Texte intégral
Mme le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur les enjeux de la France communale et l'avenir de la commune en France.
(…)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier le Sénat de se saisir de ce sujet. Je suis intimement convaincue que la commune demeure un échelon vital, tant pour la démocratie locale que pour la mise en œuvre de l'action publique.
Malgré les nombreuses difficultés traversées par les maires et leurs communes, il faut rappeler cette réalité incontournable : l'échelon communal fait l'objet d'un attachement fort de nos concitoyens et reste l'échelon de proximité par excellence.
Je ne peux que reprendre à mon compte le mot de Tocqueville : "Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir."
Je ne cite pas Tocqueville par coquetterie. Ses mots sont profondément vrais : il y a un lien évident entre l'institution municipale et la construction de la République, car c'est dans la commune que les Français ont appris la citoyenneté et la liberté politique, qui sont au fondement de notre pacte démocratique.
C'est d'ailleurs sans doute un facteur d'explication du double malaise actuel, celui des maires et celui des citoyens. Nos collègues élus se sentent dépossédés de leur capacité à influer sur le destin de la commune et de ses administrés. Nos concitoyens perçoivent, même confusément, ce sentiment de dépossession et ne sont plus sûrs de voir l'utilité de voter et de s'investir dans la vie communale.
Or, dans un contexte politique marqué par de nombreuses crises, il est important que nous puissions nous appuyer sur des communes solides. Les maires demeurent les acteurs publics les mieux identifiés au niveau local. Les Français les connaissent, leur font confiance et savent pouvoir compter sur eux.
La commune demeure aussi, au sein de l'architecture institutionnelle et pour les citoyens, l'échelon de proximité. Elle incarne un service public de proximité répondant à une forte demande sociale. Elle bénéficie de la clause de compétence générale lui permettant de régler par délibération toutes les affaires relevant de son niveau, sous réserve qu'elles ne soient pas attribuées à l'État ou à un autre échelon.
Cela explique que les attentes à l'égard des communes soient fortes, alors que les élus s'estiment bien souvent insuffisamment armés pour y répondre, du fait de diverses évolutions, notamment le renforcement de l'intercommunalité et l'augmentation de la technicité de certaines compétences.
C'est le hiatus entre ces attentes fortes et les moyens réels des communes que nous avons à résoudre ensemble pour apaiser le malaise de nos collègues élus.
Les communes ont besoin qu'on leur fasse confiance et qu'on les soutienne. C'est pourquoi, et je pèse mes mots, nous devons faire confiance à nos communes et à nos maires, et c'est ce que nous faisons !
Pour toutes les raisons que je viens d'exposer, les communes ont beaucoup à apporter à l'action publique et à notre vie démocratique : proximité, subsidiarité, efficacité, initiative, projet, autant de mots que l'époque a sans doute galvaudés, mais qui témoignent bien du fait que la commune est l'échelon du faire et du bien faire.
Il faut que nous capitalisions là-dessus, parce que c'est ce que nos concitoyens attendent : proximité et efficacité. Il faut donc laisser les collectivités prendre l'initiative, faire des choix, organiser la vie et les services publics locaux pour répondre au mieux aux besoins quotidiens du pays.
De son côté, l'État doit consolider le rôle de la commune et du maire.
En matière institutionnelle, je citerai deux exemples concrets qui sont au cœur de l'action du Gouvernement et que je me dois de vous rappeler.
Le premier a trait au développement d'un véritable pouvoir réglementaire local.
Pour que le maire dispose dans certains domaines d'un véritable levier juridique, la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, a consacré le pouvoir réglementaire dont disposent les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes, pour l'exercice de leurs compétences. Le législateur doit maintenant s'en saisir pour que ce pouvoir soit mis en œuvre plus souvent.
Le second concerne l'encouragement d'une décentralisation différenciée.
Les règles d'exercice des compétences locales et les architectures institutionnelles doivent pouvoir être différentes en fonction des territoires. Nous devons adapter notre organisation au terrain, et pas l'inverse.
Je crois également que, face à la complexité croissante des politiques publiques dont les communes sont chargées, l'État a un rôle primordial à jouer d'accompagnateur et de facilitateur.
Les efforts que nous faisons, et que nous amplifierons dans les mois à venir, sont significatifs : je pense au renforcement du réseau préfectoral, à l'accompagnement financier renforcé par le fonds vert, à la création d'un guichet unique de l'ingénierie avec le renforcement des capacités de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et à un travail que nous avons largement entamé, mais qui mérite d'être poursuivi ensemble, celui de la simplification des normes.
Je veux particulièrement insister sur le soutien que nous devons aux maires, lorsqu'ils sont victimes de menaces ou de violences – j'en ai déjà parlé plusieurs fois dans cet hémicycle. Le 17 mai dernier, j'ai d'ailleurs indiqué que le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et moi-même serions intraitables envers les auteurs de ces violences et que la peur devait changer de camp.
Le déploiement du "pack sécurité" constitue une première réponse qui sera amplifiée en lien avec les initiatives prises par les parlementaires et les associations d'élus, que je salue.
Toutefois, les voies et moyens du soutien apporté aux communes et aux maires ne sont pas figés. Nous sommes particulièrement disposés à les conforter en lien avec le Parlement et les élus locaux, car nous pensons qu'il s'agit en réalité d'une question de démocratie locale.
Nous menons d'ailleurs avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité une démarche transversale sur les conditions d'exercice des mandats locaux, qui aura vocation à identifier des pistes pour renforcer ce soutien.
Nous devons aussi tracer ensemble les grandes lignes de l'avenir de la commune pour le consolider. Nous devons soutenir les maires et pérenniser le modèle communal, tel qu'il nous a été légué par deux siècles de République.
Mais le débat que vous avez ouvert nous offre aussi l'occasion de nous interroger sur les évolutions et les changements à opérer afin de garantir l'avenir de la commune.
Cet exercice sera nécessairement riche. Toutefois, trois sujets qui me semblent contribuer à cette réflexion peuvent déjà être évoqués.
Tout d'abord, comment favoriser encore davantage la coopération et la solidarité entre les communes, tout en respectant la liberté de chacune ? De quels moyens disposons-nous ? La coopération intercommunale a permis la mise en commun de projets, de compétences et de moyens au service d'une vision partagée du territoire. Elle a ancré la coopération dans la décentralisation. Nous avons créé de nouveaux outils pour renforcer ce mouvement ces dernières années. Ce champ est à explorer, parce que les communes en sortiront fortifiées.
Ensuite, je souhaite offrir aux communes plus de visibilité sur leurs ressources de fonctionnement comme d'investissement ; nous y travaillons avec les associations d'élus. Cela me semble indispensable pour permettre à l'action publique locale de se développer et pour apporter des réponses durables aux besoins des Français.
Enfin, nous devons ensemble responsabiliser nos concitoyens. Le modèle de l'électeur consommateur qui vote et qui attend ensuite tout de l'élu sans plus rien lui apporter, ni encouragement ni soutien, n'est plus viable.
Nous devons trouver ensemble le moyen de mobiliser les Français pour qu'ils soutiennent leurs élus, qu'ils fassent corps avec eux et qu'ils les accompagnent dans l'exercice de leur charge.
- Débat interactif -
Mme le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la ministre, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam, et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, ont rigidifié l'action locale.
La France communale a été particulièrement exposée à leurs effets : dilution de la voix des communes dans de grands ensembles ne correspondant pas toujours aux réalités territoriales, uniformisation des politiques, éloignement de la réalité des territoires, normes de plus en plus nombreuses et injonctions démultipliées.
Depuis lors, le Sénat n'a eu de cesse de corriger ces déséquilibres et de tirer le signal d'alarme. Ainsi, depuis 2022 et l'adoption de la loi 3DS, l'exercice d'une compétence peut être territorialisé.
Cette possibilité nouvelle permet d'articuler durablement l'action des communes et de leurs intercommunalités, en prenant en compte la réalité des bassins de vie à un niveau infracommunautaire. Cet apport est décisif pour revenir à un exercice souple et simple des compétences dans les territoires.
Or, dans les faits, communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) peinent à s'approprier ce mécanisme. Ils n'en ont pas connaissance et méconnaissent la marche à suivre pour créer un pôle de proximité ou un pôle de compétences. Enfin, les services de la préfecture tâtonnent pour conseiller les maires et les élus communautaires.
Aussi, quel bilan tirez-vous de ces mois d'expérience d'exercice territorialisé des compétences intercommunales ? Comment envisagez-vous de mieux faire connaître ce mécanisme pour que les élus s'en emparent ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Brisson, vous évoquez deux grands sujets.
Le premier est celui de la simplification des normes, que je ne peux qu'appeler de mes vœux. Christophe Béchu et le président Larcher ont signé une charte de simplification qui liste un certain nombre de sujets sur lesquels la direction générale des collectivités locales (DGCL) travaille. Mon ministère est évidemment à votre disposition pour accélérer ces travaux ou échanger sur leur état d'avancement.
Le second sujet a trait au bilan que nous tirons des liens entre les EPCI et les communes et aux moyens de favoriser l'appropriation des notions de pôles de proximité et de pôle de compétences par les collectivités.
Vous avez tout à fait raison : aujourd'hui, nous ne disposons pas de bilan. Ce bilan, je le dresse au fur et à mesure de mes visites de terrain – soixante-six ces neuf derniers mois – et je constate que des intercommunalités fonctionnent très bien, mais que c'est plus difficile pour d'autres, en particulier pour un grand nombre d'intercommunalités XXL, pour reprendre l'expression du sénateur Bas.
Je crois qu'il est important de rappeler le rôle central du préfet de département. Là où les intercommunalités ne fonctionnent pas aussi bien qu'elles le devraient – diverses raisons peuvent l'expliquer –, les préfets sont le point d'entrée – à défaut, je le suis également – pour faire en sorte que les communes et les intercommunalités se saisissent des possibilités offertes par la loi pour avancer et travailler ensemble. La mutualisation et le faire ensemble sont, vous le savez, des sujets qui me sont chers.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, tous les EPCI XXL n'ont pas été imposés ; je pourrais vous citer un exemple.
En tout cas, dans ces structures, il est nécessaire de territorialiser l'action publique. Les maires ont besoin de cette proximité et d'avoir le sentiment de continuer d'exercer des compétences. Dans ces grands EPCI, les maires peuvent avoir le sentiment de ne plus compter, ce qui engendre découragement, résignation et absentéisme.
Pour lutter contre cela, il est nécessaire que le Gouvernement et les préfets soient à la manœuvre et essaient de faire partager ce besoin de territorialisation, qui est tout simplement un besoin de proximité. Sans cette proximité, il y aura découragement et crise des vocations et de la démocratie communale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Un certain nombre de circulaires ont d'ores et déjà été diffusées aux préfets pour qu'ils jouent ce rôle et fassent connaître aux maires les possibilités qui leur sont offertes en fonction des transferts de compétences qui ont été réalisés.
Je vous propose de renforcer l'information des préfets sur le rôle qu'ils doivent jouer en la matière.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. J'invite Mme la ministre à se rendre au Pays basque. Elle y verra une intercommunalité XXL et des pôles de proximité. Elle constatera qu'il est nécessaire de renforcer ces derniers afin de permettre aux cent cinquante-huit maires de cette intercommunalité de continuer d'avoir à l'esprit qu'ils comptent pour la République. (M. Philippe Bas applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Madame la ministre, à titre liminaire, je souhaite rappeler le dévouement inlassable des élus locaux, qui sont au service de nos concitoyens et qui assurent le bon fonctionnement de nos territoires. Symbolisant l'écoute et la proximité, ils œuvrent dans l'intérêt général et agissent pour la République avec courage et désintéressement.
La dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) a été créée pour assurer aux petites communes rurales les moyens nécessaires à la mise en œuvre de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux. Elle est destinée à compenser plus particulièrement les dépenses obligatoires entraînées par les autorisations d'absence et les frais de formation dont bénéficient les élus locaux, ainsi que la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints.
La DPEL est attribuée aux communes remplissant deux conditions cumulatives : une population de moins de 1 000 habitants et un potentiel financier par habitant inférieur au potentiel financier par habitant moyen des communes de moins de 1 000 habitants, majoré de 25 %.
Or, dans de nombreuses petites communes rurales, la moindre variation du potentiel financier peut avoir de lourdes incidences et, entre autres, les priver de cette dotation.
Ce critère apparaît parfaitement inadapté aux petites communes. Il faut le rappeler : dans notre République, la démocratie a un coût. Il paraît donc primordial que toutes les petites communes, notamment celles de 500 habitants ou moins, puissent disposer de cette DPEL.
Aussi, madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre afin qu'aucune commune de moins de 500 habitants ne soit exclue du champ des bénéficiaires de la DPEL ? Il s'agit de remédier à une véritable iniquité.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Menonville, je ne peux que souscrire à vos propos, lorsque vous évoquez le courage et le désintéressement des élus locaux, qui œuvrent tout simplement pour notre République. Nous devons leur adresser un grand merci et je pense que tous les sénateurs sont solidaires de vos propos.
Aux deux critères que vous avez très clairement rappelés, vous souhaitez en ajouter un afin de garantir cette dotation particulière "élu local" à toutes les communes de moins de 500 habitants, et ce quel que soit leur niveau de richesse.
À vrai dire, cette proposition avait été émise lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. À l'époque, nous considérions – nous le considérons toujours, mais nous pourrons poursuivre ce débat – que garantir la DPEL aux communes de moins de 500 habitants, quel que soit leur potentiel financier, serait source d'iniquité.
En outre, pourquoi un seuil à 500 habitants et pas à 600 ou à 1 000, puisque l'un des deux critères actuels est cette limite de 1 000 habitants ?
Je veux rappeler quelques chiffres. Le prélèvement sur recettes prévu par la loi de finances initiale pour 2023 au titre de la DPEL s'élève à 108 millions d'euros, soit une augmentation de 7,5 millions par rapport à 2022. En outre, les montants des DPEL ont été mis en ligne dès le 31 mars, en même temps que ceux de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Nous pourrons rouvrir ce débat si vous le souhaitez, mais l'iniquité pourrait aussi venir d'un changement des règles. La définition d'un seuil implique nécessairement que certaines communes se sentent exclues.
Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour la réplique.
M. Franck Menonville. Le véritable problème est celui de la forte variabilité du potentiel financier d'une petite commune dès lors que la démographie évolue.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, je voudrais tout d'abord souligner plusieurs points d'accord avec Philippe Bas, en particulier en ce qui concerne la recentralisation larvée – elle est même parfois assumée. Celle-ci nous apparaît comme un véritable contresens historique, une rupture avec quasiment soixante ans de décentralisation, certes lente, mais qui allait toujours dans la même direction.
Toutefois, la réponse à ce constat ne réside pas dans la nostalgie de ces "petites Républiques communales", qui ont été citées, dont le périmètre a été dessiné voilà plus de deux siècles, faut-il le rappeler, sur le critère de la marche à pied…
Aujourd'hui, le bloc communal doit assumer des fonctions plus nombreuses, des interactions bien plus fortes entre les territoires et sa part dans la responsabilité collective en matière environnementale et de cohésion sociale. Il doit inventer de nouvelles formes démocratiques et participatives. La démocratie municipale doit d'ailleurs puiser les moyens de la reconquête citoyenne dans ces expérimentations.
Ma question porte sur l'application des normes. Les normes : le mal, le cancer pour reprendre une expression précédemment utilisée.
Mais souvent, nous payons aussi le prix de l'absence de normes qui engendre des retards en France par rapport à d'autres pays occidentaux. Ainsi, nos normes ont été adoptées trop tardivement en matière d'accessibilité pour les personnes handicapées ou de disparition des zones humides – nous constatons aujourd'hui la fragilité de nos sols face à la sécheresse et cela vient aussi de l'absence de normes.
Madame la ministre, j'aimerais avoir votre avis sur l'application de ces normes. Je vous propose la mise en place de commissions départementales réunissant les élus locaux, l'État et les associations représentatives par domaine. Une norme ne peut pas tout prévoir et une telle commission pourrait décider par consensus d'appliquer ou non telle ou telle norme, lorsqu'une situation n'est pas prévue.
Quel est votre avis sur cette proposition précise ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Dantec, vous évoquez le rôle de la commune, cette "petite République" communale à laquelle nous sommes tous attachés.
Je rencontre nombre d'élus locaux et de maires qui tous se plaignent d'un excès de normes et de la complexité de celles-ci. Étonnamment, cela ne semble pas être votre cas.
En réalité, cette situation est étroitement liée à notre République et à la façon dont les lois se sont empilées. Aussi, peut-être devrait-on, un jour, pour un sujet donné, repartir d'une page blanche, mais je reconnais que cela serait extrêmement difficile.
Vous évoquez le manque de normes et le caractère trop tardif de l'adoption de certaines d'entre elles, en citant deux enjeux : l'enjeu démocratique et l'enjeu environnemental.
Pour ces deux enjeux, je vois non pas un retard – il peut en exister, bien sûr, ici ou là –, mais plutôt des axes d'amélioration. Aujourd'hui, l'enjeu démocratique et l'enjeu environnemental sont réellement pris en compte par nos élus locaux, en particulier nos maires – si tel n'était peut-être pas le cas voilà dix ans, cela l'est désormais.
La création d'une commission départementale – une de plus, ai-je envie de dire – destinée à veiller à l'application de ces normes et à en accélérer la mise en œuvre ajouterait de la complexité. (M. Ronan Dantec le conteste.) Si je ne vous ai pas bien compris, monsieur le sénateur, je vous invite à me le dire.
Mme le président. Madame la ministre, ce sera pour une autre occasion, parce que le temps de parole de M. Dantec est épuisé.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la ministre, la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République ouvrait la possibilité de créer des intercommunalités et répondait à une logique de mutualisation des moyens entre communes. Celles-ci étaient surtout libres de se regrouper. J'ai soutenu cette évolution et dès 1994, en tant que maire, j'ai engagé les travaux pour créer la première communauté de communes de Guyane.
Aujourd'hui, il n'est plus question de liberté. Depuis 2010, les communes doivent obligatoirement adhérer à un EPCI et, en 2015, la loi NOTRe a rationalisé la carte des EPCI par redécoupages et fusions sous le contrôle de l'État.
D'un mouvement volontaire où les communes bâtissaient ensemble un projet et choisissaient les compétences concédées à leur EPCI, nous sommes passés à une contrainte et au transfert obligatoire de certaines attributions.
Nombre de maires vivent difficilement ce qu'ils considèrent comme une dépossession de leurs prérogatives, d'autant plus qu'ils restent, aux yeux de leurs administrés, les premiers responsables du bon fonctionnement des services publics, qu'ils en aient ou non la compétence.
Or, au regard des compétences exercées, le rôle du maire et de son conseil municipal est presque devenu secondaire derrière celui du président de l'intercommunalité.
Aussi ne faudrait-il pas rééquilibrer les pouvoirs au sein des EPCI, en créant un conseil des maires dont le rôle serait de contrôler l'action de l'exécutif communautaire ?
Ne faudrait-il pas également modifier le mode d'élection du conseil communautaire qui fait la part trop belle à la ville principale, à telle enseigne que de nombreux maires considèrent les EPCI comme la succursale de celle-ci ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Patient, vous avez raison, le maire est, aux yeux de nos concitoyens, le premier responsable des services publics, que la commune en ait ou pas la compétence !
Je tiens à rappeler l'organisation des EPCI et les outils qui sont à leur disposition pour mieux associer les maires, même si cela ne fonctionne pas toujours ainsi – vous avez raison de le souligner.
Il existe tout d'abord une conférence des maires. Outil de gouvernance complémentaire au conseil communautaire, elle doit obligatoirement être créée dans tous les EPCI. Est-elle créée ou utilisée ? Les maires s'en saisissent-ils ? Le président de l'EPCI la fait-il fonctionner correctement ? Je suis d'accord avec vous, ces questions se posent, mais il est bon de rappeler que cet outil existe.
Il existe ensuite un pacte de gouvernance entre les communes et l'EPCI. Fruit d'un débat organisé en début de mandature et d'une délibération du conseil communautaire, il définit les relations entre l'EPCI et les communes qui en sont membres. Un certain nombre de choses peut être décidé grâce à ce pacte.
Enfin, la présence au conseil communautaire des maires des communes de moins de 1 000 habitants est garantie.
Au-delà de ces outils juridiques, je reste convaincue que des mesures complémentaires permettant d'associer pleinement les maires aux décisions des EPCI peuvent être mises en œuvre au niveau local.
Les outils sont donc là. Pour autant, cela fonctionne-t-il très bien ? Pas partout. Je le répète, beaucoup d'intercommunalités fonctionnent très bien, mais des axes d'amélioration existent.
Lorsqu'un maire a le sentiment d'être dessaisi de ses compétences et de ne pas exister au sein de l'EPCI, son interlocuteur privilégié est évidemment le préfet. Je suis également présente en dernier recours et je rencontre, chaque semaine, nombre d'élus locaux et de maires.
Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Madame la ministre, je souhaite vous parler des budgets des communes, parce qu'aucune politique ne peut être menée sans les moyens correspondants.
Or la situation se dégrade du fait des choix opérés par votre gouvernement. Ainsi, dans mon département, M. Lucien Serpillon, maire de Saint-Remy-du-Nord, commune de l'Avesnois comptant 1 100 habitants, et son équipe municipale ont renoncé à leurs indemnités des mois de mars à décembre pour assurer l'équilibre budgétaire à la fin de l'année.
Si la situation financière de nos communes va de mal en pis, c'est notamment en raison de la baisse constante des aides de l'État et de l'absence de correspondance entre les moyens de ce dernier et les demandes des collectivités locales.
Si je reprends l'exemple de Saint-Remy-du-Nord, la DGF y a été divisée par deux ! D'autres décisions que vous avez prises ont ébranlé un peu plus les équilibres précaires que les communes parvenaient à trouver de justesse. Je pense notamment à la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui est un nouveau coup porté à l'autonomie fiscale de nos communes.
Comment imaginer une autonomie financière pour les collectivités locales, un principe pourtant défini à l'article 72-2 de la Constitution, sans un minimum d'autonomie fiscale ?
Dans le même temps, l'inflation grignote les moyens des communes, notamment l'augmentation des coûts de l'énergie. À l'Assemblée nationale, vous n'avez pas voulu soutenir la proposition de loi de mon collègue député Philippe Brun visant à la nationalisation du groupe Électricité de France, dont l'adoption aurait pourtant permis de préserver les collectivités locales de cette inflation des coûts de l'énergie.
Madame la ministre, vous ne voulez ni rétablir la CVAE, ni augmenter la DGF, ni nationaliser EDF ; vous refusez toutes les solutions qui auraient le mérite de soulager les communes. Ma question est donc simple : comment lutter contre cette évolution mortifère qui consiste à passer d'une décentralisation providence à une décentralisation pénitence ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Kanner, vous évoquez trois sujets : la baisse de la DGF de la commune que vous citez en exemple, la suppression de la CVAE et la nationalisation d'EDF.
Pour ce qui relève du premier sujet, seulement 6 % des 35 000 communes en France ont vu leur DGF baisser en 2023. J'ai pour habitude de voir le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide : la DGF de 94 % des communes françaises est stable ou progresse en 2023. Et cela est possible grâce à l'augmentation de l'enveloppe totale de 320 millions d'euros que nous avons proposée – on peut toujours dire qu'il aurait fallu davantage, mais le fait est là.
La décision de ce maire de ne pas toucher ses indemnités pour équilibrer son budget l'honore. Nous devons probablement travailler afin que cela ne soit pas nécessaire en 2024.
Vous dites que nous ne voulons pas augmenter la DGF. Je rappelle que, pour la première fois depuis longtemps, elle a progressé en 2023 et que, dans le cadre de l'élaboration du prochain projet de loi de finances, Christophe Béchu et moi-même sommes à l'œuvre pour qu'elle augmente en 2024 – je peux vous dire que les réunions se multiplient à ce sujet.
Cette hausse ne sera certainement pas à la hauteur de l'inflation, parce que nous considérons que nous devons en compenser une partie, mais pas la totalité. En effet, que penseriez-vous d'un gouvernement qui rendrait cette inflation, qui est liée à la guerre aux portes de l'Europe dont le pays fait les frais, totalement indolore pour les collectivités ?
À propos de la suppression de la CVAE, tout le monde a compris dans cet hémicycle qu'elle poursuit un objectif majeur : la réindustrialisation et la compétitivité de la France. Oui, cette suppression a des effets de bord, puisque la CVAE était un levier fiscal pour l'intercommunalité.
Toutefois, elle a été compensée par une part de TVA. De ce fait, les intercommunalités, qui ont effectivement fait les frais de cette suppression, perçoivent une compensation d'un montant bien plus élevé que celui de leur ancienne CVAE.
Enfin, je ne dirai rien sur la nationalisation d'EDF, car le débat a eu lieu.
Mme le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, ces dix dernières années ont été marquées par une succession de réformes et de mesures qui ont des effets sur les communes au quotidien : loi NOTRe, loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite Engagement et proximité, ou encore loi 3DS, pour ne citer que ces trois exemples.
À cela s'ajoute une réduction des moyens financiers qui influe sur la gestion communale, les services rendus aux populations et l'autonomie des collectivités : réduction des dotations, réforme de la DGF, suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE…
Finalement, en un peu plus de dix ans, des milliards ont été ponctionnés sur les budgets communaux. La hausse des prix et la crise de l'énergie aggravent tout cela, certaines communes n'étant même plus capables de voter un budget à l'équilibre.
Presque chaque année également, de nouvelles normes sont imposées, sans concertation ni discussion préalable avec celles et ceux qui sont chargés de les appliquer : je parle ici des maires.
Pourtant, grâce aux maires et aux élus locaux qui sont au plus près des populations, le couple commune-services publics est le cœur battant de la République.
Faut-il rappeler comment les maires et leur administration étaient en première ligne durant le covid afin de protéger leur population ?
Faut-il rappeler que, dans bien des territoires, la mairie est le seul service public qui reste, la seule porte encore ouverte pour accueillir, aider et conseiller nos concitoyens ?
Tantôt des héros, tantôt mis devant le fait accompli de décisions venues d'en haut, les maires et les élus locaux ont parfois le sentiment d'être, eux aussi, les variables d'ajustement des choix et des orientations du Gouvernement.
Ce manque de considération aggrave le mal-être des maires et ne permet pas à nos territoires de se développer.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour conforter l'action des maires et garantir l'autonomie et les libertés communales ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gréaume, je ne partage pas votre propos selon lequel des milliards d'euros ont été ponctionnés sur les budgets communaux ces dernières années et je voudrais citer quelques chiffres.
Depuis 2017, la DGF a été stabilisée. Elle progresse en 2023 et nous travaillons à son augmentation pour 2024.
Ensuite, en matière d'investissement, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) a doublé depuis dix ans. En 2022, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la DETR représentaient 2,2 milliards d'euros. En 2023, 2 milliards d'euros supplémentaires ont été prévus, soit 4,2 milliards d'euros d'investissement dans nos communes.
M. Jean-Raymond Hugonet. Vous parlez d'investissement, mais le problème, c'est d'abord le fonctionnement !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. On peut considérer que cela n'est pas suffisant ou que nous pourrions faire différemment. Mais ce gouvernement œuvre en faveur de la transition écologique et a décidé de consacrer 2 milliards d'euros supplémentaires aux investissements cette année.
Vous avez tout à fait raison, le couple commune-services publics est le cœur battant de la République.
À ce sujet, j'ai le sentiment que l'accompagnement financier a été conforté – encore une fois, il est toujours possible de faire mieux et je suis toujours à l'écoute – grâce au fonds vert, aux 2 milliards d'euros supplémentaires d'investissement et à l'augmentation de la DGF pour la première fois depuis treize ans.
Le réseau préfectoral est renforcé par la réouverture de six sous-préfectures. Les maisons France Services sont aujourd'hui à moins de trente minutes pour tous nos concitoyens et très souvent à moins de vingt minutes.
La mise en place de l'ANCT progresse ; l'agence est le guichet unique de l'ingénierie. Jeudi prochain, la Première ministre annoncera le plan France Ruralités, qui permettra notamment, en lien avec les départements et les pôles d'équilibre territorial et rural (PETR), d'approfondir cet effort pour continuer d'aller au chevet de nos communes rurales. Ce plan permettra d'approfondir l'accompagnement de nos villages, en complément de ce que je qualifierais d'accompagnement financier renforcé.
Mme le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, ce que les élus nous disent, c'est que la DGF, qui représente des milliards d'euros, est essentielle au fonctionnement des communes. Je veux bien entendre que des aides pour l'investissement existent, mais, aujourd'hui, les communes sont étranglées et il est urgent de faire quelque chose.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, il a été rappelé tout à l'heure que la commune est la petite République dans la grande. J'ai aussi tendance à dire que les maires sont à portée de connexion : en effet, comme nous le constatons très régulièrement dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, ils sont en prise avec le réel, le quotidien de nos concitoyens.
Mais, madame la ministre, vous avez également tenu des propos auxquels nous sommes tous sensibles au Sénat : vous avez déclaré que vous étiez la ministre du "faire". Or pour faire, il faut dans nos communes des moyens d'ingénierie pour porter les initiatives locales.
Vous avez rappelé à l'instant que l'ANCT est capable d'apporter des solutions en la matière. En réalité, dans nos territoires, on constate surtout que l'ANCT est capable de lancer des appels à projets. Il s'agit donc plutôt d'un collier de perles d'appels à projets que tous les maires doivent porter autour du cou, alors qu'ils attendent plutôt du concret, de l'ingénierie de proximité, pour disposer d'un accompagnement, au coup par coup ou dans le cadre d'un projet territorial, qui leur permette de faire émerger leur projet.
Ma question est donc la suivante, madame la ministre : qu'attendez-vous pour agir et que le Gouvernement propose-t-il pour accompagner les maires, notamment dans les territoires ruraux, et pour leur offrir l'ingénierie dont ils ont besoin pour que leurs projets aboutissent, soient opérationnels, au service de leurs concitoyens ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Arnaud, je pensais que vous alliez m'interroger sur vos territoires de montagne, sujet dont nous n'avions pas débattu ensemble depuis longtemps. (Sourires.)
En matière d'ingénierie, je voudrais rappeler que l'ANCT est chargée, avec les commissariats de massif, de l'ensemble des indemnisations offertes aux acteurs des stations de montagne, notamment aux entreprises, affectés par la pandémie de covid-19. Ces agents – l'ANCT et les commissaires de massif – apportent de l'ingénierie sur le territoire ; ils gèrent les dispositifs du plan Avenir Montagnes, qui a permis le déploiement de 31 millions d'euros d'ingénierie. Cela a permis d'accompagner en ingénierie 62 territoires grâce au recrutement de chefs de projets. L'ingénierie dans les territoires de montagne est donc une réalité.
Au sein du plan France Ruralités, qui sera détaillé jeudi prochain, on trouvera encore et toujours de l'ingénierie pour nos territoires ruraux, ainsi que nos territoires de montagne. Nous allons travailler sur l'accessibilité, la mobilité et la lutte contre les logements vacants, mais aussi sur les transitions écologiques et la rémunération des aménités rurales, ainsi, bien entendu, que sur ce sujet qui nous tient tous à cœur qu'est la cohésion sociale et territoriale dans nos territoires de montagne comme dans nos campagnes.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, vous avez répondu légèrement à côté de ma question,…
M. Mathieu Darnaud. Et même complètement à côté de la plaque !
M. Jean-Michel Arnaud. … mais je veux d'abord répondre à votre réponse, en vous remerciant du travail que vous avez engagé sur la montagne. Vous avez ainsi confié au député Joël Giraud, ancien secrétaire d'État chargé de la ruralité, une mission sur la montagne ; j'en suis heureux.
Ma question portait néanmoins plutôt sur les moyens accordés, de manière générale, aux collectivités locales pour permettre l'aboutissement de leurs projets. J'ai voulu vous envoyer une nouvelle fois un signe fort, en vous disant ceci : essayez de limiter les appels à projets, faites plutôt en sorte de reconstituer des moyens dans les territoires, notamment des services d'État de proximité capables d'accompagner au quotidien les projets locaux, au-delà des sous-préfets qui ont pu essaimer ici ou là, dans certains départements, et de les faire aboutir.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Votre question ne portait certes pas intégralement sur le besoin d'ingénierie dans les territoires, mais j'avais compris que c'était l'une de ses composantes.
Une autre est celle que vous avez reprise à l'instant : vous voulez que cette ingénierie ne soit pas offerte sous la forme d'appels à projets. Je ne citerai en réponse que le fonds vert, au travers duquel de l'ingénierie est mise à disposition des maires sans appel à projets. Cette offre n'est aujourd'hui pas entièrement utilisée ; les maires peuvent y avoir recours avant de solliciter le fonds vert pour de l'investissement.
Vous pouvez donc constater ceci : certes, il y en a encore, mais Christophe Béchu et moi-même défendons véritablement la mise à disposition croissante de l'ingénierie sans passer par des appels à projets.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse ; toutefois, sauf erreur de ma part – il se peut que j'aie mal révisé mes fiches –, il me semble que le fonds vert offre seulement des crédits complémentaires, adossés aux financements de la DSIL et de la DETR, avec simplement une "greenisation", si vous me permettez ce néologisme, des critères d'éligibilité.
De surcroît, le fonds vert est à la main des préfectures de région, ce qui n'est pas idéal en matière de proximité, si l'on veut accompagner avec une finesse presque chirurgicale les initiatives locales.
Cela étant dit, je loue votre travail et votre engagement : vous essayez d'offrir un accompagnement régulier en matière d'ingénierie plutôt que de tout soumettre à des appels à projets. Je vérifierai les résultats "sur champ", si vous me permettez l'expression, car j'espère que vos engagements seront suivis d'effet dans les territoires.
Mme le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Madame la ministre, loin de moi l'idée d'opposer les villes et les campagnes, mais force est de constater qu'un urbain vaut environ deux fois plus qu'un rural pour ce qui est du versement de la dotation forfaitaire des communes.
On sait que cet écart résulte du coefficient logarithmique introduit dans le calcul de la DGF en 2005. La population prise en compte, dite "population DGF", est pondérée par un coefficient qui croît selon une progression logarithmique, de sorte que, en schématisant, un résident d'une commune de 200 000 habitants pèse environ deux fois plus que celui d'une commune de 500 habitants.
On me dira que les communes rurales reçoivent d'autres aides, mais les grandes villes disposent de bien d'autres leviers encore.
La raison de cet écart, on la trouve dans un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en application de l'article 257 de la loi de finances pour 2019 : il s'agit de compenser les charges de centralité des communes les plus peuplées. Certes, on peut imaginer que le coût et l'importance des services publics sont en général plus élevés en milieu urbain, bien que la progression de l'intercommunalité ait libéré les grandes communes d'une partie de leurs charges de centralité. A contrario, la sous-densité a également un coût très important, du fait par exemple de l'entretien des réseaux de voirie ou du maintien d'équipements communaux essentiels.
Dans le même temps, les petites communes doivent mobiliser des moyens pour la survie des services publics de proximité, répondre aux nouveaux enjeux de mobilité, préserver les petits commerces et, de plus en plus, prévenir des risques naturels.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 2021, le Sénat avait essayé de modifier ce coefficient logarithmique. Hélas, l'Assemblée nationale n'a pas conservé cette proposition qui, sans être parfaite, était perfectible.
Aussi, madame la ministre, quelles sont vos intentions pour réduire l'écart de pondération entre les communes les moins peuplées et les plus peuplées, et d'aboutir ainsi à plus d'équité ?
Cette question est fondamentale, car l'avenir des communes dépend des moyens octroyés aux maires, en particulier ruraux, qui doivent se battre au quotidien pour financer leurs projets essentiels à l'attractivité de leur village et à la qualité de vie de ses habitants.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Pantel, je ne pense pas qu'il faille aujourd'hui faire porter le débat sur le coefficient logarithmique qui figure dans le calcul de la DGF. Mme la directrice générale des collectivités locales, qui est à mon côté ici aujourd'hui, travaille, à ma demande, à une amélioration de la lisibilité de la DGF : ce n'est pas quelque chose qui peut se faire en six mois ou en un an ; c'est un travail qui va prendre du temps, mais qui est entamé.
Vous m'interrogez plutôt sur le déséquilibre inéquitable que vous percevez entre les territoires ruraux et les territoires plus urbains.
Depuis juillet 2022, je m'intéresse à la DGF ; avec la DGCL, j'essaie de comprendre ces déséquilibres, de voir où ils sont et de calculer comment engager un rééquilibrage. Il s'avère qu'il n'y a pas de déséquilibre, par rapport au nombre d'habitants, entre la DGF des communes rurales et celle des territoires urbains, ou plus denses. La différence se situe à l'échelle intercommunale : une intercommunalité rurale bénéficie d'une DGF qui, par habitant, est effectivement plus faible que celle d'agglomérations beaucoup plus denses.
Nous avons donc engagé une réflexion qui devrait aboutir, dès 2024, à améliorer ce à quoi je crois beaucoup, à savoir notre équité territoriale.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, dans la France communale que nous défendons, la relation entre le maire et le préfet est souvent mise en avant. Aujourd'hui, si nous voulons préserver l'avenir de nos communes, il convient aussi de conforter la relation entre le maire et son secrétariat.
En effet, suivant un constat à présent bien connu dans cette assemblée, le métier de secrétaire de mairie fait partie des professions les plus en tension. Les chiffres sont sans appel : deux mille, voilà le nombre de postes à pourvoir actuellement. De nombreux départs à la retraite sont également à prévoir, un quart des agents ayant plus de 58 ans.
Les causes de cette crise des vocations sont nombreuses : charge de travail, isolement professionnel, poids des normes, dématérialisation croissante, faible rémunération et absence de reconnaissance d'un statut particulier.
Pourtant, le secrétariat de mairie constitue un maillon essentiel de l'ingénierie communale, puisque la plupart des démarches administratives transitent par lui, que ce soit l'état civil, l'instruction des autorisations d'urbanisme, la gestion des équipements municipaux et des opérations funéraires, les ressources humaines, la gestion du budget communal, ou encore les demandes de nombreuses subventions dont la complexité est bien connue : DETR, DSIL, fonds vert, fonds Chaleur, appels à projets, etc.
Le secrétariat de mairie est le bras armé de la politique municipale, il assure la continuité de la relation du maire avec la population de sa commune.
Afin de renforcer nos communes face aux multiples défis qui les attendent, il est aujourd'hui nécessaire de rendre à ce métier sa pleine attractivité. C'est le sens des propositions qui sont faites par le Sénat, par la voix de plusieurs de mes collègues dont je souhaite saluer ici le travail.
Nous examinerons d'ailleurs ce mercredi la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, telle qu'amendée sur l'initiative des trois rapporteurs de la mission d'information constituée sur le sujet. Améliorer l'accompagnement des secrétaires de mairie, leurs perspectives de carrière, leur formation et la reconnaissance de leur travail, voilà ce qu'attendent nos maires, en particulier dans les communes rurales, qui ont besoin d'un vrai soutien administratif et d'ingénierie.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Guillaume Chevrollier. Aussi, madame la ministre, quelles dispositions complémentaires des propositions sénatoriales le Gouvernement compte-t-il prendre ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Chevrollier, vous avez une ambition qui nous tient tous à cœur, celle de rendre à ce métier de secrétaire de mairie sa pleine attractivité.
Vous me demandez ce que nous faisons : je ne vous renverrai pas à la proposition de loi d'initiative sénatoriale que vous examinerez demain, en présence de mon collègue Stanislas Guerini. Ce texte pose plusieurs principes : les secrétaires de mairie pourront, ou devront, appartenir à la catégorie B de la fonction publique ; un accélérateur de carrière leur sera offert ; enfin sera posée la question du nom de cette profession, qui nuit parfois à son attractivité. De ce que j'ai pu en voir, cette proposition de loi est de grande qualité ; elle sera en tout cas prise en considération par M. Guerini.
Je veux maintenant prendre un instant pour vous dire ce que nous faisons en la matière. Nous agissons pour que les fonctions de secrétaire de mairie soient exercées à un niveau d'emploi correspondant davantage aux responsabilités exercées, à savoir a minima celui de la catégorie B, alors qu'aujourd'hui ces fonctions peuvent être exercées par des personnes appartenant à divers cadres d'emplois, dont la catégorie C. Je veux vous dire que la revalorisation du métier de secrétaire de mairie figure parmi les mesures du plan France Ruralités que nous annoncerons jeudi prochain.
Enfin, je veux rappeler que votre proposition de loi, soutenue par le Gouvernement, prévoit d'ouvrir de nouvelles voies de promotion interne, vers la catégorie B, pour les fonctionnaires de catégorie C exerçant d'ores et déjà les fonctions de secrétaire de mairie.
Un autre sujet sur lequel nous travaillons d'ores et déjà nous semble également important : celui de l'opérationnalité. Sous quelle forme et à quelle échéance pourra-t-on recruter de nouvelles promotions de secrétaires de mairie ? Voilà un sujet auquel nous nous sommes déjà attelés, pour faire en sorte que la pénurie que beaucoup de maires subissent aujourd'hui soit compensée par de jeunes secrétaires de mairie qui poseront leur candidature grâce à l'attractivité que nous aurons su créer, de manière que, dès la fin de l'année, on puisse avoir de nouvelles secrétaires de mairie, nouvellement formées et disposant du nouveau statut auquel nous travaillons ensemble. Il faut qu'elles soient opérationnelles le plus tôt possible !
Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, le débat sur l'avenir de la commune en France qui nous réunit aujourd'hui est de ceux que nous devons aborder avec à la fois passion et gravité.
Passion, car nous sommes les témoins de l'engagement des femmes et des hommes qui œuvrent dans chaque commune ; je pense en particulier aux 546 communes des Pyrénées-Atlantiques, dont j'ai à cœur d'accompagner les élus.
Gravité, car c'est un héritage de notre histoire qui est réellement en jeu aujourd'hui. C'est en 1789, le 14 décembre de cette année symbolique, qu'ont été créées les communes. Chacune des générations qui se sont succédé depuis lors a eu l'envie et l'ambition de faire, et bien faire, pour les habitants et le territoire.
Or aujourd'hui, pour la première fois, nous faisons face à tant de défis pour la commune et ses élus : défis posés par la complexification croissante de la mission de maire, comme ceux qui exercent leurs fonctions depuis plusieurs mandats m'en offrent un témoignage quotidien ; défis posés par un sentiment croissant d'impuissance des élus – la commune est la seule collectivité à avoir la compétence générale, mais le sentiment de limitation dans l'action est réel, à cause notamment du fonctionnement et de la taille des intercommunalités – ; défi, enfin, de la crise civique, qui provoque une remise en cause de l'autorité, y compris au niveau communal.
Tout cela peut engendrer une crise des vocations, notamment aux prochaines élections municipales, tant pour les élus que pour les employés communaux. Or il n'est pas de commune vivante sans élus ni employés, comme cela a été rappelé par ma collègue. Or, sans commune vivante, il n'y a pas de proximité ni d'efficacité pour le citoyen.
Face à ces défis, je préconise, à l'instar de plusieurs des orateurs précédents, de rétablir les moyens octroyés aux communes, afin qu'elles puissent agir. Il faut en finir avec l'enfer technocratique et faire simple ; madame la ministre, je sais que vous vous y employez actuellement.
Il faut aussi faire en sorte que les services de l'État aillent toujours plus vers les élus, pour mieux les accompagner et trouver des solutions, et non pas les freiner.
Il faut également améliorer le statut de l'élu local et encore plus celui des secrétaires de mairie, ces petites mains de la République, si précieuses, dont je rappelle que 70 % partiront à la retraite d'ici à 2027.
Il faut surtout mettre en œuvre, enfin, la subsidiarité : ne doit être délégué que ce qui peut mieux être réalisé à un autre échelon.
Mme le président. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue !
Mme Frédérique Espagnac. C'est pourquoi je souhaite savoir quelles mesures vous entendez mettre en œuvre pour redonner des moyens d'action…
Mme le président. Merci, madame Espagnac !
Mme Frédérique Espagnac. … et quelles mesures vous comptez prendre pour que les élus locaux, hussards de la République, soient mieux accompagnés et mieux protégés.
Mme le président. Si chacun dépasse son temps de parole, il ne faudra pas s'étonner que la séance se prolonge jusqu'à vingt et une heures, mes chers collègues !
Mme Frédérique Espagnac. C'est là que nous perdons du temps !
Mme le président. Non, madame Espagnac ; surtout, c'est moi qui préside la séance !
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Espagnac, vous rappelez le rôle et l'histoire de nos communes, auxquelles nous sommes tous attachés. Vous m'interrogez sur plusieurs axes ; à vrai dire, je ne peux que souscrire à ce que vous appelez de vos vœux : d'abord, des moyens, en fonctionnement comme en investissement. Comme je l'ai déjà longuement exposé, il me semble qu'il n'y a jamais eu autant d'argent disponible pour les investissements, avec 4 milliards d'euros injectés. La DGF, elle, n'a augmenté que de 320 millions d'euros, mais nous sommes très fiers qu'elle ait augmenté pour la première fois depuis treize ans.
Ensuite, vous formulez le souhait que l'on fasse plus simple. C'est une évidence, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire ; nous allons donc travailler avec l'AMF sur les conditions d'exercice des mandats locaux, notamment de maire, afin de déterminer comment on peut segmenter les choses pour s'attaquer à cette simplification, que le Sénat appelle de ses vœux – rappelons de nouveau qu'une charte a été signée sur ce sujet par Christophe Béchu et le président Larcher.
En conclusion, je veux dire que cette reconnaissance est absolument nécessaire : nous devons tous travailler pour que cette confiance, dont les maires ont tant besoin, soit une évidence. Il faut donc bien des moyens, en fonctionnement comme en investissement, de l'ingénierie, de la simplification et de la reconnaissance : le Gouvernement et moi-même nous y employons.
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur votre vision de l'avenir des communes dans notre pays. Celles-ci constituent le socle de notre organisation territoriale et jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Elles sont profondément ancrées dans l'imaginaire français, avec l'idée bien établie de "l'église au milieu du village".
On assiste pourtant, depuis les années 2000, à une tentative de ringardisation de la commune. Le triptyque commune-département-État était autrefois parfaitement établi ; on a tenté de faire croire à la désuétude de ce modèle, lui préférant sa version contemporaine : intercommunalités-régions-Europe.
Pour avoir eu l'honneur d'être maire durant près de vingt ans, je crois pouvoir dire que la commune reste indéniablement un point de repère essentiel pour nos compatriotes.
Au-delà de l'attachement souvent fusionnel que l'on éprouve pour sa commune, cette dernière est également, notamment en milieu rural, le point d'entrée de toutes les doléances et incompréhensions de nos concitoyens. La structure communale est de loin la plus agile, comme nous avons pu le constater durant l'épidémie de covid-19.
Malgré cette reconnaissance du rôle essentiel de la commune, il nous faut cependant être lucides : celle-ci fait aujourd'hui face à des défis majeurs.
Tout d'abord, la décentralisation et la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales restent des enjeux importants. Comment peut-on affirmer vouloir renforcer la décentralisation tout en supprimant les principaux leviers d'autonomie fiscale des collectivités ? La souveraineté fiscale de celles-ci n'a cessé d'être attaquée ces dernières années.
L'État a procédé, à partir de 2015, à une réforme des intercommunalités conduisant au regroupement de ces dernières, qui ne sont plus que 1 254 sur le territoire national. Si, comme je le pressens, la volonté de l'État est bien de substituer les intercommunalités aux communes, n'a-t-on pas trop agrandi la taille de ces intercommunalités, éloignant ainsi le citoyen de la décision publique ?
Madame la ministre, l'objectif de rationalisation qu'a fixé l'État pour l'échelle locale est-il suffisamment clair ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président Longeot, vous souhaitez que l'on trouve le juste équilibre entre la mutualisation, nécessaire pour avoir plus de moyens, et la persistance de leviers importants à l'échelon communal, que nous appelons tous de nos vœux, car il s'agit, comme cela a été rappelé, de l'échelon le mieux identifié par nos concitoyens.
L'émiettement communal est toutefois encore important : plus de 18 000 communes comptent moins de 500 habitants, parmi lesquelles près de 9 000 en ont moins de 200. L'intercommunalité constitue une bonne option, mais les communautés de communes doivent pleinement associer les maires à leur fonctionnement. J'ai rappelé tout à l'heure les quatre axes dont ceux-ci peuvent se saisir pour essayer d'agir au sein de l'intercommunalité.
Le Gouvernement mise sur la stabilité. Je souhaite vous rassurer : il n'y aura ni transferts massifs de compétences ni modification des répartitions de compétences entre EPCI et communes. En tout cas, de tels changements devront partir du terrain, telle est notre marque de fabrique.
Les communes nouvelles et les communes-communautés constituent de bons outils pour lutter contre l'émiettement communal, du moins quand l'initiative vient des maires et des communes. Il y a aujourd'hui 35 000 communes, et nous n'agirons pas pour accélérer leur regroupement ou pour "rationaliser", comme vous l'avez suggéré.
Aujourd'hui, certaines intercommunalités fonctionnent très bien ; d'autres, moins bien. Nous travaillons avec les préfets pour déterminer comment faire en sorte que les maires soient beaucoup plus impliqués qu'aujourd'hui dans les projets d'intercommunalité.
Pour ce qui est des communes nouvelles, je travaille sur ce sujet, avec la sénatrice Gatel et la DGCL, pour accompagner les projets émanant des territoires concernés. Un texte issu du Sénat sera présenté, me semble-t-il. Nous le regarderons avec attention, pour faire en sorte que ces communes nouvelles, qu'on suit très significativement pendant les trois premières années de leur existence, puissent aussi être accompagnées dans la durée quand les maires le demandent.
Mme le président. La parole est à Mme Elsa Schalck.
Mme Elsa Schalck. Madame la ministre, notre pays est riche de ses 35 000 communes auxquelles, nous le savons, les Français sont particulièrement attachés de par leur histoire, mais aussi en raison de la proximité qu'elles incarnent.
Je salue ce débat sur les enjeux de la France communale et l'avenir de la commune, car je suis profondément convaincue que la seule source d'efficacité des politiques publiques se trouve justement dans cette proximité si précieuse.
En première ligne au quotidien, les maires permettent à nos communes de vivre et de se développer. Les témoignages de ces élus locaux quant à l'évolution de l'exercice de leur mandat doivent être entendus : complexification des procédures, multiplication des interlocuteurs, lenteurs des réponses administratives, ou encore impossibilité d'anticiper le montant des aides publiques, sans oublier la perte d'autonomie fiscale ou l'oubli du principe de libre administration des collectivités locales, qui est malheureusement devenu une coquille vide.
Cette complexification et cette recentralisation asphyxient l'exercice du mandat local. Pire, elles démotivent ! Désormais, un sentiment prédomine souvent, celui de la solitude et de l'impuissance des maires et des élus locaux !
Madame la ministre, comment se fait-il que, dans notre pays, la volonté de simplification se transforme en complexification, et que la multiplication des agences d'État censée aider les communes se transforme in fine en un patchwork totalement incompréhensible ? Comment se fait-il que, là où la dématérialisation pourrait conduire à gagner du temps, elle se transforme en un éloignement progressif de l'humain, qui doit pourtant rester au cœur de toute action ?
Les exemples sont nombreux : la réorganisation des finances publiques, avec un éloignement des services, mais également l'accès aux différentes dotations de l'État, avec des appels à projets qui foisonnent et une complexification, flagrante notamment dans le fonds vert !
Madame la ministre, quand allez-vous entendre la voix des maires qui réclament davantage de simplification et de lisibilité ?
Comptez-vous regrouper les différentes dotations – DETR, DSIL, fonds vert – plutôt que de poursuivre une politique en silo, qui génère de l'incompréhension chez les élus locaux, voire une perte de confiance des collectivités envers l'État ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Schalck, à vrai dire, j'ai déjà répondu à la totalité des points que vous soulevez ; c'est l'inconvénient d'intervenir après mes réponses à nombre d'orateurs.
J'ai l'impression que vous considérez que notre gouvernement n'est pas à l'écoute des communes : je ne partage évidemment pas ce point de vue. J'ai expliqué en détail à quel point la DGF avait augmenté, j'ai rappelé les 2 milliards d'euros supplémentaires que nous offrons cette année pour l'investissement, j'ai exposé combien les maires s'emparaient du fonds vert. Oui, celui-ci peut être amélioré et simplifié, même si l'on y trouve déjà de l'ingénierie et de l'investissement. Oui, sa première page, avec ses quatorze critères,…
M. Mathieu Darnaud. Quatorze !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … est extrêmement simple, même si les documents à fournir ensuite sont un peu plus compliqués : nous travaillons à leur simplification.
Quoi qu'il en soit, je crois que nous tous ici devons, en vertu de tous les propos qui ont été tenus, nous tenir aux côtés des maires et leur redonner espoir.
M. Mathieu Darnaud. Alors ça…
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En tout cas, nous avons des préfets et des sous-préfets qui agissent vraiment, qui sont au service des élus locaux, et vous avez un gouvernement qui soutient totalement ces élus.
Je ne peux donc que vous encourager à demander aux maires de votre département, s'ils sont en difficulté, de s'adresser soit aux services déconcentrés de l'État, soit à mon ministère, afin que nous puissions faire en sorte que le verre soit perçu comme à moitié plein et non à moitié vide.
Des axes de progrès, il y en a forcément, et nous y travaillerons ensemble !
M. Mathieu Darnaud. Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd !
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, répondre à la crise démocratique, c'est aussi répondre à la crise de représentation. En ce sens, le statut de l'élu est une exigence démocratique : tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique, quelles que soient ses origines sociales et son activité professionnelle. Les assemblées élues ne peuvent être le miroir parfait de la société ; néanmoins, il convient de corriger les déséquilibres les plus flagrants.
Dans cet esprit, dès 1976, le rapport Guichard indiquait que la démocratie aurait peu à gagner en ne rémunérant pas, ou en rémunérant mal, les fonctions électives.
Par la suite, dans la lignée du rapport Debarge de 1982, la mise en place d'un vrai statut de l'élu, qui deviendrait salarié de la collectivité, a constitué en 2000 l'un des axes majeurs du rapport Mauroy en matière de démocratie locale. L'ancien Premier ministre y écrivait que de ce statut dépendaient "la richesse et la vitalité de notre démocratie".
La multiplication des ajouts visant à revaloriser le régime indemnitaire des élus depuis quarante ans a parfois laissé penser qu'ils étaient dans une situation plus favorable que leurs concitoyens, notamment financièrement. La difficulté à assumer et à afficher le coût de la démocratie entretient des zones de flou et d'incompréhension. Il faut donc mettre en place de nouvelles règles qui empêchent les titulaires de ces mandats de rester au pouvoir de manière indéfinie, mais il faut aussi, en même temps, créer un véritable statut de l'élu local pour revivifier notre démocratie.
Madame la ministre, ma question est donc très simple : le Gouvernement est-il prêt à examiner les modalités de mise en place d'un véritable statut unifié de l'élu, condition de la démocratisation des fonctions électives en France ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Kerrouche, ma réponse sera courte : oui !
En effet, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons entamé, avec l'AMF, des travaux sur les conditions d'exercice des mandats d'élu local, notamment celui de maire. J'ai lu, sinon la totalité de vos écrits, du moins une partie d'entre eux, et je sais à quel point c'est un sujet qui vous tient à cœur et sur lequel vous avez de vraies compétences, que je salue. Nous vous contacterons donc, probablement au début du mois de juillet, pour vous dire où nous en sommes sur ce sujet qui nous est aussi cher qu'à vous : le statut de l'élu local.
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, je vous remercie d'abord d'avoir de saines lectures ! (Sourires.)
Ensuite, je veux vous dire que des mesures sont nécessaires, cette fois-ci en grand. Nous avons traité de certains aspects du statut de l'élu, mais ils sont éparpillés au sein du code général des collectivités territoriales. Il conviendrait peut-être, comme on a pu le faire dans d'autres domaines, de les rassembler sous un seul titre, pour faire comprendre une nouvelle fois que le statut de l'élu n'est pas accessoire : c'est une condition de la démocratie locale. Ainsi, on offrirait une reconnaissance à tous les élus de notre pays.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, s'agissant de l'évolution des finances locales, le rapport public annuel publié par la Cour des comptes en 2023 est sans appel. Celui-ci souligne notamment que les dépenses des communes n'ont cessé de croître, en dépit de la place prépondérante prise par les EPCI. Ainsi, 54 % du total des dépenses de fonctionnement relevait du bloc communal en 2021. Dans le même sens, le bloc communal assume 61 % du total des dépenses d'investissement.
Parallèlement, les réformes fiscales menées à l'échelon local ces dernières années ont, dans leur ensemble, distendu le lien entre les collectivités et leurs habitants ainsi que leurs entreprises. La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, par exemple, a des effets néfastes tant pour les communes que pour les propriétaires, avec l'augmentation inévitable de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Ces réformes, dont la complexité nuit aux élus, s'accompagnent, du reste, de nombreuses insuffisances quant à l'autonomie des communes.
En témoigne le combat fermement mené par mon collègue Mathieu Darnaud pour le maintien de la gestion de l'eau par les communes, gestion qu'elles n'ont pas toujours réellement cédée aux intercommunalités alors que la loi NOTRe les y obligeait.
En témoigne également l'objectif de "zéro artificialisation nette", puisque les ressources communales ne sont pas adaptées à la réalisation d'un tel objectif. Comme l'a souligné le Conseil des prélèvements obligatoires dans un rapport remis à notre commission des finances, la mise en œuvre du ZAN va avoir un effet direct sur les rentes et la fiscalité foncières et nécessite par conséquent un changement de paradigme pour la fiscalité locale. Or, près de deux ans après la loi Climat et résilience, le Gouvernement n'a toujours pas proposé de modèle de financement pour les contraintes liées au ZAN qui sont imposées aux collectivités locales.
La France communale, c'est la France des communes qui auront très prochainement droit – du moins nous l'espérons tous – à un hectare hors ZAN ; c'est aussi la France des communes qui auront droit à un financement et à une fiscalité du ZAN.
Alors, madame la ministre, quels moyens entendez-vous mettre en œuvre pour permettre cette nécessaire refondation de la fiscalité locale sous le prisme du ZAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, votre question en comporte en réalité trois, lesquelles forment néanmoins un ensemble cohérent.
La première porte sur le fait que le lien entre les maires et leurs habitants se serait distendu, sous l'effet de la suppression de la taxe d'habitation à l'échelon communal et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à l'échelon intercommunal. Comme je l'ai expliqué précédemment, j'ai personnellement souscrit à cette politique publique portée par le Gouvernement, auquel je n'appartenais pas à l'époque de sa mise en place. Oui, elle a des effets : l'amélioration du pouvoir d'achat et la lutte contre les iniquités de la taxe d'habitation – son montant pouvait être faible, voire très faible, selon les lieux de résidence.
Cependant, même si la décision était bonne, elle a aussi eu pour effet de distendre le lien entre le maire et ses habitants ; je partage avec vous ce constat. Pour autant, après avoir bien compris les raisons de la suppression de la taxe d'habitation, je vois mieux ses effets, qui sont très positifs, à l'instar de ceux qui résultent la suppression de la CVAE.
Votre deuxième question porte sur le maintien des compétences gestion de l'eau et assainissement à l'échelon communal. Vous avez suivi les débats sur le texte examiné la semaine dernière à l'Assemblée nationale – j'ai moi-même siégé au banc du Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat – dans le cadre de la "niche" du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot).
Nous devons peut-être le retravailler ensemble. D'ailleurs, nous étions prêts à déposer certains amendements. Aussi nous pourrions regarder, en lien avec vos amis à l'Assemblée nationale et en fonction de nos amendements, comment avancer sur cette question sans, bien sûr, toucher au transfert, à la mutualisation des compétences à l'échelon intercommunal. Nous y sommes extrêmement attachés, mais nous pouvons, je pense, trouver un chemin commun. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Votre troisième question porte sur le nouveau modèle de financement, au centre duquel vous placez la fiscalité foncière, liée à l'objectif de "zéro artificialisation nette" à l'horizon 2050. Sur ce sujet, le 21 juin prochain, le ministre Christophe Béchu sera au banc du Gouvernement à l'Assemblée nationale. Aussi, je nous invite à attendre la discussion de cette proposition de loi par les députés afin de voir de quelle façon le texte, qui a été voté quasiment à l'unanimité au Sénat, évoluera et sera amendé. Le Gouvernement est prêt à faire de très gros efforts, vous le savez.
Mme le président. Merci de conclure, madame la ministre.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé cette question ; je suis à votre disposition.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Nous escomptons tous un atterrissage sur le ZAN, surtout sur les questions du financement et de la fiscalité, et ce dès le prochain projet de loi de finances.
L'attente des élus est très forte sur ce sujet-là.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Madame la ministre, si l'on recense dans notre pays 34 955 communes, la moitié d'entre elles comptent moins de 500 âmes. Ces petites communes, innombrables poussières de France, rejetées dans le sillon de la comète métropolitaine, reléguées dans le "désert français", recèlent une part de notre essence nationale.
Or depuis plusieurs décennies, notre pays voudrait les considérer comme un legs archaïque, un surplus de crème à gommer de notre fameux millefeuille administratif, un luxe, désormais trop coûteux. Argument fallacieux ! De l'aveu de vos services, huit petites communes sur dix avaient, en 2021, une situation financière saine. Qu'à cela ne tienne, les gouvernements successifs ont souhaité délester la France de son trop-plein de communes, comme on élaguerait les branchages superflus d'un vieux chêne.
On les a donc incitées à fusionner ! Or toutes les communes ne sont pas faites pour se fondre les unes dans les autres, du fait de l'éloignement géographique, des disparités sociales et économiques, de la fierté identitaire. Du reste, en dépit des incitations financières, rares furent les fusions.
La solution de remplacement qui est souvent avancée reste le renforcement des intercommunalités. Or un pays ne s'administre bien que de près, et la commune, même dépeuplée ou enclavée, demeure l'échelon incontournable et le chemin le plus court vers la démocratie. Elle en est la fibre élémentaire, l'alvéole où la République prend son souffle. Ce n'est d'ailleurs peut-être pas un hasard si la participation électorale est toujours plus forte dans les petites communes.
Leurs courageux élus sont bien souvent contraints de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Naviguant entre des normes toujours plus touffues et chronophages et s'accommodant de moyens réduits, ils s'efforcent de maintenir un lien humain à l'heure de la désincarnation. C'est un véritable sacerdoce municipal, presque bénévole, souvent ingrat.
Madame la ministre, que veut le Gouvernement ? Veut-il une France à 10 000 communes ? Veut-il laisser dépérir ses plus petits villages pour qu'ils fusionnent, de guerre lasse ? Souhaite-t-il, au contraire, les aider, afin que la démocratie et le service public continuent de s'écouler jusqu'aux derniers rameaux de France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Excellent !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Paccaud, ces petites communes de moins de 500 habitants sont des lieux de vie, de liens sociaux, de solidarité, et de don de soi.
Eh bien, pour répondre clairement à votre question : oui, le Gouvernement veut les aider !
M. François Bonhomme. On est rassurés…
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je vais vous donner quelques éléments sur les mesures d'accompagnement spécifiques que nous mettons en œuvre pour les petites communes.
Tout d'abord, je pense à la double revalorisation du montant du plafond des indemnités des élus des petites communes, depuis la loi de 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
Ensuite, nous travaillons à rendre les prestations d'ingénierie plus facilement mobilisable par les petites communes.
Enfin, le Gouvernement, par la voix de la Première ministre, fera des annonces jeudi prochain, que je ne veux pas dévoiler.
L'émiettement communal français est une réalité. Aussi, le Gouvernement souhaite relancer, sur la base du volontariat et lorsque cela est possible, le mouvement de rapprochement entre les communes, pour constituer des communes nouvelles. Personne ne m'a donné de consignes quand je suis arrivée ; j'ai simplement rencontré Mme Françoise Gatel… (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. C'est déjà énorme ! (Sourires.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … et nous avons travaillé ensemble. Nous en sommes d'ailleurs à notre quatrième réunion de travail sur la façon d'accompagner encore plus les communes nouvelles, selon le bon vouloir des communes – cela fait deux fois que j'insiste sur ce point.
Il n'y a aucune volonté gouvernementale de réduire le nombre des communes autrement que par l'accompagnement de celles d'entre elles qui souhaitent constituer une commune nouvelle.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Rojouan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Rojouan. Étant le seizième intervenant, je sais que beaucoup a déjà été dit par mes collègues, évidemment.
Je souhaite, moi aussi, attirer votre attention sur les enjeux liés aux communes rurales.
Nous assistons à un regain d'intérêt de nos concitoyens pour ces territoires. Certains font le choix de s'y installer pour profiter d'une meilleure qualité de vie.
La petite commune n'est pas un modèle dépassé. Elle a encore de l'avenir dans notre République, en permettant, tout d'abord, son développement et en facilitant l'aménagement local. Les maires attendent plus d'aide pour conduire leurs projets et moins de complexités, engendrées par tous les schémas exigés, dont ils espéreraient même la suppression ! Le ZAN, par exemple, est une source d'inquiétude supplémentaire.
Ensuite, en ce qui concerne le maintien des services publics, on constate que les bureaux de poste, les écoles et divers guichets continuent de fermer. L'implantation des maisons France Services ne suffira pas pour résoudre tous les problèmes, d'autant plus qu'elles représentent un reste à charge financier important pour les collectivités.
Enfin, le Sénat le rappelle souvent : il faut redonner de l'autonomie financière aux communes. À la suite de la suppression du levier fiscal, que vous avez décidée, peu de collectivités arrivent à dégager suffisamment de budget pour investir.
Cette forme de tutelle déguisée est très dure à vivre pour les élus locaux, qui perdent leurs pouvoirs au bénéfice d'un grand mouvement de recentralisation qui ne dit pas son nom.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer l'état de vos réflexions sur ces sujets primordiaux pour les communes de France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Rojouan, la petite commune n'est pas du tout un modèle dépassé. Sans répéter ce que j'ai dit à M. le sénateur Paccaud précédemment ni revenir sur tout ce que le Gouvernement fait aujourd'hui, je rappellerai que France Ruralités sera là pour accompagner non seulement en ingénierie, mais également dans la mise en place de politiques publiques relatives à la lutte contre les logements vacants, à l'habitat, aux mobilités. Ainsi, pour un certain nombre de politiques publiques, nous allons essayer d'accompagner les habitants et les communes.
Nous allons également essayer de rendre ces communes attractives, au travers d'un nouveau projet de loi portant sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), que nous présenterons au mois d'octobre prochain. Il s'agira de classer, selon différents critères, les communes – quelque 14 000 ou 15 000, en suivant à peu près le même ordre de grandeur qu'aujourd'hui – pour les rendre encore et toujours plus attractives pour des médecins, pour des commerces, pour des artisans.
Le ZAN, vous avez raison, est une source de complexités pour les petites communes. C'est par l'ingénierie apportée par France Ruralités que l'on pourra accompagner les maires dans leurs projets de territoire à l'échelon communal – une, deux ou trois communes – ou à l'échelle d'un bassin de vie. Il n'y aura aucune obligation à porter un tel projet de territoire à l'échelle intercommunale.
Je pense que France Ruralités permettra de favoriser, par le biais de l'ingénierie et des financements de politiques publiques, le mieux-vivre dans nos communes rurales, auxquelles nous sommes, tout autant que vous, attachés.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour la réplique.
M. Bruno Rojouan. Madame la ministre, au-delà de toutes les modalités techniques que vous décrivez, je suis persuadé qu'aujourd'hui la République, avec ses valeurs et ses repères, est particulièrement représentée par les communes de France.
Les maires, aujourd'hui, tiennent la République française. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
source https://www.senat.fr, le 23 juin 2023