Texte intégral
Monsieur le préfet,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Monsieur le maire,
Mesdames, messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les premiers présidents,
Mesdames et Messieurs les procureurs généraux,
Mesdames et Messieurs les présidents des tribunaux judiciaires,
Mesdames et Messieurs les procureurs de la République,
Madame le bâtonnier,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui, dans un format similaire à celui du 31 août dernier, lorsque je vous annonçais depuis Colmar, la répartition par cour d'appel des effectifs prévus dans ce qui était encore le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice.
Cette annonce était accompagnée d'une méthode, inédite, celle de la déconcentration.
Je vous avais en effet chargé, vous, chefs de cours et responsables de terrain, de me proposer, après une concertation locale éclairée par les spécificités de vos territoires, des répartitions juridiction par juridiction de ces nouveaux moyens humains.
Je vous remercie du travail précis et collectif que vous avez accompli et des échanges fructueux que vous avez eus par la suite avec la direction des services judiciaires lors des dialogues de gestion.
Vous allez constater dans quelques minutes que vos efforts n'ont pas été vains.
Cette volonté de déconcentrer les décisions opérationnelles, que je porte au sein du ministère de la justice et qui s'est notamment traduite dans son organisation budgétaire, va s'amplifier. C'est un mouvement puissant de transformation, souhaité par le président de la République, visant à rendre plus efficaces l'ensemble des services de l'Etat. Il doit être pleinement incarné dans les cours et tribunaux. L'exercice que vous avez mené en a été une parfaite illustration.
La direction des services judiciaire travaille actuellement à de nouvelles initiatives en la matière. Je souhaite par exemple que soient renforcées les capacités de gestion des chefs de juridiction.
La transformation de notre justice, nous la poursuivons donc ensemble aujourd'hui mais, si l'on regarde un peu derrière nous, quel chemin avons-nous déjà parcouru !
Lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère en juillet 2020, ma première priorité, et vous le savez désormais, c'était d'infléchir la tendance des 30 ans d'abandon humain, budgétaire et politique qu'avait subi la justice de notre pays.
A une justice négligée budgétairement devait succéder une justice abondée à la hauteur de ses missions Le budget du ministère était de 7,6 milliards d'euros en 2020, il avoisine les 10 milliards d'euros en 2024. Pour les services judiciaires, durant cette période, cette augmentation a été de 35 %.
Tout cela a été rendu possible grâce à des lois de finance votées par les parlementaires et je veux à cet égard remercier les députés de la majorité de Haute Savoie, Véronique, Antoine, Anne-Cécile, Xavier, avec qui je travaille quotidiennement pour améliorer la justice de notre pays.
Il fallait d'abord un traitement d'urgence.
Ce fut le plan pour la justice de proximité qui s'est incarné dans les 2100 contractuels qui sont arrivés très rapidement dans les juridictions, à la fin de l'année 2020, puis en 2021 et 2022.
Si certains esprits chagrins ont pu être circonspects voire critiques à l'égard de ces renforts, ces derniers ont pourtant été pleinement intégrés par les juridictions qui ont su en faire un excellent usage.
Le pari a été gagnant et vous m'avez demandé de pérenniser ces recrutements. Nous avons donc « CDisés » ces contractuels et avons créé la fonction d'attachés de justice.
C'est désormais la fin du mythe du magistrat seul devant ces dossiers. Désormais, le juge est le chef d'une équipe qui l'entoure et lui apporte tout le soutien professionnel nécessaire.
Ce premier effort budgétaire a été notable, les résultats l'ont été tout autant, grâce à eux et grâce à vous.
Les stocks de dossiers ont commencé à diminuer dans certaines matières : ainsi, entre le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2023, les stocks de dossier JAF ont baissé en moyenne de 30%. Cette matière est essentielle pour nos concitoyens et il me paraît important de maintenir cet effort.
Les stocks des pôles sociaux ont quant à eux baissé de 20%.
De nombreuses juridictions ont fait mieux. A Annecy par exemple, rendons hommage à nos hôtes, cette baisse a été de 32% au JAF et 41% pour le pôle social.
Des organisations innovantes ont été conçues grâce à ces renforts. Encore ici à Annecy, j'ai pu voir la manière remarquable dont ces contractuels ont contribué à changer le visage de cette juridiction. Ce chemin, je le sais, a été emprunté par nombre d'entre vous.
A cette médecine d'urgence devait succéder un traitement de fond, sur le long terme.
Le manque structurel d'effectifs que vous connaissiez depuis trop longtemps devait faire place à une politique ambitieuse de recrutement.
Cela a été l'objet, tout d'abord des recrutements de 700 magistrats et 850 greffiers entre 2017 et 2022, puis évidemment des 1500 magistrats, 1800 greffiers et 1100 attachés de justice prévus par la loi d'orientation et de programmation et qui sont l'objet de notre rencontre de ce jour.
En 10 ans, le nombre de magistrats aura augmenté de + de 30%.
Pour recruter, il faut attirer et simplifier les voies d'accès.
Les métiers judiciaires devaient retrouver leur attractivité par de justes rémunérations, ce qui s'est traduit par un rattrapage indemnitaire substantiel pour les magistrats et plusieurs mesures fortes pour les greffiers.
La réforme de la structure du corps judiciaire, avec le 3ème grade, va également permettre de créer des parcours de carrière plus riches et diversifiés. La réforme des voies d'accès à l'ENM qui les simplifie et les modernise va également concourir à cette attractivité et à l'ouverture de la magistrature à des profils diversifiés.
La modernisation tant attendue des outils informatiques est en train de prendre corps dans la vie des juridictions.
Plusieurs projets, dont celui de la procédure pénale numérique, commencent à changer le quotidien des agents et des justiciables.
Tout n'est pas résolu pour autant je le sais bien et je ne voudrais que mes propos, qui traduisent mon engagement total depuis 4 années pour que la justice retrouve sa juste place au sein de la République, vous paraissent teintés d'un optimisme excessif ou, pire encore, constituer un exercice douteux d'autosatisfaction.
Je sais que les temps de formation des magistrats et des greffiers créent un décalage entre les annonces et les arrivées concrètes en juridiction, ce qui peut engendrer de la frustration et de l'incompréhension.
Je sais que certains outils informatiques, anciens, ne sont plus au niveau des exigences parfaitement légitimes des magistrats et fonctionnaires et continuent à être une gêne quotidienne.
Certaines évolutions de notre société qui font trop souvent de l'institution judiciaire et de ceux qui la servent des boucs émissaires faciles des maux de l'époque peuvent peser sur le moral des agents ou les interroger sur le sens de leur mission. Sur ce point, j'ai toujours défendu sans faiblir votre indépendance et votre action, qui ne sauraient être caricaturée par les possesseurs, trop nombreux, de pseudos solutions miracles. Je ne cesserai jamais de le faire.
La situation de la justice s'améliore mais avant de vous livrer les cartes, ressort par ressort, de ces renforts tant attendus, il nous reste à aborder l'un des grands chantiers qui doit être poursuivi, celui de l'organisation des juridictions.
Les moyens dont j'ai fait état nous ont permis de quitter l'urgence et ainsi d'amorcer cette réflexion. Je souhaite que celle-ci se poursuive autour de la question de la gouvernance des juridictions et d'un travail sur les organisations mises en place au sein de celles-ci.
Pour cela, je souhaite que l'inspection générale de la justice puisse se déplacer pour vous appuyer dans ce travail de réorganisation.
Sur ces sujets je veux être très clair, il n'y aura de succès collectifs que si l'ensemble des acteurs de terrain sont étroitement associés. Je sais qu'une conférence a eu lieu lundi sur la gouvernance, pilotée par la DSJ, et que les échanges ont été particulièrement riches.
Nous devons trouver un consensus autour de principes permettant de clarifier les rôles et missions de chacun et ce dans l'intérêt de tous. La richesse des statuts, directeur de greffes, futurs greffiers de catégorie A, attachés de justice, et des missions, doit trouver une nouvelle cohérence allant dans le sens de l'efficacité collective.
Améliorer la gouvernance c'est aussi renforcer les capacités de pilotage des juridictions en vous dotant de collaborateurs dédiés qui vous aideront dans votre rôle de « manager ». Je pense notamment aux « chefs de cabinet ».
C'est une demande très forte de votre part. J'entends y faire droit selon un calendrier et une stratégie qui en cours d'élaboration à la direction des services judiciaires. Le directeur ici présent reviendra rapidement vers vos conférences à ce sujet.
Quand je parle de travail sur les organisations, mon objectif est clair c'est œuvrer pour la généralisation des organisations qui ont fait leurs preuves sur le terrain.
Lors de mes déplacements, j'ai régulièrement vu des organisations innovantes. Je pense par exemple à Béziers où j'étais il y 15 jours et qui a créé un pôle de justice de proximité qui m'a paru particulièrement prometteur.
Cette réflexion que je souhaite accélérer ne traduit pas une volonté de déposséder les chefs de cour et de juridiction de leur capacité à maîtriser leurs services mais de s'inspirer de ce que vous avez fait pour que nous allions tous dans la même direction.
J'insiste : ce travail se fera avec vous !
Le moment où vous allez découvrir les répartitions dans chacun de vos tribunaux approche mais avant de répondre à vos questions, je vous confirme que s'agissant de ces renforts vos propositions ont toutes été validées, car elles sont pour moi l'assurance que ces effectifs seront employés au plus près des besoins et réalités locales.
Les cibles qui sont visées sont mentionnées à l'horizon 2027 car vous le savez les arrivées des effectifs de magistrats et de greffiers seront progressives et croissantes.
En 2027, il n'y aura plus de postes vacants et toutes les juridictions auront vu leurs effectifs augmenter.
Et pour finir, 90% des renforts vont à la première instance comme je m'y étais engagé.
Mesdames et messieurs, la justice a bénéficié depuis plusieurs années de moyens sans précédents. Ils étaient indispensables, personne ne peut le contester.
Nous sommes désormais comptables de leur utilisation. Je l'ai dit lors de mes vœux fin janvier. Le président de la République l'a dit lors de la prestation de serment de la nouvelle promotion de l'ENM le 9 février dernier. Nous devons des résultats à nos concitoyens. Le service public de la justice doit s'améliorer. Et en tant que ministre de la justice, je suis responsable devant les Français du bon fonctionnement de la justice.
Je suis et je serai toujours à vos côtés, à votre écoute. Je connais votre engagement, celles de tous les magistrats, greffiers, contractuels, agents administratifs, de ce pays.
Je souhaite vous dire à nouveau merci. Merci pour le travail que chaque jour vous réalisez au service de nos compatriotes. Pour le temps que vous dédiez à cette institution, clé de voûte de notre démocratie.
L'esprit de confiance qui m'anime et ma volonté de vous confier un rôle majeur dans le redressement de la justice restent intacts.
Je compte sur vous comme vous pouvez compter sur moi.
Vous venez de recevoir un mail avec les cartes des répartitions de ces nouveaux recrutements par juridiction.
Je vais pour ma part vous citer quelques exemples.
Source https://www.justice.gouv.fr, le 5 avril 2024