Texte intégral
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Bonjour madame Astrid PANOSYAN-BOUVET, bienvenue
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour,
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Vous êtes ministre du travail et de l'emploi. Peut-être une première réaction, on vient d'entendre votre consœur à l'éducation qui condamne les violences, les actions violentes des agriculteurs. Quel est votre sentiment sur ce mouvement qui a repris lundi ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, ce mouvement traduit une forte inquiétude des agriculteurs et il faut l'entendre, elle est légitime, mais le recours à la violence n'est pas quelque chose de souhaitable. Ça a été dit par ma collègue de l'agriculture, comme M. Bruno RETAILLEAU, ministre de l'Intérieur, et donc les blocus ne sont pas acceptables.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Alors, je voudrais revenir à cette annonce inquiétante pour l'emploi, à Reims, à Denain, ArcelorMittal envisage la fermeture de deux sites. Il y a 130 emplois qui sont menacés. Est-ce que déjà vous avez des informations ? Est-ce que vous avez été contacté ou vous avez contacté la direction d'ARCELOR ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je n'ai pas été contacté à ce stade. J'ai eu des informations préalables sur un certain nombre d'autres plans qui ont été depuis annoncés, mais pas sur celui-ci. Je pense qu'il faut être extrêmement vigilant, mais ne pas verser dans le catastrophisme et le fatalisme non plus. Moi, je veux dire ici, quand même, ce matin, que le rythme des embauches mensuelles qui sont déclarées et suivies par les URSAF reste soutenu. On est toujours à 786 000 déclarations d'embauche en moyenne par mois sur les neuf derniers mois. C'est moins que l'année dernière, mais ça reste nettement supérieur au niveau pré-Covid.
PASCAL PERRI
Madame la ministre, la problématique, s'agissant des entreprises qu'on évoque, c'est MICHELIN, Opaque réglementaire, DELPEYRAT, marché contesté. Partout, il y a un problème de compétitivité. Souvent, c'est le résultat, c'est-à-dire qu'il n'y a jamais de licenciement sans raison. C'est le résultat d'un problème de compétitivité. On a un coût du travail. Et c'est votre sujet, en France, qui reste deux points au-dessus de la moyenne européenne.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a, sur ce sujet, effectivement, des destructions d'emplois qui sont signalées. À la fois, quand même, des sujets au long cours. On parle de l'automobile, on parle de la sidérurgie, on parle de la grande distribution, où c'est des modèles économiques qui sont en profonde transformation.
PASCAL PERRI
Ce sont des erreurs de gestion chez AUCHAN.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, des profondes transformations, que ce soit le modèle numérique sur la grande distribution, que ce soit la question de la voiture, la fin de la voiture thermique dans l'auto, et tous les fournisseurs. Avec le sujet, aujourd'hui…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Pardon de vous interrompre, pour l'instant, mais il y a quand même un point commun évident, me semble-t-il, c'est que ce sont des emplois qui sont malheureusement bassement qualifiés, des gens qui ont peu de qualification de formation.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, pas nécessairement. Quand vous regardez sur la question de l'industrie et quand vous discutez, effectivement, avec des dirigeants de grandes entreprises industrielles, ça concerne la question de la compétitivité sur l'ensemble des niveaux de qualification. Et pourquoi on a, aujourd'hui.
PASCAL PERRI
Chez VALEO, ils sont très qualifiés.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
… Un coût du travail supérieur, effectivement, c'est aussi parce que le travail finance une grande majorité de la protection sociale. Ce qui fait qu'on a, aujourd'hui, ce problème en France, de cet écart entre le super brut de l'employeur, le coût complet chargé de l'employeur, et puis le salaire neuf perdu.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Alors, qu'est-ce que vous faites ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Et c'est ce qui explique que depuis 30 années, on a fait des allègements généraux, justement, pour exonérer les employeurs…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Vous allez revenir dessus, partiellement ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Sur lesquels on va revenir dessus, parce que, et on est revenu dessus cette nuit, parce que ça reste extrêmement coûteux pour, aujourd'hui, les finances publiques. Ça coûte 80 milliards par an.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Juste, pardon pour les gens, madame PANOSYAN-BOUVET, qui n'étaient pas avec vous au Sénat cette nuit, parce que vous avez travaillé très tard, il y a trois milliards de charges supplémentaires pour les entreprises qui ont été décidées par le Sénat, mais ça reste marginal.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça reste marginal, mais ça permet quand même, parce que ces exonérations de charges, c'est ce qui va au moins pour l'assurance maladie ou les assurances retraites, sur lesquelles il y a aussi des équilibres à préserver, mais ça permet, dans les arbitrages qui ont été décidés au Sénat, cette nuit, à la fois de ne pas toucher, justement, aux exonérations sur les bas salaires, parce que nous avons été très vigilants, notamment sur les secteurs de la propreté et des services à la personne, qu'ils ne seront pas impactés, et par ailleurs, on termine la fin des exonérations, non pas à des salaires plus élevés, qui étaient 3,5 fois le SMIC, mais 3 fois le SMIC. Donc on reste extrêmement vigilants, tout en disant qu'aujourd'hui, et ça a été aussi un des rapports de deux économistes commandés par la première ministre de l'époque, Elisabeth BORNE, il y a des sujets aussi de trappes à bas salaires.
SOAZIG QUEMENER
Gabriel ATTAL, ancien Premier ministre, qui est de votre camp, ne veut pas entendre parler de ces suppressions d'allègements, arguant du fait que ça va augmenter le chômage.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que ce qui a été décidé cette nuit par le Sénat, et c'est pour ça que nous avons donné un avis de sagesse sur la proposition sénatoriale, c'est de ne pas toucher, aujourd'hui, aux exonérations de charges sur le SMIC, le SMIC et autour du SMIC, et d'aller par contre chercher une baisse des exonérations sur les hauts salaires.
SOAZIG QUEMENER
Ça, il n'en veut pas, Gabriel ATTAL n'en veut pas.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, mais il y a un certain nombre aussi d'économistes qui ont montré que l'impact sur l'emploi était moindre. Par contre, moi je veux quand même dire quelque chose, parce qu'on arrive au bout de quelque chose qui s'est construit ces 30 dernières années, en raison, effectivement, de cet écart entre le salaire que vous percevez chaque mois à la fin, et puis le coût de l'employeur. On a fait des allègements de charges qui coûtent effectivement, comme vous l'avez dit Monsieur, 80 milliards d'euros, 80 milliards c'est 1,5 fois le budget du ministère de l'éducation nationale. Et puis pour stimuler aussi les salaires qui sont trop bas, effectivement, on a fait de la prime d'activité, et on a construit des effets de seuil qui sont aujourd'hui plus tenables, plus tenables.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame PANOSYAN, restez avec nous, on va reprendre cet entretien dans un instant, on va voir si vous nous confirmez les annonces de Laurent WAUQUIEZ, il était sur TF1 pour faire des annonces gouvernementales, alors il n'est que député, mais peut-être a-t-il ses entrées à la table du conseil des ministres ? A tout de suite.
(…)
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
La ministre du travail et de l'emploi est l'invitée 6/9, ce matin. Madame PANOSYAN-BOUVET. Il y a quelques jours, Laurent WAUQUIEZ apparait au 20 h de TF1. Il annonce, alors il est député, il n'est pas ministre, il annonce que l'ensemble des retraités dont la revalorisation était gelée à priori de janvier à juillet, allaient finalement bénéficier la moitié de l'inflation revalorisation jusqu'au mois de juillet, puis ceux qui sont en dessous du SMIC de la deuxième partie de revalorisation. Est-ce que, du coup, pardonnez-moi la formule, mais est-ce que vous confirmez l'annonce du député WAUQUIEZ ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, tout à fait, mais je pense que c'est une très bonne nouvelle. Je vais vous dire pourquoi. Parce que pour la première fois depuis longtemps, on arrête de regarder les retraités comme un bloc homogène. Les retraités sont à l'image de la société, ils sont à l'image du monde salarié, puisque beaucoup sont anciens salariés. Et donc, ce n'est pas un bloc homogène. Et donc, je pense que de commencer à faire des différenciations, de revalorisation de pension en fonction des niveaux de vie des retraités, c'est une petite révolution copernicienne. Et c'est une bonne nouvelle, parce que chacun doit, à sa mesure, aussi contribuer à l'effort, retraité compris, en fonction de ses possibilités, de ses capacités.
SOAZIG QUEMENER
On sait, il y a beaucoup de membres de l'ancienne majorité qui se sont étranglés devant leur télévision en regardant Laurent WAUQUIEZ, ancien opposant, pas numéro un, mais un des grands opposants d'Emmanuel MACRON, annoncer cette mesure. Est-ce que, quelque part, il n'y a pas du détournement d'annonces quand c'est Laurent WAUQUIEZ qui annonce ça ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce que les Français ont ressenti quand ils ont regardé cette annonce. Je pense qu'il faut qu'on se détourne un petit peu des accommodements ou des inquiétudes des uns et des autres du monde politique pour se dire ce pour quoi on est là. Le sujet, c'est d'abord la trajectoire des finances publiques et comment est-ce qu'on fait, à la fois, participer tout le monde à l'effort en fonction de ses capacités. C'est ce qu'il faut retenir de cette proposition au-delà des petites anecdotes politiques qui n'intéressent pas grand monde au-delà du monde politique.
FRANÇOIS CLEMENCEAU
Mais quand vous parlez de cette trajectoire, précisément budgétaire plus vertueuse, que le Premier ministre est allé défendre à Bruxelles auprès de Mme VON DER LEYEN, depuis son retour, il y a quand même un certain nombre de renoncements à un certain nombre d'engagements qui avaient été pris, soit côté dépenses, soit côté économie.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
On va appeler ça un dérabotage.
FRANÇOIS CLEMENCEAU
Comment gérer ça et tenir cette promesse faite à Bruxelles ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que ça fait partie des sujets de discussion qui sont sur la table aussi avec le Sénat sur, à la fois, écouter les inquiétudes des collectivités locales, je pense, en particulier, aux départements qui font face à des augmentations quasiment automatiques de leurs dépenses sociales, notamment liées au vieillissement, au sujet de l'aide sociale à l'enfance. Il faut faire attention à ce sujet. Et puis la discussion qui continue à s'ouvrir sur le PLFSS ou le PLF au Sénat sur des gains supplémentaires. En tout cas, il y a des discussions sur la table.
PASCAL PERRI
Juste une toute petite question, on tourne autour du pot, mais pour financer le modèle social, améliorer les retraites, il faut travailler plus. Vous pensez qu'il faut sortir des 35 heures ? Oui ou non ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi, je pense que le sujet, aujourd'hui, monsieur, c'est la question des taux d'activité. En France, pourquoi, est-ce qu'on…
PASCAL PERRI
Mais on ne travaille pas assez ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
En fait, on ne travaille pas assez parce qu'on n'a pas suffisamment de jeunes dans le monde du travail et on sort les seniors, qui est un vrai scandale français depuis des années, des décennies, plutôt sur le marché du travail. Le sujet, c'est augmenter le taux d'insertion des jeunes. On y travaille notamment avec cette révolution culturelle qu'a été l'apprentissage. On pensait que c'était possible qu'en Suisse, en Allemagne.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Ce ne sera pas pérennisé, ici ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
On va moduler les aides à l'apprentissage parce qu'on se rend compte que ça devient des niveaux élevés.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Parce que c'est trop cher.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
… Voilà, mais ça va rester une vraie ambition nationale. Et sur les seniors, on n'a pas parlé encore de l'accord des partenaires sociaux sur les seniors, mais c'est une avancée qui va nous permettre de pouvoir sereinement continuer sur ce front.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
J'ai un tout dernier mot, s'il vous plaît. Vous avez travaillé tard cette nuit, vous avez l'air de tout être à votre tâche. Vous avez combien de temps encore devant vous pour travailler ? Marine LE PEN a dit, ce matin, que si le pouvoir d'achat des Français était légèrement impacté, ils voteraient la censure. Ce que nous explique Soaziq QUEMENER, notre expert politique, qu'est-ce que dit tout le monde ? C'est que c'est fini. Ils vont voter la censure avec la gauche et donc le Gouvernement va sauter à Noël.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que ce qui serait le pire pour le pouvoir d'achat des Français, comme pour les entreprises, comme pour la capacité des entreprises à se projeter, ce serait qu'il y ait tellement de tensions financières sur la dette française qu'on se retrouve dans une situation très difficile.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc, c'est-à-dire, vous dites aux Français : "Ne changez pas de Parlement, ne changez pas de Gouvernement, et dites à vos députés de ne pas nous faire sauter ?"
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, je dis d'abord que la pire des choses qui puissent nous arriver, ce serait une crise financière. On a quand même, aujourd'hui, une trajectoire des finances publiques qui devient anormale par rapport aux autres pays européens. C'est ça le sujet, c'est ça la responsabilité qui nous incombe aujourd'hui.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci beaucoup madame la ministre d'avoir été avec nous ce matin en direct sur LCI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2024