Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement (texte de la commission n° 429, rapport n° 428).
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M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de me retrouver devant vous aujourd'hui, un mois jour pour jour après avoir eu l'honneur de défendre ici le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce beau texte.
Je tiens à saluer l'apport des sénateurs, et tout particulièrement l'engagement et le travail de la rapporteure Amel Gacquerre et de la présidente de la commission Dominique Estrosi Sassone, avec qui nous avons eu des échanges nourris et constructifs tout au long de l'examen de ce projet de loi.
Je tiens également à adresser mes sincères remerciements à l'ensemble des partis politiques qui se sont particulièrement investis sur ce texte pour assurer son adoption par le Sénat en première lecture à l'unanimité des votants, comme l'a rappelé Mme la rapporteure.
La commission mixte paritaire a été l'occasion, grâce aux efforts des parlementaires des deux assemblées, de sécuriser, d'enrichir et d'améliorer les dispositions d'un projet de loi utile et nécessaire. Je formule le vœu de retrouver ce même esprit de construction sur les textes que nous aurons à étudier à l'avenir.
En effet, la version du texte qui vous est soumise aujourd'hui est le fruit d'un travail parlementaire ambitieux. D'un texte comprenant initialement dix-sept articles, nous sommes parvenus à un texte riche de plus d'une cinquantaine d'articles, soit autant de mesures pragmatiques et opérationnelles qui amélioreront durablement le traitement de l'habitat dégradé dans notre pays.
Sur ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, nous partageons le même diagnostic et le même constat : il est tout simplement intolérable que des personnes continuent de vivre dans notre pays dans des conditions d'habitat dégradé, indécent ou indigne. Près de 1,5 million de logements sont dégradés, autant de foyers et de familles connaissant ainsi des situations de vie inacceptables.
Grâce à la mobilisation collective des parlementaires de tous les bords politiques, nous nous donnons avec ce texte les moyens d'agir directement sur cette réalité au travers de solutions concrètes. Tout d'abord, nous aidons les copropriétés à emprunter les sommes nécessaires pour réaliser les travaux de rénovation. Ensuite, nous renforçons les outils à disposition des élus et des opérateurs pour mener de grands projets de réhabilitation. Enfin, nous augmentons les sanctions contre ceux qui tirent profit de la dégradation de l'habitat.
Le travail que nous avons mené poursuit l'effort qui anime le Gouvernement depuis 2017. Mes prédécesseurs ont fait de la lutte contre l'habitat indigne une priorité de leur action : Julien Denormandie a lancé dès 2018 le plan Initiative Copropriétés pour s'attaquer aux cas des grandes copropriétés en difficulté ; Emmanuelle Wargon a parachevé la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan, en réformant et en simplifiant la police de l'habitat indigne ; Olivier Klein a confié une mission à deux maires issus d'horizons différents, Mathieu Hanotin, maire socialiste de Saint-Denis, et Michèle Lutz, maire Les Républicains de Mulhouse, pour explorer les moyens d'améliorer la prise en charge de ces situations difficiles. Leurs travaux ont permis à mon prédécesseur Patrice Vergriete d'élaborer le texte à la fois pragmatique et ambitieux qui vous a été soumis.
Pour mieux traiter les situations de dégradation de l'habitat, il nous faut mieux les anticiper. Ces processus mettant plusieurs années à s'installer, ils doivent être traités plus en amont. Dans notre vie comme dans celle des bâtiments, il vaut toujours mieux agir avant qu'il ne soit trop tard.
Avec ce texte, notre philosophie est simple : mieux vaut prévenir que guérir ou détruire. Dans cette optique, le projet de loi crée notamment, à l'article 3, une nouvelle procédure d'expropriation, qui permettra d'intervenir plus en amont du cycle de dégradation des copropriétés. Je me réjouis que les travaux de nos rapporteurs aient permis de conserver des apports ambitieux à cet article à l'issue de la commission mixte paritaire.
Par ailleurs, l'article 2, qui était particulièrement attendu, permettra aux syndicats de copropriété d'assurer le financement des travaux au moyen d'un emprunt collectif. Il s'agit d'une innovation majeure, qui fera gagner plusieurs mois d'examen de dossiers individuels, au profit d'une approche collective et globale. En effet, le temps est un allié précieux pour éviter une dégradation trop profonde des copropriétés.
La rédaction adoptée en commission mixte paritaire constitue un compromis salutaire entre les positions des deux chambres, qui permettra aux copropriétés d'emprunter en apportant des garanties de solvabilité aux établissements prêteurs et de lever ainsi l'un des principaux freins identifiés à la rénovation des copropriétés.
Au fond, j'aime à croire que ce prêt sera l'innovation financière qui nous manquait pour déployer la transition écologique au sein de chaque copropriété, soit autant de micro-démocraties.
Au travers de ce texte, nous poursuivons également la lutte que nous avons engagée dès 2017 contre les marchands de sommeil. Je le rappelle avec fermeté : dans notre pays, nul n'a le droit de tirer une rente de la vulnérabilité d'autrui. Sur l'initiative des parlementaires, des dispositions importantes ont été ajoutées pour renforcer les sanctions à l'encontre des marchands de sommeil. Ces mesures sont cruciales pour notre dignité collective.
Je me réjouis enfin que la commission mixte paritaire ait conservé les simplifications importantes pour la construction de logements que prévoit l'article 14. Cet article permettra, dans le cadre de projets partenariaux d'aménagement (PPA) et d'opérations d'intérêt national (OIN), de débloquer rapidement les procédures liées aux exigences environnementales et urbanistiques afin de gagner plusieurs mois précieux lors du lancement d'un projet.
La production de logements est la première réponse au mal-logement. C'est selon cette méthode que nous lançons le programme Territoires engagés pour le logement, dont les décrets d'application et les arrêtés ont été publiés la semaine dernière, afin de construire dans les trois années à venir 30 000 logements au sein de vingt-deux territoires particulièrement en difficulté.
Ce projet de loi s'inscrit donc dans la continuité de notre action et fera bénéficier l'ensemble de nos collectivités de procédures d'accélération et de simplification des projets, en tenant compte des spécificités ultramarines. J'en profite pour souligner l'engagement de votre assemblée à cet égard, et tout particulièrement celui du groupe RDPI et du sénateur Thani Mohamed Soilihi, qui nous a permis de renforcer le texte en introduisant, par ses amendements, des mesures majeures pour accélérer le règlement des désordres immobiliers résultant des indivisions successorales dans les territoires ultramarins. Je rappelle que ces territoires sont soumis à de très vives tensions en matière d'accès à l'habitat.
La commission mixte paritaire a également préservé et renforcé une série d'avancées opérationnelles attendues, parfois de très longue date, par les professionnels et les élus des territoires. Le compromis qui a été trouvé répondra à des situations dangereuses et parfois dramatiques.
Ainsi, grâce à ce texte, les maires pourront définir des périmètres devant faire l'objet de diagnostics structurels lorsque des doutes existent quant à la solidité de certains immeubles. Ce faisant, ils pourront prévenir au mieux de potentiels effondrements d'immeubles, notamment dans les centres anciens de villes telles que Toulouse, Bordeaux, Marseille ou encore Lille.
Je tiens à remercier les maires de nous avoir fait part de cette attente et les parlementaires de s'être montrés à notre écoute pour y répondre favorablement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant ce projet de loi, nous nous doterons de nouvelles capacités pour lutter contre l'habitat indigne, et ce de manière pragmatique, opérationnelle et transpartisane.
Au travers de ce texte, nous nous attaquons à la question des copropriétés dégradées en ayant un objectif précis en tête : éviter de retirer davantage de logements du marché en assurant aux Français des conditions d'habitat dignes, sécurisées et de qualité. De plus, nous nous donnons des moyens supplémentaires pour traiter plusieurs causes de la crise du logement et de la dégradation de notre parc de logements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être fiers de ce travail collectif car, ensemble, nous sommes parvenus à coconstruire un texte ambitieux pour répondre aux problèmes rencontrés sur le terrain par les élus que vous représentez.
Source https://www.senat.fr, le 5 avril 2024