moyenne plus de 40.000 euros, si vous avez des prix constructeur, " indicativement ", qui sont autour de 15.000 euros, avec les aides, puisqu'il y aura des aides toujours, les subventions publiques pour faciliter l'accès à ces voitures, on peut arriver à des prix qui deviennent compétitifs et abordables, et je pense qu'on peut le faire dès l'année prochaine.
MARC FAUVELLE
Ce qui n'est pas, encore une fois, aujourd'hui la logique des constructeurs français qui disent…
CLEMENT BEAUNE
Alors justement, j’y viens.
MARC FAUVELLE
C’est ce que rappelait Salhia, on préfère vendre moins de voitures, mais avec une marge plus importante, contrairement à ce qu'a fait par exemple Carlos GHOSN quand il était chez RENAULT.
CLEMENT BEAUNE
Non, on est en train de changer de modèle, et moi j'y crois beaucoup parce qu'on doit le faire au niveau européen. Pourquoi on s'est battu pour fixer cette date de 2035 et la fin de la vente des voitures neuves thermiques, et donc passage aux voitures neuves à l'électrique ? parce que si on ne donne pas signal à nos constructeurs, si on ne leur dit pas c'est là-dessus qu'il faut mettre le paquet, qu'il faut investir, en France et en Europe, et on les aide, y compris avec des subventions publiques, pour investir et pour se transformer, eh bien là on ne créera pas de marché assuré par nos propres constructeurs, français, allemands ou autres, c'est ça le défi, c'est est-ce qu'on produit en Chine ou aux Etats-Unis la voiture électrique abordable de demain, ou est-ce que le produit chez nous, et c'est possible. Il y a encore quelques mois on ne produisait aucune batterie électrique sur le territoire français et européen, on va être autonome en batteries électriques d'ici 2027, donc ce défi c'est un défi industriel majeur, qui nécessite la mobilisation de nos industriels, des règles claires de la part des autorités publiques au niveau européen, c'est ce qu'on vient de faire, et du soutien financier, parce que le véhicule électrique produit chez nous c'est, j’allais dire le premier défi écologique industriel des années qui viennent.
MARC FAUVELLE
Est-ce que vous soutenez les collectivités locales qui en ce moment repoussent, je pense à celle de Lyon ou encore à la métropole du Grand Paris, les prochaines dates des ZFE, c'est-à-dire l'interdiction des voitures les plus polluantes, est-ce que le ministre des Transports leur dit vous avez raison, on n'est pas toujours prêt ?
CLEMENT BEAUNE
Je leur dis prenez le temps qu'il faut, absolument. Pourquoi ?
MARC FAUVELLE
Ah bon !
CLEMENT BEAUNE
Oui, parce qu’il y a un fantasme, et je voudrais tordre le cou à une idée qui circule, ce n’est pas l'Etat qui depuis Paris, et depuis le centre-ville bobo de la capitale, dirait dans toute la France « il y a un rideau qui va tomber à l'entrée des métropoles et des centres-villes à la fin de l'année 2024 », c'est ça qu'on entend, c'est ça qui fait très peur aux gens, et je peux comprendre, ce n’est pas ça qui va se passer. La loi elle a dit, dans la mandature précédente, il faut créer ces zones à faibles émissions, c'est-à-dire un périmètre, et puis par étape, ce qu'on appelle les fameux critères, les vignettes Crit’Air 5, 4,3, etc., par étapes, les collectivités, parce que ce sont les mieux placées, définissent le calendrier de restrictions, mais il n’y a aucune contrainte de tout faire, ou même de commencer au 1er janvier 2025, donc s'il faut du temps, il faut arrêter ce match entre les collectivités et l'Etat, s'il faut du temps à Paris, à Grenoble, à Marseille, à Saint-Etienne ou ailleurs, ce sont les présidents des métropoles qui le savent, ce n’est pas le ministre des Transports qui sait à leur place, et donc oui, je le dis très fortement, les collectivités ont cette liberté de fixer le calendrier. Maintenant les ZFE…
MARC FAUVELLE
Il y a juste un calendrier qui ne sert plus à grand-chose.
CLEMENT BEAUNE
Si, parce qu’il faut commencer le 1er janvier 2025 à avoir défini le périmètre…
MARC FAUVELLE
Mais si on a un périmètre sans interdiction à l’intérieur du périmètre, il est juste symbolique.
CLEMENT BEAUNE
Non, parce que ce qui se passe en pratique, d’où d’ailleurs les inquiétudes, c'est que beaucoup de collectivités ont commencé sur les premiers Crit’Air, et le Crit’Air 5 par exemple, qui est le plus polluant, qui concerne peu de véhicules, ça a commencé. Ce qui inquiète les gens…
SALHIA BRAKHLIA
Sans sanction, sans PV !
CLEMENT BEAUNE
Mais ça va venir progressivement, mais là aussi, pourquoi on fait des ZFE, pourquoi il y a cette loi qui prévoit, avec des adaptations territoriales, des ZFE, parce qu’il y a 45.000 personnes qui meurent chaque année à cause de la pollution de l'air, je voyais sur votre bandeau, il y a 1200 jeunes en Europe qui meurent chaque année, des enfants, de la pollution de l'air, donc on doit faire quelque chose, cette transition écologique on doit la faire, mais on doit la faire dans le temps, et donc si parfois il faut quelques mois de plus, si parfois il faut un an de plus, pour accompagner, pour faire aussi en sorte qu’il y ait plus de véhicules électriques, parce qu'aujourd'hui c'est une minorité, pour faire en sorte qu’on mette des aides en place, de l'Etat et des collectivités, pour faciliter ce passage à l’électrique, prenons ces quelques mois supplémentaires. Encore une fois, je le redis, il n’y a pas ce rideau de fer qui tombe le 1er janvier 2025 dans les centres-villes de France, ce n'est pas vrai, et il y a un calendrier qui s'adapte.
SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, le mariage pour tous a 10 ans, une loi adoptée dans la douleur tant les oppositions étaient fortes, vous étiez, vous à l'époque, à Matignon aux côtés du Premier ministre Jean-Marc AYRAULT, 10 ans après vous dites merci au président François HOLLANDE d'avoir tenu ?
CLEMENT BEAUNE
Bien sûr, je dis merci à toutes celles, tous ceux, le président François HOLLANDE, le Premier ministre Jean-Marc AYRAULT, pour lequel je travaillais, la ministre de la Justice de l'époque, Christiane TAUBIRA, les députés, bref les militants, qui ont fait que ce combat a été un aboutissement, a été possible. Je crois qu’on ne mesure pas encore, c'était un immense événement, c'était un immense événement, pourquoi ? parce que, je le vis moi-même comme responsable politique et comme, à l'époque, un jeune gay, quand la loi vous dit " vous êtes l'égal de l'autre ", il n’y a rien de plus fort, il n’y a rien de plus fort pour un jeune que d'entendre que la loi, pas les petits camarades de l'école qui peuvent faire des commentaires douteux, pas les gens qui peuvent proférer sur les micro des insultes violentes, la loi, dans la République, c'est elle qui fait référence, elle vous dit « vous êtes comme les autres, vous avez les mêmes droits, vous vous en saisissez, ou pas, mais devant la loi, devant un maire, devant une autorité publique, vous valez la même chose qu'une personne qui a une autre orientation sexuelle », c’est immense comme changement.
SALHIA BRAKHLIA
Mais je l’ai dit, à l'époque il y avait une forte opposition à cette loi, parmi les opposants les plus féroces il y avait des membres du gouvernement actuel, comme Gérald DARMANIN, comme Christophe BECHU, aujourd'hui ils font leur mea culpa, ils disent on s'est trompé, est-ce que vous les sentez sincères ?
CLEMENT BEAUNE
Mais moi je ne fais pas, je ne suis pas procureur, je ne sonde pas les reins et les cœurs, tant mieux si on dit, et c'est une preuve aussi d'évolution et de courage, je me suis trompé. Ça a changé. Moi ce qui m'importe ce n’est pas telle ou telle déclaration, c'est que la société a profondément changé, on l’a oublié d'ailleurs, les Français étaient favorables au mariage pour tous dans leur immense majorité, il y avait eu un débat démocratique au moment des élections présidentielles de 2012, et puis il y a un Parlement qui a voté à une très grande majorité. Je pense aussi à un membre du gouvernement, par exemple à mon collègue Franck RIESTER, qui était l'un des seuls, face à tout son camp, qui a voté cette réforme, à l'époque il fallait un sacré courage, donc je pense à toutes celles et tous ceux qui se sont battus, et parfois courageusement, et je vois à quel point aujourd'hui, quand vous regardez les images des manifestations, des débats parlementaires, tout ça paraît décalé, c’est ça qui m'importe, tant mieux, parce que ce débat n'aurait plus lieu dans les mêmes termes aujourd'hui, ça veut dire que notre pays a profondément mûri, sur le chemin de l'égalité, même si tout n'est pas facile, l'homophobie ça existe encore, les attaques, les insultes homophobes ça demeure, donc c'est ce combat-là aussi qu'on doit mener aujourd'hui avec les associations.
MARC FAUVELLE
Merci à vous. Clément BEAUNE, ministre des Transports était ce matin l'invité de France Info, bonne journée à vous.
CLEMENT BEAUNE
Merci à vous
source : Service d’information du Gouvernement, le 25 avril 2023