Interview de Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée, chargée du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à Public Sénat le 14 mars 2024, sur la cyberattaque dont France Travail a été victime, l'accord de sécurité franco-ukrainien et les élections européennes.

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Média : Public Sénat - La Voix du Nord

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Prisca THEVENOT. Bonjour.

PRISCA THEVENOT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Ministre déléguée chargée du Renouveau démocratique, vous êtes porte-parole du Gouvernement. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Julien LECUYER, de la Voix du Nord. Bonjour Julien.

JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane. Bonjour Madame la Ministre.

PRISCA THEVENOT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Prisca THEVENOT, on va longuement parler de la guerre en Ukraine et de la campagne des européennes, mais un petit mot sur ce qui s'est passé hier, d'abord, le site France Travail a été victime d'une cyberattaque, qui a visé potentiellement 43 millions de personnes. Est-ce que les Français doivent s'inquiéter d'une divulgation de données personnelles ou d'une utilisation frauduleuse de ces données ?

PRISCA THEVENOT
Avant de répondre à votre question, et je vais y répondre bien sûr, je tenais déjà à vous remercier pour votre invitation sur votre chaîne, sur votre antenne, il n'y a pas de petites antennes, pas de moyennes antennes et pas de grandes antennes, et je pense que c'est important de le rappeler, et je ne le fais pas simplement comme ça, en coup d'esbroufe par rapport au débat qui aura lieu ce soir, je le fais aussi en tant que ministre en charge du Renouveau démocratique. Partout, partout dans nos démocraties, où l'État de droit règne, le débat doit pouvoir avoir lieu, un débat éclairé, avec l'ensemble des forces politiques, pour que les Françaises et les Français puissent pouvoir avoir, dans quelque temps, dans quelques semaines, un vote éclairé. Et je tenais ce matin à le rappeler chez vous…

JULIEN LECUYER
On allait vous interroger sur cette présence, donc, et de cette référence à Jordan BARDELLA, qui n'a pas voulu venir au débat…

PRISCA THEVENOT
Mais je pense que c'était, voilà, important de le rappeler.

ORIANE MANCINI
Et merci pour le message…

PRISCA THEVENOT
Ensuite, pour ce qui est effectivement des cyberattaques dont nous sommes victimes de plus en plus, aussi bien en tant que Français, mais en tant qu'Européens, déjà, le premier enjeu pour moi, c'est de rassurer les Françaises et les Français qui ont pu être affectés par cette attaque, leurs coordonnées bancaires, je sais que ça a été énormément demandé, moi, j'ai eu des messages aussi en message privé sur mes réseaux sociaux. Les coordonnées bancaires n'ont pas été divulguées. Maintenant, ce qui est important de regarder, c'est qu'il y a des enquêtes qui sont faites, et nous allons mettre toute la lumière sur ces filières pour pouvoir bien évidemment les arrêter, et faire en sorte que ça ne se reproduise plus. Au-delà de cela, nous devons aussi nous armer face à ces cyberattaques qui arrivent de plus en plus fréquemment et de façon inédite. J'ai d'ailleurs été interrogée hier dans l'hémicycle au Sénat, sur cela, au travers de deux plans, au travers du plan France Relance, nous avons mis 1,7 milliard d'euros pour investir sur la transformation numérique de notre pays, avec un volet très spécifique sur les cyberattaques de quelques centaines de millions d'euros. Et en parallèle, nous développons aussi au travers de France 2030 toute la filière pour attirer nos savoir-faire sur ces sujets et être prêts à affronter les années et les semaines à venir.

ORIANE MANCINI
Mais alors, là, rien que cette semaine, c'est la deuxième attaque puisque les services ministériels ont été attaqués en début de semaine. Est-ce que vous en connaissez l'origine ? Est-ce qu'on peut y voir l'ombre de la Russie ?

PRISCA THEVENOT
À ce stade, encore une fois, je pense qu'il est important de laisser les enquêtes se faire. Je ne suis pas là pour faire des "si", mais pour rapporter des faits. Et donc, quand nous connaîtrons les conclusions de ces différentes enquêtes, avec grand plaisir pour revenir vous voir et en faire état. Moi, ce que je pense qu'il est important aussi de rappeler aujourd'hui, c'est de faire attention aux techniques d'hameçonnage, pour les personnes qui nous regardent aujourd'hui, de bien vérifier toutes les informations qu'on peut vous demander, en se faisant passer pour des services de l'État ou des collectivités. La prudence vaut extrêmement raison en ce moment, et soyons-le de plus en plus au regard des échéances qui sont les nôtres. Oui, les européennes, les élections européennes, mais aussi les Jeux olympiques et paralympiques.

ORIANE MANCINI
Mais vous rassurez les Français ce matin sur l'utilisation potentielle de ces données piratées hier ?

PRISCA THEVENOT
Oui, je tiens à rassurer sur le fait que les données bancaires n'ont pas été divulguées.

ORIANE MANCINI
On parle de l'Ukraine, Julien ?

JULIEN LECUYER
Oui, on parle de l'Ukraine puisque le président doit s'exprimer ce soir lors d'une interview sur TF1 et France 2 sur ce sujet. Alors, est-ce que vous pouvez nous expliquer sur ce qu'il va dire ?

PRISCA THEVENOT
Déjà, faire un point de situation. Je pense qu'il est important de rappeler le contexte dans lequel nous sommes. Nous avons effectivement vu et constaté malheureusement un drame, la mort de l'opposant politique NAVALNY. Nous avons aussi pu voir, lire, entendre les menaces répétées de MEDVEDEV à l'encontre de la France et du Président de la République lui-même, pour ce qu'il représente, c'est-à-dire le chef de l'État. Nous avons des cyberattaques, des ingérences, et donc, oui, il y a un durcissement de ton de la part de la Russie. Par rapport à cela, que doit-on faire ? Eh bien, je pense que plus que jamais, quand on est attaqué, quand on est ciblé pour les valeurs que nous représentons, pour les principes que nous incarnons, eh bien, nous devons tenir debout en Français, fiers de ce que nous sommes capables de faire ensemble. Et sur cela, nous devons rappeler qu'il ne doit pas y avoir le début d'un doute dans la voix française que nous portons. Nous devons être unis et soudés dans notre territoire pour montrer que nous ne nous laisserons pas faire. Et c'est ça aussi qui importe.

JULIEN LECUYER
Est-ce que ce n'est pas aussi un moment de clarification, voire même d'explication de texte autour des propos d'Emmanuel MACRON sur l'hypothèse d'un envoi de troupes au sol en Ukraine ?

PRISCA THEVENOT
Sur ce point-là, le Président de la République a été très clair, lorsqu'il a fait effectivement sa conférence de presse suite à la réunion qui a eu lieu le 26 février dernier à Paris, autour de lui, sur justement cette unanimité à rappeler sur le durcissement de ton de Kremlin. Une question lui a été posée sur l'envoi de troupes. Il l'avait dit, il l'a dit et il l'a redit : il n'y a pas unanimité sur ce point. Donc je pense que l'enjeu aujourd'hui, ce n'est pas d'essayer en permanence de refaire l'histoire et le débat sur quelque chose où il s'est prononcé de façon claire, en revanche…

ORIANE MANCINI
Mais oui, mais est-ce qu'il ne s'est pas trompé de stratégie, parce qu'il voulait faire de l'ambiguïté stratégique, c'est-à-dire ne rien exclure pour faire peur à Vladimir POUTINE, là, Vladimir POUTINE se retrouve à avoir entendu qu'aucun allié de l'Ukraine ne voulait envoyer de troupes. Est-ce qu'au contraire, il n'a pas fait le jeu de Vladimir POUTINE ?

PRISCA THEVENOT
Je me permets vraiment, je me permets, je pense que nous ne devons pas inverser le sens du récit. Nous ne sommes pas les agresseurs. Vladimir POUTINE, depuis maintenant plus de deux ans, mène une guerre d'agression vis-à-vis de la souveraineté de l'Ukraine…

JULIEN LECUYER
Ce n'est pas ce qu'Oriane a dit…

PRISCA THEVENOT
Ce n'est pas que ?

JULIEN LECUYER
Ce n'est pas ce qu'Oriane a dit, elle a émis la question de savoir si Emmanuel MACRON, par ses propos, lors justement de cette réunion à Paris, n'avait pas provoqué finalement plus de divisions au sein de la Communauté européenne vis-à-vis de l'Ukraine, et finalement, montré un visage de faiblesse européenne à Vladimir POUTINE ?

PRISCA THEVENOT
Je le redis, je le redis, il n'y a pas de divisions au sein des États membres et au sein de…

JULIEN LECUYER
Bien sûr que si…

PRISCA THEVENOT
Eh bien écoutez, c'est les accords…

JULIEN LECUYER
Elles se sont exposées au grand jour pendant plusieurs jours auprès notamment du chancelier SCHOLZ, obligeant le président de la République à aller vendredi à Berlin, pour aussi essayer de concilier les positions françaises et allemandes.

PRISCA THEVENOT
Alors, je vais me permettre de répondre du coup jusqu'au bout à la question, et je pense que comme ça, je pense, vraiment, au contraire, la voix est claire, la voie est unanime. Je le redis, il y a unanimité sur le constat du durcissement de Kremlin en ce moment, ces derniers temps, et il y a unanimité sur notre capacité à résister et à faire face. Et d'ailleurs, un certain nombre d'accords bilatéraux sont en train d'être signés avec l'Ukraine. Hier, au Conseil des ministres, alors, c'était sur un autre enjeu, mais il y avait effectivement une ministre allemande qui était là, et qui a rappelé l'importance, l'importance du couple franco-allemand dans l'Union européenne et dans la voix qu'on devait avoir en tant qu'Union européenne. Et je le dis encore de façon simple, nous pouvons le voir depuis maintenant quelque temps, les voix sont unanimes, nous devons continuer à avancer pour montrer que non, nous ne laisserons pas faire le Kremlin. Et je pense que ça aussi, nous avons cette responsabilité collective à le rappeler, à le rappeler. Et ce n'est pas parce que nous avons eu ces paroles de montrer que nous ne laisserons rien passer que ça a entraîné une réaction de Kremlin. C'est plutôt l'inverse.

JULIEN LECUYER
LFI, La France Insoumise a parlé de simulacre pour qualifier le débat parlementaire qui a été lancé par le chef de l'État. Pourquoi simulacre, parce que dans leur esprit, il survient, ce débat, après l'accord bilatéral avec l'Ukraine, et que cet accord a été signé, après la polémique engendrée par les propos présidentiels. Est-ce que c'était une forme de séance de rattrapage pour l'exécutif ?

PRISCA THEVENOT
C'était une séance de clarification des pouvoirs politiques vis-à-vis des Français. Je pense qu'il est important…

ORIANE MANCINI
C'est-à-dire, qu'est-ce que vous avez clarifié avec ce débat ?

JULIEN LECUYER
Qu'est-ce que ça vous a apporté de plus ?

PRISCA THEVENOT
… Chacun a pu s'exprimer sur ses positions par rapport à notre capacité à continuer à soutenir la souveraineté ukrainienne, mais également le quotidien des Français. Je pense que c'est important, au bout de deux ans d'agression, de pouvoir rappeler quels sont les tenants et les aboutissants de ce qui se passe en Ukraine. Oui, la guerre se passe en Ukraine, mais nous en subissons les conséquences en France, directement dans notre quotidien. Nous avons voté des boucliers tarifaires. Pourquoi ? Parce que, oui, d'un seul coup, le grenier de l'Europe a été attaqué, et que ça a eu une implication directe sur l'inflation en France.

ORIANE MANCINI
Et quel bilan vous en faites à l'issue des débats, maintenant que chaque groupe politique s'est exprimé clairement sur sa position et par son vote ?

PRISCA THEVENOT
Un rappel des faits, un rappel des faits, c'est qu'effectivement, nous avons deux partis de l'hémicycle, notamment le Rassemblement national et La France Insoumise, qui font des grandes phrases en permanence pour expliquer, d'une part, qu'ils défendent les couleurs de la France et le drapeau français, d'autre part, qu'ils défendent le quotidien des Français, et puis, quand on leur demande de voter en responsabilité, oui, peut-être avec courage et fermeté, d'un seul coup, les mains se mettent dans les poches.

ORIANE MANCINI
Les Républicains, ils critiquent une instrumentalisation en pleine campagne européenne. Hier, Bruno RETAILLEAU a parlé d'un mélange déplacé entre la politique étrangère et la politique intérieure. Est-ce qu'ils n'ont pas raison ?

PRISCA THEVENOT
Encore une fois, je le dis, ne nous trompons pas de récit. Nous subissons l'agression de Vladimir POUTINE en Ukraine. Nous n'orchestrons pas, enfin, je veux dire que c'est même assez étonnant d'avoir…

ORIANE MANCINI
Là, ils ne disent pas autre choses Les Républicains. Ils critiquent plutôt le calendrier, le fait d'avoir organisé ce débat en pleine campagne des européennes.

PRISCA THEVENOT
Alors, attendez, la mort de NAVALNY, c'est un calendrier dramatique imposé. Les attaques répétées de MEDVEDEV, ce sont des calendriers dramatiques imposés, les cyberattaques, les formes d'ingérence que nous voyons, que nous subissons, pardon, ce sont des faits imposés. Alors, si les LR considèrent que, en tant que Français, nous devions renoncer, moi, je le dis haut et fort aujourd'hui, non, il n'en est pas question. Nous avons une histoire dont nous sommes les héritiers, et nous devons continuer à les transmettre demain. Et cette histoire charrie des valeurs et des principes. Et je trouve ça assez étonnant, les LR qui font, pour une partie, beaucoup de proses sur les réseaux sociaux pour nous expliquer qu'ils étaient les défenseurs de nos valeurs et de nos principes, quand il s'agit de le faire en responsabilité au regard des écharpes qui leur ont été confiées par les Français, d'un seul coup, considèrent qu'il faudrait se cacher derrière des fausses polémiques vaines. Non, nous devons être des responsables politiques…

JULIEN LECUYER
Ils ont voté…

ORIANE MANCINI
Ils ont voté pour…

JULIEN LECUYER
Ils ont voté pour l'accord bilatéral…

PRISCA THEVENOT
Eh bien, voilà, très bien.

JULIEN LECUYER
Mais comme d'autres qui, par-là même aussi, ont fait part de leurs divergences profondes vis-à-vis des propos et de la rhétorique dite guerrière, je reprends leurs mots, du Président de la République. Moi, je voulais vous interroger simplement sur une chose. On sent que, en effet, l'Elysée cherche à montrer le durcissement de la position russe. Pas question de la contester ici. Est-ce que vous pensez que l'Ukraine doit devenir le sujet central de cette campagne européenne ?

PRISCA THEVENOT
Le sujet central de cette campagne européenne, et merci de le rappeler, c'est le quotidien des Français. Force est de constater que, notamment, l'agression de Kremlin en Ukraine a des conséquences dans le quotidien des Français. Et je le dis aujourd'hui en tant que membre du Gouvernement, mais j'aurais pu le dire hier, en tant que parlementaire à l'Assemblée nationale, nous avons effectivement voté des packs pouvoir d'achat pour protéger les Français de l'inflation. Cette inflation qui a été causée notamment par cette agression vis-à-vis de l'Ukraine, qui est le grenier céréalier de l'Europe. Donc il n'y a pas que l'Ukraine, mais ça en fait partie puisque ça impacte le quotidien des Français.

ORIANE MANCINI
Emmanuel MACRON se rendra quand en Ukraine ?

PRISCA THEVENOT
Prochainement.

ORIANE MANCINI
Dans les prochains jours, dans les prochaines semaines ?

PRISCA THEVENOT
Prochainement.

ORIANE MANCINI
Avant la fin du mois ?

PRISCA THEVENOT
Je n'ai pas de date à vous annoncer, mais je peux vous dire que…

JULIEN LECUYER
C'est pour des raisons de sécurité probablement…

PRISCA THEVENOT
Il y a toujours des raisons de sécurité quand des chefs de l'État se déplacent…

ORIANE MANCINI
Il ira à Odessa, vous savez s'il ira à Odessa ?

PRISCA THEVENOT
Je n'ai pas plus d'informations à ce stade à vous communiquer.

ORIANE MANCINI
On continue à parler des européennes, Julien.

JULIEN LECUYER
Oui, pour dire que plus ça va et moins ça va, à l'heure actuelle, encore une fois, on est encore loin du scrutin, le dernier sondage pour les européennes qui a été délivré par IPSOS place le RN à plus de 30 %, et Renaissance à 18 %, 13 points d'écart. Et en plus, il y a une progression, c'est-à-dire, le RN gagne 3 points depuis un mois quand Renaissance en perd 2. Concrètement, il y a péril en la demeure, non ?

PRISCA THEVENOT
Le plus important pour nous, c'est effectivement d'être pleinement dans cette campagne, et effectivement, de porter un programme, mais aussi de rappeler notre bilan, aujourd'hui, par rapport au début de cet échange que nous venons d'avoir ensemble sur les différents sujets, soyons concrets et honnêtes, nous avons besoin d'avoir une voix française forte et puissante au Parlement européen. Cette voix française forte et puissante, c'est celle qui va siéger, qui va se lever, et qui va permettre de faire avancer la France et l'Europe par des votes concrets. Et force est de constater que Valérie HAYER est cette candidate qui permet d'avoir un groupe uni et soudé autour d'elle, un groupe important et puissant pour pouvoir faire avancer le quotidien des Français au niveau du Parlement européen. Parlons concrètement, il y a par exemple eu le vote et la mise en place du plan européen. Le plan européen a permis de financer France Relance, dont je viens de vous parler. France relance, c'est 40 milliards de subventions qui viennent de l'Europe. Eh bien, par exemple, c'est sur les enjeux de cyberattaques, c'est sur les enjeux de transformation numérique. C'est sur les enjeux aussi d'apprentissage, de rénovation énergétique. Nous devons pouvoir regarder cela très concrètement et donner un avis éclairé et un regard appuyé sur ce qui est fait au Parlement européen, mais qui est dans le quotidien, dans le foyer des Français.

ORIANE MANCINI
Sauf que pour le moment, ça ne se traduit pas dans les sondages. Vous n'arrivez pas à rattraper Jordan BARDELLA, c'est même l'inverse, Julien l'a dit. Il y a le premier grand débat ce soir sur notre antenne, ce sera à 17 heures, entre les huit principaux candidats ou leurs représentants puisque Jordan BARDELLA se fait représenter. Quelle va être votre stratégie pour réduire l'écart ?

PRISCA THEVENOT
Eh bien justement, la campagne va réellement commencer maintenant, puisqu'effectivement les têtes de liste ont toutes été dévoilées et le premier débat télévisé va avoir lieu ce soir. Nous allons pouvoir confronter nos idées, nos positions, nos bilans et nos perspectives. Et je pense que c'est ça aussi que les Français attendent : de pouvoir juger les tons des uns et des autres et les avancées des uns et des autres. Jusqu'à présent, c'est vrai que les sondages ont plutôt fait acte de cote de popularité, et c'est vrai que le sourire ravageur de Jordan BARDELLA fait gagner des cotes de popularité. Mais est-ce que c'est ça qui fait gagner en puissance politique pour la France en Europe ? Je ne suis pas sûre. Surtout quand on assume qu'on n'aime pas siéger et qu'on ne veut pas siéger. Donc encore une fois ce soir, à partir de ce soir et sur les autres débats qui vont pouvoir avoir lieu, nous allons pouvoir voir celles et ceux qui sont en campagne pour défendre des indemnités, par rapport à celles et ceux qui sont en campagne pour défendre et promouvoir des idées.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que votre stratégie d'en faire un duel – vous ciblez beaucoup le Rassemblement national, ç'a été le cas lors du lancement du meeting de Renaissance, ç'a été le cas dans une interview d'Emmanuel MACRON au Figaro il y a quelques jours – est-ce que ce n'est pas ça qui fait monter Jordan BARDELLA ? Vous en faites une élection de mi-mandat.

PRISCA THEVENOT
Non, ah non ! Surtout pas ! Il ne faut pas en faire une élection de mi-mandat et merci de le souligner aussi.

JULIEN LECUYER
Mais c'est ce qui permet en tout cas… Pour compléter, excusez-moi, la question d'Oriane, c'est qu'en tout cas le Rassemblement national se sert de ce duel pour transformer le scrutin de juin en fonction anti-MACRON.

PRISCA THEVENOT
Alors vous avez totalement raison, et ça montre le peu d'intérêt qu'ils ont par rapport à cette élection. Ils en font une espèce de primaire pour 2027 entre deux candidats possibles – soyons très clairs et transparents – Marine LE PEN et Jordan BARDELLA, ce qui est un petit sujet quand même entre ces deux candidatures pour 2027.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous, vous ne rentrez pas dans ce jeu en ne ciblant que le RN ?

PRISCA THEVENOT
Ne nous laissons pas voler cette élection. En revanche, soyons lucides sur le fond. Oui, il y a deux projets européens qui s'opposent, le nôtre et celui du Rassemblement national, et ensuite des déclinaisons qui s'opèrent. Et pardon, d'ailleurs les sondages que vous rappelez justement montrent cela aussi, ce phénomène où effectivement, il y a deux projets qui ressortent, sur lesquels les Français devront se prononcer.

JULIEN LECUYER
C'est un match qui ne se fait pas qu'à deux. Il y a d'autres candidats et c'est vrai que vous avez souvent tendance à … La majorité présidentielle, à vous définir comme les seuls pro-européens. Est-ce que ce n'est pas un peu réducteur vis-à-vis des autres candidats type LR, les Ecologistes ou le Parti socialiste ?

PRISCA THEVENOT
C'est factuel. Après, on verra aussi la nature des débats de ce soir.

JULIEN LECUYER
Factuel ? Est-ce que le Parti socialiste, Place publique, Raphaël GLUCKSMANN n'est pas pro-européen pour vous ?

PRISCA THEVENOT
Non, ce n'est pas une question de pro. Je le redis encore, il y a deux projets…

JULIEN LECUYER
C'est le terme qui a été employé.

PRISCA THEVENOT
Moi, je vous dis mes termes. Il y a deux projets européens qui s'affrontent. Un où nous voulons effectivement regarder sans naïveté nos responsabilités, l'Europe, en disant que nous avons besoin d'Europe, une Europe puissante pour avoir une voix française singulière et d'exception. Et donc, si nous devons réformer un certain nombre de sujets, nous devons le faire par exemple sur le marché européen de l'électricité, sur renforcer notre Europe de la défense. Et puis en face, il y a une Europe un peu timide, voire honteuse, qui cache un peu ses termes. Parce que quand on passe son temps quand même à expliquer à quel point l'Europe ne sert à rien, l'Europe fait du mal et qu'il faut sortir des traités le matin et y re-rentrer le soir, pardon, ça a un nom.

ORIANE MANCINI
Oui, mais Valérie HAYER samedi dernier répète que sa liste est la seule à défendre véritablement l'Europe, alors que quelques jours avant elle avait dit qu'elle votait 90 % du temps la même chose que Raphaël GLUCKSMANN, on est quand même dans un paradoxe, reconnaissez-le.

PRISCA THEVENOT
Le paradoxe, je le dis encore une fois : oui, il y a deux projets européens qui s'opposent. Maintenant, allons regarder dans le détail et c'est sur cette base-là que nous pourrons commencer à juger. Et je le redis, je fais de la pub, ça commence ce soir.

ORIANE MANCINI
Merci pour la pub, ce sera à 17 heures – je complète la pub. On parle de ce qui se passe à l'Assemblée, Julien.

JULIEN LECUYER
Oui. Selon les informations du Figaro, la députée Horizons Naïma MOUTCHOU, qui est également vice-présidente de l'Assemblée nationale, s'apprêterait à associer des signatures de députés Rassemblement national à une proposition de loi qu'elle défend contre les nuisances aériennes. Est-ce que le Gouvernement cautionne cette co-signature avec des députés Rassemblement national ?

PRISCA THEVENOT
Je vous le dis, même à titre très personnel, je ne comprends pas. Je m'interroge sur cette capacité à participer, volontairement ou involontairement, à la banalisation du Rassemblement national. Je le dis et je le redis…

JULIEN LECUYER
Donc c'est une erreur.

PRISCA THEVENOT
Il n'y a pas de sagesse ni de complaisance à avoir à l'endroit des idées politiques du Rassemblement national. Tout nous oppose au Rassemblement national. Alors bien évidemment, le Rassemblement…

JULIEN LECUYER
La ligne de conduite a l'air d'être quand même assez floue, même au sein du camp de la majorité.

PRISCA THEVENOT
Alors déjà, je suis membre du Gouvernement donc je n'ai pas à venir juger une liberté parlementaire : je vous donne mon avis par rapport au Rassemblement national.

JULIEN LECUYER
Vous avez été députée.

PRISCA THEVENOT
J'ai été effectivement, j'ai été au passé députée, mais je dois…

ORIANE MANCINI
Vous êtes dans la même majorité qu'Horizons.

PRISCA THEVENOT
Je dois quand même respecter nos institutions et d'autant plus dans les temps qui sont les nôtres. Je pense que c'est important. Mais je vous donne mon avis parce qu'il n'est pas question de faire de la langue de bois ici. Je ne le faisais pas hier, je ne commencerai aujourd'hui. Je le dis de façon très claire. Là, ça laisse quand même une opportunité à laisser le RN pratiquer la politique du "coucou" ; c'est-à-dire "je ne fais rien, je ne dis rien, mais je viens m'insérer pour essayer de me faire un peu refaire la pilule". Non, je ne suis pas d'accord. Mais là vraiment, je dois le rappeler, rien ne nous rapproche du Rassemblement national.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'Edouard PHILIPPE, le patron d'Horizons, doit intervenir ?

PRISCA THEVENOT
Vous lui poserez la question.

ORIANE MANCINI
Mais pour vous ?

PRISCA THEVENOT
Je ne vais pas me prononcer à la place d'Edouard PHILIPPE.

JULIEN LECUYER
On a compris quand même.

PRISCA THEVENOT
Non, pas du tout.

ORIANE MANCINI
Gabriel ATTAL s'est invité hier au conseil d'administration de Sciences-Po Paris après – je vais essayer de la faire courte – une mobilisation pro-palestinienne au sein de l'établissement, une occupation d'amphithéâtre qui a donné lieu à des échanges, voire possiblement des insultes, des gens Juifs pris à parti. L'Union étudiante et organisatrice de l'occupation qui dément qu'il y ait eu des propos antisémites prononcés. Bref, réaction très forte d'Emmanuel MACRON, le Premier ministre qui a signalé des faits discriminatoires présumés au procureur de la République. Est-ce que cette occupation et les faits qui s'en sont peut-être suivis est devenue une affaire d'État ?

PRISCA THEVENOT
Rappelons effectivement les faits, mais très rapidement. C'est qu'il y a eu effectivement l'organisation d'un débat, d'une manifestation dans un amphi d'une école française. Nos universités, nos établissements universitaires sont des lieux de débat par excellence, sont des lieux où on ne doit pas entraver cette capacité à confronter des idées qui souvent sont très opposées, et c'est la force et la richesse de nos établissements scolaires. Et là, le premier acte, c'est déjà d'empêcher une étudiante en l'occurrence d'accéder à un lieu de débat. Déjà, ça devrait tous nous étonner voire nous choquer. Ensuite, il y a eu des propos rapportés, et par rapport à ces propos rapportés, nous devons aussi pouvoir mettre tout sur la table et avoir un avis éclairé. Donc c'est la raison pour laquelle dès mardi, quand les faits ont été connus, ma collègue Sylvie RETAILLEAU, en charge de l'Enseignement supérieur, s'est directement rendue sur place. Hier, Premier ministre s'est également rendu au conseil d'administration, accompagné de Sylvie RETAILLEAU. Nous devons pouvoir avoir un avis éclairé sur ce qui s'est passé. Et d'autant plus en rappelant aussi un peu des faits qui remontent à quelques semaines et quelques mois, c'est que de plus en plus quand on parle de Sciences-Po, on en parle pour faire état de polémiques et pas de l'excellence française.

JULIEN LECUYER
Justement, est-ce qu'il y a un problème avec Sciences-Po ?

PRISCA THEVENOT
Eh bien, nous devons enfin pouvoir lever le loup et regarder concrètement.

ORIANE MANCINI
Donc il y a un problème pour vous.

PRISCA THEVENOT
Non, il n'y a pas un problème justement. Il y a une enquête qui a été demandée, cette enquête va faire son chemin. Ne demandons pas une enquête et donnons les conclusions avant qu'elle en livre elle-même ses conclusions.

JULIEN LECUYER
Mais vous-même, vous soulevez les différents événements qui ont pu se passer à Sciences-Po. Certains se posent la question de savoir s'il y a même une dérive antisémite à Sciences-Po. Qu'est-ce que vous en pensez ?

PRISCA THEVENOT
J'en pense que justement une enquête a été lancée, une enquête va rendre ses conclusions. Nous devons pouvoir regarder s'il y a une minorité agissante et devoir redonner les belles lettres, pour pouvoir redonner les belles lettres de noblesse à…

ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il y a une dérive antisémite.

PRISCA THEVENOT
Ça, ce n'est pas à moi de le dire ; ça, ce n'est pas à moi de le dire. Les propos ont été rapportés. Je n'étais pas sur place et j'ai vocation à vraiment faire en sorte que nous soyons le plus objectif et en fermeté sur ces sujets qui sont extrêmement importants. Maintenant, est-ce qu'il y a une montée de l'antisémitisme en ce moment en France ? Oui, et ça, ce sont des faits rapportés notamment par le ministère de l'Intérieur.

ORIANE MANCINI
Il y a un climat d'antisémitisme ?

PRISCA THEVENOT
Il y a des faits même, il y a des faits.

ORIANE MANCINI
Jean-Luc MELENCHON, à propos de ce qui s'est passé à Sciences-Po, parle d'un incident dérisoire. Eric COQUEREL, LFI, président de la Commission des finances, dit que Gabriel ATTAL se rend à Sciences-Po pour alimenter une manipulation. Que leur répondez-vous ?

PRISCA THEVENOT
Je crois que c'est la première fois qu'il me laisse sans voix en fait, c'est quand même… Oui, c'est fort de café, je dois dire, un moment Tweeter pour exister, ça suffit, et ça ne veut plus rien dire. Et je le dis à l'endroit de Jean-Luc MELENCHON. Vraiment, à un moment, il faut pouvoir aussi regarder les choses telles qu'elles sont. Est-ce qu'il y a des doutes ? Est-ce qu'il y a des interrogations ? Est-ce que nous devons pouvoir les lever ensemble, en responsabilité, au regard du fonctionnement de nos institutions, et notamment de la justice, qui se saisit, mais également du conseil disciplinaire interne de l'établissement ? Oui. Est-ce que c'est de notre responsabilité politique de prendre les sujets à bras le corps ? Oui. Ensuite, toutes les vaines polémiques autour de tweets pour faire du like et du buzz, pardon, mais c'est aujourd'hui le seul objet politique de Jean-Luc MELENCHON. Je lui laisse.

ORIANE MANCINI
C'est ça pour vous ou est-ce qu'il y a une ligne politique en minimisant cet incident ? Est-ce que pour vous, il faut y voir une signification politique ?

PRISCA THEVENOT
Vous venez de répondre à la question, je crois.

ORIANE MANCINI
On parle d'un autre sujet, de la question du viol, Julien.

JULIEN LECUYER
Oui, le président de la République a exprimé son intention de faire évoluer la définition du viol en droit français, en y intégrant la notion de consentement. Alors, c'était lors d'une rencontre filmée avec une association féministe. Alors, je me souviens que début février, le ministre de la Justice, Eric DUPOND-MORETTI, était très réticent vis-à-vis de cette inscription, disant qu'il y avait un risque de glissement vers une contractualisation des relations sexuelles. Alors faut-il voir une évolution de la position gouvernementale ?

PRISCA THEVENOT
Absolument pas. C'est en cohérence. Le garde des Sceaux s'était prononcé notamment à l'endroit d'un texte européen. Or, il s'agit de droit pénal, et nous devons rappeler que le droit pénal relève de la compétence des États eux-mêmes. Donc nous devons pouvoir avancer sur cela. Et d'ailleurs, pour être très transparente, et en étant ici à Public Sénat, il y a un travail parlementaire qui est mené au sein de la Délégation aux droits des femmes, que je salue, puisque j'en ai été membre à l'Assemblée nationale. Et ce travail est mené de façon trans-partisane par la députée Véronique RIOTTON et la députée Marie-Charlotte GARIN. Nous devons pouvoir regarder les conclusions de ce travail qui vont justement avoir un regard éclairé sur la définition pénale du consentement sur le sujet du viol. Mais rappeler aussi que sur l'ensemble de ces sujets extrêmement importants, nous ne partons pas de rien. Depuis 2017, nous avons fait un certain nombre de grandes avancées, notamment sur le droit de prescription, le délai de prescription qui a été allongé à 30 ans pour les faits de crimes de violences sexuels commis sur mineurs, mais également sur la question qui ne doit plus se poser, sur le consentement pour les mineurs de moins de quinze ans. Voilà, nous devons continuer à avancer, et notamment avec le travail parlementaire.

ORIANE MANCINI
Deux petites questions à la ministre chargée du Renouveau démocratique. Les Républicains ont lancé une procédure de référendum d'initiative partagée sur la question de l'immigration avec les mesures, une partie en tout cas des mesures qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel sur la loi immigration. Est-ce que le ministre chargée du Renouveau démocratique dit que ce serait une bonne chose que ce RIP aboutisse ?

PRISCA THEVENOT
Quand il y a des initiatives, je trouve que c'est une bonne chose. Maintenant, il faut donner et poser, pardon, poser les termes. Si une partie des mesures proposées par les Républicains dans le texte immigration ont été rejetées par le Conseil d'État. Ce n'est pas parce qu'elles n'étaient pas pertinentes, etc. C'est parce qu'elles étaient "cavalier". Donc je pense que c'est aussi important de rappeler ça. Aujourd'hui, nous devons aussi, plus que jamais, rappeler le fonctionnement de nos institutions, rappeler comment nous construisons un texte de loi. Qu'est-ce qu'un texte de loi dans un cadre de véhicule législatif, et ne pas comme ça venir peut-être, peut-être, laisser entendre qu'il y aurait une manipulation politicienne derrière certains textes.

ORIANE MANCINI
Donc vous ne souhaitez pas forcément que ça aboutisse ?

PRISCA THEVENOT
Non, je laisse faire, au contraire, moi, au contraire, je trouve que c'est bien, il faut laisser faire, tant que ça nourrit un débat éclairé et pas des polémiques.

ORIANE MANCINI
Une dernière question, vous êtes également chargée de la vie associative, en ce moment au Sénat, il y a l'examen d'une proposition de loi sur l'engagement bénévole et la vie associative. Est-ce qu'il y a besoin de mesures pour soutenir et relancer le bénévolat aujourd'hui ?

PRISCA THEVENOT
Il y a besoin effectivement de continuer à soutenir ce lien qui fait nos sociétés, c'est le lien associatif. Je suis ravie effectivement que le Premier ministre ait élargi mon périmètre. Mais en fait, ce n'est pas une nouvelle mission, parce que je l'avais déjà quand j'étais secrétaire d'État à la Jeunesse. Et oui, nous devons pouvoir continuer à soutenir le tissu associatif, en premier lieu, par des moyens financiers. N'ayons pas peur des mots, et disons les choses telles qu'elles sont. Notamment au travers du Fonds de développement à la vie associative, qui a été abondé de 20 millions d'euros supplémentaires. Il était à 50 millions l'année dernière, il passe à 70 millions cette année. Et, je tiens à le dire, les budgets sont maintenus. C'est extrêmement important de le rappeler dans les temps qui courent. Et par ailleurs, hier, au Sénat, nous avons fini d'ailleurs un peu tôt dans la nuit, enfin, tôt dans la matinée ou tard dans la nuit, nous avons voté cette proposition de loi travaillée de façon trans-partisane, du député Quentin BATAILLON, qui permet aussi d'aider et de soutenir le tissu associatif par des simplifications administratives, que, là aussi, nous devons pouvoir mener.

ORIANE MANCINI
Merci Prisca THEVENOT.

PRISCA THEVENOT
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invitée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mars 2024