Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
7 h 49, Sonia DEVILLERS, votre invité ce matin est ministre de la Santé et de l'Accès aux soins.
SONIA DEVILLERS
Bonjour Geneviève DARRIEUSSECQ.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Bonjour.
SONIA DEVILLERS
On va évidemment parler des économies attendues sur l'assurance-maladie, mais d'abord l'aide médicale d'État, cette aide réservée aux sans-papiers, à nouveau au cœur de la polémique et de la politique, évidemment, son enveloppe devait augmenter l'an prochain, mais votre collègue du Budget a finalement confirmé hier soir que ce ne sera pas le cas. Pourquoi ce revirement ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ecoutez d'abord l'aide médicale d'État, je voudrais rappeler que c'est un sujet de santé et de santé publique, voire même de salubrité publique. Ensuite, il y a eu effectivement pour ces affaires de budget…
SONIA DEVILLERS
Ce qui signifie, docteur, parce que vous êtes médecin, à l'origine, ce qui signifie que vous n'êtes pas pour sa suppression, pas pour sa modification ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je ne suis pas pour sa suppression. Je me suis déjà exprimée largement sur le sujet et sa modification, elle peut se faire à la marge comme l'avait préconisé, comme le préconise potentiellement le rapport de messieurs EVIN et STEFANINI. Il y a quelques lignes que l'on peut bouger, mais ça ne changera pas le cadre général bien sûr de l'AME. Et je crois que le Premier ministre s'est d'ailleurs exprimé dans ce sens en disant : "Pas d'idéologie, on regarde ce rapport et on adapte si c'est nécessaire", donc je crois que les choses sont claires.
SONIA DEVILLERS
Alors, pourquoi ce gel ? Quand on parle de cent millions de…
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Le gel…
SONIA DEVILLERS
Quand on parle de passer de 1,2 milliard à 1,3 milliard ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je pense que ça, c'est par contre un autre sujet, c'est un sujet d'économie générale du budget et le budget qui avait, la ligne budgétaire dans le budget de l'État, parce que je rappelle que c'est une ligne dans le budget de l'État, avait été soumise à des lettres, ces fameuses lettres plafonds et ces lettres plafonds préconisaient cette augmentation. Là, le ministre du Budget estime qu'il n'y a pas lieu de passer à cette augmentation, je veux dire…
SONIA DEVILLERS
C'est une manière de répondre à Jordan BARDELLA ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non.
SONIA DEVILLERS
Non ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
C'est une manière de dire : « Écoutez, tout le monde… »
SONIA DEVILLERS
Parce qu'il ne fait que pointer le fait que l'AME va augmenter.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Jordan BARDELLA se sert de l'AME comme un épouvantail et je dois dire que ces espèces de symboles mis devant les Français sont tout à fait néfastes. L'AME, c'est le système le plus contrôlé, le plus sûr, je pense, le budget le plus sûr de notre République et le plus contrôlé.
SONIA DEVILLERS
Et Bruno RETAILLEAU, votre collègue à l'Intérieur, il s'en sert aussi comme d'un épouvantail ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Franchement, c'est un sujet de santé, je le redis, c'est un sujet…
SONIA DEVILLERS
D'accord, mais ce sera dans la nouvelle loi immigration ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
… De santé publique. Il n'est pas question aujourd'hui qu'il y ait sujet AME dans la loi immigration, qu'il faille à la marge revoir des choses, ça peut se faire de façon réglementaire.
SONIA DEVILLERS
Madame la Ministre, autre dossier chaud pour votre arrivée au ministère de la Santé : le DOLIPRANE sous pavillon américain, il y a une question qui concerne directement votre Ministère, c'est celle des risques de pénurie : faut-il s'angoisser ? Faut-il laisser les Français s'inquiéter sur des risques de rupture de stock de DOLIPRANE ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ecoutez-moi, cette affaire de DOLIPRANE, moi, au niveau qui est le mien, je veux trois garanties : d'abord la garantie que le DOLIPRANE est produit en France, la garantie d'approvisionnement normale en pharmacie pour l'accès pour nos concitoyens et la garantie que les stocks seront suffisants puisque nous demandons aux industriels de réaliser des stocks afin d'éviter les ruptures de stock dans les périodes qui sont des périodes critiques.
SONIA DEVILLERS
Sauf que vous savez que l'année dernière il y a presque 40 % des Français qui ont été confrontés à des pénuries de médicaments et que c'est un sujet qui inquiète énormément les familles.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
C'est une réalité, c'est pour cela que des actions ont été mises en œuvre pour garantir justement qu'il y aurait des stocks sur un certain nombre de produits afin d'éviter ces pénuries. Je rappelle que ces pénuries ne sont pas franco-françaises, elles le sont à l'échelle mondiale, voire et notamment à l'échelle européenne. Donc c'est une… Nous avons tout un plan d'action pour justement mettre en œuvre ces stocks et nous travaillons avec l'industrie pharmaceutique pour ne pas qu'il y ait de ruptures, sachant qu'il y a aussi des contraintes financières, de pénalités si ces stocks ne sont pas réalisés.
SONIA DEVILLERS
A se demander si elles sont assez lourdes vu la puissance financière des labos, des amendes à un million d'euros quand les stocks ne sont pas nécessaires, on voit que finalement ça ne pèse pas énormément ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je ne sais pas, un million d'euros, c'est un million d'euros.
SONIA DEVILLERS
Bon, d'accord, Budget maintenant près de cinq milliards d'euros d'économies sur les dépenses d'assurance-maladie en 2025. Geneviève DARRIEUSSECQ, est-ce que c'est un tour de vis ? Est-ce que c'est un régime sec ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Pas du tout.
SONIA DEVILLERS
Pas du tout ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je veux juste dire que l'objectif…
SONIA DEVILLERS
Cinq milliards ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non mais l'objectif de dépenses de l'assurance-maladie, ce n'est pas cinq milliards de moins, c'est surtout neuf milliards de plus, c'est-à-dire que 2,8 % d'augmentation de ce fameux ONDAM, cet objectif de dépenses de l'assurance-maladie, c'est neuf milliards de plus pour l'année 2025, c'est un objectif qui ne cesse d'augmenter, c'est plus 63 milliards par rapport à 2019 et plus neuf milliards par rapport à l'année dernière, à cette année 2024.
SONIA DEVILLERS
Donc, je traduis pour que tout le monde puisse comprendre, c'est-à-dire que votre budget est extrêmement paradoxal. Vous, à la santé, c'est-à-dire que vous faites des économies et qui ne sont pas des petites économies, cinq milliards, ce n'est pas des petites économies, c'est des économies lourdes, mais pendant ce temps-là, les dépenses, parce que votre budget est en forme de dépenses, continue d'augmenter ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Absolument, parce que les besoins sont là, parce qu'il nous faut développer l'accès aux soins, parce qu'il nous faut bien sûr protéger les hôpitaux, parce qu'il nous faut bien entendu développer des politiques, notamment par exemple dans les soins palliatifs, dans la santé mentale qui est de…
SONIA DEVILLERS
Qui fait partie des priorités ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Qui fait partie des priorités du Premier ministre et des ministres.
SONIA DEVILLERS
Sauf que l'année dernière, l'augmentation de cet objectif national de dépenses, c'était 3,2 % l'année prochaine… Cette année, pardon, 3,2 % l'année prochaine, 2,8. Donc, quand même, on est en récession sur ces objectifs ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non, nous ne sommes pas, nous ne sommes pas en récession, mais je pense que les budgets, pardon, les budgets sociaux, doivent participer à la santé budgétaire et économique de notre pays, à la santé générale de notre…
SONIA DEVILLERS
Mais c'est la santé des Français et la santé économique ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui, oui, absolument, mais je pense qu'on ne peut pas se passer de tout cela. Ce qui est demandé effectivement, les économies qui sont demandées, sont des économies structurelles importantes. Mais je crois que dans les années à venir, ce que nous aurons besoin d'imaginer, et je voudrais vraiment mettre ça sur la table, c'est la transformation de notre système de santé, qui est à l'œuvre déjà, mais qui doit se poursuivre de façon plus cadencée. Et puis aussi travailler avec les élus de la République à la transformation des prises en charge budgétaire des ressources de ces besoins.
SONIA DEVILLERS
En attendant, Madame la Ministre, il y a des mesures qui ne seront pas indolores pour les Français. Je prends l'exemple, évidemment des consultations médicales moins remboursées à l'avenir. A l'avenir, la Sécu, qui prendrait en charge 60 % au lieu de 70 %, le reste serait assumé par les mutuelles. Ça pose plusieurs problèmes. D'abord, est-ce que les mutuelles risquent d'augmenter leurs tarifs ? Puis ensuite, on va parler des Français qui n'ont pas de mutuelle, parce qu'ils sont nombreux.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Alors, à ce stade de la discussion, que nous n'avons pas encore eu avec l'Assemblée nationale, les choses ne sont pas fermées. Ce qui est attendu, c'est effectivement un quantum de transfert vers les assurances complémentaires d'un milliard d'euros à peu près. La forme n'est pas encore discutée à l'Assemblée nationale et députés et sénateurs auront à dire sur cette forme, sachant qu'ils peuvent aussi proposer des solutions d'amélioration des ressources en particulier. Ceci dit, vous avez raison de dire qu'il y a des transferts sur les mutuelles, donc certaines peuvent dire : « On augmente les tarifs ». Je crois qu'on a un travail de fond à faire avec les assureurs complémentaires. Et un rapport parlementaire récent a montré qu'il y a eu des augmentations qui n'étaient peut-être pas en adéquation avec les besoins.
SONIA DEVILLERS
Et ces Français qui n'ont pas de complémentaires santés ? C'est-à-dire, vous n'êtes pas seulement ministre de la Santé, vous êtes aussi ministre de l'Accès aux soins. C'est une vraie question, le renoncement aux soins, parce que dans l'étude qui est parue récemment, sur les trois millions de personnes qui renoncent chaque année aux soins en France, la moitié le font pour des raisons financières.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Alors, la très grande, 95 % des Français ont des assurances complémentaires, notamment depuis qu'il a été mis en œuvre une participation des employeurs à cette assurance complémentaire. Moi, je suis effectivement inquiète sur une partie de la population, notamment les retraités, avec des petites retraites, qui souvent n'ont pas forcément parce qu'il n'y a plus d'employeur, là, il y a plus de cadres conventionnels, et qui ont certainement des difficultés à accéder aux mutuelles. Je veux travailler sur ce sujet, parce que moi, mon sujet, c'est de protéger les plus fragiles.
SONIA DEVILLERS
Merci Geneviève DARRIEUSSECQ.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ.
Merci à vous.
NICOLAS DEMORAND
Et merci Sonia DEVILLERS.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 octobre 2024