Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Agnès CANAYER. Bonjour.
AGNES CANAYER
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Nouvelle ministre déléguée chargée de la Famille et de la Petite enfance. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse régionale, représentée par Christelle BERTRAND, du groupe La Dépêche. Bonjour Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane, bonjour Agnès CANAYER.
AGNES CANAYER
Bonjour madame.
ORIANE MANCINI
Agnès CANAYER, on va évidemment parler de vos dossiers. Ils sont nombreux, ils sont très concernant pour les gens, on va notamment parler de la question des crèches. Mais d'abord quelques mots de politique. La première motion de censure contre le gouvernement Barnier a été largement rejetée hier à l'Assemblée nationale. Vous dites "Merci Marine LE PEN ?".
AGNES CANAYER
Ecoutez, non, je ne sais pas si on dit « merci Marine LE PEN », je pense qu'aujourd'hui cette première motion, elle était avant tout de posture, et ça permettait au Nouveau Front populaire de vouloir cranter tout de suite. Aujourd'hui, il en ressort qu'on voit bien que la majorité, même si elle est relative, qui soutient le gouvernement, est plus nombreuse que les autres groupes politiques.
CHRISTELLE BERTRAND
Comment est-ce que vous avez vécu le procès en illégitimité fait notamment par Olivier FAURE hier ?
AGNES CANAYER
Ecoutez, je trouve que la légitimité, elle repose sur une majorité et une majorité ; alors certes, aujourd'hui elles sont relatives, mais la majorité, c'est le principe du plus grand nombre. Donc quand on est minoritaire, c'est toujours compliqué de dire qu'il n'y a pas de légitimité, alors que le gouvernement est soutenu par une majorité, certes relative, mais une vraie majorité.
ORIANE MANCINI
Demain sera présenté le budget en Conseil des ministres. « Il ne sera pas satisfaisant », c'est ce que dit Didier MIGAUD, le garde des Sceaux, concernant son ministère. Un ministre peut dire ça ?
AGNES CANAYER
Ecoutez, un ministre peut s'exprimer sur ses propres budgets et ses propres deniers. Il n'est pas satisfaisant, ça ne veut pas dire qu'il ne doit pas être adopté. On voit bien le contexte budgétaire dans lequel nous sommes. On voit bien qu'il faut faire 60 milliards d'économies, que l'Etat prendra toute sa place et donc évidemment, ce sera forcément avec des mesures qui sont difficiles à prendre. Donc, chaque ministère devra assumer la part d'économies qu'il devra réaliser.
ORIANE MANCINI
Ça ne vous a pas gêné la déclaration de Didier MIGAUD ?
AGNES CANAYER
Non. Enfin, Didier MIGAUD s'exprime comme il le souhaite. Voilà.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors, Michel BARNIER a d'ores et déjà annoncé des augmentations d'impôts. Est-ce que vous y êtes personnellement favorable ou pas ?
AGNES CANAYER
Dès lors que ces augmentations d'impôts sont ciblées, qu'elles ne touchent pas les classes moyennes, qu'elles ne touchent pas à ceux qui... les revenus du travail, qu'elles portent principalement sur les grandes entreprises et sur les autres, 0,3 % de revenus des plus riches. Moi, ça ne me choque pas. Je trouve que c'est plutôt un effort qui peut être supportable par des personnes ciblées et je trouve que c'est une bonne mesure.
CHRISTELLE BERTRAND
Dans une équipe gouvernementale qui est aussi hétéroclite politiquement, où est ce que s'arrête la solidarité gouvernementale ? Est-ce qu'un jour, par exemple, vous pourriez dire : « Non, ces augmentations d'impôts ne me conviennent pas, moi qui suis issu de la droite ? ». Est-ce que Didier MIGAUD a raison de parler comme ça ? Est-ce que ça change quelque chose ?
AGNES CANAYER
Ça change la diversité des points de vue au sein d'un même gouvernement. Vous savez, moi, je suis tout à fait habituée à travailler dans ce contexte-là, puisque, élue à la ville du Havre, depuis des années, nous avons une majorité qui est composée de personnalités qui viennent d'horizons diverses. Je pense que dès lors que l'on a un chef qui gère cette majorité, que ce soit le Premier ministre ou que ce soit le maire, il est important de pouvoir faire entendre sa diversité, mais de soutenir les projets qui sont portés par le maire ou le Premier ministre…
CHRISTELLE BERTRAND
Donc d'être solidaires, même si on n'est pas tout à fait d'accord ?
AGNES CANAYER
Et donc nous devons être solidaires effectivement, même si nous ne sommes pas d'accord. Mais la solidarité n'empêche pas d'exprimer ses idées. Je pense que c'est plutôt sain, c'est plutôt une bonne chose que chacun puisse dire ce qu'il pense. Evidemment, si cela devient intenable, eh bien à un moment, il faut prendre ses responsabilités.
CHRISTELLE BERTRAND
De ce point de vue-là, est ce que vous comprenez les réticences qui ont été exprimées ces derniers jours par Gabriel ATTAL et Gérald DARMANIN au sujet des augmentations d'impôts ?
AGNES CANAYER
Ecoutez, ils l'expriment, eux, alors, ils ne sont pas dans le gouvernement, donc ça leur donne une plus grande liberté encore pour s'exprimer. Certes…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais ils sont pression du bloc central.
AGNES CANAYER
Voilà. Ils sont dans la majorité gouvernementale. Mais comme je vous le disais, cette majorité gouvernementale, moi je trouve que c'est plutôt une force. Elle est diverse et donc il faut que chacun s'exprime et après on converge vers un budget qui rassemble et qui soit soutenu par l'ensemble de la majorité gouvernementale.
ORIANE MANCINI
Gérald DARMANIN, il fait des propositions alternatives à ces hausses d'impôts, il dit qu'il faut travailler plus, qu'il faut miser sur le travailler plus et qu'il faut mettre fin définitivement aux 35 heures dans le privé. Vous y êtes favorable, vous, à ça ?
AGNES CANAYER
Ecoutez, je ne sais pas si c'est la bonne mesure. C'est une mesure qui doit être envisagée. Je pense que de toute façon, il y a un guide qui est que le travail doit être mis à sa juste place, et le travail doit rapporter plus que les personnes, pour les personnes, que celles qui ne travaillent pas. Donc derrière cela, peut-être qu'il faut redonner un peu plus de valeur au travail, faire en sorte que déjà les 35 heures soient appliquées dans toutes les entreprises et dans toutes les administrations. Et puis après, évaluer quel sera l'impact d'une…
ORIANE MANCINI
Donc pas forcément les supprimer, pour vous.
AGNES CANAYER
Pas forcément.
ORIANE MANCINI
Il y a une piste qui est examinée dans le budget de la Sécurité sociale, c'est de décaler l'indexation des pensions de retraite de six mois. Est-ce que ça vous y êtes favorable ou est-ce que vous dites : « Ce n'est pas aux retraités de payer l'addition » ?
AGNES CANAYER
C'est à tout le monde de prendre sa part. Et les pensions de retraite ont été réévaluées de 5 % en janvier dernier. Plus que l'inflation. Donc, à un moment donné, la mesure qui est prise, elle me paraît de bon sens. C'est une mesure de lissage sur l'année 2025.
ORIANE MANCINI
Et pour tout le monde ? Parce que, par exemple, Yaël BRAUN-PIVET a dit « les retraités riches, ils peuvent contribuer, mais il ne faut pas que ça touche les retraités pauvres ».
AGNES CANAYER
Ecoutez, il faut regarder effectivement. C'est la même logique que sur les impositions, il ne faut pas que cela touche les plus fragiles, au nom de la solidarité nationale. Mais il faut, aujourd'hui, on se rend compte quand même que les retraités ont un pouvoir d'achat qui est supérieur à celui des Français, notamment qui travaillent.
ORIANE MANCINI
Autre effort demandé aux collectivités, vous le dites, vous êtes élue locale, 5 milliards d'efforts demandés aux collectivités. Est-ce que vous comprenez la colère des maires ?
AGNES CANAYER
Oui, parce que les maires, effectivement, n'ont pas été habitués ces dernières années à devoir faire des efforts. Je pense qu'aujourd'hui, dans le contexte budgétaire dans lequel nous sommes, ces efforts budgétaires doivent être portés par toutes les strates et tous les niveaux. L'Etat prendra sa part de responsabilité pour un tiers de la réduction de la dépense publique. Cela ne peut pas être sans les collectivités territoriales, qui sont des acteurs aussi à chaque niveau de la mise en œuvre des politiques publiques.
ORIANE MANCINI
Mais vous les entendez, les maires, ils disent : nous, on vote des budgets à l'équilibre, c'est l'Etat qui est en déficit et c'est à l'Etat de payer, ce n'est pas à nous.
CHRISTELLE BERTRAND
Ecoutez, c'est eux. À mon avis, il faut partager la responsabilité. J'entends les maires, néanmoins, certes, ils votent des budgets à l'équilibre, mais il y a une addition aussi des dépenses qui sont effectuées par l'ensemble des strates qui se sont additionnées. Donc il y a peut-être aussi une réflexion à avoir. C'est toujours compliqué de mettre dans le même panier toutes les collectivités, tous les maires. Il y a des communes de toute petite taille qui n'ont pas beaucoup de dépenses, qui n'ont pas beaucoup d'investissements, et puis vous avez des communes…
ORIANE MANCINI
Qui a priori ne seront pas concernées par ces 5 milliards.
AGNES CANAYER
Eh bien, effectivement, il faut plutôt cibler sur les communes qui ont certes des dépenses et qui parfois engagent plus que ce qu'elles devraient.
CHRISTELLE BERTRAND
On en revient aux sujets qui concernent directement votre portefeuille. Mais j'ai une question avant ça. Votre prédécesseur, Sarah EL HAÏRY, était ministre des Familles. Vous êtes ministre de la Famille. Comment vous expliquez ce changement de terme ?
AGNES CANAYER
Ecoutez, je ne sais pas quelle est la volonté première, moi tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis ministre de la Famille, car ce qui compte pour moi, c'est l'enfant. Chaque enfant a une famille et quelle que soit la forme de la famille, dans sa diversité, dans ses complexités, que ce soit une famille recomposée, monoparentale ou homoparentale, nombreuse, il y a énormément, une famille, même de cœur. Il y a énormément de familles très diverses et je pense que ce qui compte, c'est que l'enfant s'épanouisse au sein de sa famille, de sa cellule familiale.
ORIANE MANCINI
Parmi les sujets que vous aurez à traiter, il y a la question des crèches et les révélations du livre de Victor CASTANET, sur des maltraitances dans les crèches privées ont évidemment choqué les Français. Le Sénat a lancé une mission flash. Vous soutenez cette initiative sénatoriale, d'abord ?
AGNES CANAYER
Oui, tout à fait. Au contraire, plus on aura d'éclairages... Alors, il y a déjà eu des missions qui ont été menées sur le sujet des crèches. L'IGAS a déjà rendu deux rapports…
ORIANE MANCINI
L'Inspection Générale des Affaires Sociales.
AGNES CANAYER
Effectivement l'Inspection Générale des Affaires Sociales. Et le livre de Victor CASTANET vient donner un éclairage humain sur des dysfonctionnements institutionnels que nous connaissions, donc, mais qui sont insupportables et qui sont inacceptables. C'est la raison pour laquelle nous devons prendre une série de mesures qui évitent au maximum ce type de comportements dans les lieux d'accueil des jeunes enfants.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors, une série de mesures avant les résultats de la mission flash, dès maintenant ?
AGNES CANAYER
Oui, parce qu'il y a des mesures qui sont déjà engagées. Les rapports de l'Inspection générale datent de 2023. Maintenant, il faut agir. Peut-être que la mission flash du Sénat apportera d'autres éclairages. Néanmoins, il me semble prioritaire d'accélérer l'adoption du référentiel national de la qualité de l'accueil dans les structures petite enfance, qui doit sortir à la fin de l'année 2024. Et moi, je serai extrêmement vigilante à ce que les délais soient respectés, parce que c'est la base de ce qui va permettre de mettre en place des contrôles qualité. Aujourd'hui, ce qu'il faut savoir, c'est que dans les crèches, les contrôles sont d'abord, avant tout, des contrôles de sécurité. Est-ce que la clenche est assez haute ? Est-ce que le granulat du crépi est suffisamment gros ? Etc. Il y a peu de contrôles véritablement de qualité parce qu'on n'a pas de normes. Et c'est la base de ce référentiel national. Et ensuite, l'autre sujet, c'est qu'il y a différents organismes qui assurent les contrôles : les CAF, les PMI, l'inspection du travail. Il n'y a pas de coordination de ces contrôles. C'est-à-dire qu'une même structure peut être contrôlée par les trois, quasiment dans un laps de temps réduit, sans même qu'il y ait après le regroupement des résultats de ces contrôles. Donc ma volonté, c'est qu'il y ait une coordination à l'échelle départementale de l'ensemble des contrôles qui sont mis en place sur les structures Petite enfance et que chaque structure soit au moins contrôlée une fois tous les cinq ans.
ORIANE MANCINI
Vous allez vous rendre prochainement dans des crèches pour voir concrètement comment ça se passe sur le terrain ? Vous avez prévu ça ?
AGNES CANAYER
Tout à fait. Alors, j'y suis déjà allé. La semaine dernière, je suis allé à Angers, voir une structure municipale tout à fait accueillante et dans laquelle il y avait, à la fois, des personnes très engagées. Parce que c'est vrai aussi que ce sujet des crèches et le livre « Les Ogres » qui laissent penser qu'il n'y a pas de professionnels engagés, que partout il y a des difficultés. Il y a beaucoup de structures Petite enfance qui fonctionnent extrêmement bien. Il y a des professionnels qui sont très engagés, très qualifiés et qui agissent au quotidien pour faire en sorte que les enfants puissent s'épanouir le mieux possible, que les parents puissent être sécurisés dans la conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Et je continuerai à aller voir des structures. Je vais en inaugurer une après-demain. Il y a vraiment beaucoup, beaucoup de structures. Et puis, on va avoir de toute façon le développement du service public de la Petite enfance à partir de janvier 2025. Et là, il faudra que je fasse un tour de France pour aller voir les communes et la manière dont s'exercent ces modalités d'accueil dans l'ensemble des communes du territoire.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors, il y a une structure qui a été particulièrement pointée du doigt, c'est PEOPLE&BABY qui aurait falsifié un nombre d'heures de présence plus important que ce qui était effectué réellement. Est-ce qu'il y a une enquête qui va être menée ? Est-ce qu'il y a des mesures qui vont être prises contre cette structure ?
AGNES CANAYER
Effectivement, ça pose la question du financement des structures Petite enfance. Dans les structures Petite enfance, il y a différentes sources. Il y en a qui sont des entreprises privées à but lucratif comme PEOPLE&BABY, les entreprises portées par des associations, les structures gérées en régie directe par les collectivités. Il y a des difficultés dans toutes les structures. Enfin, il peut y en avoir dans toutes les structures. Je ne cible pas tel ou tel type de structure. Néanmoins, c'est vrai que le livre fait ressortir des problèmes structurels et de malversations financières dans les entreprises privées à but lucratif. Nous avons lancé des évaluations et des inspections de l'inspection générale sur un premier groupe qui est La Maison bleue, dont on attend les retours d'ici la fin de l'année. Et en ce qui concerne PEOPLE&BABY, nous avons… Aujourd'hui, nous regardons de quelle manière nous allons pouvoir agir pour effectivement se saisir de ces dysfonctionnements. Et cela pose aussi un autre sujet que celui du fonctionnement plus global du financement des structures.
ORIANE MANCINI
Mais justement, sur le financement, est-ce que l'Etat et les collectivités ne se sont pas trop déchargés sur le privé pour gérer les structures de Petite enfance ?
AGNES CANAYER
Ecoutez, trop, je ne sais pas. Il y a besoin, à mon avis, d'avoir une diversité de l'offre des modes d'accueil, de garde. On avait un enjeu fort qui est celui de multiplier les nombres de places puisqu'il y a une demande de plus en plus prégnante. On a des territoires dans lesquels l'offre est très bien couverte et d'autres où c'est beaucoup plus compliqué.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il ne faut redonner des moyens aux communes pour qu'il y ait moins de privés et plus de publics ?
AGNES CANAYER
Je pense qu'il faut surtout s'assurer que même l'offre privée… Parce que vous avez des structures Petite enfance qui fonctionnent très bien. PEOPLE&BABY n'est pas la seule entreprise de crèches ; il y a d'autres entreprises de crèches qui fonctionnent normalement. Et donc, je pense qu'il faut permettre tous les types d'offres, mais il faut renforcer les contrôles. Libre aux communes de choisir. Je ne vais pas m'immiscer dans les compétences d'autorité organisatrice du service public de la Petite enfance…
ORIANE MANCINI
Mais beaucoup ont délégué faute de moyens. Beaucoup de mairies ont délégué faute de moyens…
AGNES CANAYER
Beaucoup de mairies ont délégué faute de moyens. Beaucoup de mairies ont délégué aussi - j'ai été en charge de ces questions à la ville du Havre - parce qu'il y avait une offre qui était tout à fait adaptée, proposée par des entreprises de crèches et qui était complémentaire de l'offre publique qui vise aussi parfois d'autres publics, des publics en insertion, des publics en difficulté sociale.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors, les sénateurs ont d'ores et déjà annoncé qu'il ne serait pas du ressort de la mission qui commence aujourd'hui d'enquêter sur l'existence supposée de lien entre votre prédécesseur Aurore BERGE et le lobby des crèches privées. Est-ce que vous, vous allez demander une enquête sur ce sujet et ces liens qui ont été dénoncés dans les livres de Victor CASTANET ?
AGNES CANAYER
Sur ces sujets-là… Bon, moi, je n'étais pas ministre au moment de ces supposés liens. Ensuite, Aurore BERGE, je crois, a déposé plainte pour diffamation ; primo. Et secundo, il y a, à l'Assemblée nationale, une demande d'enquête aussi portée au sein de l'instance parlementaire. Donc moi, je ne vais pas intervenir dans ses relations qui relèvent de…
CHRISTELLE BERTRAND
Vous, la ministre, vous n'avez pas envie de savoir ce qui s'est réellement passé ?
AGNES CANAYER
Je ne suis pas sûre que ça a eu des conséquences véritablement sur les modes de fonctionnement, sur la fédération des entreprises privées de crèches. Elles avaient des relations tout à fait… qui relevaient du domaine extra ministériel. Moi, je ne vais pas m'immiscer. Et de toute façon, je vous dis, il y a une enquête qui est menée et on verra les résultats de cette enquête.
ORIANE MANCINI
On parle des familles monoparentales, Christelle ?
CHRISTELLE BERTRAND
Oui, il y a de nombreux sujets qui ont été un peu maintenus en suspens par la dissolution et notamment les chantiers qui concernent les familles monoparentales. La création d'un statut de parent isolé était prévue et n'a pas abouti ; de la même manière, la défiscalisation des pensions alimentaires. Est-ce que vous avez relancé ces dossiers ou pas ?
AGNES CANAYER
Oui. Le sujet de la famille monoparentale est un sujet majeur puisqu'on voit bien qu'un enfant sur quatre vit dans une famille monoparentale et que, souvent, ce sont les enfants qui subissent le plus la pauvreté. Donc la question des familles monoparentales, c'est avant tout une question de ressources, de moyens. Donc, il faut s'assurer notamment que les nouvelles dispositions de l'Agence de recouvrement des pensions alimentaires fonctionnent bien pour permettre aux familles monoparentales d'avoir des ressources et de toucher les allocations qui leur sont dues. Parce que ça, c'est un vrai enjeu premier. Ensuite, il me paraît essentiel aussi d'assurer un meilleur accompagnement de ces familles monoparentales. Parce que souvent, 82% des cas, ce sont des femmes. Eh bien, elles se retrouvent seules à élever leurs enfants et sans véritablement de soutien, sans moment de répit. Et c'est ce qui conduit souvent aux plus grandes difficultés éducatives.
CHRISTELLE BERTRAND
Mais vous allez revenir sur la défiscalisation des pensions ou pas ?
AGNES CANAYER
Écoutez, tout est à l'étude aujourd'hui. C'est-à-dire que j'ai reçu, dans les dossiers qui m'ont été transmis, dans ma prise de fonction, des rapports qui ont été menés et portés par le Sénat ; que ce soit par la délégation aux droits des femmes, que ce soit Colombe BROSSEL ou Béatrice GOSSELIN, ou que ce soit le rapport de monsieur IACOVELLI qui est venu me le présenter dernièrement. Différentes mesures sont proposées, qui se croisent. D'autres…
CHRISTELLE BERTRAND
Donc, cela pourrait être remis en question ?
AGNES CANAYER
Cela pourrait… Tout est sur la table. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui parce qu'il faut qu'on prenne le sujet de la monoparentalité de manière globale. Et aujourd'hui, il n'y a pas une mesure plus ciblée que d'autres. Je pense que l'enjeu, c'est de pouvoir agir pour garantir la sécurité financière des familles monoparentales…
ORIANE MANCINI
Et dans le rapport de Xavier IACOVELLI, il y a notamment la question de la garde alternée. Est-ce qu'elle doit être quasi automatique, pour vous, la garde alternée ?
AGNES CANAYER
Ecoutez, je vois bien qu'aujourd'hui, quand la garde alternée est demandée, elle est accordée de neuf cas sur dix. Donc pour moi, ce n'est pas le sujet central de la famille monoparentale.
ORIANE MANCINI
Autre sujet, c'était une priorité d'Emmanuel MACRON, c'est la lutte contre l'exposition des jeunes enfants aux écrans. Ça en est où ?
AGNES CANAYER
Alors sur ce sujet-là, c'est vrai que dans mes premières rencontres et les premiers échanges que j'ai eu avec les acteurs du secteur de la Petite enfance et de l'enfance, on se rend compte que cette question des écrans, elle redevient… elle revient de manière centrale. D'abord parce que c'est un sujet pour les parents. Les parents ont de grandes difficultés aujourd'hui. Et c'est le premier sujet de conflits au sein des familles, sur la gestion des écrans, l'interdiction, le contrôle parental, etc. donc c'est un sujet de conflit. Ensuite, on connaît, aujourd'hui, c'est extrêmement documenté, les effets néfastes des écrans sur les enfants dès le plus jeune âge. Donc je souhaite qu'on puisse, assez rapidement, reprendre les travaux qui ont été faits, définir les priorités, notamment chez les tout-petits, avec l'interdiction des écrans chez les tout-petits, comme c'est assez unanimement proposé.
ORIANE MANCINI
Christelle ?
CHRISTELLE BERTRAND
Un peu de politique ?
ORIANE MANCINI
Allez !
CHRISTELLE BERTRAND
Vous êtes assez proche d'Edouard PHILIPPE. L'ancien Premier ministre est assez discret depuis la nomination de Michel BARNIER à Matignon. Quel rôle espérez-vous qu'il joue dans cette période un peu compliquée et un peu étonnante pour la majorité ?
AGNES CANAYER
Qu'il soit un élément de lien parce que je pense qu'il a…
CHRISTELLE BERTRAND
Entre les différentes familles qui se sont agrégées, aujourd'hui, au sein du Gouvernement ?
AGNES CANAYER
Tout à fait. Parce qu'Edouard PHILIPPE a - en raison à la fois de son histoire et de son engagement auprès d'Emmanuel MACRON ces dernières années, mais aussi de son positionnement politique - toute la place pour être centrale dans cette nouvelle majorité qui a été créée. Et donc, je pense qu'il a un rôle essentiel pour assurer du lien entre les différents acteurs et entre les différents groupes politiques.
CHRISTELLE BERTRAND
Et vous espérez qu'il regarde d'un œil critique aussi sur ce qui est fait par le Gouvernement ?
AGNES CANAYER
Un œil critique mais bienveillant, comme tout le monde. C'est-à-dire que je pense que l'intérêt - on l'a dit tout à l'heure - de cette majorité diverse, c'est qu'il peut y avoir des sensibilités différentes, des points de vue qui ne sont pas tout à fait les mêmes. Après, ça se discute ; on échange et on cherche quelle est la meilleure des décisions à prendre. Et c'est toujours comme ça qu'a travaillé Edouard PHILIPPE donc, je n'ai aucune inquiétude sur sa capacité à être un élément extrêmement liant au sein de cette majorité.
ORIANE MANCINI
Vous le soutiendrez pour la prochaine présidentielle puisqu'il s'est déjà déclaré ?
AGNES CANAYER
Oui, oui, il s'est déjà déclaré. J'ai déjà dit que je le soutiendrai. Donc je n'ai pas changé d'avis depuis que je suis ministre.
ORIANE MANCINI
Vous auriez pu. La configuration est nouvelle.
AGNES CANAYER
La configuration est nouvelle. Les choses peuvent évidemment changer d'ici 2027. Moi, je connais très bien Edouard PHILIPPE, je connais son engagement, je connais… Nous avons été formés avec le même homme, Antoine RUFENACHT, qui a été notre père en politique. Et d'ailleurs dont Michel BARNIER a été l'assistant parlementaire il y a longtemps. Donc tout ça… Moi, je connais ses capacités à gérer la France et donc je le soutiendrai sans problème.
ORIANE MANCINI
Merci Agnès CANAYER. Merci beaucoup d'être venue nous voir ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 octobre 2024