Texte intégral
Madame la Ministre,
Chère Laurence,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Directeur général du Trésor,
Je suis ravi de vous retrouver ce matin au ministère de l'économie et des finances pour marquer une étape importante dans notre volonté de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le souvenir du Bataclan que nous avons rappelé il y a quelques jours, la série d'attentats islamistes qui ont éprouvé la France, l'actualité récente à l'étranger avec les attaques terroristes du Hamas contre Israël montrent le caractère vital de la lutte contre le financement du terrorisme. Il en va de l'unité de nos nations. Il en va de l'autorité des Etats. Il en va de la souveraineté et de la sécurité de l'Union européenne. Ce qui est en jeu, c'est bien plus qu'une question de sécurité, c'est la question même de l'existence de l'Union européenne, de son indépendance, de la défense de ses valeurs et de la défense de la démocratie. Il n'y a pas de démocratie possible quand de l'argent échappe aux lois. Il n'y a pas de démocratie possible quand de l'argent nous échappe pour financer des adversaires de la démocratie. La France s'investit donc totalement, depuis de nombreuses années, dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et dans la lutte contre le financement du terrorisme. Nous avons été implacables et nous le resterons.
Nous avons mis en place des dispositifs, nous voulons les renforcer. Et ma responsabilité de ministre des finances est de m'assurer de l'efficacité de ces dispositifs et de prendre toutes les mesures réglementaires ou législatives pour que pas un euro ne puisse aller au financement du terrorisme, pas un euro ne puisse aller au djihad islamiste qui a déclaré la guerre à l'Union européenne et aux Etats européens. Chacun doit prendre conscience de cette menace qui pèse sur nous et qui ne pèse pas sur nous depuis un an ou depuis deux ans.
Mais, remontons un peu. Depuis plusieurs décennies, le djihad a décidé d'affaiblir les Etats européens. Et ma responsabilité de ministre des finances est que pas un euro, je le redis, ne puisse aller au financement de ce djihad islamiste. Nous avons fait beaucoup, nous voulons faire mieux.
Et nous voulons faire mieux notamment en accueillant à Paris cette future autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux. Notre candidature est un signe de détermination. Notre candidature est un signe de notre volonté d'aller plus loin dans la lutte contre le financement du terrorisme.
Je voudrais d'abord revenir sur les raisons de la création de cette nouvelle autorité. Je pense qu'elle a beaucoup de sens et qu'elle est absolument indispensable. Toute la difficulté en Europe, nous le savons tous, nous qui sommes tous des Européens convaincus ici, c'est d'arriver à coordonner les actions, de faire en sorte que les renseignements circulent et que les procédures soient coordonnées et complémentaires. Trop souvent, nous avons des procédures parallèles, des fonctionnements par silos, là où il faudrait une unité de vue et une unité d'action.
La deuxième difficulté, c'est que nous ne voulons pas que cette lutte contre le terrorisme se fasse au détriment de nos libertés publiques. Et en matière financière, il ne s'agit pas de renoncer à l'union des marchés de capitaux parce que les terroristes nous empêcheraient de le faire. L'union des marchés de capitaux est une nécessité absolue, elle est indispensable pour le développement, pour l'innovation, pour les nouvelles technologies, pour le financement de nos entreprises, mais elle doit amener précisément un renforcement de la coopération et de la coordination dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et dans la lutte contre le financement du terrorisme. Les deux vont ensemble. Notre niveau de surveillance dans le passé a parfois été trop défectueux, trop fragmenté. Pas un euro, je le redis, ne doit passer entre les mailles de notre filet européen. Cela suppose plus d'intégration et plus de supervision commune. Les réponses nationales ne seront pas suffisantes si elles ne passent pas par plus d'intégration et plus de solidarité commune. C'est une question d'autorité pour l'Union européenne, c'est une question d'autorité pour les Etats membres et c'est une question d'autorité pour nos démocraties.
Nous avons besoin d'une approche résolument européenne et la création de cette nouvelle autorité sera le signe très tangible de cette approche résolument européen. Les erreurs du passé, nous les connaissons. Avec cette agence, je pense très sincèrement que nous pouvons y remédier. Meilleure supervision qui doit être collective, intégrée, européenne, coopération plus étroite entre les cellules de renseignement financier national, elles sont encore insuffisantes. Chaque renseignement doit être échangé lorsqu'il est nécessaire pour lutter contre un réseau financier qui vise à des fins de terrorisme ou de blanchiment d'argent. Cadre de régulation plus harmonisé. Il n'est pas concevable qu'il y ait encore autant de canaux de régulation différents entre les Etats européens. Transposition harmonisée des directives.
Sur tout cela, il reste un chemin considérable à parcourir et que chacun prenne la mesure de la menace pour prendre la mesure des décisions qui restent à prendre. Je le redis, il ne s'agit pas de menaces ponctuelles, isolées. Il s'agit d'un combat déterminé de plusieurs décennies, de forces malveillantes animées par des intentions politiques contre les démocraties européennes. Nous n'aurons pas la bonne réponse si nous ne faisons pas la réalité du diagnostic et du problème.
Alors, pourquoi est-ce que cette autorité, dont je redis l'importance et le saut qualitatif qu'elle nous permettra de faire, pourrait et devrait à mes yeux se trouver à Paris ? Alors pas uniquement parce qu'on vous a trouvé exceptionnellement dans la semaine du beau temps, que Paris est par définition la plus belle ville du monde, qu'elle dispose de nombreux atouts culturels, de nombreux atouts que vous connaissez tous très bien. Je ne vais pas vanter ici les charmes de la ville de Paris. Mais surtout parce qu'elle possède des atouts relatifs à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Nous avons déjà un important écosystème et j'insiste là-dessus, parce qu'il me semble qu'une agence doit d'abord s'implanter dans une ville où il y a déjà des relais pour l'action dont cette agence est dépositaire. En matière de lutte contre le blanchiment d'argent et contre le financement du terrorisme, le meilleur écosystème européen, il est à Paris, c'est un fait. Et l'écosystème fera le succès de cette agence.
Nous avons le Groupe d'action financière, nous avons l'Organisation de coopération et de développement économique, nous avons l'Autorité européenne bancaire. Tout cela, Laurence Boone le détaillera devant vous tout à l'heure. Mais il y a une vraie complémentarité entre ces différentes instances et je pense sincèrement que ce serait une erreur de séparer la future agence de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme de tout cet écosystème qui n'existe nulle pas ailleurs en Europe. Si nous voulons être efficaces, il faut intégrer, intégrer là où il y a déjà des dispositifs. C'est en France que sont aujourd'hui les meilleurs dispositifs. C'est en France qu'il faut intégrer la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux. Il y a une question de géographie dans l'efficacité européenne. La géographie doit nous amener à installer l'AMLA à Paris.
En deuxième lieu, la France est un des pays leaders dans la lutte contre le blanchiment d'argent et contre le financement du terrorisme. Je pense que c'est une garantie de crédibilité pour cette nouvelle agence. Nous n'avons pas attendu des mois pour nous impliquer sur ces sujets.
Je donne juste 3 exemples. Nous sommes la première nation à avoir organisé une conférence internationale sur la lutte contre le financement de Daech et Al-Qaïda, "No Money for Terror", à Paris, en avril 2018. Je pense que ça montre la lucidité de la France sur ce sujet. À l'initiative du Président de la République, nous avons réuni, en avril 2018, 70 Etats et les responsables de près de 20 organisations internationales, régionales, agences spécialisées pour regarder comment lutter mieux contre le financement du terrorisme. Et ayant maintenant une certaine ancienneté à mon poste, je peux vous dire qu'aucun autre Etat européen n'a suivi d'aussi près cette lutte contre le financement du terrorisme et ne s'est engagé avec autant de détermination, depuis maintenant près de 7 ans, sur la lutte contre le financement du terrorisme. La France a obtenu, lors de sa présidence du Conseil de l'Union européen en 2022, des avancées significatives sur le paquet législatif européen dans ce domaine et je l'ai porté moi-même. Nous avons, avec le président de la République, avec beaucoup de détermination, porté ce sujet et j'espère bien que nous pourrons, je le dis devant nos amis parlementaires, obtenir un accord rapidement là-dessus.
Enfin, à l'initiative de Tracfin, la France organisera la prochaine plénière du Groupe Egmont, qui est ce forum international qui réunit l'ensemble des cellules de renseignement financier du monde. Nous le ferons en juillet 2024. Vous voyez que la France est totalement engagée et cette candidature en est une preuve supplémentaire.
Je tiens à dire, ce qui est une véritable exception dans mon discours habituel, que nous sommes prêts à apporter une contribution budgétaire à l'installation de l'AMLA, 15 millions d'euros. D'habitude, je dis "non" à tout le monde. C'est mon rôle de ministre des finances, dans le cadre du rétablissement des finances publiques, surtout quand on s'apprête à aller à Berlin cet après-midi. Mais cette fois-ci, je vous annonce que nous sommes prêts à soutenir l'installation de l'AMLA, à couvrir une grande partie du bail et des frais d'aménagement et d'installation. Je crois que c'est un geste extrêmement important, dans un contexte de contraintes sur nos finances publiques, alors que chaque euro compte. Mais notre sécurité est à ce prix. Et j'ai la conviction que notre sécurité, en particulier face à la menace terroriste qui n'a jamais été aussi élevée, passe par l'intégration de l'ensemble des dispositifs et des agences sur un lieu unique et que ce lieu unique, c'est Paris.
Je vous remercie.
Source https://www.economie.gouv.fr,le 21 novembre 2023