Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l'accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements

Remis le :

Auteur(s) : Thibault Bazin ; Sarah Tanzilli

Auteur(s) moral(aux) : Assemblée nationale

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Des événements dramatiques intervenus dans les deux dernières années ont mis en lumière la dégradation de l'accueil des jeunes enfants dans les crèches. En France, 20% des enfants de moins de trois ans sont accueillis dans des crèches. C'est dans ce contexte que l'Assemblée nationale a mis en place une commission d'enquête sur ce sujet.

La première partie du rapport est consacrée à l'étude du lien qui existe entre le modèle économique des établissements d'accueil du jeune enfant, et la qualité de l'accueil proposé aux jeunes enfants. Les travaux de la commission d'enquête mettent en lumière une politique familiale orientée, depuis plus de vingt ans, vers la création de nouvelles places d'accueil, pour répondre aux besoins des familles, et permettre aux parents de concilier vie personnelle et vie professionnelle. La politique d'accueil du jeune enfant a donc fait l'objet d'une approche essentiellement quantitative, et peu qualitative.

Les auditions réalisées et les informations complémentaires transmises par les représentants des grandes entreprises de crèches ne permettent pas de mettre à jour un lien évident entre l'augmentation du nombre de crèches privées lucratives et la diminution de la qualité d'accueil. En effet, la dégradation de la qualité d'accueil touche les crèches de tout statut juridique, car elle résulte d'un modèle économique qui finance insuffisamment les structures d'accueil du jeune enfant, et d'une pénurie de professionnels de la petite enfance que les assouplissements réglementaires successifs, visant à maintenir les places existantes, ont contribué à aggraver.
L'analyse de l'ensemble des financements publics que perçoivent les crèches, et en particulier ceux de la branche famille de la sécurité sociale met en évidence un système complexe, fondé sur une superposition de financements complémentaires visant à compenser l'insuffisance et les défauts des moyens alloués dans le cadre de la tarification à l'activité.

La seconde partie du rapport contient les 73 recommandations formulées par la rapporteure pour transformer le modèle économique des crèches, afin de garantir une meilleure qualité d'accueil pour les enfants. Elles s'articulent autour de ces quatre axes :

  • renforcer la qualité de l'accueil des enfants grâce à une évolution de la réglementation, à des contrôles plus réguliers et effectifs, ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail et des formations des professionnels ;
  • réformer, de manière structurelle, le financement des crèches afin de garantir aux structures des moyens budgétaires permettant de réellement proposer un accueil de qualité ;
  • clarifier la gouvernance du secteur des crèches, en replaçant les communes et les intercommunalités au cœur du modèle, dans le cadre du service public de la petite enfance ;
  • repenser, plus largement, la politique d'accueil du jeune enfant, en créant des alternatives à l'accueil en crèche, en lien avec les besoins fondamentaux des enfants.

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT 

INTRODUCTION

I. UN CONTEXTE PARTICULIER : LA MISE EN LUMIÈRE DE MALTRAITANCES DES JEUNES ENFANTS DANS LES CRÈCHES 
II. LE SYSTÈME FRANÇAIS D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT RESSEMBLE À CELUI DES AUTRES PAYS EUROPÉENS 
III. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À INTERROGER DANS LE CADRE DE LA CONSTRUCTION DU SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE 
A. UN CADRE JURIDIQUE RÉNOVÉ PAR LA LOI POUR LE PLEIN EMPLOI 
B. UNE POLITIQUE D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT TRÈS FORTEMENT SOUTENUE PAR DES FINANCEMENTS PUBLICS 
1. Un effort financier essentiellement porté par la branche famille de la sécurité sociale
2. Le soutien financier de l’État en faveur de l’accueil des jeunes enfants se manifeste au travers de dépenses fiscales 
3. Le tiers financement du bloc communal, soutien historique du secteur de la petite enfance 

IV. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE RELATIVE AU MODÈLE ÉCONOMIQUE DES CRÈCHES 

PREMIÈRE PARTIE : LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DES CRÈCHES, CONSTRUIT POUR FAVORISER LE PRIX LE PLUS FAIBLE ET LA CRÉATION DE NOUVELLES PLACES, NE PREND PAS EN COMPTE LA QUALITÉ D’ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS 

I. LA POLITIQUE D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT EST MARQUÉE PAR L’INSUFFISANCE DE PLACES EN CRÈCHES ET LA DÉGRADATION DE LA QUALITÉ D’ACCUEIL 
A. LA POLITIQUE FAMILIALE FRANÇAISE EST TOURNÉE VERS LA CRÉATION DE NOUVELLES PLACES EN CRÈCHES DEPUIS PLUS DE 20 ANS, DANS UNE LOGIQUE PRIORITAIREMENT QUANTITATIVE 
1. Confrontés aux manques de solutions d’accueil pour les jeunes enfants, les gouvernements successifs ont multiplié les « plans crèches » 
2. L’ouverture du secteur de la petite enfance aux acteurs privés lucratifs avait pour objectif de répondre à la demande de places en crèches 
3. Le modèle dérogatoire des micro-crèches a été créé dans le but de soutenir la création de places en crèches en milieu rural, avec des résultats cependant ambigus
4. Le développement du secteur privé lucratif fait l’objet de critiques grandissantes
B. LA QUALITÉ D’ACCUEIL, UN IMPENSÉ DE LA POLITIQUE FAMILIALE ALORS QUE LES ALERTES CONCERNANT SA DÉGRADATION SE MULTIPLIENT
1. Le constat d’une qualité d’accueil structurellement dégradée dans les crèches, quel que soit le statut juridique du gestionnaire 
2. La dégradation de la qualité de l’accueil des enfants en crèches résulte essentiellement d’une pénurie de professionnels pour encadrer les enfants 
3. Pour tenter de remédier à cette pénurie de professionnels, les pouvoirs publics ont fait le choix d’un assouplissement des exigences venant alimenter le cercle vicieux de la pénurie de professionnels
4. Dans le même temps, l’insuffisance, voire parfois l’absence, de contrôle de la qualité de l’accueil des enfants en crèche accentue la possibilité de dysfonctionnements 

II. LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DES CRÈCHES FAVORISE LA CRÉATION DE PLACES D’ACCUEIL SANS ENCOURAGER L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L’ACCUEIL PROPOSÉ
A. LES MODES DE FINANCEMENT DES CRÈCHES VISENT À RÉPONDRE AUX BESOINS DES PARENTS TOUT EN COUVRANT LES COÛTS DE FONCTIONNEMENT DES STRUCTURES 
1. La prestation de service unique, modalité de financement de droit commun, a été conçue pour répondre au plus près aux besoins des familles 
2. La prestation d’accueil du jeune enfant constitue une modalité de financement plus souple pour les micro-crèches, mais avec un reste à charge plus important pour les familles
B. LA COMPLEXITÉ ET LA DIVERSITÉ DES SOURCES DE FINANCEMENT DES CRÈCHES FINANCÉES PAR LA PSU QUESTIONNENT L’ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE DU MODÈLE 
1. Le financement du fonctionnement des crèches PSU est structurellement déficitaire et implique l’intervention d’un tiers financeur 
2. Afin de soutenir les dépenses de fonctionnement et d’investissement des gestionnaires de crèches, la Cnaf a mis en place d’un grand nombre d’aides financières complémentaires 
3. Les modes de financement des crèches ne garantissent pas la pérennité économique de ces structures 
C. LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DES CRÈCHES GÉNÈRE DES DÉRIVES TANT POUR LA QUALITÉ DE L’ACCUEIL QUE POUR LES FINANCES PUBLIQUES
1. La PSU n’encourage pas l’amélioration de la qualité d’accueil des enfants, mais peut au contraire contribuer à la dégrader 
2. Le modèle économique des micro-crèches Paje ne garantit pas la qualité de l’accueil proposé aux enfants 
3. La commercialisation des places en crèches constitue une manne financière pour les intermédiaires tout en reposant jusqu’à 75 % sur un financement public

DEUXIÈME PARTIE : RÉFORMER LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DES CRÈCHES DANS LE CADRE DE LA MISE EN ŒUVRE DU SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE POUR GARANTIR L’ÉQUILIBRE FINANCIER DES STRUCTURES ET ASSURER LA QUALITÉ DE L’ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS

I. RÉVISER LES MODES DE FINANCEMENT DES CRÈCHES ET PROMOUVOIR LA QUALITÉ DE L’ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS
A. RENFORCER LA QUALITÉ D’ACCUEIL ET L’EFFECTIVITÉ DES CONTRÔLES DES EAJE ET GARANTIR L’ÉGALITÉ DEVANT LE SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE 
1. Renforcer la réglementation applicable aux crèches en lien avec l’évolution des connaissances relatives aux besoins fondamentaux des jeunes enfants 
2. Mettre en place un contrôle régulier et effectif de l’ensemble des établissements d’accueil du jeune enfant 
3. Améliorer les conditions de travail des professionnels de la petite enfance afin de mettre fin à la pénurie de ces mêmes professionnels 
B. GARANTIR L’ÉQUILIBRE FINANCIER DES CRÈCHES PAR UNE RÉFORME STRUCTURELLE DE LEUR MODE DE FINANCEMENT 
1. Engager une refonte structurelle de la prestation de service unique afin de faire cesser l’injonction au remplissage des crèches et de permettre aux professionnels de se concentrer sur la qualité d’accueil proposée
2. Mettre à contribution les entreprises employeurs en créant une taxe affectée au profit des collectivités territoriales et en supprimant le crédit d’impôt famille et en mettant fin au mécanisme de réservation de berceaux par les entreprises
3. Mettre fin au financement dérogatoire des micro-crèches
4. Replacer les communes et les intercommunalités au cœur du financement et de l’accès aux places en crèche, en tant qu’autorités organisatrices du service public de la petite enfance 

II. METTRE EN PLACE LES MODALITÉS DE GOUVERNANCE ET LES OUTILS NÉCESSAIRES AU PILOTAGE DE LA POLITIQUE D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT DANS LE CADRE DE LA MISE EN PLACE DU SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE
A. CLARIFIER LES MODALITÉS DE GOUVERNANCE DU SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE EN DONNANT TOUTE LEUR PLACE AUX COMMUNES ET AUX INTERCOMMUNALITÉS 
1. Le rôle central des communes et des intercommunalités dans le maintien et le développement de l’offre d’accueil sur leur territoire 
2. Le rôle d’appui des Caf et des PMI pour le financement et le contrôle des crèches
3. Institutionnaliser des instances locales de gouvernance afin d’assurer un pilotage convergent et cohérent de la politique publique de la petite enfance 
4. Le pilotage national de la politique d’accueil du jeune enfant par la Cnaf et les services du ministère en charge de la famille 
B. S’ASSURER DE L’EXISTENCE D’OUTILS PERMETTANT RÉELLEMENT LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT 
1. Recenser, au niveau départemental et national, le nombre de places en crèches le nombre de professionnels manquants, en lien avec les besoins exprimés par les familles et les gestionnaires de structures 
2. Mettre en place une évaluation régulière de la réglementation applicable aux crèches et de leurs modes de financement 
C. REPENSER LA POLITIQUE D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT EN CRÉANT DES ALTERNATIVES À L’ACCUEIL EN CRÈCHE 
1. Une réforme de la qualité qui profitera de la natalité réduite mais qui contribuera, à moyen terme, à la relancer 
2. Revoir les modalités des congés parentaux à la suite d’une naissance
3. La préscolarisation des enfants à partir de 2 ans 

LISTE DES RECOMMANDATIONS 
EXAMEN EN COMMISSION 
CONTRIBUTIONS DES DÉPUTÉS
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 
RENCONTRES EFFECTUÉES PAR LA RAPPORTEURE ET LE PRÉSIDENT LORS DE LEURS DÉPLACEMENTS DE FÉVRIER 2024 
1. Meurthe-et-Moselle, 12 et 13 février 2024 
2. Rhône et Métropole de Lyon, 15 et 16 février 2024 
CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES