Interview de M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué, chargé du logement, à RTL le 12 février 2024, sur la politique du logement.

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Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BEGOT
Il est 07h41, sur RTL. Dans un tout petit instant, un des nouveaux visages du gouvernement. Guillaume KASBARIAN, Bonjour.

GUILLAUME KASBARIAN
Bonjour.

AMANDINE BEGOT
Et bienvenu sur RTL. Nouveau ministre délégué au Logement. Alors, Gabriel ATTAL a demandé de l'action, de l'action et des résultats. On ne construit pas un logement en un claquement de doigts. Quand est-ce qu'on verra vraiment des résultats ?

GUILLAUME KASBARIAN
Le plus vite possible, je l'espère, en tout cas on est effectivement tous mobilisés, pour de l'action, de l'action et des résultats. Et on va y travailler et on va relever tous les défis, et on va se donner au maximum pour relever ce challenge.

AMANDINE BEGOT
Et en matière de logement, les défis sont nombreux, on va voir ça dans un instant. A tout de suite.

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YVES CALVI
Comment régler la fameuse crise du logement ? Amandine, vous recevez ce matin le ministre délégué au Logement, Guillaume KASBARIAN.

AMANDINE BEGOT
Une crise profonde, on en parle régulièrement sur RTL. Les associations et les professionnels parlent même de bombe économique, sociale et sociétale. Avant de vous donner la parole, Monsieur le Ministre, on voudrait juste rappeler quelques chiffres. 330 000 sans domicile fixe aujourd'hui en France, c'est deux fois plus qu'il y a 10 ans. Plus de 4 millions de mal-logés, 2,6 millions de personnes en attente de logement social, là encore c'est un record. Il y a aussi ceux qui voudraient acheter mais qui ne peuvent plus, parce que les banque leur refusent des prêts. Résultat, les ventes de logements ont chuté, - 21% dans l'ancien, les constructions neuves également, - 22 %. Et la Fédération française du bâtiment redoute la suppression de 150 000 emplois en 2025. C'est colossal, et on a l'impression que le système est grippé à tous les étages. Il n'y a pas une catégorie de Français qui est épargnée par cette crise. Concrètement, quelle va être votre priorité ?

GUILLAUME KASBARIAN
Eh bien vous avez raison de dire que c'est une crise qui est profonde, qui est multifactorielle, qui touche énormément de Français, avec des personnes qui aujourd'hui voudraient acheter l'appartement et la maison de leurs rêves, mais ne peuvent pas, puisque la banque dit non, parce que les taux d'intérêt ont quadruplé en quelques années. Avec des personnes qui voudraient louer un bien, mais qui sont obligées de faire la queue, en réalité, puisqu'il y a très peu d'offres sur le marché locatif.

AMANDINE BEGOT
Et donc de tricher parfois sur les dossiers, on l'a encore vu la semaine dernière.

GUILLAUME KASBARIAN
Exactement. Voilà. Exactement. Et aussi, une offre nouvelle, une construction qui est à l'arrêt, avec des chiffres de la construction qui sont catastrophiques. Et donc, on se retrouve avec une crise, à la fois de la demande et de l'offre, qui est très profonde et que les acteurs, bien évidemment, alertent sur le sujet, et constatent, et je le constate moi aussi, la crise est très profonde. Donc, la priorité qui a été fixée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, est très claire, et j'adhère totalement à cette feuille de route, c'est : de l'offre, de l'offre, de l'offre. Il faut un choc d'offres, pour permettre de débloquer la situation sur le marché de l'offre locative, mais aussi sur l'offre de constructions neuves, et donc on va s'employer dans les semaines et dans les mois qui viennent, à simplifier les choses, à simplifier au maximum le parcours, pour pouvoir avoir plus d'offres locatives sur le marché, pour pouvoir débloquer la construction là où c'est possible et là où c'est intéressant, et donc avoir une politique résolument de l'offre, tout en étant, en aidant sur la demande, bien sûr, à débloquer la situation, en cherchant les outils de financement, un peu innovants, avec les banques, sur le sujet.

AMANDINE BEGOT
Alors, si vous le voulez bien, Guillaume KASBARIAN, on va essayer d'être très concrets pour nos auditeurs. Simplification, notamment pour le fameux DPE, le Diagnostic de Performance Energétique. C'est Christophe BECHU, votre ministre de tutelle qui l'annonce ce matin dans le journal Le Parisien. Concrètement, qu'est-ce qui va changer ?

GUILLAUME KASBARIAN
Alors, le " choc d'offre " commence aujourd'hui, et vous avez raison de dire qu'avec Christophe BECHU, nous annonçons aujourd'hui, que sur le DPE, il va y avoir une correction d'un biais de calcul sur le DPE, des petites surfaces…

AMANDINE BEGOT
Donc, je rappelle, le DPE, ce sont les fameuses lettres A,B,C,D,E,F,G…

GUILLAUME KASBARIAN
Exactement. Diagnostic énergétique, et donc il y avait un problème qui était que les petites surfaces étaient très pénalisées, et il y avait un biais de calcul. Là, cette semaine, nous lançons un arrêté qui va permettre de corriger ce biais statistique, pour sortir 140 000 logements, qui aujourd'hui sont classés F et G, les sortir de ce biais de calcul et lever l'interdiction de louer qui pourrait s'appliquer à ces logements là…

AMANDINE BEGOT
Donc ça veut dire, 140 000 logements supplémentaires, qui pourraient revenir sur le marché, grâce à cette correction de biais statistiques sur le DPE. Toujours sur le DPE, à la fin du mois, au Sénat, sur le projet de loi qui est en cours de discussion au Parlement sur les copropriétés, je porterai là aussi des amendements de simplification sur la question du DPE, notamment quand un locataire, par exemple, ne peut pas sortir du lieu pour faire les travaux, notamment quand il y a des questions autour des copropriétés qui votent éventuellement des travaux mais qui n'ont pas eu le temps de le faire, pour donner un peu de mou, un peu de flexibilité pour se donner le temps de faire les travaux. Ça veut dire que…
(...)

AMANDINE BEGOT 
L'objectif de ce DPE, pardon, c'était de lutter contre les passoires thermiques, et ce n'est pas un recul, un recul sur l'écologie, j'ai envie de dire, une fois de plus, même ?

GUILLAUME KASBARIAN 
Non, si c'était un recul, on changerait le calendrier, et on lèverait le crayon, et on dirait aux uns et aux autres : arrêtez de faire les travaux. Ce n'est pas ce que l'on dit. Ce que l'on dit, c'est qu'avec les professionnels, nous constatons un biais sur les petites surfaces, et donc nous corrigeons ce biais statistique. Ce que nous disons aussi, c'est qu'il peut y avoir des cas particuliers dans les copropriétés ou avec les locataires, ou qui ne peuvent pas sortir de leur logement pour les travaux, où nous allons éviter du contentieux, simplifier la tâche des propriétaires de bonne foi qui voudraient réaliser les travaux mais ne peuvent pas dans l'immédiat le faire. C'est redonner un peu de flexibilité et apporter des solutions concrètes en réalité, pour éviter de mettre quiconque en difficulté au 1?? janvier de l'année prochaine. Et donc ça, c'est déjà une première mesure de simplification qui est très importante. Mais il y en a d'autres. Nous allons simplifier pour une vingtaine de territoires qui sont engagés pour l'accélération de la construction de logements. Nous allons simplifier les règles et nous allons sélectionner 20 territoires dans les jours qui viennent. Je vous annonce qu'il y a une soixantaine de territoires candidats, nous allons en sélectionner une vingtaine, qui vont accélérer les procédures de construction…

AMANDINE BEGOT
30 000 nouveaux logements dans 20 territoires d'ici 3 ans.

GUILLAUME KASBARIAN
30 000, exactement.

AMANDINE BEGOT 
C'était l'une des promesses de Gabriel ATTAL lors de son discours de politique générale.

GUILLAUME KASBARIAN 
Exactement, et elle sera réalisée dans les semaines qui viennent, avec une sélection concrète de ces territoires. Sur MaPrimeRénov', qui est un dernier exemple de simplification, que nous lançons MaPrimeRénov', qui est un formidable outil qui a permis de rénover depuis 2020 plus de 2 millions de logements, qui a coûté 10 milliards d'euros d'ailleurs à l'Etat, mais c'est un outil qui fonctionne bien, et en même temps qui est un peu compliqué.

AMANDINE BEGOT 
Oui, c'est ça, François LENGLET nous l'a souvent montré.

GUILLAUME KASBARIAN 
Les acteurs du bâtiment, la FFB, la CAPEB, nous disent que c'est parfois compliqué. Mercredi, avec Christophe BECHU, nous recevons les acteurs du bâtiment, pour simplifier MaPrimeRénov', et là encore, permettre que la rénovation se fasse de façon la plus simple possible. Voyez, ce sont des mesures de simplification, que ça soit sur le DPE, sur MaPrimeRénov', sur la construction de maisons neuves…

AMANDINE BEGOT 
Mais on va en voir la couleur dans les 3 mois qui viennent ?

GUILLAUME KASBARIAN 
Ecoutez, je vais faire le maximum. Je suis arrivé il y a 72 heures. Donc on va faire le maximum avec Christophe BECHU, avec Gabriel ATTAL, pour apporter des mesures de simplification. Et effectivement, nous espérons des résultats rapides, bien évidemment on va tout faire pour, pour sortir de cette crise qui pénalise durement les ménages en France.

AMANDINE BEGOT 
30 000 nouveaux logements dans 20 territoires d'ici 3 ans. Si je compte bien, ça fait 600 000 nouveaux logements d'ici 3 ans. Sauf que d'après l'Union sociale pour l'habitat, ce n'est pas de 600 000 logements sur 3 ans dont on a besoin, mais d'au moins 500 000 par an, jusqu'en 2040.

GUILLAUME KASBARIAN 
Bien sûr.

AMANDINE BEGOT 
On est loin du compte.

GUILLAUME KASBARIAN 
Après, bien sûr qu'il y a un besoin de construction. Il faut réamorcer la construction dans le pays. Mais il y a des territoires qui sont encore plus dans l'urgence que d'autres, parce qu'il y a des usines qui s'installent sur le territoire, parce qu'on va construire de nouveaux EPR qui vont amener énormément de travailleurs sur le terrain. Et donc…

AMANDINE BEGOT 
Donc, la priorité, elle sera donnée dans ces territoires-là ?

GUILLAUME KASBARIAN 
En tout cas, on veut donner un coup de boost, un accélérateur, à une vingtaine de territoires qui ont besoin cruellement d'une nouvelle offre de logements, parce qu'il n'y a pas assez de logements pour accueillir les nouveaux travailleurs qui s'installent dans ces territoires. Et donc on a besoin d'accélérer encore plus sur ces zones-là. Ça ne veut pas dire qu'on ne construira pas ailleurs. Ça veut dire que ce dispositif de boost sur ces territoires, il sera réservé à ceux qui ont le plus besoin de nouvelles offres de logements. Après, on peut construire partout en France, qu'on soit dans ces territoires d'accélération ou pas, mais en tout cas, l'Etat mettra un effort particulier dans ces territoires d'accélération.

AMANDINE BEGOT 
Guillaume KASBARIAN, il y a aussi de nombreux logements vacants. 3 millions, c'est 60 % de plus - j'ai découvert ça hier - que dans les années 90. Est-ce qu'on peut contraindre, inciter les propriétaires à les remettre sur le marché ? Comment ?

GUILLAUME KASBARIAN 
Alors, vous parlez de deux choses différentes, contraindre et inciter, et donc, effectivement…

AMANDINE BEGOT 
Oui, mais justement. Mais vous voulez contraindre ou inciter ?

GUILLAUME KASBARIAN 
Moi je suis plutôt favorable de l'incitation.

AMANDINE BEGOT 
Mais comment on fait ?

GUILLAUME KASBARIAN 
Aujourd'hui, vous avez un certain nombre de propriétaires qui ne veulent plus louer, parce que c'est beaucoup, parfois de complexité, d'embêtements, parfois des impayés locatifs qui arrivent, etc. et donc... et la rentabilité est parfois plus faible que d'autres types d'investissements. Et donc, si je me mets deux secondes à la place d'un propriétaire, je comprends que certains d'entre eux disent " moi je renonce à louer, je préfère laisser vide le logement ". Et c'est un problème. Donc il faut redonner confiance aux propriétaires bailleurs, pour qu'ils puissent se dire : c'est plus simple, c'est un peu plus rentable, j'ai moins d'embêtements éventuellement en cas d'impayés…

AMANDINE BEGOT 
Donc plus rentable. Ça veut dire qu'on taxerait moins ?

GUILLAUME KASBARIAN 
Et sur les impayés, sur les impayés, c'est exactement le sens de la loi que j'ai portée, sur laquelle…

AMANDINE BEGOT 
Loi anti-squat.

GUILLAUME KASBARIAN 
La loi anti-squat et anti impayés, que j'assume et que je revendique. Et dont l'esprit était le suivant, c'était de se dire : sur les squatteurs, il n'y a pas de débat, il faut les sortir le plus vite possible, parce qu'il n'est pas normal que quand vous êtes au boulot et que quelqu'un s'introduit chez vous, ou qui reste dans votre logement, ça il faut avoir une procédure express. Et sur la question des impayés, on ne peut, on ne peut plus avoir des années et des années de procédures qui font qu'un propriétaire, s'il tombe sur un locataire qui ne paie plus, ne peut plus retrouver sa propriété et doit attendre 4 ou 5 ans pour le faire. Si j'ai porté cette loi, c'est justement pour redonner confiance aux propriétaires, en leur disant que oui, il y a un sujet d'impayés, et que nous souhaitons les libérer, les rassurer, leur redonner confiance dans l'offre locative…

AMANDINE BEGOT 
" Cette loi, c'est la plus répressive sur les expulsions depuis des décennies ", ce n'est pas moi qui le dis, mais l'adjoint au Logement à la mairie de Paris, et elle vous a valu beaucoup de critiques, et votre arrivée, elle a été très largement commentée, pour ne pas dire critiquée. La gauche parle d'une provocation, d'une gifle même, à tout le secteur du logement. Qu'est-ce que vous leur dites ce matin ? Vous ne serez pas le défenseur des propriétaires ?

GUILLAUME KASBARIAN 
Mais, personne ne peut comprendre parmi vos auditeurs que l'on tolère le squat et qu'on accepte que des gens s'introduisent dans le logement d'autrui et squattent le canapé, alors que c'est chez vous. Personne parmi vos auditeurs ne peut comprendre qu'un locataire qui s'arrête de payer puisse rester pendant 3, 4, 5 ans dans un logement. Et donc, c'est fort de ce constat, qu'une immense majorité de parlementaires a voté la loi que j'ai proposée l'année dernière, qu'elle a été adoptée massivement, et que je l'assume, que je la revendique et que je persiste et que je signe. Parce que nous avons besoin, à la fois de lutter plus fermement contre les squats, et en même temps redonner confiance aux propriétaires, parce que sinon ils vont arrêter de louer et on va avoir des logements vacants partout en France. Moi, ce que je veux, c'est leur redonner confiance dans la location, parce que propriétaire qui est rassuré, c'est plus d'offres pour les locataires. A l'inverse, un propriétaire qui n'a plus confiance dans la location, c'est un effondrement de l'offre locative. Et donc cette loi, je l'assume, et je ne suis pas le seul, le Parlement l'a adopté largement, et je le dis à certaines bonnes âmes, le squat est un délit et le squat n'est pas et ne sera jamais une solution au mal logement.

AMANDINE BEGOT 
Merci beaucoup Monsieur le Ministre.

GUILLAUME KASBARIAN 
Merci.

YVES CALVI 
Le ministre qui annonce le retour de 140 000 logements sur le marché via le diagnostic de performance énergétique.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 février 2024