Interview de M. Laurent Saint-Martin, ministre, chargé du budget et des comptes publics, à Public Sénat le 25 novembre 2024, sur l'examen du projet de loi de finances 2025 au Sénat, le risque de censure du projet de loi de finances 2025 à l'Assemblée nationale et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

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Média : Public Sénat - Ouest France

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invité politique, ce matin, c'est Laurent Saint-Martin. Bonjour,

LAURENT SAINT-MARTIN
Bonjour !

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, ministre chargé du budget des comptes publics. On est ensemble pendant 25 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Stéphane VERNAY de Ouest-France, bonjour Stéphane.

STEPHANE VERNAY, JOURNALISTE D'OUEST-FRANCE
Bonjour Oriane, Laurent SAINT-MARTIN, bonjour.

ORIANE MANCINI
On va, évidemment, parler du budget qui arrive, aujourd'hui, au Sénat. Mais, d'abord, un petit mot puisque Michel BARNIER rencontre ce matin Marine LE PEN. Est-ce que le Gouvernement va faire des compromis avec le Rassemblement national pour éviter la censure ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Michel BARNIER rencontre tous les présidents et présidentes de groupe comme il s'y était engagé et c'est très bien que dans une démocratie parlementaire comme la nôtre, le Premier ministre puisse être à l'écoute de l'ensemble des groupes sans aucune discrimination. Il y a, évidemment, un socle majoritaire qui est notre base de travail, avec qui nous travaillons de façon privilégiée. Mais il y a aussi les groupes d'opposition, et c'est vrai, de la France insoumise jusqu'au Rassemblement national, en passant par les socialistes, les écologistes, Liot, les communistes. Il y a aucune discrimination à avoir là-dessus. Cela ne veut pas dire évidemment, que ce budget pour 2025 va trouver des compromis partout et peut nécessairement satisfaire tout le monde. Mais après tout…

ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il faut en trouver avec le RN ?

LAURENT SAINT-MARTIN
J'ai envie de vous dire, c'est le principe d'un budget et c'est le principe des oppositions.

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous allez en chercher avec le RN ? Parce que, jusqu'à maintenant, il n'avait pas reçu Marine LE PEN sur le budget, là, elle menace plus que jamais de censure et elle est reçue à Matignon. Est-ce que vous êtes prêts à travailler à un accord avec elle ?

STEPHANE VERNAY
Elle est reçue la première à 8 h et demie, ce matin.

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, mais ça…

STEPHANE VERNAY
Ce n'est pas grave, ça n'a pas d'incidence ? C'est quand même elle qui a les clés, aujourd'hui.

LAURENT SAINT-MARTIN
Je pense que vous auriez pu demander au responsable du groupe socialiste à l'Assemblée nationale si ce n'était pas eux qui avaient les clés. Parce qu'il me semble que si vous retranchez…

STEPHANE VERNAY
Le Front populaire et le Rassemblement national.

LAURENT SAINT-MARTIN
…Le socialiste d'une censure éventuelle, la censure ne devient plus majoritaire. Et vous voyez, c'est intéressant ce que vous dites. Collectivement, vous inclus, si vous me le permettez. Le pays s'est mis dans la tête que le Rassemblement National avait, pour reprendre votre expression, les clés de l'avenir de ce Gouvernement. Pardon, mais c'est faux. Qui a dit que l'ensemble du nouveau Front populaire devait systématiquement et pour toujours censurer ce Gouvernement ? Je crois que ce n'est pas quelque chose d'automatique et de systématique. Et quand on voit, notamment, ce qui est capable de proposer la France Insoumise en ce moment, peut être que je vous en parlerez.

ORIANE MANCINI
On va y revenir, mais là, vous appelez les socialistes à se désolidariser et à ne pas voter la censure.

LAURENT SAINT-MARTIN
En tout cas, ce que je connais de ce parti-là, pour en venir, n'a plus rien à faire, je crois, depuis longtemps avec ce courant idéologique d'extrême gauche et donc devrait, au contraire, plutôt se rapprocher d'une grande coalition responsable au service de notre pays. Donc je ne rejoins pas ce propos des clefs dans la main de qui que ce soit. Je crois que c'est une coalition des oppositions qui créerait les conditions d'une censure. Et donc il faut demander à tout le monde son avis là-dessus.

ORIANE MANCINI
Alors, Marine LE PEN, elle demande de ne pas toucher au pouvoir d'achat. Parmi les mesures qui font débat, il y a la hausse de la taxe sur l'électricité. Cela fait débat ici, aussi au Sénat, puisque les sénateurs n'en veulent pas. Est-ce que vous garderez la hausse initialement prévue ?

LAURENT SAINT-MARTIN
C'est normal que cela fasse débat puisqu'il est question du pouvoir d'achat des Français. Donc c'est un bon débat. Ce que propose le Gouvernement, c'est d'enlever le bouclier tarifaire qui a été mise pendant la crise de l'inflation qui était important, cinquante milliards d'euros d'argent public avait été utilisé pour empêcher la facture de nos concitoyens d'augmenter, c'était une bonne décision. Maintenant, l'inflation est derrière nous, c'est terminé. Nous retirons ce bouclier. C'est de la bonne gestion et nous le faisons en permettant d'avoir une participation active au redressement de nos comptes publics. Nous avons une ligne très claire, la facture doit baisser à hauteur de 9 % au 1er février. Nous avons été très claire là-dessus et nous tiendrons cette promesse-là. Donc, nous augmenterons la fiscalité, d'autant qu'elle permet la baisse de la facture à hauteur de 9 %. Je crois que quand on est soucieux du pouvoir d'achat de nos concitoyens, on comprend que cette mesure, c'est une bonne mesure, voilà. J'espère que les sénateurs l'entendront, dès cette semaine, lors de l'examen du texte en séance publique. Et je crois vraiment que tous ceux qui sont soucieux de la protection du pouvoir d'achat peuvent l'entendre de cette façon-là.

ORIANE MANCINI
Donc, ça veut dire que, là-dessus, vous garderez la copie initiale du Gouvernement.

LAURENT SAINT-MARTIN
Moi, je crois, effectivement, que notre proposition initiale, elle est juste, parce qu'elle permet le gain de pouvoir d'achat tout en permettant la résorption de notre déficit public. On marche sur deux jambes. Vous l'aurez compris, depuis le début de ce budget, il faut protéger le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Mais, aussi, il faut que tout le monde comprenne qu'on a besoin de faire rentrer les recettes fiscales dans notre pays, tout simplement pour réduire notre déficit.

ORIANE MANCINI
Parce que le Sénat propose de compenser en relevant la taxe sur le gaz. Là, vous dites : "Non" ?

LAURENT SAINT-MARTIN
La problématique de l'augmentation de la taxe sur le gaz, nous le verrons. Je ne veux pas prendre les débats, mais la problématique de la hausse de la taxe sur le gaz, c'est qu'elle a fait augmenter la facture. Or, moi je dis que sur l'électricité, elle permet de la faire baisser et donc je préfère toujours, aujourd'hui, les factures qui baissent que les factures qui augmentent.

STEPHANE VERNAY
D'une manière générale, vous allez pouvoir vous entendre ou mieux négocier avec le Sénat qu'avec l'Assemblée ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je ne vous dirai pas qu'il y a une meilleure voie de négociation, mais évidemment, de fait.

STEPHANE VERNAY
C'est une meilleure ambiance quand même pendant l'examen du budget.

LAURENT SAINT-MARTIN
D'abord, il y a un fait politique, c'est que si j'en crois les groupes parlementaires, il y a une majorité de sénateurs qui soutient le Gouvernement, quand il n'a pas une majorité absolue de députés qui soutiennent le Gouvernement, ça, c'est un fait politique. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas travailler avec l'Assemblée nationale et qu'on attend uniquement le Sénat pour travailler. Ce n'est pas vrai. On a fait un examen qui a été long, qui a été nourri à l'Assemblée nationale. Trop d'amendements fiscaux et d'impôts en plus. Plus la suppression de la participation de la France à l'Union européenne ont été adoptée. Comprenez bien qu'il était inacceptable pour nous de laisser ce budget-là prospérer. Donc, la majorité relative a supprimé toutes ces dispositions en rejetant le texte. Aujourd'hui, on repart du texte gouvernemental avec des amendements que posera le Gouvernement, qui sont issus du débat à l'Assemblée. Donc, ça n'a pas servi à rien. Nous avons un permis de travail, y compris avec des groupes comme le Parti socialiste par exemple, sur lequel nous reprenons quelques propositions qui sont intéressantes là-dessus. Donc, il n'y a pas de bonnes et de mauvaises chambres, pour moi, c'est un régime bicaméral qui permet, justement, d'avoir des visions différentes et des priorités différentes. Évidemment, pas besoin de vous décrire qu'ici, l'attention portée aux collectivités territoriales sera plus importante. Des choses comme cela. Et donc nous aurons ce débat pendant toute cette semaine et il y aura quelque chose d'intéressant. C'est une commission mixte paritaire. Comment est-ce que députés, sénateurs, sans la présence du Gouvernement, peuvent se mettre d'accord sur un texte ?

ORIANE MANCINI
On va bien sûr en parler, mais est-ce qu'il y a déjà un accord entre le Sénat et le Gouvernement où tout va se jouer en séance ou est ce qu'il y a déjà eu des discussions entre Gérard LARCHER, Michel BARNIER et l'accord ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Qu'il y ait des discussions, il y en a bien sûr en amont, comme il y en a eu avec les groupes de la majorité à l'Assemblée nationale. On doit encore débattre. Mais moi, je respecte beaucoup le temps de la séance publique. Ce n'est pas du théâtre, la séance publique, ce n'est pas tout est créé à l'avance et on fait semblant de se donner des avis ou non. C'est là une force de conviction. Et le Gouvernement peut changer d'avis en fonction de la nature des débats. Et je crois que c'est important aussi que chaque groupe présente bien ses opinions. C'est pour cela que j'étais contre le principe d'un 49.3 dès le début, à l'Assemblée nationale. Comment vous voulez que le pays comprenne les positions politiques des groupes dans chacune des chambres si on ne laisse pas vivre le débat à l'Assemblée, ça doit être le cas au Sénat.

STEPHANE VERNAY
Il y a quand même des points sur lesquels vous vous êtes déjà mis d'accord. Par exemple le Sénat, la Chambre, les collectivités. On sait que le Gouvernement voulait demander 5 milliards d'efforts aux collectivités locales. La chose a été reprise. Les sénateurs vont ramener cet effort à 2 milliards. Là-dessus, vous avez déjà passé un deal entre guillemets.

LAURENT SAINT-MARTIN
Il faut encore qu'on discute de quelques détails, notamment…

STEPHANE VERNAY
Lesquels, par exemple ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Nous avons proposé de faire participer les collectivités, et pas toutes, un certain nombre d'entre elles. On a proposé à peu près 450 grandes collectivités à un fonds de précaution qui permettait de répartir ces mêmes fonds au sein des collectivités qui avaient contribué, mais sur un temps différent, permettant donc de réduire la dépense publique. Eh bien, on va dire la gouvernance de ce fonds, comment est-ce qu'on le pilote qui y participe ? Tout cela reste encore à définir. Ce n'est pas du tout clair. Il y a des propositions, notamment, celles de Stéphane SAUTAREL, qui sont intéressantes pour demander à ce que, par exemple, cette épargne puisse être plutôt gelée dans les comptes des collectivités plutôt que dans un compte, à part, je ne pas trop rentrer dans la technique budgétaire, là, mais vous voyez qu'il y a encore un certain nombre de débats.

ORIANE MANCINI
Il y aura une participation des 450 collectivités, ça, c'est acté, ça ne bougera pas.

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais le périmètre de 450 peut être revu, il peut-être plus grand, plus petit. Mais j'ai besoin aussi d'avoir…

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous voulez en exclure les départements, par exemple ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Alors on a déjà, et d'ailleurs, le Premier ministre l'a déjà évoqué devant les assises des départements…

STEPHANE VERNAY
Il l'a évoqué, mais ce n'était pas très, il n'a pas précisé.

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, mais il a quand même évoqué une réduction significative de la participation des départements. Pourquoi ?

ORIANE MANCINI
Ça veut dire quoi précisément ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, mais d'abord, il faut expliquer pourquoi ? Les départements sont une collectivité pas comme les autres. Elle a eu ses recettes, les DMTO, donc les frais de notaire, en forte baisse ces dernières années. Quand elle a eu ses dépenses sociales, dont elle a la charge, en forte hausse. Il y a donc un effet ciseau qui rend ses finances, pour un certain nombre d'entre elles, insoutenables. Vous prenez certains départements, ce n'était pas réaliste de leur demander de contribuer, là, sur le budget 2025. On l'a entendu, on va en exclure davantage. Par ailleurs, il y avait une demande, aussi, qui ne concerne pas que les départements, mais aussi beaucoup le bloc communal, sur le fonds de compensation à TVA, le FCTVA, et notamment son effet rétroactif sur 2024. Le Premier ministre a dit, et je trouve qu'il a parfaitement raison, qu'on ne pouvait pas garder ce caractère rétroactif. Donc, vous voyez des évolutions du texte.

ORIANE MANCINI
Mais juste là-dessus, sur le fonds de compensation de la TVA, l'effet rétroactif, ça s'est acté. Est-ce que vous êtes prêts à supprimer la réduction de ce fonds ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Moi, je crois d'abord que dans cet article-là, il y a de bonnes choses, notamment le recentrage du FCTVA sur les dépenses d'investissement. Je pense qu'il faut le garder. Après, à nouveau, on peut regarder mesure par mesure, et on va le faire pendant la séance, mais pourquoi est-ce que les collectivités sont-elles appelées à contribuer à cet effort des dépenses publiques ? Parce que tout simplement, elles font partie de cette équation. Et ce n'est pas les pointer du doigt, ce n'est pas, passer la faute aux collectivités. Moi, je ne dirais jamais ça. Je n'ai jamais dit ça, d'ailleurs. Par contre, elles sont une partie de la solution. Quand vous avez 20 % ou 19 % de la dépense publique qui est issue des collectivités, on peut considérer qu'elles doivent participer à l'effort collectif de réduction des dépenses publiques. Ce n'est ni stigmatisant, ni infamant. C'est tout simplement trouver la bonne solution pour ne pas que ça casse trop l'investissement local. Je rappelle que les trois quarts de l'investissement dans ce pays sont issus des collectivités, donc on en a besoin. Et évidemment, il faut rester réaliste par rapport à la réalité de ces finances locales.

ORIANE MANCINI
Donc les 2 milliards, c'est le bon chiffre ? Là, vous suivrez le Sénat ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Ça peut être un peu plus que 2 milliards, la contribution des collectivités.

ORIANE MANCINI
Mais pas cinq ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Ce ne sera pas cinq milliards.

ORIANE MANCINI
Entre deux et cinq.

STEPHANE VERNAY
D'une manière générale, au moment où le budget a été présenté, l'idée, c'est de dire qu'on a besoin de 60 milliards d'efforts pour l'année prochaine. Mais dans ces 60 milliards, il y avait 5 milliards qui restaient à trouver dans le cadre du débat parlementaire. Est-ce que vous les aurez trouvés à la fin ? À force de dire qu'on va vous demander moins que prévu aux uns et aux autres, est-ce que vous allez arriver à vos 60 milliards ? Et si oui, sur quel poste vous allez trouver et ajuster les choses pour retomber sur vos pattes ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Il y a 2 questions dans votre question. Est-ce que le Gouvernement a proposé 5 milliards d'économies budgétaires en plus ? La réponse est oui. Cela avait déjà été fait à l'Assemblée nationale. C'est juste que nous n'avons pas pu examiner la deuxième partie puisque la première avait rejeté l'ensemble du texte. Nous le verrons en deuxième partie du Sénat. Mais nous avons déposé des amendements à hauteur de 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires. Ça, c'est dans les missions de l'État que ça se percevra. La question suivante, c'est est-ce que 60 milliards d'euros d'efforts budgétaires, qui était notre compli, pourront être établis à la fin ? Moi, je le souhaite toujours. Mais il est vrai que le texte évoluant, je ne peux pas dire, d'un côté, j'entends les priorités politiques parlementaires et donc nous devons nous montrer ouvert à la discussion et en même temps dire : "Le texte ne doit jamais bouger, ces 60 milliards-là, ça ne touche pas". Donc ce sera autour de 60 milliards. Si c'est un petit peu moins, ce n'est pas très grave. Ce qu'il ne faut pas, c'est qu'évidemment, nous perdions le cap et que nous perdions la nécessité de nous rapprocher le plus possible des 5 % de déficit public en 2025 et ça, nous garderons cette volonté.

ORIANE MANCINI
Le plus possible, pardon, ça veut dire que ça peut être un peu plus, ça peut être 5,1, 5,2, 5,3. Le 5 %, il n'est pas intangible.

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, alors quand je dis un petit peu plus, c'est vraiment un petit peu plus. Pourquoi ? Parce que c'est une question aussi de crédibilité vis-à-vis, notamment, de l'Union européenne à qui nous avons présenté un plan à moyen terme que nous devons respecter, mais aussi vis-à-vis de ceux qui refinancent notre dette. Crédibilité aussi pour arriver à 3 %. Si vous lâchez 0,3 point dès maintenant, qui va croire que vous arriverez à 3 % ? Donc il faut réussir…

ORIANE MANCINI
Et ce ne sera pas 5 % non plus.

LAURENT SAINT-MARTIN
Ça peut être un petit peu plus. Ce que je veux dire devant vous ce matin, c'est que ça ne sert à rien d'être complètement arc-bouté sur un 5,0 si ça permet justement d'avoir plus d'accords collectifs. Un budget, vous savez, c'est un texte financier, c'est aussi un texte très politique et donc on a besoin aussi de faire comprendre à notre pays qu'une majorité de parlementaires est d'accord pour aller dans ce sens-là.

ORIANE MANCINI
Le Sénat a pointé du doigt la responsabilité du Gouvernement dans le dérapage des finances publiques, des Gouvernements précédents, pas de celui auquel vous appartenez. Est-ce qu'il y a eu mauvaise gestion des finances sous le quinquennat d'Emmanuel MACRON ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, moi je m'inscris totalement en faux contre ces propos. D'abord, il y a deux choses. Premièrement, on oublie un peu vite les crises que ce pays a traversées. Et les mêmes qui nous disaient "Dépensons plus pour protéger nos concitoyens, nos entreprises, les collectivités" sont ceux qui disent, aujourd'hui, que les dépenses publiques ont trop augmenté. C'est trop facile. Donc, oui, la dépense publique a fortement augmenté dans notre pays, c'est vrai. Nous l'avons fait d'abord pour protéger notre pays. Et les Gouvernements précédents ont fait, en responsabilité, ce qu'il fallait faire pour protéger notre pays, que ce soit pendant la crise Covid, que ce soit pendant la crise de l'inflation. Et il est trop facile, aujourd'hui, de dire quand on voulait dépenser plus, qu'on a trop dépensé.

ORIANE MANCINI
C'est vrai qu'ils pointent surtout l'après-crise Covid, notamment l'année dernière, le fait qu'ils ont proposé 7 milliards d'économies et que le Gouvernement a dit non.

LAURENT SAINT-MARTIN
L'après-crise, c'est quoi sinon la réaction au moment de la crise ? L'après-crise s'appelle la période du rebond. Et la période du rebond, il y a eu des recettes fiscales qui sont d'abord parties très vite à la hausse. Et je rappelle que les années 2021-2022 sont des années où il y avait plus de recettes fiscales qu'attendues. Je n'ai pas entendu parler de commission d'enquête à ce moment-là, c'est bizarre, mais quand les trains arrivent à l'heure, ça n'émeut personne. Et puis effectivement, sur 2023-2024, il y a eu moins de recettes fiscales qu'attendues, qui a creusé le déficit, qui fait qu'effectivement, nous devons, aujourd'hui, redresser les comptes. Qu'il y ait des erreurs de pilotage des recettes, bien sûr, pas besoin d'être un génie pour dire ça, tout le monde le voit, il y a eu des erreurs de pilotage. Au lendemain de la crise, c'est très difficile d'estimer ce qui s'appelle l'élasticité entre les recettes fiscales et les taux de croissance, ça c'est vrai. Est-ce qu'il y a eu pour autant mensonge, dissimulation, opacité ? Pas du tout. Et dernier point, qu'on arrête de laisser penser que les fonctionnaires de Bercy, parce que j'entends ça aussi, aient cachés des copies ou empêcher de prendre des décisions, parce que vraiment, cela est insupportable. Quand on connaît le professionnalisme des agents de l'État en général, de Bercy en particulier, quand on sait à quel point ils sont au service de notre nation, et qu'ils l'étaient pendant la crise, qu'ils l'ont été pendant la relance, et qu'ils le sont toujours, aujourd'hui.

STEPHANE VERNAY
À quel niveau sera le déficit public à la fin de l'année 2024, pour de vrai ? Est-ce qu'on peut avoir encore des mauvaises surprises ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Aujourd'hui, nous l'estimons à 6,1 %.

ORIANE MANCINI
On peut toujours les estimer.

LAURENT SAINT-MARTIN
C'est le texte du…

STEPHANE VERNAY
Est-ce qu'on peut terminer plus près de 7 % que de 6 ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je ne le crois pas. Vous savez, les budgets de fin d'année, ils sont moins augmentés habituellement, parce que tout le monde a moins la loupe sur la virgule.

STEPHANE VERNAY
En ce moment, on ne garde que ça.

LAURENT SAINT-MARTIN
Absolument.

ORIANE MANCINI
Mais le dixième peut changer.

LAURENT SAINT-MARTIN
Cela dit, il peut y avoir des variations, pourquoi ? Parce qu'il y a un rendez-vous en fin d'année qui est important, qui est le cinquième acompte d'impôts sur les sociétés, qui porte, quand même, sur un montant substantiel sur les recettes fiscales de l'État. Par définition, ce cinquième acompte, je ne peux pas vous le dire comme un chiffre magique, aujourd'hui. Donc, nous avons des estimations qui nous portent à 6,1 % le déficit à fin 2024. Nous verrons, dans le début du mois de décembre, les résultats de ce cinquième à compte d'IS qui préciseront ces prévisions-là. Mais nous devrions être autour de ça.

STEPHANE VERNAY
Juste pour terminer sur cette idée, qu'est-ce qui se passe si le Gouvernement tombe à la fin de la séquence budget, s'il y a un 49.3, une motion de censure, si elle est votée, pas de budget, ça voudrait dire quoi, concrètement ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Permettez-moi de me lever, le matin, en étant concentré sur l'examen du texte et sur le fait que le budget aille au bout. C'est-à-dire que mes journées ne font que 24 heures. Et dans les milliers d'amendements qui me sont présentés, je dois les examiner un par un. Et ce n'est pas pour botter en touche que je dis ça, c'est que je sais vraiment…

ORIANE MANCINI
Non, mais quand Maude BREGEON parle d'un scénario à la grecque, est-ce que ce n'est pas un jeu de la dramatisation et de la com ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, ce que je crois, c'est vrai, c'est que un pays comme la France, qui est privé de budget par les voies naturelles, si j'ose dire, est un pays qui va inquiéter. Et qui va montrer de l'instabilité politique. Et ça, je crois que c'est mauvais, j'en suis même sûr, c'est mauvais pour ceux qui financent notre dette, c'est mauvais pour la crédibilité de la France au sein de l'Union Européenne, c'est mauvais pour la perception et l'attractivité de notre pays. Donc ce serait un signal envoyé qui serait effectivement extrêmement négatif. Moi, je fais confiance aux responsables politiques de notre pays, quels qu'ils soient, pour faire en sorte que, un, chacun comprenne que redresser nos comptes publics, c'est une nécessité. La façon d'y arriver peut diverger. Mais tout le monde doit être d'accord pour dire qu'on ne peut pas laisser déraper les comptes publics. Deuxièmement, l'instabilité politique, là, alors que nous sommes en train, justement, de boucler un budget historique pour notre pays, en termes de gravité, en termes de nécessité, je crois, quand même, que nous pouvons collectivement nous dire que chacun dans notre pays, quelle que soit son opinion politique, a d'abord envie que cela fonctionne, a d'abord envie de stabilité politique, avant de créer le chaos.

ORIANE MANCINI
On parle du budget de sécurité, c'est ça ?

STEPHANE VERNAY
L'autre budget, le projet de financement de la Sécurité sociale, va faire l'objet d'un vote, demain, au Sénat. Ce sera voté sans problème ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je me garderais bien de parler à la place de la majorité sénatoriale. Mais je crois que nous sommes arrivés effectivement, à l'issue de l'examen, à une bonne tenue des débats, à des évolutions de textes qui allaient dans le sens de la majorité sénatoriale. Pas forcément tous en accord avec le Gouvernement, d'ailleurs. Nous aurons probablement encore des discussions à venir, mais je crois, oui, que maintenant, tout est réuni pour que ce texte puisse être voté.

ORIANE MANCINI
Le problème, ça va peut-être être la CMP, la réunion entre députés et sénateurs. Est-ce que vous êtes assurés du soutien du groupe Ensemble pour la République avec Gabriel ATTAL ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Nous devons encore en discuter, parce qu'il y a une question centrale, qui est celle du coût du travail, celle de la réduction des allègements généraux de cotisations patronales. Nous devons encore en discuter, puisque le Gouvernement, et je l'ai dit à plusieurs reprises, fait des propositions d'évolution de ce texte. Et là aussi, moi, je trouve ça très bien qu'on puisse être dans des logiques de discussion et de compromis. Aujourd'hui, le groupe Ensemble pour la République semble vouloir davantage que la proposition du Gouvernement, je l'entends. Et sur le fond, même, je leur réponds qu'ils ont raison. C'est juste que moi, j'ai aussi la problématique du redressement des comptes et qu'encore une fois, cet équilibre, ce chemin de crête, il faut s'y tenir.
Et donc je crois que revenir sur les allègements généraux à hauteur de la moitié ou un peu plus de la moitié, qui serait 2,5 milliards, par exemple, de reprises sur l'effort demandé, me paraîtrait un bon compromis, un bon consensus. J'espère, à l'heure où je vous parle, j'espère que le groupe Ensemble pour la République comprendra que cette évolution de la part du Gouvernement permettra d'avoir un compromis collectif, parce que les autres groupes, eux, trouvent que ce compromis est le bon.

ORIANE MANCINI
Mais ce n'est pas sûr, est-ce que Gabriel ATTAL, il ne fait pas aussi un peu monter les enchères politiquement pour faire passer sur le Gouvernement ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais écoutez, je laisse au groupe EPR le choix qui est le sien. J'ai cru comprendre qu'il le déciderait demain en réunion de groupe pour une position pour la CMP de mercredi. Donc je respecte les calendriers et nous le verrons ensemble.

ORIANE MANCINI
Mais quand même, Antoine ARMAND, le ministre de l'Économie, dit "Attention à l'impôt de trop". Est-ce que ces budgets, ce n'est pas un peu le reniement du macronisme ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non. Écoutez, si c'était le reniement du macronisme, je ne serais pas là pour le défendre, soyons très clairs. Je suis moi-même un macroniste chimiquement pur, de la même façon qu'Antoine ARMAND l'est. Nous avons une nécessité de redresser les comptes publics. Nous avons accompagné nos entreprises pendant la crise Covid et pendant la relance par dizaines de milliards d'euros. C'est bien de l'avoir fait. Ça a créé de l'emploi. Ça a permis d'avoir une croissance supérieure à nos voisins européens. Je ne le renie pas. Est-ce qu'on peut aussi se dire collectivement que les entreprises participent au redressement des comptes ? Oui, aussi, voilà. Donc la nuance et effectivement le compromis là-dessus n'est pas exclu dans ce contexte-là. Et oui, Antoine ARMAND a raison à dire "Attention à l'impôt de trop". Il a raison de le dire. Attention à ne pas créer un effet trop récessif là-dessus. Mais chacun aussi comprend, je suis sûr, au fond de cette équation très difficile, du fait que nous devons, à la fois, réduire notre déficit public, faire participer l'ensemble des acteurs économiques, c'est-à-dire l'État, mais aussi les entreprises, mais aussi les ménages, les plus fortunés, mais aussi, évidemment, les collectivités territoriales. Ce tout-là, je crois que chacun doit se sentir co-responsable.

ORIANE MANCINI
Sur le Sénat, dans le budget de la Sécurité sociale, le Sénat a voté 7 heures de travail annuel non rémunéré pour financer la dépendance. Le Gouvernement a donné un avis défavorable. Mais vous avez semblé plus défavorable sur une question de forme que sur une question de fond. Est-ce que ça veut dire que vous allez reprendre cette mesure dans un autre texte ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Nous verrons, d'abord, si cette mesure va au bout à l'issue de la commission mixte paritaire. Donc il faut d'abord que députés et sénateurs se mettent d'accord.

ORIANE MANCINI
Vous souhaitez qu'elle aille au bout ou pas ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Ce n'est pas à moi d'en décider. Pardon, de respecter vraiment les rôles de chacun. Le Gouvernement a donné un avis défavorable au Sénat. Cette mesure a néanmoins été adoptée. C'est le droit le plus souverain du Sénat. Elle sera présentée en commission mixte paritaire. Et nous verrons s'il y a une majorité de députés et sénateurs qui souhaitent néanmoins la garder dans le texte définitif. Moi, ce que j'ai toujours dit, c'est que cette mesure, elle est dans le bon sens tout simplement parce que si on veut continuer à avoir un niveau de protection sociale aussi élevé dans notre pays et qu'on veut toujours que le travail finance notre protection sociale, alors par une simple équation linéaire, il va falloir peut-être un peu plus de travail dans notre pays, dans un pays où on travaille quand même moins que nos voisins. C'est tout ce que je dis sur le fond. Après, sur la forme, est-ce qu'il faut davantage passer par une discussion avec les partenaires sociaux ? Probablement. Est-ce que cela doit passer par un amendement au PLFSS, là tout de suite ? Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure forme.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous allez l'engager, cette discussion avec les partenaires sociaux ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je crois que dans tous les cas, il faut l'avoir. Oui.

ORIANE MANCINI
Donc vous, vous y êtes favorable sur le fond ?

LAURENT SAINT-MARTIN
On voit bien que le Gouvernement de Michel BARNIER, le Premier ministre en tête et la ministre du Travail ont tout de suite entrepris de nouvelles discussions sur plein de sujets avec les partenaires sociaux. Je crois qu'on peut le mettre aussi à l'ordre du jour parmi tous les autres sujets.

ORIANE MANCINI
Il y a une autre mesure qui est concernante pour les Français qui a été votée par le Sénat, c'est la taxe Lapin pour pénaliser, pour responsabiliser les patients qui annulent leur rendez-vous. Le Gouvernement a donné un avis défavorable. Or, c'est Gabriel ATTAL qui avait lancé ce chantier quand il était Premier ministre. Du coup, pourquoi vous y opposez maintenant ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Alors, je laisserai la ministre de la Santé – plus experte que moi sur ces sujets-là – y répondre. Là aussi, est-ce que ça peut être quelque chose qui évolue dans le temps ? On verra. Si la commission mixte paritaire veut aller au bout là-dessus, pourquoi pas ? Moi, je crois que tout ce qui responsabilise, de toute façon, va dans le bon sens là-dessus. Après, il y a aussi... Dans ce sujet-là, c'est toujours plus compliqué que dans la vraie vie, comme on dit que... Mais vous savez, vous me dites "Attention à l'impôt de plus". Ça vaut pour tout le monde. Ça vaut aussi pour les ménages.

ORIANE MANCINI
Il y a un sujet qui va revenir au Parlement cette semaine. C'est la question des retraites et de l'abrogation de la réforme des retraites. Jeudi, à l'initiative de La France insoumise, les députés vont se prononcer. Vous êtes inquiets sur un vote favorable qui abrogerait cette réforme ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Moi, ce que je dis d'abord, sans présager du résultat du vote, c'est que nous avons en 2023, je crois, 13 000 amendements de la part des oppositions sur la réforme des retraites. 3 semaines de débat. J'ai du mal à comprendre comment, tout d'un coup, on saurait faire une abrogation de cette réforme-là en une journée, même pas. Bon, déjà, moi, ça questionne sur la forme. Car à un moment, si on respecte les débats dans un sens, il faut aussi les respecter dans l'autre.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que le socle commun va rendre l'appareil et mettre aussi des milliers d'amendements pour bloquer l'abrogation de la réforme des retraites ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Des milliers, je ne crois pas. Mais en tout cas, il y a besoin du débat. Et ça, ça me paraît important.

ORIANE MANCINI
Pour que ça arrive à minimer et qu'il n'y ait pas de vote ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non mais écoutez, ça, cette procédure-là, peu m'importe. Moi, ce qui m'importe, c'est est-ce qu'on aura de quoi faire des débats nécessaires ? Ce n'est pas rien. Et puis sur le fond, on est en période de nécessité urgente de redresser nos comptes. Quelle est la réponse de la France insoumise ? C'est commencer par abroger la réforme qui permet de commencer à équilibrer les comptes de l'assurance-vieillesse. Ce n'est pas sérieux. Vous voyez ce qu'on a en France ? On a des oppositions dont la première réplique dans la niche parlementaire, c'est d'annuler ce qui permet de commencer à équilibrer nos comptes sociaux. Ce n'est juste pas sérieux. Et je crois que les Français le savent. Cette réforme, elle a été difficile. Elle a été courageuse. Mais elle permet tout simplement d'assurer notre système par répartition intergénérationnelle. Donc elle est nécessaire.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que du coup, vous allez faire en sorte qu'elle n'aille pas au bout ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Revenir dessus… Moi, je suis totalement défavorable à son abrogation. Après, moi, je ne suis pas parlementaire. Je participerai au nom du Gouvernement avec d'autres ministres aux échanges que nous devrons avoir là-dessus. Et ça devra prendre le temps que ça prendra.

STEPHANE VERNAY
Sauf qu'on a vu que la semaine dernière, en commission des affaires sociales, la gauche et le Rassemblement national ont réussi à voter l'abrogation, enfin le projet de loi déjà. Donc ça montre bien qu'en fait, et la gauche et la droite et l'extrême-droite sont capables de s'entendre pour défaire le pouvoir. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que c'est ce qui va se passer jeudi prochain ? Et puis ensuite, à la fin des fins, autour du budget ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais vous avez raison. Moi, je pense…

STEPHANE VERNAY
Parce que ce n'est pas un super bon signe, quand même.

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, mais vous avez raison de le pointer. Qu'est-ce qu'on observe ? On observe que le Nouveau Front populaire, uni ensemble – et moi, c'est ça qui m'inquiète – ensemble, y compris avec les socialistes, vote avec le Rassemblement national régulièrement. On l'a vu pendant le projet de loi de finances à l'Assemblée et au PLFSS pour voter des impôts en plus. On le voit pour l'abrogation de la réforme des retraites, pardon, qui encore une fois – si c'est ça leur réponse, si c'est ça leur contre-budget – on est bien avancés. Et effectivement, ils ont bon dos de nous dire à l'extrême-gauche que le Gouvernement est dans la main du Rassemblement national. Pardon, là, ils ne sont pas dans la main, ils se serrent la main. D'accord ? Donc, je crois qu'à un moment donné, il faut aussi être réaliste sur ce qui se passe. Et on verra effectivement dès ce jeudi s'ils sont capables de se serrer la main sur l'abrogation d'une réforme qui est une réforme juste, qui est une réforme responsable d'équilibre de nos comptes sociaux. S'il n'y a pas cet équilibrage des comptes sociaux – pardon – il n'y a plus de régime par répartition demain pour nos enfants et pour nos petits-enfants.

STEPHANE VERNAY
Demain, c'est quand ? C'est vraiment... C'est dès l'année prochaine, etc. ? C'est quoi ? Concrètement, ça veut dire quoi si on abroge la réforme des retraites ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Ça veut dire que vous créez les conditions d'un déficit chronique et qui se creusent en permanence sur notre assurance vieillesse. Il y aura de moins en moins d'actifs dans notre pays.

STEPHANE VERNAY
Donc ça se traduirait mécaniquement par une baisse des pensions, par exemple ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Les retraites, on revient à l'éternel débat, c'est trois variables : le niveau des pensions, la durée de cotisation ou le taux de cotisation. Bon, nous, on a fait une réforme sur la durée du temps de travail, surtout au long de sa vie, puisqu'on travaille plus longtemps. Je crois que personne ne veut voir amputer sa feuille de paix avec des cotisations en plus. Et je crois que personne ne veut voir les retraités avec des pensions en moins. Et donc qu'on m'explique quelle est la solution et la contre-proposition du Rassemblement national et de l'extrême-gauche à cette proposition-là. Je note enfin, juste une chose, que dans l'abrogation, il y a aussi l'abrogation de la réforme Touraine.

STEPHANE VERNAY
C‘était voté par les socialistes en commission.

LAURENT SAINT-MARTIN
Donc j'ai hâte de voir si le groupe socialiste va devoir détricoter son propre bilan. Ce sera très intéressant.

ORIANE MANCINI
La France Insoumise qui a déposé une proposition noire pour abroger le délit d'apologie du terrorisme. Comment réagissez-vous ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je trouve ça honteux. Et au-delà du fond, parce que je ne veux même pas donner du crédit à cette proposition de loi qui est de la pure provoque, mais une pure provoque ignoble. Moi, encore une fois, la seule question que je pose, c'est aux autres groupes du Nouveau Front populaire. C'est la seule chose qui m'intéresse, parce que je ne donne aucun crédit à cette proposition de loi. Elle ne sera évidemment pas adoptée. Et je ne veux pas donner du bruit et de l'existence à de la provocation politique. En revanche, les socialistes, les écologistes et les communistes font partie d'un intergroupe solidaire de La France Insoumise. J'ai entendu des responsables socialistes s'indigner de cela. Enfin, l'indignation, c'est bien joli.

ORIANE MANCINI
Boris VALLAUD dit qu'ils ne la voteront pas.

LAURENT SAINT-MARTIN
D'accord. Mais ça ne suffit pas, pardon. Je crois qu'il est temps de se désolidariser de ce Nouveau Front populaire et de réfléchir ensemble à comment est-ce qu'on construit un avenir des socio-démocrates jusqu'à la droite républicaine pour ce pays. C'est ça, l'avenir de notre pays. Ce n'est pas un bloc de gauche qui devient de plus en plus radical, de plus en plus extrémiste jusqu'à aller vers ces propositions de loi. Mais vous vous rendez compte qu'entre 2012 et 2017, avec tout ce qui s'est passé dans notre pays, avec les attentats, avec la gravité de la lutte contre l'islamisme que nous avons eu à mener, nous avons aujourd'hui des propositions de loi qui viennent à provoquer ce sujet-là. C'est inadmissible. Et moi, j'attends des socialistes mais aussi des écologistes et des communistes qui se désolidarisent politiquement et pas uniquement sur un texte.

ORIANE MANCINI
Merci, Laurent SAINT-MARTIN.

LAURENT SAINT-MARTIN
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été avec nous. On suivra bien sûr, à partir de ce matin, l'examen du budget au Sénat. Ce sera suivi en direct sur notre antenne.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2024