Déclaration de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État, chargée de l'enfance, sur l'application de la Convention internationale des droits de l'enfant et des trois protocoles additionnels, Genève les 9 et 10 mai 2023.

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Circonstance : Discours introductif de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État, chargée de l'enfance, lors de l'audition de la France par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les membres du Comité,
Mesdames, Messieurs,


La France se présente, aujourd'hui, devant le Comité des droits de l'enfant, sept ans après sa dernière audition en 2016.

Le Comité examinera aujourd'hui et demain les sixième et septième rapports de la France relatifs à l'application de la Convention internationale des droits de l'enfant et des trois protocoles additionnels, que nous avons tous ratifiés.

Il ne s'agit pas pour la France d'un simple exercice formel encore moins d'une formalité : nous y accordons, j'y accorde, la plus grande importante car il nous conduit à faire le point sur l'ensemble des droits de l'enfant et leur effectivité. Il est fondamental à mes yeux de réinterroger régulièrement la contribution de toutes les institutions et de tous les acteurs publics et privés à la cause des enfants.

C'est aussi l'occasion de rappeler que les enfants ont des droits définis par la Cide, les faire connaître, rappeler l'engagement de la France à les respecter c'est déjà en partie les protéger – je m'y suis personnellement engagée grâce à une campagne sur mes réseaux sociaux depuis plusieurs semaines.

Je suis donc honorée de me présenter aujourd'hui devant vous et j'ai apporté le plus grand soin à la préparation de cette audition depuis plusieurs mois. La qualité de la délégation qui m'accompagne est la preuve de cette mobilisation. Bien conscients de l'importance de l'exercice, les ministères ont missionné des experts de haut niveau sur tous les champs de la convention, afin de répondre au mieux à l'ensemble de vos questions.

Le monde dans lequel nous évoluons et dans lequel nos enfants évoluent, a changé. Il s'est transformé et de manière parfois brutale. Qui pouvait se douter en 2016 que nous nous retrouverions aujourd'hui après une pandémie sanitaire, avec un conflit aux portes de l'Europe ? Les enjeux liés au dérèglement climatique et ceux liés au numérique ont aussi pris une ampleur imprévisible il y a sept ans. Comment penser que nos enfants ne soient pas affectés par ces ruptures, par ces évolutions ? Dans le monde réel et dans le monde virtuel.

Autant de raisons pour la France de ne pas transiger sur les droits inaliénables d'un enfant à grandir dans un environnement favorisant son éveil, son autonomie et son intégration.

C'est parce qu'il est personnellement convaincu que les enfants sont l'avenir de notre pays et qu'il faut leur accorder le plus grand soin, que le Président de la République a fait de l'enfance une priorité de son mandat. Après un premier secrétariat d'État à l'enfance et aux familles sous le précédent mandat rattaché au Ministère de la Santé et des Solidarités, il a souhaité, pour ce quinquennat, la création d'un secrétariat dédié uniquement à l'enfance, qu'il m'a confié, s'assurant qu'il soit rattaché directement à la Première Ministre pour signifier son interministérialité : je suis aujourd'hui en capacité de parler à l'ensemble des ministères et des administrations, à toutes les collectivités territoriales sur tous les sujets liés à l'enfance.

La Première ministre a animé dès le mois de novembre le premier comité interministériel de l'enfance, qui a rassemblé tous les ministres concernés et donné lieu à l'annonce d'une quarantaine de mesures et la détermination de cinq chantiers prioritaires : la lutte contre les violences, l'égalité des chances avec une attention particulière portée sur deux publics – les enfants en danger et les enfants en situation de handicap, notamment pour les enfants protégés ou en situation de handicap, la santé, la protection numérique et la création d'un service public de la petite enfance.

Nous avons reçu avec la plus grande attention les observations que vous aviez formulées lors de la précédente audition. Elles ont irrigué les nombreuses évolutions législatives et réglementaires que nous nous attacherons à vous présenter lors des deux prochaines journées. Vous aviez salué lors de la dernière audition la désignation du Haut Conseil à famille, à l'enfance et à l'âge en tant qu'organe chargé d'assurer le suivi de la mise en œuvre de la convention et de conseil au Gouvernement pour sa bonne application. Il a parfaitement joué ce rôle en produisant des rapports annuels de suivi et un rapport dédié à la présente évaluation. Il joue un rôle essentiel pour alimenter nos réflexions par ses contributions, comme la Défenseure des droits et la Commission nationale des droits de l'Homme, chacun dans son champ.

Nous pourrons entrer plus dans les détails au fil de vos interrogations mais je voulais ici vous présenter les sept évolutions majeures intervenues depuis 2016 qui me semblent répondre le plus directement aux observations qui avaient été formulées :

1° Une stratégie d'ensemble de lutte contre les violences faites aux enfants.
Vous pointiez le besoin de mettre en cohérence les actions menées pour construire une réelle stratégie. Celle-ci a bien été adoptée fin 2019 et a marqué une vraie volonté de s'attaquer à ce sujet insuffisamment pris en compte dans notre pays.
Cette stratégie interministérielle a embarqué tous les ministères et fait l'objet d'un plan d'actions précis dont les acteurs sont venus me présenter le bilan récemment. Je travaille actuellement à un nouveau plan. Il prévoit des actions larges de prévention et de formation, mais aussi un meilleur accompagnement des victimes, avec une attention particulière portée aux victimes de violences sexuelles.

2° Une plus grande participation des enfants aux décisions et aux politiques qui les concernent.
C'est une évolution qui me tient particulièrement à cœur, nous avons été très attentifs au développement des instances de participation pour les jeunes et les enfants.
À titre d'exemples non exhaustifs, j'ai moi-même organisé, à l'occasion du 20 novembre, le premier conseil des ministres des enfants protégés autour de la Première Ministre qui a choisi par ailleurs de conduire elle-même le volet jeunesse du Conseil national de la Refondation, démarche très participative lancée par le Président de la République en début d'année. Les collectivités locales pour leur part généralisent les conseils des enfants et des jeunes, j'ai encore rencontré la semaine dernière les élus alsaciens qui inaugurent ce mois-ci leur conseil des enfants protégés.

3° Une amélioration continue de nos dispositifs de protection de l'enfance.
Depuis la dernière audition, deux lois importantes ont été adoptées en la matière.
Elles ont toutes deux visé à réformer la gouvernance de cette politique dont vous pointiez les lacunes. La gouvernance nationale et territoriale a été repensée, avec un groupement d'intérêt public dédié, et des commissions territoriales. Un mécanisme de contractualisation financière avec l'État a été mis en place pour fixer des priorités nationales et tenter de lutter contre les inégalités territoriales fortes d'une politique décentralisée.
La loi de 2016 a replacé les besoins fondamentaux de l'enfant et son intérêt supérieur au premier plan, renforçant le repérage et l'évaluation des situations d'enfant en danger, et mettant au cœur du dispositif de prise en charge le projet pour l'enfant.
La récente loi de 2022 s'inscrit dans cette continuité, réaffirmant dans son article premier l'impératif pour le juge de rechercher une solution d'accueil dans l'environnement de l'enfant s'il ne peut rester dans sa famille avant d'envisager toute solution institutionnelle. Par ailleurs, cette loi marque une avancée majeure prolongeant l'accueil des enfants jusqu'à 21 ans pour éviter les ruptures liées à des fins de prise en charge trop précoces. De même plusieurs dispositions ont porté sur l'amélioration de la qualité de l'accueil en protection de l'enfance.

4° L'amélioration de la prise en charge des enfants en situation de handicap.
À la faveur de la Conférence nationale du handicap, qui s'est tenue le 26 avril dernier, dans la continuité de la politique d'inclusion portée par le Président Macron depuis 2017, des annonces fortes et structurantes ont été faites et tout particulièrement concernant les enfants.
Des moyens très importants seront consacrés à la systématisation de la détection précoce de toute forme de handicap et le chantier de l'école inclusive connaît des avancées majeures. Les personnels dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap seront professionnalisés et mieux reconnus. Ils pourront assurer un accompagnement sur tous les temps, scolaires et périscolaires. Pour assurer la scolarisation de tous dans une seule école, une expérimentation sur 100 établissements est lancée d'ici à 2027 pour intégrer les dispositifs médico-sociaux dans les écoles. Ainsi on rapproche réellement l'école ordinaire et l'école extraordinaire, pour ne faire qu'une seule école pour tous.
Dernier point qui me tient à cœur, vous l'aurez compris, et pour lequel je me suis particulièrement engagée : la conférence nationale du handicap a acté le renforcement des solutions médico-sociales pour une meilleure prise en charge des enfants en situation de handicap dans les structures de l'aide sociale à l'enfance dont on sait qu'elles peuvent parfois compter jusqu'à 30 % d'enfants en situation de handicap.

5° Une extension notable des droits à l'éducation.
Notre ambition d'assurer toujours une meilleure scolarisation de nos enfants et d'assurer l'égalité des chances s'est poursuivie, avec un abaissement de l'âge obligatoire d'instruction à 3 ans et l'extension de l'obligation de formation jusqu'à 18 ans, accompagnée d'une politique dynamique pour lutter contre le décrochage et renforcer les compétences des jeunes à leur arrivée sur le marché du travail. Le développement massif de l'apprentissage, la réforme du lycée professionnel visent aussi à ne laisser aucun jeune sans solution.
Par ailleurs, nous menons des efforts constants pour lutter contre la non scolarisation des enfants les plus vulnérables, avec des dispositifs de médiation qui ont porté leurs fruits et ont permis d'assurer la rescolarisation de 3 200 d'enfants les plus éloignés de l'école (enfants mal logés : hébergement à l'hôtel, en bidonville…).
De manière générale, le Ministre de l'Éducation nationale a fait de l'excellence, du bien-être et de l'égalité des chances les trois priorités de son action. Des transformations de fond sont à l'œuvre, notamment pour le collège, maillon central de la scolarité des élèves, avec des dispositifs de soutien dans les matières fondamentales, un accompagnement renforcé sur l'aide aux devoirs et la découverte des métiers dès la 5e pour accompagner au plus tôt les élèves dans leur projet professionnel.
Je tiens à rappeler, en outre, que depuis 2017, les classes de grande section, cours préparatoire et cours élémentaire 1re année sont dédoublés dans les territoires les plus défavorisés : c'est un effort financier massif pour assurer les meilleures conditions d'apprentissage des compétences et savoirs fondamentaux à cette période charnière entre 5 et 7 ans.
Enfin, signe de l'importance accordée à l'école et donc aux enfants, les enseignants connaissent une revalorisation historique : en 2017, un enseignant débutait à 1 600 euros ; à la rentrée 23, il débutera avec près de 2 100 euros. En année pleine, cela représente une enveloppe de 3 milliards d'euros !

6° Une politique familiale qui continue à être ambitieuse et qui a accru son action sur les plus petits.
Parce que c'est une période essentielle et décisive pour le reste de la vie, nous avons lancé un plan "1 000 premiers jours" qui vise à assurer une action concentrée sur les 1 000 premiers jours et l'arrivée de l'enfant, par un accompagnement en santé renforcé des parents et des enfants, mais aussi le déploiement d'un service d'accueil de la petite enfance, et un congé parental allongé.
Une action très importante est aussi menée sur les familles, notamment monoparentales.
Les familles monoparentales représentent aujourd'hui un quart des familles en France. Elles sont très exposées à un risque de précarité (41 % des enfants qui vivent avec un parent isolé sont pauvres) ; dans 80 % des cas, une femme seule.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que, sous l'impulsion du Président de la République, l'accompagnement des familles monoparentales a été une priorité du précédent quinquennat et l'est encore plus pour celui qui s'ouvre. Les aides à la garde individuelle d'enfant ont été revalorisées, la Caisse d'allocations familiales assure automatiquement le rôle d'intermédiation financière pour lutter contre les impayés de pensions alimentaires, et enfin l'allocation dédiée aux familles monoparentales vient d'être revalorisée de 50 % (900 M€ par an bénéficiant à près d'1,5 M d'enfants).

7° Enfin, je voulais insister sur la réforme du code de justice pénale des mineurs :
- Un nouveau code de la justice pénale des mineurs (CJPM) est entré en vigueur le 30 septembre 2021 ;
- Ce nouveau code a rappelé les grands principes qui fonde notre justice pénale des mineurs : l'excuse de minorité, la primauté de l'éducatif sur le répressif, des juridictions spécialisées. Mais la procédure a été réformée profondément dans un souci de cohérence de l'action éducative, d'adaptation et de lisibilité de la réponse pénale, de meilleure prise en compte de la situation des victimes, de réduction de la détention provisoire ;
- Conformément à la demande formulée en 2016 par le comité d'établir un âge de responsabilité pénale des mineurs, la loi prévoit maintenant explicitement une présomption de non-discernement des mineurs de 13 ans et une présomption de discernement des mineurs de 13 ans et plus au moment des faits.
Voici les principales avancées qu'il me semblait important ici de mettre en avant et qui répondent il me semble à un certain nombre des recommandations qui avaient été formulées en 2016.

Il n'en reste pas moins, que nous pouvons et nous devons faire toujours plus pour protéger nos enfants et leurs droits.

Vous avez pu identifier certains points la semaine dernière lors de l'examen périodique universel.

Nous savons que nous devons faire plus pour les enfants les plus vulnérables et notamment ceux qui résident en Outre-mer, qui rencontrent des difficultés particulièrement importantes. La direction du cabinet de mon collègue Ministre des Outre-mer, accompagnée de la directrice générale des outre-mer, est venue ici pour témoigner de l'engagement du ministre sur le sujet et répondre à vos questions.

Nous savons aussi, et c'est un sujet que je n'ai pas encore évoqué alors qu'il est majeur, que nous devons et pouvons faire mieux sur la santé de nos enfants. Nous savons combien la santé mentale de nos enfants est fragilisée suite à la pandémie et dans le monde de plus en plus incertain dans lequel nous vivons. Des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant sont en cours et devront rendre leurs travaux en juin. La Première ministre sera particulièrement attentive aux conclusions des travaux.

Et je terminerai sur un chantier majeur pour moi, qui a fait l'objet d'un rapport très important de la représentante spéciale auprès du SG de l'ONU, la protection des enfants dans l'environnement numérique. C'est un défi nouveau et aux aspects multiples qui se pose à nous, que ce soit la durée d'exposition aux écrans, mais aussi l'exposition à des contenus violents et inadaptés, le harcèlement en ligne, l'exploitation des mineurs en ligne, la protection de l'image et des données des enfants… Le Président de la République porte en personne ce combat au niveau national, européen et international, la première ministre m'a demandé de suivre une feuille de route ambitieuse déployée par plusieurs ministres du Gouvernement plusieurs textes sont en discussion devant nos assemblées mais c'est un chantier encore largement devant nous !

Je vous le répète à nouveau je suis ravie d'être devant vous aujourd'hui pour témoigner de mon engagement et celui de la France à progresser sur tous ces chantiers au service de nos enfants. Nous ne sommes pas là en quête d'un satisfecit global ni même de bons points mais pour échanger sur nos réussites et nos difficultés. Je suis convaincue que nous pourrons nous appuyer sur vos futures recommandations qui seront de précieux adjuvants pour consolider durablement nos politiques en faveur de l'enfance.


Je vous remercie.


Source https://www.hcfea.fr, le 29 novembre 2023