Interview de Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques à France 2 le 30 octobre 2023, sur l'annulation du match entre Marseille et Lyon après les incidents en amont de la rencontre.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Amélie OUDEA-CASTERA.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Bonjour.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci beaucoup d'être avec nous dans « les 4V », je suis place. « La honte », c'est le mot qui revient ce matin quasiment dans tous les journaux pour qualifier cette soirée à Marseille en amont du match OM – OL. Des bus de l'équipe lyonnaise, et des supporters pris pour cible par des jets de projectiles sur le chemin pour aller au stade. Le coach Fabio GROSSO et son assistant blessés ; douze points de suture pour le coach tout de même, la rencontre annulée. Comment on réagit quand on est ministre des Sports, qu'on apprend ces infos dans la soirée ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Consternation, révolte, dégoût et puis évidemment un sentiment d'empathie, Pensée évidemment énorme pour le coach, pensée pour l'équipe, pensée pour l'adjoint du coach, puis pensée pour les supporters ; les 67 000 qui étaient venus là juste pour partager un bon moment de sport. D'ailleurs, je salue le calme avec lequel ils ont évacué le stade hier, en dépit de la frustration.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Oui, le calme, pas toujours parce qu'effectivement, mais y compris dans le stade. Le Parisien rapporte par exemple ce matin qu'il y a eu des saluts nazis, des cris de singe. Enfin, c'est lunaire.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Absolument, là, je pense qu'on a vu dans ce stade à peu près, oui, la totalité de ce qu'on ne veut pas voir (homophobe, des signes racistes), mais globalement, l'évacuation du stade s'est passée correctement. C'est ça que je veux souligner.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ça, c'est le côté positif. Comment on peut en arriver là tout de même ? Ces images, ces guet-apens dans lesquels sont tombés les gens lyonnais à priori, ces insultes et ces cris racistes, homophobes et tout dans le stade. Comment on en arrive encore en 2023 à ces images-là sans le foot français ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
On a déjà sept interpellations ; ça va continuer. L'enquête va permettre d'établir très précisément la chaîne des responsabilités. Et il faudra que l'ensemble des auteurs de ces agissements inadmissibles soient très sévèrement punis.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Les individus, mais est-ce qu'il faut sanctionner les clubs des supporters, les clubs de foot, l'OM ou l'OL, s'il y a des responsabilités de la part de certains supporters ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
S'il y a des responsabilités, bien entendu, bien entendu. C'est une réponse…

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Même si ça se passe en dehors du stade ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Globale et un enjeu collectif.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et on avait…

AMELIE OUDEA-CASTERA
On a besoin d'avoir sur ces sujets-là, une identification très précise de la chaîne de responsabilité et derrière, d'avoir une réponse globale et sans concession ; celle de la Justice rapide et ferme. En matière de maintien de l'ordre, il y avait une escorte de police autour de ce bus. Et cette rencontre avait été bien préparée avec un dialogue pour faciliter le retour, le déplacement des supporters lyonnais à Marseille. Il faut une réponse globale dans laquelle la Ligue de foot prend évidemment toute sa part, mais dans laquelle les clubs sont aussi responsabilisés, dans laquelle les supporters le sont. Et en faisant usage de l'arsenal que nous avons avec le ministre de l'Intérieur, récemment renforcé, des interdictions judiciaires de stades systématiques, quand il y a des agissements aussi graves, des interdictions administratives également lorsque les faits sont de cette gravité pour (à titre préventif) éloigner de nos stades de tels fauteurs de troubles et aussi des interdictions commerciales de stade qui relèvent de la responsabilité des clubs.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Mais les clubs ont une responsabilité sur le comportement de leurs supporters, y compris parfois en amont, en dehors du stade ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Bien entendu, s'il est établi qu'il y a des supporters qui ont été impliqués et que les rôles et les responsabilités permettent de l'établir de manière très claire et irréfragable, les clubs ne peuvent pas se désintéresser de cela. Les associations de supporters, non plus ; la Ligue, non plus. C'est une réponse globale : Justice, maintien de l'ordre, dialogue au sein de toutes les instances du secteur sportif qui doivent toutes être responsables.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Dernière question sur ce sujet, on pensait que les batailles entre supporters ultras, c'était du passé. C'était ce qu'on voyait dans les années 90, début des années 2000, et qu'on avait réussi à mettre fin à ces comportements totalement fous. Ce n'est pas le cas, visiblement.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Mais il y a encore du boulot, il y a encore du boulot, et pas seulement sur la violence, racisme, homophobie ; eh bien, oui.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc il faut encore plus de sévérité ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Oui, il faut une détermination absolue, nous l'avons. Et il faut qu'avec tous les acteurs y ait cette union pour défendre le sport et le protéger de ce qui, en fait, le détestent puisqu'ils essaient de le détruire.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Amélie OUDEA-CASTERA, on va parler du sport qu'on aime ; plutôt cette du monde de rugby qui vient de se terminer en France après sept semaines de compétition. Vous avez assisté notamment au demi-finale, à la finale au Stade de France, samedi soir. Est-ce que c'est pour vous un gros « ouf »de soulagement à sept mois maintenant des Jeux Olympiques de Paris ? Parce qu'on sait que c'est un peu une répétition quand même, cette Coupe du monde avant Paris. Globalement pour vous, ça s'est bien passé ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
En tout cas, je ne sais pas si « soulagement » est le bon mot parce qu'on était très préparés, on avait beaucoup anticipé ; mais un sentiment, oui, de fierté parce que collectivement, on a livré une très belle Coupe du monde. C'est une Coupe du monde qui bat des records : des records de fréquentation dans les stades, dans les fan zones, des records d'audience grâce à la qualité du plateau sportif, grâce à ces supporters qui sont venus du monde entier et puis, grâce aussi à une qualité de coordination entre toutes les parties prenantes dans l'organisation de cet événement.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Vous diriez que la France a été à la hauteur de cet événement ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Absolument. Et non seulement sur cette dimension organisationnelle, mais aussi en mettant au coeur de l'événement des standards en matière sociale et en matière écologique très élevée. Et au global, on aura fait de cette Coupe du monde un événement positif en termes d'impact économique, oeuvrant activement pour des enjeux d'insertion, d'inclusion par le sport, responsable sur le plan écologique. Et au global, c'est une grande réussite qui nous permet, je trouve, de pousser une forme de nouvelle référence dans ces grands événements sportifs internationaux, plus solidaires, plus utiles, avec un héritage aussi en faveur de la pratique du rugby qui va être très fort. J'entendais ce matin qu'on notait déjà une augmentation de 15% des licenciés dans le pays.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Dans les clubs, effectivement. Quelques petits couacs tout de même qu'il va falloir peut-être regarder de près avant les JO. Il y a eu des problèmes d'accès au stade, notamment à Bordeaux, à Marseille, quelques problèmes d'approvisionnement de bières.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Il y a le temps des premiers rodages, le premier week-end, comme c'est toujours le cas dans ce genre de grandes compétitions. Après, bien entendu, il y a des leçons à en tirer parce qu'on doit toujours progresser et on vise toujours le mieux. La gestion des flux fait partie évidemment de nos priorités. Et je retiens là qu'on a su faire preuve de beaucoup de réactivité, d'agilité avec une communication très proactive et massive vers les spectateurs. Le concours qui a très bien marché entre les forces de l'ordre, les agents de sécurité privés et les volontaires qui ont permis de bien réguler ces flux, en lien aussi avec les opérateurs de transports que je veux saluer.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alors, la sécurité, Amélie OUDEA-CASTERA, on est à 270 jours aujourd'hui de l'ouverture des Jeux olympiques de Paris, notamment la sécurité pour cette très ambitieuse cérémonie d'ouverture le long de la Seine. Quand vous voyez le niveau de tensions internationales, la menace d'attentat qui est extrêmement présente, pourquoi pour l'instant, vous refusez de dire « on travaille sur un plan B » ? « On ne travaille pas sur un plan B », vous le répétez encore une fois. Est-ce qu'il ne faut pas tout de même penser à une cérémonie au cas où, un peu moins ambitieuse ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
On regarde tout cela avec la plus grande des lucidité et sans faire à aucun moment l'autruche. Bien entendu, le contexte sécuritaire est celui qu'on connaît ; la menace est multiple, mais ces niveaux, là aussi, d'attention portée à la globalité des risques, on l'a depuis le premier jour. Maintenant, bien entendu que nous adaptons la réponse au contexte. C'est un dialogue constant que j'ai à la fois avec le comité d'organisation, mais aussi avec le ministre de l'Intérieur et le préfet de police. Et nous travaillons bien sûr, sur un certain nombre de variables d'ajustement, compte tenu du contexte. Il serait irresponsable de ne pas le faire ; de la même manière qu'il serait, je pense, désastreux aussi de laisser des terroristes nous dicter nos choix et nous empêcher de célébrer notre civilisation.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Par exemple, selon Le Parisien, les autorités, disent nos confrères, pourraient exiger, en cas d'importante poussée de fièvre sécuritaire, d'annuler par exemple la venue du public sur les quais hauts pour la cérémonie d'ouverture, de réduire le trajet, l'ampleur des festivités.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Je vous l'ai dit, tout cela est regardé avec la plus grande minutie. Avec Gérald DARMANIN, on regarde l'ensemble de ces éléments-là. Il est aux commandes sur ces aspects-là. Et nous regardons chacune des variables d'ajustement pour adapter et on le fera en continue jusqu'au dernier moment la réponse globale ?

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Le recrutement d'agents de sécurité, c'est toujours un casse-tête ; il y a eu beaucoup de difficultés malgré des allégements de procédures. Il nous manque combien d'agents pour l'instant ? Vous le savez, vous en avez une idée ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Pour l'instant, on en a recruté 7 000. Il y a 8 000 entrées en formation, il y a 1 000 étudiants, eux-mêmes, entrés en formation. Ça fait déjà un package de 16 000 personnes. On va avoir besoin jusqu'à 22 000 personnes au pic. Moi, ce que je veux souligner, c'est que pendant la Coupe du monde de rugby, on a eu absolument tous les effectifs dont nous avions besoin, y compris féminin. Parce que vous savez que pour les palpations, c'est important et avec un taux de défaut extrêmement faible, limité à 3% sur les agents travaillant dans ces entreprises de sécurité privée, ce qui est extrêmement encourageant pour la suite.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Il y a une épreuve sur l'ensemble de ces Jeux olympiques qui va se passer très loin de la métropole, c'est l'épreuve de surf à Tahiti. Tahiti qui a été donc choisie avec cette mythique vague de Teahupoo. Il y a aussi un projet qui fait grincer beaucoup de dents sur place, c'est la construction d'une tour pour les juges : 14 mètres de haut, 4,4 millions pour le coût de cette tour ; est-ce que c'est bien nécessaire ? Est-ce qu'on en a besoin ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, on est en dialogue constant avec les autorités locales. Et il se trouve que tout à l'heure, j'ai un point de situation avec mon homologue, la ministre des Sports de Polynésie française. On est aujourd'hui en train de regarder d'abord quelles sont les solutions éventuellement alternatives. On regarde ce qu'on peut faire dans le respect de nos engagements écologiques sur les fondations de l'actuelle tour des juges. Et on regarde, y compris si des ajustements au projet peuvent être apportés de manière à rassurer les populations locales. C'est pour nous particulièrement important qu'ils se sentent bien, qu'il y ait cette adhésion à l'ensemble du projet pour les jeux là-bas.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Un mot de la Première ministre, Elisabeth BORNE, qui a présenté vendredi dernier à Chanteloup-les-Vignes, un comité interministériel pour répondre aux émeutes de juin dernier. Il y a un volet qui vous concerne directement sur le sport, sur l'inclusion par le sport avec la création, je cite, d'une alliance pour l'inclusion dans le sport. En deux mots, c'est un projet concret ou c'est encore une bro ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
C'est un projet très concret. Et vous savez, face à ce qui s'est passé dans ces émeutes, il y a une réponse d'autorité, de fermeté absolue : ne jamais rien excuser. Il y a la nécessité aussi de résoudre l'anomie qu'on a constatée, cette perte de sens commun, cet ennui qui parfois est à l'origine d'un désarroi, d'une perte de repères. Et par rapport à ça…

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Le sport peut aider.

AMELIE OUDEA-CASTERA
La Première ministre l'a dit, le sport peut apporter une réponse. Avec le concours d'un certain nombre d'éducateurs socio-sportifs qui auront des interventions, qui auront un rôle d'animation, un rôle de médiation. Le sport fait partie de la réponse. Il donne un cadre, une discipline, il construit, il forge les individus. Et cette alliance transpartisane nous permettra d'avoir l'ensemble des acteurs pour porter cet agenda de l'inclusion par le sport.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Dernier message sur les JO ; il y a un peu d'espoir de désillusion. Après, on sait que ce ne sont pas les mythiques Daft Punk qui vont ouvrir la cérémonie d'ouverture. Il y aura d'autres surprises ? Il y a une surprise en préparation ou pas, sans nous dire qui ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Il y a des surprises. A chaque pont, il y aura des surprises.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Notre groupe mythique qui pourrait ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, vous verrez.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Silence pour l'instant. Merci beaucoup Amélie OUDEA-CASTERA, ministre des Sports d'avoir été l'invitée des « 4V ».

AMELIE OUDEA-CASTERA
Merci à vous.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 novembre 2023