Interview de M. Franck Riester, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement, à CNews le 28 avril 2023, sur la réforme des retraites, le respect du processus démocratique et l'incivisme, la situation à Mayotte et le projet de loi Immigration.

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Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Bonjour Franck RIESTER. Merci d'être avec nous. Ministre délégué aux Relations avec le Parlement. La finale de la coupe de France demain – je sais que vous n'êtes pas ministre des Sports – mais c'est très politique puisqu'on attend le Président de la République. Des militants anti-réforme des retraites attendent le Président de la République. Est-ce qu'Emmanuel MACRON doit aller à la finale ?

FRANCK RIESTER
Bien sûr… mais c'est lui qui prendra sa décision bien évidemment. Vous avez d'ailleurs dit dans votre question que cette finale de la Coupe de France était un rendez-vous très politique… Mais non, c'est un rendez-vous sportif et donc j'appelle, moi, à ce qu'on fasse plutôt du sport que de la politique lors de ce grand rendez-vous.

ROMAIN DESARBRES
Alors selon l'AFP – je dis bien selon l'AFP, c'est la vérité de ce matin – il n'ira pas sur la pelouse, donc au milieu de l'arène, au milieu du chaudron. Ça peut se décider au dernier moment mais ça veut dire qu'il n'est pas aussi libre que ça de ses déplacements s'il n'y va pas !

FRANCK RIESTER
Mais si parfaitement… Vous l'avez vu hier… D'abord on verra ce que fera le Président de la République. On est quand même dans un État où le chef de l'État peut prendre ses décisions de déplacements quand il le souhaite et de la manière qu'il le souhaite. Donc les choses sont très claires. Il l'a démontré d'ailleurs hier ; il était à Dôle sur un marché, il a pu discuter avec les Français, parfois c'était difficile, parfois il y avait un débat d'idées, des contradictions, mais en liberté et vous savez, rien n'est mieux finalement pour le président de la République qui aime la confrontation, qui aime le contact avec les Français, la vie des Français, pour lui, ce n'est pas le décor de la vie politique, c'est la priorité et la réalité. Et donc il a démontré hier, une nouvelle fois, que ce qu'il aimait, c'est débattre, échanger, écouter mais aussi convaincre que la politique qu'il conduit avec son Gouvernement, avec la majorité, est une politique qui va dans le sens de l'intérêt général et qui permet de répondre concrètement aux problématiques de nos compatriotes.

ROMAIN DESARBRES
Sur la méthode, des menaces donc autour de la présence du président de la République au Stade de France, avec des sifflets qui vont être distribués, avec des cartons rouges qui vont être distribués aux spectateurs pour qu'ils les brandissent pendant le match ; votre commentaire sur ces méthodes ?

FRANCK RIESTER
Écoutez, je vous ai dit, c'est un grand rendez-vous sportif, maintenons-le comme un grand rendez-vous sportif. Plus largement, je crois que la démocratie, c'est de pouvoir manifester ; la démocratie, c'est pouvoir faire grève ; la démocratie, c'est aussi respecter les processus démocratiques et notamment les processus de vote de la loi. Il y a une loi qui a permis de réformer notre système de retraite pour le pérenniser ; il y a eu une campagne électorale du président de la République, des députés, il y a eu des consultations, il y a eu 175 heures de débats au Parlement, il y a eu des votes au Sénat et à l'Assemblée nationale. Il y a eu le Gouvernement qui a engagé sa responsabilité ; il n'y a pas eu de majorité à l'Assemblée nationale pour faire tomber le Gouvernement qui porte cette réforme importante. Le Conseil constitutionnel a validé la grande majorité du texte. Le texte a été promulgué, le texte va s'appliquer. Voilà, c'est ça la démocratie. Maintenant, avançons, continuons. En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il faut dénoncer avec beaucoup de force l'incivisme. Quand on coupe l'électricité en prenant des risques sur des cliniques, des hôpitaux ou qu'on handicape le travail de nos compatriotes, c'est insupportable.

ROMAIN DESARBRES
La CGT du Lot-et-Garonne qui a coupé l'électricité au stade d'Agen, ce sont des méthodes antidémocratiques ?

FRANCK RIESTER
C'est incivique. La démocratie, ce n'est pas ça ; la démocratie, c'est manifester, c'est faire grève éventuellement mais ce n'est pas par des actes inciviques mettre en danger parfois la vie des gens ou perturber le travail aussi de nos compatriotes au quotidien.

ROMAIN DESARBRES
On attend beaucoup de monde le 1er mai, donc lundi prochain ; les services de renseignement annoncent entre 80 et 100 000 personnes rien que pour la capitale, ce qui est beaucoup, avec des craintes de violences, ce sont également vos informations ? C'est-ce que vous craignez ?

FRANCK RIESTER
En tout cas, j'espère que les choses vont bien se passer, je fais confiance aux organisations syndicats, comme elles l'ont montré pendant les débats sur les retraites, qu'elles étaient en capacité la plupart du temps d'encadrer de la meilleure façon possible les manifestations pour que ça se passe dans le calme. Et s'il y a des débordements, si certains veulent casser, veulent mettre en danger la vie de nos compatriotes, les forces de l'ordre – et je les salue une nouvelle fois – seront là pour protéger nos compatriotes.

ROMAIN DESARBRES
Pour les autorités policières, cette journée dépassera la seule question des retraites ; ce sera une journée fédératrice – je cite – autour du rejet profond de la politique générale menée par le Gouvernement, selon la note du renseignement – ce sont des policiers qui écrivent ça – vous ne pensez pas qu'il y a aujourd'hui un problème autour de la personnalité du président de la République ?

FRANCK RIESTER
Non je ne crois pas. Vous savez, le président de la République est dans l'action. Quand on est dans l'action, quand on réforme le pays, quand par exemple on demande un effort à nos compatriotes de travailler un peu plus longtemps, progressivement pour ceux qui le peuvent, eh bien ce n'est pas forcément populaire mais c'est l'intérêt général. Et je crois que les Français s'en rendent compte, que le Président est dans l'action avec son Gouvernement, avec une stratégie claire : c'est de faire en sorte qu'on ait plus de travail, plus de croissance, un pays qui soit plus compétitif pour créer davantage d'emplois, davantage de richesses pour ensuite financer tous les services publics dont on a besoin en matière de santé, en matière d'éducation, en matière de sécurité, en matière de justice et c'est ça qui est la clé de la stratégie de notre Président de la République et du Gouvernement en matière économique et sociale et plus largement, en matière de politique.

ROMAIN DESARBRES
Mais si cette réforme est si bonne pour le pays et pour les Français, pourquoi est-ce qu'elle est si contestée, au-delà des clivages d'ailleurs, quand on regarde tous les sondages, droite, gauche, au-delà des clivages politiques ?

FRANCK RIESTER
Mais parce que ça a toujours été le cas…

ROMAIN DESARBRES
Elle a été mal expliquée ?

FRANCK RIESTER
On peut toujours mieux faire mais en tout état de cause, demander un effort à nos compatriotes, ce n'est pas forcément populaire et dans les réformes des retraites précédentes qu'il y a eu, il y a toujours eu une forme d'impopularité, une forme de manifestation, voire d'opposition et même parfois très forte au texte, mais ce qui compte, c'est l'intérêt général. C'est d'être clair dans le processus démocratique, de dire avant d'être élu ce qu'on va faire après, tenir ses engagements – et c'est ce qu'on fait avec cette réforme des retraites – sans être obtus, sans être bloqué sur des positions. Regardez ce qu'avait dit le Président de la République dans sa campagne : il voulait reporter l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans ; finalement c'est 64 ans. Donc il a écouté. Nous avons écouté les organisations syndicales, nous avons écouté les forces politiques et nous avons finalement voté un texte qui est un bon texte qui permet de sécuriser notre système de retraite par répartition qui est le pilier de notre modèle social et deuxièmement, de nous donner des marges de manœuvre financières parce qu'en travaillant davantage, on crée davantage de richesses pour financer nos priorités en matière de progrès, en matière de services publics, en matière de sécurité, en matière de défense.

ROMAIN DESARBRES
A chaque déplacement de ministre ou presque, il y a des syndicalistes qui tapent sur des casseroles ; est-ce que ça commence à fatiguer certains ministres comme on le dit dans la presse ce matin ?

FRANCK RIESTER
Non, le dialogue, le débat, la discussion avec nos compatriotes est toujours plus forte que le bruit des casseroles…

ROMAIN DESARBRES
Il n'y a pas de ministres qui commencent à en avoir un peu marre ?

FRANCK RIESTER
Vous savez, quand on est ministre, on sert son pays matin, midi et soir et on est déterminé à aller au contact de nos compatriotes. C'est ce que nous demande le Président de la République, c'est ce que nous demande la Première ministre et nous le faisons avec beaucoup de respect des oppositions, beaucoup de respect des contradictions mais en étant fermes sur les principes républicains et les principes de la démocratie.

ROMAIN DESARBRES
Franck RIESTER, l'opération Wuambushu à Mayotte, opération de sécurisation de Mayotte ; les Comores, la ville voisine, rechignent à reprendre leurs ressortissants pour le moment ; on n'arrive même pas à imposer aux Comores de récupérer leurs ressortissants qui sont en situation illégale en France bien sûr. Est-ce que ce n'est pas le symbole de l'impuissance de l'État à régler les problèmes d'immigration ?

FRANCK RIESTER
Je dirais que c'est tout l'inverse. Regardez la détermination de l'État d'être aux côtés des Mahorais pour d'abord faire en sorte de détruire un certain nombre d'habitats insalubres, de mettre hors d'état de nuire des délinquants notoires qui créent de l'insécurité sur le territoire et puis d'être dans un dialogue engagé avec les partenaires de la France en matière d'immigration dans cette région – bien sûr les Comores mais pas seulement – il y a un certain nombre de ressortissants du Sri Lanka, du Kenya, de Madagascar, de l'Afrique des Grands Lacs qui sont repartis dans leur pays et nous sommes dans un dialogue avec le gouvernement des Comores pour faire en sorte qu'il y ait davantage de retours de ces immigrés clandestins vers les Comores. Il y en a eu 25 000 l'an dernier, en 2022, il ne faut pas l'oublier, c'est-à-dire qu'il y a une détermination très forte.

ROMAIN DESARBRES
Il n'y a pas de liaisons maritimes, elles sont coupées : est-ce qu'il faut couper les aides aux Comores si elles ne se montrent pas plus coopératives ?

FRANCK RIESTER
On est dans un dialogue engagé avec le gouvernement de ce pays pour faire en sorte qu'il puisse récupérer ses ressortissants ; c'est bien légitime, c'est bien logique et c'est l'état d'esprit qui est le nôtre.

ROMAIN DESARBRES
La loi immigration, repoussée aux calendes grecques après l'automne ?

FRANCK RIESTER
Pas du tout, vous n'avez pas écouté la Première ministre…

ROMAIN DESARBRES
Je l'ai bien écoutée mais je traduis pour nos téléspectateurs…

FRANCK RIESTER
Vous traduisez mal, pardon de vous le dire… à l'automne quoi qu'il arrive. Ce qu'il faut comprendre, c'est que vous le savez, nous sommes dans une majorité relative, c'est-à-dire que nous avons une majorité, il n'y a pas de majorité alternative. Nous avons par exemple, nous, la majorité présidentielle, 100 députés de plus que la NUPES ; (inaudible)… c'est le rassemblement des contraires entre la France insoumise et le Rassemblement national notamment mais nous sommes en majorité relative. Donc pour faire voter les textes, il nous faut aller chercher des députés des oppositions constructives ; c'est ce qu'on a fait depuis le début du quinquennat ; je rappelle qu'il y a eu 24 textes votés sans utilisation du 49.3, en allant chercher des majorités relatives plus larges. Donc ça marche de travailler intelligemment, en discutant avec les oppositions constructives, en écoutant leurs remarques, en en tenant compte avec ce travail remarque que font les députés de la majorité vers leurs collègues des oppositions constructives pour trouver des majorités. Et c'est ce que nous allons faire pour l'immigration. Et ce qui s'est passé, c'est très simple : nous avons déposé un projet de loi sur le bureau du Sénat ; il y a eu un travail en commission et le président du Sénat a demandé au Gouvernement qu'on retire le texte pour pouvoir le discuter à un moment peut-être plus propice. C'est ce que nous avons fait. Nous discutons notamment avec les LR qui sont le partenaire avec lequel nous imaginons pouvoir avoir un accord sur ce texte dans l'avenir, pour faire en sorte de trouver les voies de passage, le point d'équilibre. Un compromis, ce n'est pas forcément, nous, rester sur nos positions, les LR rester sur les leurs, c'est trouver un compromis. Donc on essaie de trouver un compromis avant le dépôt du texte ; c'est ce que nous avons fait sur un grand nombre de textes dès l'amont du dépôt du texte. Et ensuite, il y aura un dépôt de textes et des débats parlementaires, des discussions parlementaires, un travail parlementaire qui devrait enrichir le texte et nous permettre de trouver des solutions concrètes à cette problématique de l'immigration pour mieux et plus rapidement renvoyer un certain nombre de ressortissants d'autres pays qui n'ont rien à faire sur notre sol et de mieux intégrer ceux que nous accueillons.

ROMAIN DESARBRES
Mais Monsieur le Ministre, ça va être compliqué… vous avez entendu Eric CIOTTI mercredi matin si je ne me trompe pas, sur Europe 1 : il demande un référendum sur l'immigration, il veut la fin du regroupement familial – le président des Républicains avec qui vous voulez négocier – il veut la fin du regroupement familial, la fin des aides pour les étrangers dès les premiers jours en France et un référendum. Vous pourriez le suivre ?

FRANCK RIESTER
Je suis convaincu qu'on peut trouver un certain nombre de dispositions, de mesures…

ROMAIN DESARBRES
Il vous dit qu'il n'a pas envie d'un texte mou.

FRANCK RIESTER
Mais nous non plus. Nous voulons un texte qui permette de répondre aux problématiques qui sont les nôtres pour renvoyer plus facilement ceux qui n'ont rien à faire sur notre sol et accueillir mieux ceux que nous accueillons. Et donc on ne veut pas de texte mou ; on veut un texte fort et on n'est peut-être pas aligné sur tout avec Les Républicains mais…

ROMAIN DESARBRES
Vous n'êtes peut-être pas alignés sur tout… Pour l'instant, vous êtes surtout aligné sur… j'allais dire presque rien.

FRANCK RIESTER
Si, si, bien sûr qu'il y a un certain nombre de sujets…

ROMAIN DESARBRES
Comme ?

FRANCK RIESTER
Sur l'immigration, on a un certain nombre de sujets… sur la simplification des procédures, sur le fait qu'il y ait moins de recours possibles pour contester un certain nombre de décisions de justice, pour donner des moyens aux forces de police, de gendarmerie, de la justice pour faire face à l'immigration. Regardez ce qui se passe aujourd'hui avec la décision qu'ont prise la Première ministre et le ministre de l'Intérieur…

ROMAIN DESARBRES
C'est à la marge…

FRANCK RIESTER
Non, pardon, ce n'est pas à la marge... De prendre des décisions, de donner des moyens parce qu'il y a la loi mais il y a aussi d'autres choses que la loi : il y a aussi l'action résolue qui est la nôtre pour lutter contre tous les trafics et notamment les trafics d'êtres humains. Regardez la décision qui a été prise, en concertation avec les élus des Alpes-Maritimes, de renforcer les équipes de police et de gendarmerie et de justice pour faire face à l'arrivée d'immigrants, notamment de Tunisie en ce moment, à la frontière italienne avec les Alpes-Maritimes ; c'est un acte concret et on est en phase avec les élus qui souhaitent un renforcement de ces moyens-là. Et sur le texte en lui-même, je suis convaincu que nous pouvons avoir des discussions qui nous permettent d'avoir des points de convergence qui permettent, sans être mou, de faire avancer les dispositifs qui nous permettent de mieux lutter contre l'immigration et notamment l'immigration clandestine. C'est ça qui est l'objectif qui est le nôtre. Vous savez, je crois que dans notre pays, on doit pouvoir faire évoluer notre démocratie, notre fonctionnement parlementaire – on l'a démontré depuis le début du quinquennat avec 24 textes votés avec des majorités plus larges – ce n'est pas que chacun reste ancré sur ses positions, c'est de répondre concrètement aux problèmes de nos compagnons en rapprochant les positions, en trouvant des voies de passage et des points d'équilibre qui permettent de régler les problèmes de nos compatriotes.

ROMAIN DESARBRES
Franck RIESTER, hier, Jordan BARDELLA, le président du Rassemblement national, a dit qu'avec l'abolition de la peine de mort en France, l'échelle des peines s'était effondrée. Comment est-ce que vous avez réagi en entendant ça ?

FRANCK RIESTER
Écoutez, on voit bien que le Front national qui ne répond pas aux grands enjeux de nos compatriotes – on l'a vu pendant la réforme des retraites où ils ont été complètement absents du débat – essaie d'alimenter des vieux débat justement qui n'ont rien à voir avec la réalité de nos compatriotes aujourd'hui, qui est de régler les problèmes de santé, les problèmes d'éducation, les problèmes de sécurité, les problèmes d'immigration, non pas dans les grands débats politiques mais dans les actions concrètes. Et c'est la feuille de route de la Première ministre qu'elle a annoncée : répondre concrètement aux problématiques de nos compatriotes avec efficacité et transparence.

ROMAIN DESARBRES
Dernière question : vous aviez fait preuve de courage il y a 10 ans en défendant le mariage pour tous contre votre famille politique ; vous l'aviez dit à l'Assemblée nationale. Qu'est-ce que vous vous êtes dit quand vous avez entendu le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN dire qu'il regrettait s'y être opposé à l'époque ?

FRANCK RIESTER
J'en prends acte et je pense qu'il a vu que finalement, les craintes qui étaient les siennes se sont révélées sans fondement ; non, ça ne remet pas en cause notre civilisation ; et oui, ça permet de mieux reconnaître la diversité notre pays, d'aller vers l'égalité et de mieux sécuriser notamment les enfants qui grandissent dans les familles homoparentales.

ROMAIN DESARBRES
Franck RIESTER, ministre délégué aux Relations avec le Parlement, merci d'être venu ce matin sur le plateau de la matinale


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 mai 2023