Déclaration de M. Laurent Saint-Martin, ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, au Sénat le 17 octobre 2024.

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Circonstance : Audition devant la commission des affaires sociales du Sénat

Texte intégral

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous débutons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 en accueillant M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

Monsieur le ministre, vous avez présenté ce PLFSS le 10 octobre dernier, avec neuf jours de retard sur le calendrier prévu par la loi organique du fait des suites de la dissolution de l'Assemblée nationale, dans un contexte financier délicat.

Ainsi, alors que la sécurité sociale semblait engagée sur la voie du rétablissement de ses comptes, la crise du covid-19 a entraîné l'accumulation de déficits très lourds et surtout durables.

De fait, malgré les mesures parfois difficiles qui figurent dans le présent PLFSS, la trajectoire financière jusqu'en 2028, annexée à ce texte, reste préoccupante. Pour tout dire, elle ne semble pas compatible avec le maintien de l'objectif d'une extinction de la dette sociale en 2033.

Monsieur le ministre, je vous laisse détailler le contenu de ce PLFSS ainsi que, plus largement, votre vision des comptes de la sécurité sociale. Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, en commençant par notre rapporteure générale Élisabeth Doineau.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. - Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis d'être devant vous ce matin. Je commencerai, si vous le voulez bien, par un point de calendrier et de méthode.

Vous l'avez rappelé, monsieur le président, ce texte a été déposé tardivement. Par définition, tout projet de loi est perfectible, puisqu'il est amendable, mais, au regard de ses conditions de préparation, celui-ci l'est sans doute un peu plus qu'à l'accoutumée – je le dis en toute humilité. Il sera bien évidemment soumis à la discussion parlementaire, mais nous sommes aussi en lien avec les partenaires sociaux, organisations patronales comme syndicales. D'ailleurs, dès lundi dernier, devant la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), j'ai répété que nous entendions être à l'écoute de toutes les propositions dès lors qu'elles concourent au redressement des finances sociales.

Les textes financiers présentés cet automne ont en effet pour cap le redressement de nos comptes publics, préalable indispensable à l'avenir de nos politiques publiques, en particulier de nos politiques sociales.

C'est autant à la lumière de la situation globale de nos finances publiques, toutes administrations publiques confondues, que de la situation spécifique des comptes sociaux que le présent PLFSS prend sens. Le Premier ministre l'a affirmé dès sa prise de fonction, la situation de nos finances publiques est grave. Il ne s'agit pas de céder à l'anxiété, mais de faire preuve de gravité ; le redressement de nos comptes publics est une nécessité.

Nous devons dès 2025 fournir un effort exceptionnellement ambitieux de deux points de PIB si nous voulons ramener le déficit public à 5 % en 2025, condition elle-même nécessaire à un retour sous les 3 % à l'horizon 2029 – vous aurez noté, évidemment, le report de l'échéance. Cela représente un effort inédit, mais nécessaire, de l'ordre de 60 milliards d'euros. La dette, qui dépasse 3 220 milliards d'euros cette année, et le déficit, estimé à 6 % pour 2024, sont bien l'affaire de toutes les administrations publiques – j'insiste sur ce point.

C'est pourquoi nous proposons, dans les différents textes financiers que nous présentons, un effort partagé : l'État et ses opérateurs contribueraient à hauteur de 52 % à l'effort de maîtrise de la dépense publique, la protection sociale à hauteur de 36 % et les collectivités locales à hauteur de 12 %. Autrement dit, la dépense primaire de l'État diminuerait de 1 %, celle des collectivités locales serait stable et celle des administrations sociales progresserait de 0,6 %.

S'agissant des comptes sociaux, le rapport présenté par le secrétaire général de la CCSS lundi dernier illustre très clairement la gravité de la situation. Le déficit de la sécurité sociale dépassera en 2024 de près de 8 milliards d'euros le niveau des crédits votés en loi de financement initiale. En 2025, sans mesures nouvelles, le déficit de la sécurité sociale s'élèverait à 28 milliards d'euros. Tout le monde comprendra qu'un tel niveau n'est pas soutenable et qu'il y a urgence à renverser la vapeur.

Le PLFSS pour 2025 marque donc une étape importante dans le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux, mais une étape seulement, car l'effort de rééquilibrage devra se poursuivre sur plusieurs exercices.

La responsabilité impose d'abord de renouer avec une trajectoire soutenable de finances sociales, première condition de la pérennité de notre modèle de protection sociale fondé sur la solidarité intergénérationnelle et cher à tous les Français.

Vous connaissez les raisons du déséquilibre actuel. Nous avons fait le choix, nécessaire et juste – j'en suis profondément convaincu – de dépenser ces dernières années pour protéger nos concitoyens contre les crises sanitaire et économique, mais aussi pour renforcer un certain nombre de services publics liés à nos dépenses sociales, notamment au travers du Ségur de la santé.

Ces crises étant à présent derrière nous, la croissance attendue l'an prochain à 1,1 %, le chômage au plus bas depuis quarante ans, tutoyant la barre des 7 %, l'inflation revenant sous les 2 %, nous proposons donc pour 2025 un effort de freinage proportionné de la dépense sociale.

Les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) afficheraient ainsi une progression maîtrisée de 2,8 %, contre 5,3 % en 2024, soit 18 milliards d'euros. Le PLFSS prévoit des premières mesures visant à redresser le solde dès 2024 et, pour 2025, quatre piliers équilibrés permettront de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d'euros, tout en finançant des mesures nouvelles.

Premier pilier, le report de l'indexation des pensions de retraite – les minima seront quant à eux revalorisés selon le calendrier habituel – permettra de dégager plus de 3 milliards d'euros. S'y ajouteront plus de 2 milliards d'euros au titre du relèvement de quatre points du taux de cotisation des employeurs publics à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Deuxième pilier, il importe de se préoccuper de la maîtrise de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), dont la progression sera ramenée à son niveau spontané de 2,8 %. Les engagements pris par le Gouvernement, qui avoisineront 5 milliards d'euros, seront donc financés à due concurrence par des efforts de maîtrise de la dépense d'un montant équivalent, lesquels devront reposer de façon équilibrée sur les différents acteurs du système de santé.

Concrètement, cet effort passera par le relèvement du ticket modérateur à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Cette mesure, qui devrait être invisible pour les assurés, permettra en revanche un juste rééquilibrage des dépenses de santé entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires, dont il faut rappeler que la part dans la consommation de soins et de biens médicaux baisse tendanciellement. Je rappelle par ailleurs que le reste à charge des Français, qui a baissé de deux points au cours des dix dernières années, est le plus faible de tous les pays de l'OCDE.

La baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières, qui sera sans effet sur les salariés rémunérés en deçà de 1,4 Smic, permettra de dégager 600 millions d'euros d'économies dès 2025. Enfin, le relèvement des franchises et des participations forfaitaires, acté dès 2024, montera en charge pour atteindre 300 millions d'euros en 2025.

Des mesures d'efficience sont également prises. Les plans de maîtrise du prix des produits de santé, pour 1,2 milliard d'euros, et de sobriété des usages, à hauteur de 400 millions d'euros, permettront de contenir à 2,3 % la progression des dépenses de produits de santé. Des économies de 700 millions d'euros sont attendues de la rationalisation des achats à l'hôpital et dans les établissements médico-sociaux ; 300 millions d'euros des mesures de maîtrise des dépenses de radiologie et d'imagerie médicale ; 300 millions d'euros enfin de la régulation des soins de ville et des dépenses liées au covid-19.

Au-delà de ces 4,9 milliards d'euros d'économies que je viens de résumer brièvement, les efforts de lutte contre la fraude doivent s'intensifier. Nous ne pouvons, d'un côté, nous satisfaire du niveau de fraude dans certaines branches, en particulier la branche famille, et expliquer de l'autre qu'il faut freiner les dépenses. Nous poursuivrons donc les actions engagées avec les caisses du régime général pour renforcer de manière significative les moyens consacrés à cette politique, suivant le programme engagé pour la période 2023-2027. La lutte contre la fraude nécessite des investissements, mais ce sont des dépenses nécessaires. À l'horizon 2027, les effectifs auront augmenté de 20 % par rapport à 2022, nous aurons formé 450 cyberenquêteurs et modernisé les systèmes d'information. Nous nous donnons également les moyens de lutter contre la fraude aux cotisations sociales en lien avec l'Urssaf et la Mutualité sociale agricole (MSA).

Troisième pilier, les réformes d'efficience comme la refonte des allégements généraux doivent nous permettre de lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaire tout en dépensant moins. Mme la ministre du travail et de l'emploi aura l'occasion de vous en parler plus longuement, mais nous pourrons évidemment évoquer ce sujet.

Quatrième et dernier pilier, il convient de réviser les niches socio-fiscales dans le cadre des réformes portées notamment au travers des dispositifs sectoriels prévus à l'article 7 de ce texte. Il s'agit, par exemple, de mieux prendre en compte les avantages en nature tels que les véhicules de fonction et, plus globalement, de lutter contre l'optimisation socio-fiscale.

Le présent PLFSS assume donc un coup de frein réel, mais un coup de frein que nous estimons raisonnable et qui nous laisse suffisamment de marges de manœuvre pour préserver, d'une part, le système de protection sociale lui-même, et, d'autre part, le financement de mesures nouvelles. Parmi celles-ci, les revalorisations accordées aux professionnels de santé libéraux représenteront 1,6 milliard d'euros de dépenses nouvelles en 2025. Nous continuerons aussi à agir pour l'hôpital, dont le budget progressera de plus de 3 milliards d'euros, et pour les établissements sociaux et médico-sociaux, dont le budget sera rehaussé de plus de 2 milliards d'euros pour honorer les engagements pris dans le champ du handicap et du grand âge.

En conclusion, notre texte prévoit, je le crois, un effort juste de maîtrise de la dépense, partagé entre les branches, et surtout cohérent avec les besoins identifiés et les priorités du Gouvernement.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'aurai trois questions.

Première question : le PLFSS pour 2025 prévoit, pour l'exercice 2024, un déficit de 18 milliards d'euros, c'est-à-dire de 8 milliards de plus, dites-vous, par rapport à ce qui figurait dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2024 ; les chiffres sont de plus en plus vertigineux. Selon le rapport de la CCSS, cela s'expliquerait en quasi-totalité par des recettes, essentiellement fiscales – notamment de TVA –, inférieures aux prévisions. En outre, les emplois créés au cours des dernières années étant souvent des emplois bas salaires, la politique d'allégements généraux a entraîné de moindres recettes de cotisations. Pouvez-vous expliquer cette erreur de prévision ? De nouvelles mauvaises surprises sur les recettes sont-elles à craindre sur la période de programmation ? Ou vous semble-t-il au contraire que ces moindres recettes en 2024 peuvent se traduire par un rebond spontané des recettes, au moins fiscales ?

Ma deuxième question concerne les allégements de cotisations patronales, sans préjudice des explications que nous donnera la ministre du travail et de l'emploi. Le rapport d'Antoine Bozio et Étienne Wasmer est très intéressant, mais les solutions dont il fait état sont à moyens constants, alors que le Gouvernement envisage de réduire ces allégements. Dans une récente interview au journal Les Échos, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef) s'est dit "totalement opposé à cette mesure", considérant qu'elle détruirait "plusieurs centaines de milliers de postes, dans les secteurs très pourvoyeurs d'emploi sur les territoires, en proximité : la propreté, la restauration collective, l'aide à la personne..." Les prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publiées hier, avancent le chiffre de 50 000 emplois détruits en trois ans, ordre de grandeur qui me paraît plus réaliste. Le Gouvernement a-t-il chiffré, de son côté, l'impact de la mesure sur l'emploi ? Des ajustements vous semblent-ils envisageables pour minorer cet impact ?

Enfin, dernière question, si la sécurité sociale est amenée à connaître un déficit durable d'environ 20 milliards d'euros, la dette sociale va continuer d'augmenter. J'ai bien noté que le PLFSS prévoit de permettre à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de s'endetter à deux ans, et non plus seulement à un an, mais il s'agit tout de même d'endettement de court terme. Si l'on veut éviter de se retrouver dans la même situation qu'en 2020, quand l'Acoss s'était trouvée dans l'incapacité d'emprunter sur les marchés, il faudra réaliser de nouveaux transferts de dette sociale à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui emprunte à long terme. Ces nouveaux transferts impliqueront de repousser l'échéance d'amortissement de la dette sociale au-delà de 2033, ce qui nécessitera une loi organique. Où en sont les réflexions du Gouvernement sur cette question ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je commencerai par répondre à votre question sur les prévisions de recettes, car, c'est vrai, les moindres recettes fiscales ont un impact non seulement sur les comptes de l'État, mais également sur les comptes sociaux, notamment, en effet, au travers de la TVA. La composition de la croissance a été différente de celle qui avait été estimée l'année dernière : il y a eu plus d'exportations – c'est une bonne nouvelle pour notre solde commercial –, mais il y a eu moins de consommation, ce qui a un effet immédiat sur la TVA, dont les recettes ont été plus faibles que prévu. À cela s'ajoute le ralentissement économique que l'on a connu à l'échelle européenne. Tout cela a des conséquences sur nos comptes sociaux, vous avez raison.

Toutefois, je le rappelle, les recettes de la sécurité sociale sont bien en hausse ; simplement, nos dépenses sociales sont en forte hausse. Il nous faut considérer cette situation avec lucidité, mais le travail continue néanmoins à financer grandement notre système de protection sociale, ainsi que celui-ci a été conçu. Les allégements généraux ont permis de créer de l'emploi dans notre pays : si le chômage a baissé de plus de 2 points, c'est notamment parce que nous avons amélioré notre compétitivité-coût, donc diminué le coût du travail. Il faut prendre la mesure des volumes d'économies et de dépenses que cela représente pour l'État : les allégements généraux représentent quelque 80 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros sur les quatre dernières années. Si vous me demandez personnellement si je pense que cette politique a été bonne pour l'emploi, je vous répondrai oui. Mais si vous me demandez si le fait de freiner cette dépense à hauteur de 4 milliards d'euros, ainsi que nous le proposons dans ce PLFSS, est une mesure raisonnable, je vous répondrai oui également. Nous pouvons donc demander aux entreprises, tout en luttant contre la "démiscardisation" – c'est le sujet du rapport Bozio-Wasmer –, d'absorber un freinage des aides publiques en matière d'allégements généraux à hauteur de 4 milliards d'euros ; rapporté aux 80 milliards d'euros, cela ne me paraît pas excessif. Cette contribution des entreprises ne devrait pas avoir un impact trop important sur l'emploi. Telle est ma conviction.

La réflexion initiale des économistes Bozio et Wasmer n'en perd pas pour autant sa pertinence, à savoir comment lutter contre la trappe à bas salaire que représente le nombre trop important d'emplois au Smic. En effet, les allégements généraux totaux, combinés à la prime d'activité, ont probablement contribué à maintenir l'emploi à ce niveau de salaire. L'enjeu est donc d'augmenter les salaires, car la différence entre le salaire médian et le Smic demeure trop faible.

Nous pensons qu'il faut inciter les employeurs à augmenter les salaires, notamment en rendant plus incitatifs, par la baisse des cotisations patronales, les salaires compris entre 1,3 et 1,8 Smic. C'est ce qui sera proposé, en deux temps – en 2025 et 2026 –, afin d'inciter à embaucher ou à augmenter les salaires jusqu'à cette tranche. Je le reconnais, il y a eu sans nul doute des effets pervers liés à l'absence totale de charges au niveau du Smic, à laquelle s'est ajouté, je le répète, l'effet de la prime d'activité. Cette réforme est donc nécessaire.

Je comprends donc les inquiétudes du président du Medef ; même si ses termes me semblent excessifs, il faut prendre ses propos avec sérieux, pour éviter de faire un zigzag complet et devenir un pays dont le coût du travail serait confiscatoire et contraire à la politique d'attractivité que nous avons menée au cours des dernières années. En revanche, on peut considérer qu'une économie à hauteur de 4 milliards d'euros, rapportée au montant des aides octroyées au cours des dernières années et à la réalité de nos finances publiques, serait équilibrée, raisonnable, et ne remettrait en question ni la politique pour l'emploi, qui a été une réussite, ni la lutte contre la désmicardisation selon le schéma "Bozio-Wasmer".

J'en viens à la question de la dette sociale. La loi organique de 2020 permettait de prolonger l'amortissement de notre dette sociale jusqu'en 2033. Aujourd'hui, nous amortissons la dette à hauteur d'environ 16 milliards d'euros par an et, si tout se passe bien, nous devrions l'avoir amortie d'ici à 2032. Il n'y a donc pas de raison d'examiner un nouveau projet de loi organique pour prolonger la durée de vie de la Cades et l'amortissement de notre dette sociale. Néanmoins, il faut rester vigilant, car la spécificité des finances sociales réside dans le fait qu'il s'agit de dépenses de guichet et de dépenses de nécessité, qui nécessitent parfois une adaptation de l'amortissement de notre dette.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Le PLFSS pour 2025 actualise la prévision de déficit de la branche maladie en 2024 à hauteur de 14,6 milliards d'euros, contre 8,5 milliards prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2024. Il laisse espérer un léger redressement en 2025, avec un déficit qui atteindrait 13,4 milliards d'euros, puis prévoit une nouvelle dégradation dans les années suivantes, jusqu'à un déficit de près de 15 milliards d'euros en 2028. En parallèle, le PLFSS fixe une progression de l'Ondam à hauteur de 2,8 %, que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) considère comme très optimiste en raison de prévisions d'économie jugées incertaines.

J'aurai donc trois questions.

La première porte sur la situation préoccupante de la branche maladie. Les trajectoires pluriannuelles conduisent à s'interroger depuis plusieurs années sur la soutenabilité financière de cette branche. Prenons l'exemple des dépenses du Ségur de la santé. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que les mesures devaient être financées. Or les dépenses liées au Ségur, supportées par la branche assurance maladie à hauteur de 11 milliards d'euros par an pour les revalorisations salariales, ne sont toujours pas financées ; je ne dis pas qu'il ne fallait pas procéder à cette revalorisation, je dis juste qu'elles ne sont pas financées. Ces dépenses ne seront pas les seules à peser dans le déficit de la branche, mais elles constituent des dépenses structurelles, et il s'agit tout de même d'un montant de 11 milliards d'euros. Quelles marges de manœuvre le Gouvernement envisage-t-il pour financer les dépenses structurelles de la branche assurance maladie dans un horizon pluriannuel ?

Ma deuxième question porte, comme la troisième, sur l'Ondam. Les précédents gouvernements nous ont habitués à un dépassement systématique de cet objectif ; comment convaincre les parlementaires que la trajectoire fixée par ce PLFSS peut être, cette fois-ci, respectée ?

Enfin, l'Ondam est un objectif prévisionnel, qui ne constitue pas un plafond de dépenses ; est-il toujours un outil de régulation et de pilotage efficace ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - J'aurai deux questions concernant la branche autonomie, dont les perspectives financières sont très dégradées.

L'exercice 2024 devrait s'achever sur un excédent de 900 millions d'euros, mais, ensuite, la situation va se dégrader, avec un déficit de 400 millions en 2025 et qui se poursuivra pour atteindre 1,5 milliard en 2028. C'est particulièrement inquiétant au regard du défi que nous avons à relever concernant l'autonomie. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette dégradation des prévisions et les pistes que vous envisagez pour préserver l'équilibre budgétaire de la branche ?

Ma deuxième question concerne les relations entre la branche autonomie et les départements. La branche ne verse rien de moins que douze concours différents à ces derniers ; le système est donc assez illisible. Ainsi, tant les départements que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) demandent une réforme de ces concours pour en améliorer l'efficience. Envisagez-vous d'étudier une telle réforme ?

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Ma première question concerne les indemnités journalières (IJ) du congé de maternité postnatal. Ces indemnités ont été transférées l'année dernière à la branche famille, alors qu'elles relevaient précédemment de la branche assurance maladie. Cela me semble illogique, car figure, sur les feuilles de paie, la mention "Assurance maladie, maternité, décès". Ce transfert, représentant une somme de 2 milliards d'euros, ne devait concerner qu'une année. Quel est votre point de vue sur ce sujet ? La branche famille, privée de ces 2 milliards d'euros par an, ne peut plus tenir ses engagements précédents, notamment la réforme du mode de garde et le service public de la petite enfance.

Ma deuxième question est de portée plus générale. Avec de tels déficits, nous sommes en train de faire payer nos dépenses sociales à nos enfants. Un chiffre me préoccupe particulièrement : nous allons rembourser 16 milliards d'euros à la Cades l'année prochaine, mais nous risquons d'emprunter d'un autre côté 20 milliards. Cela n'est pas durable ! Quelle est votre vision à moyen terme concernant la Cades et notre niveau d'endettement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je commencerai par la branche maladie.

L'Ondam est-il trop optimiste ? Objectivement, au cours des dernières années, le dépassement de l'Ondam a été réduit ; il faut continuer dans cette voie et faire en sorte que les dépenses exécutées s'approchent le plus possible de l'Ondam, qui reste un objectif.

Est-ce un bon outil de pilotage ? C'est en tout cas celui qu'a défini le législateur organique. En tout état de cause, nous avons besoin d'un pilotage fin et nous devons garder une ambition politique ferme pour respecter cet objectif. Faut-il aller jusqu'à en faire un plafond de dépenses ? Je vous renvoie la question ! Selon moi, on peut aujourd'hui travailler avec l'Ondam de façon responsable, tout en ayant des politiques publiques claires en matière de dépenses sociales. Cela ne me semble pas être la priorité du moment, bien que ce débat existe et ait refait surface au moment de la révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss) ; je relève qu'à l'occasion de cette révision a été instauré l'équivalent d'une loi de règlement, qui permet d'instaurer un enchaînement, vertueux à mes yeux, entre l'autorisation et la certification des comptes.

Il y a en effet une prévision d'augmentation du déficit de l'assurance maladie à partir de 2026. Il faudra donc poursuivre les efforts, vous avez raison, et c'est un processus pluriannuel. C'est d'ailleurs vrai pour l'ensemble des branches ; il conviendra de remettre les dépenses en perspective en fonction de la réalité des recettes, c'est la spécificité des finances sociales, je le disais précédemment. J'y insiste, nous tenons tous à ce modèle et, pour le préserver, il faut le rendre soutenable, en ayant la capacité de freiner la dépense par rapport à la réalité des recettes.

J'en viens aux questions portant sur la branche autonomie.

Tout le monde le sait, cette cinquième branche, nouvellement créée, va connaître une augmentation des dépenses. La question est donc de savoir quelles recettes mettre en face. Je ne veux pas parler à la place de Paul Christophe, mais je pense qu'il ne faut s'interdire aucun débat à ce sujet. Le Gouvernement veut tenir un discours de vérité ; donc il faut dire que, face aux besoins de l'autonomie, nous avons besoin de réfléchir au financement de la branche. Ce financement passe-t-il nécessairement par une nouvelle cotisation ? Pas forcément, mais il faudra trouver des sources de financement, c'est une réalité objective, implacable, et le déficit ne saurait constituer une réponse acceptable. Je ne doute pas que Paul Christophe propose des réformes à ce sujet.

Vous évoquez, madame Deseyne, la situation des relations de cette branche avec les départements. Je suis également favorable à la simplification, notamment à la fusion des secteurs de soins et d'autonomie, étape nécessaire, mais non suffisante.

J'en viens à la branche famille. Vous me posez la question, monsieur Henno, du transfert des IJ de la branche assurance maladie à cette branche et qui, me dites-vous, ne devait porter que sur une année. Avant de vous répondre, je vais me renseigner sur ce point. Cela dit, le fait que ces indemnités relèvent de la branche famille ne me paraît pas totalement contre-intuitif, cela a du sens. Ensuite, sur le fond, pourquoi a-t-on fait cette réforme ? Pour que ces dépenses ne grèvent pas la branche assurance maladie, qui est en déficit. Aussi, il me paraît nécessaire que la part employeur pour les salaires supérieurs à 1,4 Smic soit plus importante.

D'ailleurs, pour revenir à une question de Mme Imbert, qui me demandait pourquoi, cette fois-ci, on croirait à cet Ondam, je précise qu'il faut, évidemment, que les mesures réglementaires suivent et soient à la hauteur des enjeux.

Vous soulevez ensuite, monsieur le sénateur, la question de la Cades et de la dette sociale. Précisément, la maîtrise nécessaire de nos comptes sociaux vise aussi à ne pas prolonger l'amortissement de notre dette. Prévoir une trajectoire de remboursement de notre dette sociale est sain, c'était une sage décision, et je ne crois pas que l'on se prive de recettes pour notre sécurité sociale en remboursant la dette sociale ; cela relève de l'esprit de responsabilité. Si l'on se traînait indéfiniment une dette publique collective – dette sociale et dette de l'État –, cela coûterait probablement plus cher et cela nous empêcherait de continuer à financer nos priorités sociales. Le meilleur moyen d'éviter une prolongation de la Cades est de rétablir l'équilibre de nos comptes sociaux ; pardon pour cette lapalissade, mais la priorité doit être celle-là et c'est celle du Gouvernement. Nous n'élaborons pas un projet de budget comportant une augmentation des dépenses et une prévision de recettes incertaines en nous disant qu'il suffira de reprolonger la Cades. Nous souhaitons respecter le calendrier prévu, même si, Mme Imbert l'a dit, il n'y a pas beaucoup de marges de manœuvre : notre objectif politique est d'abord de réduire le déficit, il ne s'agit en aucun cas de prolonger la Cades.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je me félicite que le PLFSS amorce une remise à plat, quoique timide, de la politique d'exonérations massives et croissantes de cotisations sociales, d'autant que celle-ci n'était associée à aucune conditionnalité et qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre évaluation. Cela dit, pour redresser nos finances publiques, nous avons plus d'ambition que vous du côté des recettes. Vous le savez, la révision des allégements généraux proposée dans ce PLFSS, suivant les préconisations de MM. Bozio et Wasmer, sera insuffisante, puisqu'elle ne rapportera que 4 milliards d'euros, sur une politique d'exonérations qui représente 80 milliards d'euros.

Surtout, pour ce qui concerne le budget de la sécurité sociale, qui nous intéresse ici, ce reprofilage ne s'attaque guère aux réels problèmes que constituent les exemptions d'assiettes et les exonérations non compensées des dispositifs de complément de salaire désocialisés. Or, selon la Cour des comptes, ces niches sociales, notamment les compléments de salaire désocialisés et l'exonération non compensée des heures supplémentaires, ont augmenté de 8 milliards d'euros entre 2018 et 2022 et de 9,4 milliards entre 2018 et 2023. Sans ces pertes de recettes, l'évolution des dépenses n'aurait pas conduit à des déficits : la dynamique des recettes a été délibérément entravée. Aussi, pensez-vous que la réduction de seulement 700 millions d'euros des niches sociales soit à la hauteur des enjeux ? D'ailleurs, comment avez-vous calculé cette économie ?

Deuxième question : le report, du 1er janvier au 1er juillet, de la revalorisation des retraites est-il pérenne ? Si cette revalorisation est toujours basée sur douze mois glissants, indépendamment des six mois non revalorisés, qui représenteront une perte sèche de 3 milliards d'euros puisque l'inflation suit une tendance baissière, la revalorisation sera-t-elle inférieure à celle qu'elle aurait été en se fondant sur l'indice des prix au 1er janvier ?

Par ailleurs, je souhaiterais que l'on remette à plat les forfaits sociaux censés compenser les exemptions d'assiettes. Cet objectif n'est pas atteint, puisque le rendement est passé de 43 % en 2017 à 35 % en 2023. Comptez-vous compenser ces 8 points perdus ?

Quand mettrons-nous réellement en application la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite Veil, pour contrer toutes les exonérations non compensées et les exemptions d'assiette injustifiées ?

Par ailleurs, avez-vous pris en compte, dans votre prévision de croissance de 1,1 %, l'impact récessif estimé par l'OFCE de 0,8 point de croissance qu'entraînera votre plan de 40 milliards d'euros de réduction des dépenses ? Ou bien la croissance ne sera-t-elle que de 0,3 % ?

Enfin, il existe des fraudes sociales à la cotisation et à la prestation. Comment se répartissent les économies que vous escomptez de la lutte contre la fraude entre ces deux types de fraude ? Je le rappelle, ces fraudes sont majoritairement constituées de fraudes à la cotisation.

Mme Céline Brulin. - Vous avez indiqué que le redressement des comptes publics était l'affaire de toutes les administrations publiques ; je pense qu'il sera surtout l'affaire de nos concitoyens.

Je pense d'abord aux retraités, dont la revalorisation de la pension sera reportée du 1er janvier au 1er juillet, ce qui représente une contribution de leur part de près de 4 milliards d'euros, plus importante donc que celle des entreprises, via le réaménagement des exonérations de cotisations sociales, qui sera partiellement compensé – à hauteur de 1 milliard d'euros – par la diminution de l'impôt sur les sociétés.

Je pense ensuite aux patients, qui subiront la hausse du ticket modérateur, après le doublement des franchises médicales et l'augmentation du ticket modérateur pour les soins dentaires. Vous indiquez que cela sera invisible pour les assurés ; c'est faux. Les complémentaires ont déjà augmenté leurs tarifs – peut-être même au-delà de ce qu'elles auraient dû faire – et risquent de les augmenter encore, ce que les cotisants ressentiront, à moins de souscrire un contrat qui les couvrent moins bien.

Je pense enfin aux collectivités. L'augmentation de 4 points de la cotisation retraite des agents des collectivités, pour la CNRACL – c'est d'ailleurs également vrai pour les agents hospitaliers – entraînera une hausse considérable des dépenses de fonctionnement de nos collectivités, ce qui risque de nuire aux services qu'elles rendent au quotidien. C'est particulièrement injuste parce que le secteur privé ne sera pas mis à contribution de cette manière-là. En outre, le déséquilibre de la CNRACL est lié à des contributions de cette caisse en faveur d'autres caisses déficitaires et au fait qu'il y a de plus en plus d'agents contractuels, pour lesquels les employeurs ne cotisent pas à la même caisse.

Il faut absolument revenir sur ces éléments. Notre système de protection sociale est historiquement assis sur des cotisations liées au travail, mais, toute une partie de l'économie étant financiarisée, pourquoi ne pas mettre à contribution, pour notre système de protection sociale, les revenus considérables qui en sont tirés ?

M. Bernard Jomier. - Monsieur le ministre, je ne vous cache pas ma perplexité : en vous écoutant, j'ai l'impression de vivre une dystopie. Il y a trois jours, devant la CCSS, il y avait quatre ministres, tous issus de la mouvance présidentielle. Vous gérez donc les finances sociales depuis 2017, vous n'êtes pas issus d'une génération spontanée. L'an dernier, déjà, vous nous aviez présenté une évolution prévisionnelle des finances sociales qui ne comportait aucune perspective de retour à l'équilibre après la crise covid. Vous portez donc depuis bientôt huit ans cette politique, qui conduit les comptes sociaux droit dans le mur.

En effet, que proposez-vous ?

En ce qui concerne les recettes, nous demandons depuis des années, non la suppression de toutes les exonérations – certaines nous semblent justifiées –, mais l'évaluation de leur impact sur l'économie et l'emploi. Or, si ces évaluations commencent à poindre, elles sont loin d'être achevées et le lien entre les évaluations et la décision de maintenir ou de supprimer les exonérations n'est toujours pas établi. Vous faites un choix politique, le choix de ne pas reprendre trop de transferts aux entreprises, mais ce choix n'est pas fondé sur l'efficacité de la défense publique et sur l'équilibre de notre système social. Nous verrons donc ce qu'il ressort du débat parlementaire, nous entendons vos arguments et vos propositions. Sans doute, nous pouvons vous donner acte d'ouvrir enfin le débat sur le sujet, mais avec quel retard ! Et au prix de quel gaspillage d'argent public ! Car tout cet argent transféré sans garantie d'efficacité a manqué à nos services publics au cours des dernières années.

En ce qui concerne les dépenses, vous ne changez pas le cadre. Prenons l'exemple de l'hôpital. Les fédérations hospitalières nous indiquent qu'une hausse de 6 % de leurs ressources est nécessaire au regard de leurs missions actuelles, et un rapport sénatorial, rédigé par Catherine Deroche il y a deux ans, démontrait la nécessité de redéfinir le périmètre de l'hôpital public pour mettre ses moyens en adéquation avec ses missions. Or vous ne changez pas le cadre : vous proposez une augmentation des crédits affectés à l'hôpital de quelque 3 %, mais en y intégrant des transferts, de sorte que la hausse à périmètre constant ne dépassera pas 2 %, en gros le niveau de l'inflation. On sait donc d'ores et déjà que l'hôpital n'y arrivera pas. Chaque ministre des comptes publics affirme tous les ans qu'il n'y a pas de problème et que les hôpitaux ne sont pas soumis à l'inflation. Résultat : le déficit hospitalier ne cesse de croître et vient de dépasser 1 milliard d'euros.

M. Philippe Mouiller, président. - Deux milliards !

M. Bernard Jomier. - Vous voyez, je suis modéré, je suis même en dessous de la réalité !

Bref, le budget des hôpitaux ne tiendra pas avec cette augmentation de 1,8 % ou 1,9 %. En un mot, on n'avance pas plus sur le volet des dépenses.

En janvier 2018, j'avais applaudi au discours "Ma santé 2022", parce qu'il s'agissait de penser le budget de santé autrement, de discuter des objectifs de santé, non seulement entre Bercy et le ministre de la santé, mais avec les territoires, les acteurs, les élus. Or, en huit ans, vous n'avez mené aucune réforme structurelle. Vous ne faites que transférer de l'argent vers les entreprises ou vers l'État, tout en transférant la dette de celui-ci vers la Cades. Comprenez donc que nous nous interrogions sur la direction que vous entendez donner à notre système de protection sociale.

Vous avez abordé la question du financement par le travail ou par la fiscalité, c'est un véritable sujet ; vous avez effleuré, sans aller plus loin, celle des organismes complémentaires. Un rapport, issu des rangs de votre majorité, indique que les mutuelles ne fonctionnent pas ; si le périmètre de la sécurité sociale est réduit et que les mutuelles ne fonctionnent pas, qui va financer la santé ? Voilà où nous en sommes. Nous n'en sommes plus à discuter de l'affectation du budget sur tel ou tel poste, car les prévisions pluriannuelles sont alarmantes. Et, ne nous racontons pas de fables, il faudra prolonger la Cades de vingt ans : vous financez la sécurité sociale par l'emprunt !

Bref, quel modèle de protection sociale voulez-vous ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Mon intervention portera sur les retraites agricoles.

Le Sénat a adopté une proposition de loi de notre collègue Philippe Mouiller visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles. Cette réforme devait s'appliquer à compter de 2026, mais le PLFSS pour 2025 repousse la mise en œuvre de cette mesure à 2028. Pouvez-vous expliquer pourquoi et nous dire ce qui nous garantit qu'elle sera appliquée à cette date ?

Le groupe CRCE-K s'est toujours opposé aux allégements de cotisations sociales, car il sait que de telles mesures érodent le budget de la sécurité sociale. Elles ont coûté près de 80 milliards d'euros en 2023, sans avoir un impact réel sur les salaires et l'emploi. J'aimerais obtenir la liste des entreprises concernées par la suppression d'allégements de charges, si vous l'avez en votre possession.

Enfin, vous prévoyez d'abaisser le plafond d'indemnisation des arrêts de travail par la sécurité sociale, qui passerait de 1,8 à 1,4 Smic. Concrètement, un salarié touchant 1 900 euros net par mois percevrait donc 41 euros par jour. Or la plupart des salariés n'ont pas souscrit une mutuelle, car cela représente un coût supplémentaire. Ne pensez-vous pas nécessaire de revenir sur cette décision ? 41 euros par jour, c'est bien peu...

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je répondrai aux questions en tant que ministre des comptes publics, car je ne suis ministre ni de la santé, ni du travail, ni des solidarités.

Sur la dynamique des recettes, vous me demandez si la politique économique et sociale de baisse d'impôts et de baisse de charges a permis à notre protection sociale d'avoir suffisamment de recettes. Le consensus des économistes est que, objectivement, la baisse du coût du travail – les allégements généraux – a un impact sur l'emploi ; le chômage a baissé de plus de 2 points dans notre pays, on a tendance à l'oublier assez facilement, alors que personne n'y parvenait jusque-là. On peut débattre de la nature de l'emploi créé, mais on ne peut pas nier le lien évident entre compétitivité des entreprises, baisse du coût du travail et emploi. Les recettes affectées à la protection sociale de notre pays ont augmenté – et largement – au cours des dernières années. Simplement, il se trouve que les dépenses aussi et que la crise covid a eu un impact que l'on ne peut négliger. Je le rappelle, juste avant cette crise, les comptes sociaux étaient à l'équilibre.

M. Bernard Jomier. - Non, cela a commencé en 2018 !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Tout le monde reconnaît, je crois, que la crise covid a marqué le début des déficits massifs, même si les dépenses engagées étaient nécessaires.

M. Bernard Jomier. - Cela a commencé avec les "gilets jaunes".

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Le surcroît de 30 % de dépenses supplémentaires liées à la crise covid, nous les avons souhaitées et assumées ; elles concernaient la revalorisation, le fonctionnement, l'investissement, la reprise de dette. Ces moyens étaient nécessaires pour répondre à la crise, mais, de fait, elles sont devenues structurelles. Il faut donc assumer ce déficit. Le travail continue de financer notre protection sociale et je considère que supprimer des allégements généraux de charges à hauteur de 4 milliards d'euros, c'est raisonnable, cela ne grèvera pas notre politique d'emploi ; après 80 milliards d'euros d'allégements, dont 20 milliards au cours des quatre dernières années, il est important de redresser nos comptes publics.

En revanche, cela ne me paraît pas pouvoir être mis en relation avec d'autres efforts, comme le report de l'indexation des pensions – lesquelles restent indexées, je le rappelle –, qui n'a pas grand-chose à voir, madame Brulin, mais j'y reviendrai.

Vous évoquez, madame Poncet Monge, la question des fraudes. Vous avez raison, toutes les fraudes sont visées, la prestation et la cotisation, et cela concerne également toutes les branches ; cela ne vise d'ailleurs pas que la fraude sociale, la fraude fiscale est aussi ciblée. Le député Thomas Cazenave, mon prédécesseur, a déposé une proposition de loi pour poursuivre les travaux qu'il avait entamés lorsqu'il était ministre, et cela me paraît très positif.

Par ailleurs, si nous demandons une augmentation de quatre points de la cotisation employeur à la CNRACL, c'est parce qu'elle ne contribuera plus aux autres caisses. Je ne nie pas sa contribution passée, mais nous ne pouvons ignorer la réalité du déficit et de la courbe démographique. Il serait déraisonnable de mettre ce sujet sous le tapis. Au reste, ni les collectivités ni les hôpitaux ne le demandent.

Ce texte vise à corriger la trajectoire de déficit, et les quatre points d'augmentation en 2025 n'y suffiront pas, dans la mesure ou une augmentation de dix points serait nécessaire à court terme. Ce PLFSS doit traduire un discours de responsabilité, ce qui implique d'écrire une trajectoire de rééquilibrage de la caisse, sans quoi le déficit de la CNRACL finira par représenter les trois quarts du déficit des caisses de retraite. Il est nécessaire de faire preuve de courage, quitte à prendre des mesures impopulaires. C'est la seule façon de redresser les comptes sociaux dans leur ensemble.

En ce qui concerne la hausse de la part remboursée par les mutuelles, je précise que les personnes bénéficiant d'une complémentaire santé solidaire (C2S) ou de l'affection de longue durée (ALD) seront toujours exonérées à 100 %. Je rappelle que la C2S protège les 7 millions de Français les plus modestes, hors transfert et hors augmentation du ticket modérateur.

Monsieur Jomier, vous nous dites que nous ne sommes pas une génération spontanée... Soit, mais que dois-je en conclure ? Que nous ne pouvons pas prendre nos responsabilités pour redresser les comptes publics ? Je revendique la ligne politique que les gouvernements successifs suivent depuis 2017, et j'estime qu'elle a abouti à des mesures efficaces. Certes, on peut considérer que la politique de l'offre n'a eu que des méfaits, en particulier sur les comptes sociaux. Mais on peut aussi reconnaître que nous avons créé des entreprises et de l'emploi, que nous avons rouvert des usines...

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Ah bon ?...

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - ... et que notre pays est devenu le plus attractif d'Europe depuis cinq ans.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - On voit plutôt des usines fermer...

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - On en ouvre plus qu'on en ferme, madame la sénatrice. Nous devons porter un regard objectif sur les progrès économiques et sociaux qu'a permis cette politique.

La hausse de la dépense publique consécutive aux récentes crises a-t-elle entraîné un défi en matière de finances publiques ? Oui, il serait idiot de le nier ! Et le fait d'appartenir à une famille politique qui soutient la politique menée depuis sept ans ne m'empêche pas de regarder avec lucidité et gravité la situation de nos comptes publics, qu'il est urgent de redresser pour ne pas mettre notre pays en difficulté.

Pour ce qui concerne les comptes sociaux, cela doit passer par un freinage de la dépense, car le déséquilibre provient en premier lieu de l'accélération de celle-ci. Or cela ne peut pas se faire de manière paramétrique. C'est pourquoi ce texte ne suffira pas, vous avez raison. Des réformes sont nécessaires : c'est vrai pour l'hôpital, pour le travail, pour la solidarité, pour l'autonomie. Que les textes budgétaires, qui sont examinés après un mois d'existence de ce gouvernement, manquent d'ambition réformatrice, je vous le concède. Nous devrons définir un agenda réformateur pour que des réformes de structure nous permettent de mieux dépenser.

Certains d'entre vous ont mis en cause l'efficacité de la dépense que représentent les allégements généraux ; je vous renvoie le même argument sur l'ensemble de la dépense sociale. Chacun sait qu'il y a beaucoup à faire à cet égard, à condition de faire preuve de courage, de lucidité et de collégialité.

Les allégements généraux relèvent certes d'un choix politique, mais vous ne pouvez pas nier qu'ils ont eu des effets. Fallait-il les porter à 80 milliards d'euros ? Sommes-nous allés trop loin ? Voilà un autre débat, qu'il est légitime d'avoir, à l'aune de l'évaluation de ces mesures.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous parlons de la sécurité sociale, ce qui nous intéresse, ce sont les exonérations non compensées !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Madame la sénatrice, la création d'emplois induit des recettes pour la sécurité sociale. Nous avons fait baisser le chômage de deux points.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce n'est pas ma question !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - C'est pourtant lié...

Ensuite, il est quelque peu paradoxal de vouloir aller plus loin dans la baisse des allégements généraux, tout en craignant les effets récessifs de celle que nous proposons. Ce qui aurait un effet récessif, ce serait une hausse de la fiscalité mal ciblée et mal pensée. Les économies que nous réalisons sur le coût du travail sont raisonnables et permettent de soutenir l'emploi tout en maintenant la croissance.

Je ne remets pas en cause les travaux des économistes de l'OFCE, qui sont très sérieux, mais notre projection de croissance à 1,1 % tient bel et bien compte des effets récessifs. Je suis convaincu que, en répartissant l'effort entre deux tiers d'économies et un tiers d'impôts, nous poursuivons une politique de l'offre offensive, à même de maintenir une croissance supérieure à celle de nos voisins européens.

Madame Apourceau-Poly, la réforme des retraites des non-salariés agricoles n'entrera en vigueur qu'en 2028 à cause de contraintes opérationnelles, mais elle aura un effet rétroactif. Les assurés percevront un rattrapage du manque à gagner sur les deux années précédentes.

Enfin, je rappelle que 60 % des travailleurs ne seront pas concernés par la baisse des indemnités journalières – seuls ceux qui touchent plus de 1,4 Smic le seront – et que celle-ci sera prise en charge par les employeurs à hauteur de 90 %. Cela relève également de l'équilibre que nous avons trouvé entre coût du travail et compétitivité.

M. Daniel Chasseing. - Monsieur le ministre, nous partageons votre volonté de redresser les finances publiques pour conserver la sécurité sociale, qui est la colonne vertébrale de notre République.

Je suis favorable à la politique de l'offre, qui, comme vous l'avez dit, a créé des emplois, lesquels sont source de cotisations. Comme l'a dit Mme la rapporteure générale, certaines entreprises s'inquiètent de la faiblesse de leurs marges. J'espère que la baisse de 4 milliards d'euros des allégements généraux n'enrayera pas la baisse du chômage.

Le déficit est en effet dû aux crises et au Ségur de la santé. Je rappelle que ce dernier a permis d'augmenter les salaires des aides-soignants de 400 euros par mois, ce qui est positif.

Le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, en faveur duquel vote le Sénat depuis quatre ou cinq ans, aura des effets dans les années à venir. Bien sûr, il conviendra de définir avec les partenaires sociaux des aides pour que des seniors puissent retrouver un emploi, comme cela se fait ailleurs en Europe.

Les pensions de retraite ont été indexées sur l'inflation en 2024, ce qui a coûté 14 milliards d'euros. Vous demandez désormais un effort de 4 milliards d'euros aux retraités. Vous avez déclaré que certains minima sociaux seront indexés ; à quel niveau le seront-ils ? Le ticket modérateur augmente, mais il convient de souligner que ce n'est pas le cas pour les personnes en ALD.

En ce qui concerne la branche autonomie, vous ne voulez pas parler à la place de Paul Christophe, mais ce dernier devra se contenter des crédits que vous lui accorderez pour financer le médico-social. Le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus va doubler entre 2020 et 2040. Nous sommes donc confrontés à un défi en matière de dépendance. Il est prévu de créer 50 000 emplois à domicile et en établissements d'ici à 2030 pour y répondre. Si 35 000 de ces emplois sont créés dans les Ehpad, cela revient à plus de quatre postes par établissement. Cet effort est absolument nécessaire et doit se poursuivre progressivement pour mieux prendre en charge nos aînés.

Mme Annick Petrus. - Je vous invite à faire un tour dans les outre-mer. Alors que les entreprises y sont déjà confrontées à des surcoûts structurels importants, le Gouvernement propose, à l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, une réforme profonde des allégements généraux de cotisations sociales patronales. Cela affectera de manière intense, directe et brutale les régimes spécifiques d'exonération applicables dans les départements et régions d'outre-mer (Drom), à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

Les entreprises ultramarines soumises au régime général seront directement affectées, et celles qui bénéficient des exonérations prévues dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom), les plus exposées à la concurrence nationale et internationale, seront encore plus durement frappées

En effet, l'application automatique de la baisse de deux points en 2025, puis de deux points supplémentaires en 2026 du montant maximal d'exonérations de la réduction générale affectera directement le coefficient d'exonération Lodéom, rendant encore plus difficile la survie de ces entreprises, dans un contexte déjà très fragile.

Je rappelle que, en 2023, le taux de chômage dans les Drom dépassait 14 %, contre 7,3 % à l'échelle nationale, et même 30 % pour les 15-24 ans, contre 17,2 % en métropole.

L'article 6 du PLFSS pour 2025 précise qu'une ordonnance permettra au Gouvernement, sans le moindre contrôle préalable du Parlement – c'est problématique d'un point de vue démocratique –, de revenir ou pas sur les effets qui s'annoncent désastreux de l'application immédiate de cette réforme.

Les entreprises ultramarines vont subir une double peine : non seulement cette réforme va écraser l'avantage comparatif du dispositif applicable outre-mer, mais elle intervient dans un contexte économique et social explosif, dans lequel les entreprises sont structurellement fragilisées par l'accumulation de crises – ouragans, crises sociales, sanitaires, migratoires, et même institutionnelles, comme le traduisent les récentes émeutes.

Laissez-moi vous dire ce qu'il va se passer à Saint-Martin : les entreprises les plus fragiles vont fermer et les plus courageuses iront s'installer sur la partie néerlandaise de l'île.

Dans ce contexte, n'est-il pas indispensable de suspendre cette réforme des allégements généraux le temps de mener une concertation approfondie avec les acteurs économiques des outre-mer, afin de mieux tenir compte des réalités locales ?

Mme Anne-Sophie Romagny. - Monsieur le ministre, vous avez mentionné un allégement de charges patronales pour les salariés percevant entre 1,3 et 1,8 Smic, mais vous ne vous êtes pas exprimés sur les salariés percevant entre 1 et 1,3 Smic. Est-il question de diminuer les exonérations de charges ? De revaloriser les cotisations patronales ?

Je rappelle que les bas salaires concernent plus de 7 millions de Français. Avez-vous mené des études d'impact pour mesurer l'effet de telles mesures sur le monde économique et la compétitivité des entreprises ?

J'ai bien noté que la lutte contre la fraude sociale constituait un axe fort de votre politique, et que vous comptez déployer des moyens à cet effet. Il est urgent d'agir. Des sites internet, et je pourrais vous citer des noms précis, vendent des arrêts de travail garantis authentiques pour neuf euros, et cela ne prend pas plus de trois minutes pour les acheter... C'est scandaleux !

Mme Annie Le Houerou. - Monsieur le ministre, vous nous dites que vous répondez avec votre casquette de ministre du budget et des comptes publics, mais j'imagine que vous êtes solidaire de vos collègues. Derrière les chiffres, il y a des actions. Vous prétendez que votre cap est de préserver le système de sécurité sociale, mais 50 % des dépenses de santé ne sont plus financées par notre système de sécurité sociale. Dès lors, vous comprendrez que nous doutions de la sincérité de ce cap et que nous nous interrogions sur le modèle que vous construisez depuis 2017. En effet, le covid-19 n'explique pas tout.

Ce budget est cohérent avec les priorités qui ont été définies, notamment la santé mentale, qui a été érigée en grande cause nationale pour 2025, la loi de programmation sur le grand âge et la question de la prévention. Je suis heureuse d'entendre que des réformes sont à venir, mais ce PLFSS ne traduit aucunement de telles évolutions, qui sont pourtant très attendues.

Hier, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que le Ségur de la santé n'était pas financé. Pourtant, il se traduit par des dépenses à hauteur de 11 milliards d'euros, notamment pour financer des revalorisations indiciaires dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux. Pouvez-vous nous éclairer sur cette affirmation ?

Par ailleurs, le PLF prévoit des coupes franches dans le budget des collectivités locales, en particulier pour ce qui concerne les départements, qui se répercuteront sur les dépenses sociales ou médico-sociales et sur l'application du Ségur, ce qui est source d'une grande inquiétude. Vous dites qu'il faudra évaluer l'effet récessif de ces baisses de dépenses, mais nous sentons déjà un ralentissement de la consommation et de l'activité économique. Aussi, je me demande si vos recettes ne sont pas surévaluées et je m'interroge sur la sincérité de votre budget.

Mme Anne Souyris. - Monsieur le ministre, je m'associe aux rapporteurs et à mes collègues, qui se sont légitimement inquiétés du dramatique manque de propositions budgétaires pour l'hôpital et de la faiblesse des propositions pour le grand âge, ainsi que sur la pérennité de la branche autonomie, par la voix de Chantal Deseyne. En outre, l'augmentation du taux de remboursement des consultations à la charge des mutuelles est un facteur d'inégalité budgétaire supplémentaire pour l'accès aux soins. Je déplore également l'absence totale des questions de prévention dans ce texte, en particulier en matière de santé environnementale. De même, l'absence, à ce stade, de trajectoire pour résorber le déficit est préoccupante.

À l'article 27, qui fixe le montant de l'Ondam pour 2025, il manque un point final à l'exposé des motifs, comme si le Gouvernement n'avait pas circonscrit les économies qu'il comptait faire peser sur notre système de santé. Pourtant, le texte qui a été envoyé au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) mentionnait des économies supplémentaires, notamment "une mesure de transfert des dépenses de santé prises en charge par la Sécurité sociale vers les complémentaires". Que le Gouvernement fasse évoluer les mesures d'économies du PLFSS entre deux versions s'entend, mais en ce cas, comment justifiez-vous que le montant de l'Ondam soit identique dans les deux versions, à savoir 263,9 milliards d'euros ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Permettez-moi de commencer par la fin. Madame Souyris, il me semble avoir détaillé tout au long de mon propos liminaire ce que recouvraient les 2,8 % d'augmentation de l'Ondam et décrit les mesures qui devront être prises par voie réglementaire pour y parvenir. Cela ne ferme bien sûr pas la porte au dialogue, notamment avec les mutuelles, mais j'ai été transparent sur nos objectifs.

Y aura-t-il une hausse du ticket modérateur et un transfert vers les complémentaires ? Oui, je n'en fais pas mystère. La question est de savoir comment ce transfert de 1,1 milliard se transcrira par voie réglementaire, en accord avec les mutuelles.

Monsieur Chasseing, le minimum vieillesse et l'allocation veuvage seront indexés au 1er janvier, ce qui devrait se traduire par une revalorisation de 2,3 %, et les autres minima, tels que le revenu de solidarité active (RSA) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) , seront indexés au 1er avril et devraient augmenter de 1,9 %, sous réserve d'un changement des prévisions de l'Insee. Les règles d'indexation ne changent pas par ailleurs.

Madame Petrus, je vous remercie de votre alerte : vous avez raison d'appeler notre vigilance sur ce sujet, dont j'ai parlé très récemment avec le ministre des outre-mer. Nous devons nous assurer que les régimes d'exonérations sociales continuent bien de progresser en 2025 – ils doivent s'élever à 1,6 milliard d'euros. Pour ce qui concerne l'impact sur l'emploi des allégements généraux, je suis prêt à discuter de la manière de traiter les territoires les plus fragiles au cours de la discussion budgétaire.

Madame Romagny, nous cherchons à désmicardiser l'emploi. Pour cela, nous suivons les recommandations du rapport d'Antoine Bozio et Étienne Wasmer sur les exonérations de charges : nous augmentons les charges patronales sur les salaires compris entre 1 et 1,3 Smic, tout en les baissant en 2026 sur les salaires compris entre 1,3 et 1,8 Smic, l'objectif étant d'inciter les employeurs à augmenter les petits salaires. En effet, il est démontré que la modification des paramètres a un effet sur les salaires.

Il est intéressant de relever qu'une partie d'entre vous trouve que la diminution de 4 milliards d'euros sur les allégements généraux est insuffisante, tandis que d'autres pointent – à raison, selon moi –, le risque qu'elle comporte pour l'emploi.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Lesquels ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je n'ai pas l'immodestie de prétendre détenir la vérité absolue, mais nous proposons des mesures d'augmentation de salaire par l'incitation, préconisées dans le rapport Bozio-Wasmer, tout en réalisant des économies raisonnables – 4 milliards d'euros sur les 80 milliards d'euros d'allégement généraux. On ne peut pas à la fois pointer le problème des finances publiques et rejeter toutes les mesures envisageables pour y remédier. Nous défendons un budget courageux, dont certaines mesures ne sont pas faciles. Je ne serai pas un ministre des comptes publics qui fuira ses responsabilités. Peut-être ne suis-je pas un ministre spontané, mais je suis un ministre responsable.

Par ailleurs, c'est peut-être une lapalissade, mais il convient d'affirmer que les sites frauduleux sont illégaux. Il s'agit d'un fléau, car il s'en ouvre autant qu'il s'en ferme. C'est pourquoi nous embauchons des agents pour mieux les contrôler. De telles pratiques minent le consentement de nos concitoyens face aux cotisations. La branche famille accuse 5,5 milliards d'euros d'indus, ce qui a empêché la Cour des comptes de certifier les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ; c'est énorme en comparaison des économies que nous proposons de réaliser, et les Français en sont conscients. Pour être crédibles lorsque nous demandons des efforts à nos concitoyens, il convient de lutter contre la fraude.

Madame Le Houerou, je veux simplement dire qu'aucun nouveau mode de financement n'a été adossé au Ségur de la santé pour compenser les dépenses supplémentaires.

Mme Émilienne Poumirol. - Il y a tout de même l'Ondam...

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Il s'agit d'une bonne réforme, que nous souhaitions tous voir s'appliquer, mais je regarde la situation objectivement : la branche maladie est en déficit en 2024. Pour la rendre soutenable, il nous faut donc prendre des mesures de freinage des dépenses de l'assurance maladie, qui dépendent en effet de l'Ondam, tout en finançant des mesures nouvelles. Voilà ce que nous faisons au travers de ce PLFSS.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous recevrons mardi prochain Antoine Bozio. Ce sera l'occasion de poursuivre le débat sur les allégements généraux. Sachez, monsieur le ministre, que le Sénat sera force de proposition sur ce texte.


Source https://www.senat.fr, le 22 octobre 2024